8767e séance – matin
CS/14324

Conseil de sécurité : dans les Grands Lacs, des avancées politiques « encourageantes » doivent aller de pair avec la lutte contre l’exploitation illicite de minerais

« Au cours des derniers mois, la situation politique dans les Grands Lacs est restée globalement stable avec des avancées encourageantes », a déclaré ce matin au Conseil de sécurité l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour cette région, M. Huang Xia, tout en soulignant la nécessité de se pencher sur les causes profondes des conflits, dont l’exploitation illicite des ressources naturelles dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).

Venu présenter le rapport semestriel du Secrétaire général sur la mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité  et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région, M. Xia s’est exprimé par visioconférence tandis que les membres du Conseil étaient de retour pour la deuxième fois en cinq jours dans leur enceinte iconique, après avoir tenu leurs réunions en personne depuis juillet dans la salle du Conseil économique et social (ECOSOC), qui se prêtait davantage aux mesures de distanciation sociale.

Au cours des six derniers mois, a indiqué l’Envoyé spécial, plusieurs évènements positifs ont été constatés dans les Grands Lacs, à commencer par le transfert pacifique du pouvoir au Burundi, qui s’est traduit par le retour des réfugiés burundais en provenance du Rwanda et de la Tanzanie.  La Ministre congolaise des Affaires étrangères s’est d’ailleurs rendue à Bujumbura, la capitale burundaise, les 4 et 5 octobre, tandis que le 7, les Chefs d’États de la RDC, de l’Angola, de l’Ouganda, du Rwanda ont tenu un mini-sommet par visioconférence pour discuter de la coopération sécuritaire et économique régionale.

L’Envoyé spécial s’est également félicité que les pays de la région aient de plus en plus recouru à la concertation diplomatique et aux mécanismes régionaux pour résoudre pacifiquement leurs différends.  C’est le cas de la RDC et de la Zambie, qui sont parvenues à un accord sur leur différend frontalier.  Parallèlement, le Rwanda et l’Ouganda se sont engagés à poursuivre le processus de normalisation de leurs relations grâce aux bons offices de l’Angola et de la RDC, a encore relevé le haut fonctionnaire.

Bien « qu’encourageants », ces efforts devront se poursuivre et se renforcer à l’occasion du prochain Sommet du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre , a préconisé M. Xia.  Son Bureau, qui a fait de l’appui au dialogue intergouvernemental l’une de ses priorités, tient des consultations régulières avec les capitales régionales et la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) afin d’identifier des moyens de soutenir les efforts du Mécanisme conjoint de vérification élargi de cette organisation sous-régionale.

Comme l’Envoyé spécial, les membres du Conseil se sont réjouis de ces initiatives régionales, qu’il s’agisse du Royaume-Uni, de l’Estonie, des États-Unis ou encore de la Tunisie qui s’est exprimée au nom du Groupe A3+1, formé du Niger, de l’Afrique du Sud et de Saint-Vincent-et-les Grenadines.  Pour autant, ils ont souligné la nécessité pour les pays de la région de se pencher sur les « causes profondes et complexes » de l’instabilité, selon les mots de la Chine.

À la suite du Secrétaire général dans son rapport, la plupart des membres du Conseil ont plaidé pour « une solution globale au problème de l’exploitation et du commerce illicites des ressources naturelles », identifié comme la principale source d’insécurité, d’instabilité et de tensions dans la sous-région.  Le trafic de minerais est aussi la principale source de financement des groupes armés, notamment dans l’est de la RDC, a rappelé l’Envoyé spécial.

Les résultats préliminaires d’une étude commandée par son Bureau révèlent que, même en pleine pandémie de COVID-19, le commerce illicite de minerais dans la région n’a, hélas, pas baissé d’intensité, principalement eu égard à la bonne tenue des cours de l’or, « valeur-refuge par excellence pendant les périodes d’incertitude  ».

Une analyse appuyée par la délégation de la RDC elle-même, pour laquelle « nous ne gagnerons jamais la bataille en faveur de la paix dans la région des Grands Lacs si les groupes armés ne sont pas coupés de leurs moyens de subsistance qui leur permettent de poursuivre leurs activités nuisibles ». 

Dans son rapport, le Secrétaire général fait état d’attaques contre les civils et les militaires, perpétrées par les Forces démocratiques alliées (ADF), qui ont tué plus de 60 civils et quatre soldats entre le 14  mai et le 22 juin et sont soupçonnés d’avoir tué une quarantaine d’autres au Nord-Kivu pendant la période du 5 avril au 23 juin, dont un soldat de la paix des Nations Unies.  L’Armée de résistance du Seigneur (LRA) aurait pour sa part enlevé pas moins de six civils et en aurait temporairement détenu 92 autres, capturés lors d’embuscades et d’attaques commises dans le Bas-Uélé.

Ces attaques doivent aussi mener les pays de la région à exercer un meilleur contrôle sur la circulation des armes légères et de petit calibre et le contrôle des ressources naturelles, a plaidé la République dominicaine.  La France a pour sa part demandé aux autorités locales d’« envisager une manière différente de faire des affaires en s’attaquant au flux illicite de minerais qui finance les groupes armés », les États-Unis penchant pour « un schéma de valorisation des ressources naturelles et une filière extractive transparente ».

La Chine et la Fédération de Russie ont par ailleurs estimé que, compte tenu de l’évolution positive de la situation au Burundi, celle-ci devrait être retirée de l’ordre du jour du Conseil de sécurité, dans la mesure où elle ne constitue plus selon ces délégations une menace à la paix et à la sécurité internationales.

LA SITUATION DANS LA RÉGION DES GRANDS LACS (S/2020/951)

Déclarations

M. HUANG XIA, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs, a déclaré que la situation dans la région des Grands Lacs au cours des derniers mois est restée globalement stable avec des avancées encourageantes, en dépit de défis persistants.  Sur le plan politique, il a salué le transfert pacifique du pouvoir au Burundi suite aux élections générales de mai 2020 et les perspectives en vue d’une plus grande stabilité régionale, comme l’ont démontré le retour des réfugiés Burundais en provenance du Rwanda et de Tanzanie, ainsi que la visite de la Ministre congolais des affaires étrangères à Bujumbura les 4 et 5 octobre derniers.  Il a également salué l’organisation, le 7 octobre dernier, par le Président Tshisekedi de la RDC, d’un mini-Sommet réunissant ses pairs angolais, ougandais et rwandais en vue de discuter des questions importantes, relatives à la coopération sécuritaire et économique.  « Cette initiative dénote un engagement soutenu des dirigeants de la région en faveur d’efforts conjoints qui, je l’espère, pourra être renforcée lors du prochain Sommet du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre », a estimé le haut fonctionnaire.  M. Xia s’est par ailleurs félicité du recours, par les pays de la région, aux moyens diplomatiques et aux mécanismes régionaux pour résoudre leurs différends de façon pacifique, comme en témoigne la résolution du différend frontalier entre la RDC et la Zambie.  L’engagement du Rwanda et de l’Ouganda à poursuivre le processus de normalisation de leurs relations, à travers les bons offices de l’Angola et de la RDC, est un autre exemple positif à relever dans la région.  

« Au niveau sécuritaire et humanitaire, la situation demeure cependant toujours inquiétante dans l’est de la RDC.  Des incidents transfrontaliers sporadiques et l’activisme des groupes armés opérant dans l’est de la RDC continuent d’être la cause de souffrances humaines intolérables.  L’impunité dont jouissent les responsables de ces crimes traumatise les populations et affecte négativement les relations entre les pays.  Nous devons donc renforcer nos efforts en faveur de la lutte contre l’impunité  », a recommandé l’Envoyé spécial, qui entend poursuivre son action de plaidoyer auprès des pays de la région pour qu’ils renforcent leur dispositif de lutte contre l’impunité, notamment à travers une mise en œuvre effective de la Déclaration de Nairobi sur la justice et la bonne gouvernance.  

Il a ensuite évoqué certaines des initiatives qu’il a menées depuis avril dernier, en collaboration notamment avec l’Union africaine et la CIRGL, afin de faire avancer la mise en œuvre de l’Accord-cadre.  S’agissant de la « mobilisation de la communauté internationale en faveur des pays de la région », sa première priorité, « nous avons plaidé auprès de la Commission de consolidation de la paix et des institutions financières internationales pour un accompagnement soutenu de la région face aux conséquences néfastes de la pandémie.  Les ressources mobilisées au profit des pays de la région jusqu’ici ont été importantes, mais encore jugées insuffisantes par le FMI pour amorcer une politique de relance ambitieuse ».  Aussi, M. Xia a-t-il réitéré l’importance d’un appui accru des partenaires internationaux aux pays de la région: nous devons tenter de faciliter leur accès aux options d’allégement financier les mieux adaptées à leurs besoins, y compris, mais sans s’y limiter, les initiatives d’allégement et de restructuration de la dette, a-t-il précisé. 

En ce qui concerne l’appui aux efforts de dialogue, la deuxième priorité de l’Envoyé spécial, les consultations fructueuses qu’il a eues avec les autorités de l’Angola, du Burundi, de la RDC, de l’Ouganda et du Rwanda, parmi d’autres, donnent de l’espoir quant à l’amélioration des relations de bon voisinage et de la stabilité régionale.  Son Bureau est par ailleurs resté en échange étroit avec la CIRGL afin d’identifier des pistes d’action pour un soutien accru aux efforts du Mécanisme conjoint de vérification élargi et il continuera de travailler à la promotion de mesures non-militaires, telles que le renforcement de programmes de DDR/RR au niveau régional. 

S’agissant des efforts visant la promotion d’une exploitation transparente et durable des ressources naturelles, la quatrième priorité de l’Envoyé spécial, les résultats préliminaires d’une étude ont montré que, même en pleine pandémie, le commerce illicite de minerais dans la région n’a, hélas, pas baissé d’intensité, principalement eu égard à la bonne tenue des prix de l’or, « valeur-refuge par excellence pendant les périodes d’incertitude  ».  Quant à sa cinquième priorité, il note avec satisfaction la décision de la RDC d’organiser une réunion virtuelle du Mécanisme régional de suivi, afin de surmonter les contraintes qu’impose la pandémie.  La Conférence sur l’investissement et le commerce sera quant à elle organisée par les autorités rwandaises en 2021, a précisé le haut fonctionnaire. 

« À l’heure où se célèbre le vingtième anniversaire de la résolution 1325, il a salué les progrès réalisés dans la région des Grands Lacs dont certains pays comptent parmi les 25 nations affichant les meilleurs taux de représentation de femmes dans les Parlements dans le monde.  Toutefois, conscient des défis qui demeurent, son Bureau a organisé les 28 juillet, 11 août et 20 août trois tables rondes autour de l’entreprenariat privé des femmes, la prévention des violences sexuelles et sexistes, ainsi que la participation politique des femmes dans le contexte de la COVID-19 : «  Les conclusions de ces consultations recommandent une pleine intégration de l’agenda femmes, paix et sécurité dans les efforts de consolidation de la paix et de développement dans la région des Grands Lacs, notamment par le biais de partenariats renforcés et d’un engagement effectif avec les femmes et les jeunes. »

L’Envoyés spécial a ensuite informé les membres du Conseil avoir soumis la Stratégie des Nations Unies pour la consolidation de la paix, la prévention et la résolution des conflits dans la région des Grands Lacs hier au Secrétaire général de l’ONU : « Je puis d’ores et déjà signaler que 10 priorités, structurées autour de trois piliers, à savoir paix, sécurité et justice, développement durable et prospérité partagée, résilience aux anciens et nouveaux défis, se sont dégagées des différentes consultations menées. »  Elles visent à fournir un horizon global de 10 ans pour l’action des Nations Unies dans la région, tout en se concentrant sur un certain nombre d’actions concrètes, notamment en matière de diplomatie préventive, de coopération sécuritaire, de développement, de promotion de droits de l’homme, de renforcement du rôle des femmes et des jeunes d’ici à 2023, année qui marquera le dixième anniversaire de l’Accord-cadre.  

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) s’est félicité des développements positifs des derniers mois, en saluant notamment la poursuite des consultations facilitées par la République démocratique du Congo et l’Angola entre le Rwanda et l’Ouganda, l’approche commune sur la démarcation des frontières entre la République démocratique du Congo et la Zambie, l’accord entre la République démocratique du Congo et l’Ouganda pour renforcer leur coopération sur les questions de sécurité, ainsi que le Sommet sur les Grands Lacs organisé à l’initiative de la République démocratique du Congo le 7 octobre dernier.  « Il est essentiel de prolonger la dynamique encourageante engagée depuis l’élection du président Tshisekedi, à laquelle la transition politique au Burundi pourrait également contribuer afin de réduire encore les tensions et consolider la confiance », a estimé le représentant. 

La poursuite de cette dynamique régionale est indispensable pour répondre aux défis sécuritaires et atteindre l’objectif commun de stabilisation de la région des Grands lacs.  La situation de la région reste malheureusement marquée par les activités de groupes armés, notamment à l’est de la République démocratique du Congo, s’est désolé M. De Rivière, tout en appuyant le travail sans relâche de la MONUSCO. 

Plus globalement, la région doit aussi traiter des causes profondes de l’instabilité, a-t-il analysé.  L’élaboration d’un schéma de valorisation des ressources naturelles et d’une filière extractive transparente contribuerait à la lutte contre leur exploitation illégale, a estimé la France, qui prend toute sa part aux efforts collectifs de régulation dans la perspective de l’entrée en vigueur au 1er janvier du règlement sur les minerais provenant des zones de conflit.  Son gouvernement se tient prêt à participer à l’atelier programmé avec la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs.  La définition de cadres nationaux et régionaux de désarmement-démobilisation-réinsertion des groupes armés permettrait leur retour durable dans les communautés, a estimé M. De Rivière.  En République démocratique du Congo, les progrès en la matière avec le groupe FRPI doivent rapidement être consolidés pour prévenir un retour à la violence, a-t-il ajouté. 

Les efforts doivent par ailleurs porter sur les droits de l’Homme et la lutte contre les violences sexuelles et fondées sur le genre, qui sont une entrave à la paix et à la stabilité dans la région, a poursuivi la France.  Le droit international humanitaire doit être respecté, de pair avec un renforcement de l’État de droit, une réforme du secteur de la sécurité et de la justice, ainsi que la lutte contre la corruption et contre l’impunité.  La France a retenu les Grands lacs comme une des zones prioritaires de son Plan national d’action pour mettre en œuvre l’agenda « Femmes, paix et sécurité ». 

Cela a été dit, la pandémie de COVID-19 affecte tout particulièrement les femmes, les réfugiés, les personnes déplacées et elle a contribué à aggraver l’insécurité alimentaire, en particulier en République démocratique du Congo, a observé la délégation.  Là aussi, la coopération régionale est indispensable et le représentant a donc salué l’engagement de la République démocratique du Congo, du Rwanda, de l’Angola et de l’Ouganda la semaine dernière pour établir un plan transfrontalier de lutte contre la COVID-19.  « La France, elle, prend sa part en soutien à la région en orientant 1,2 milliard d’euros de notre aide au développement sur les enjeux de santé en Afrique », a conclu le représentant. 

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) s’est dit particulièrement préoccupé par les attaques constantes observées en République démocratique du Congo (RDC) par des groupes armés étrangers et locaux contre les populations locales et l’armée nationale.  Dans ce contexte, il a appelé les dirigeants de la région à exercer un meilleur contrôle sur la circulation des armes légères et de petit calibre et le contrôle des ressources naturelles.  Il a souligné les difficultés de la RDC à faire face à un grand nombre de déplacés internes mais aussi un grand nombre de réfugiés provenant d’autres pays.  Le délégué a encouragé les pays bailleurs de fonds à accroître leur aide publique au développement et à promouvoir des programmes financiers novateurs dans la région, avant d’exhorter les pays développés à alléger la dette des pays les plus touchés par l’épidémie de Covid-19.  Il a appelé les signataires de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération à continuer d’œuvrer pour la paix, le développement et le respect des droits de l’homme dans la région, en garantissant la participation des femmes et des jeunes au processus de paix. 

M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a relevé que la pandémie de COVID-19 avait accentué la pression sur les nombreux défis interdépendants dans la région: conflits avec les groupes armés, violations et abus des droits de l’homme, difficultés socioéconomiques.  Partant, l’approche régionale est la bonne, a-t-il dit en saluant le mini-sommet que le Président Tshisekedi a accueilli la semaine dernière et les solutions aux différends frontaliers facilitées par la Communauté de développement de l’Afrique australe.  

Le représentant a condamné la violence perpétrée par les groupes armés dans la région, en particulier en République démocratique du Congo et en République centrafricaine.  Il s’est alarmé de l’accroissement de la violence sexiste et sexuelle, du déplacement incessant des populations et des violations graves des droits des enfants, avant d’exiger que leurs auteurs rendent des comptes pour mettre fin à la culture d’impunité.  Selon lui, une mise en œuvre rapide et robuste de la Déclaration de Nairobi sur la justice et la bonne gouvernance contribuerait largement à ces efforts.  M. Jürgenson a en outre encouragé la promotion de la participation des femmes dans les processus politiques et électoraux en prévision des élections dans plusieurs pays de la région.  Il a enfin encouragé les signataires et garants du cadre de travail sur la coopération, la paix et la sécurité de renforcer la coopération et de recourir à des solutions novatrices pour s’attaquer aux défis régionaux.  

M. GUENTER SAUTTER (Allemagne) a réaffirmé à son tour la nécessité d’une coopération régionale resserrée dans les Grands Lacs tout en s’inquiétant de l’impact de la COVID-19 sur les infrastructures sanitaires et d’autres secteurs.  Notant la persistance des violations des droits de l’homme dans la région, il a préconisé que l’on se penche sur les causes sous-jacentes de l’instabilité.   À cet égard, les organisations régionales comme la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs, et l’Union africaine, jouent un rôle indispensable.  Le représentant s’est également dit inquiet de la situation dans l’est de la République démocratique du Congo, appelant à l’amélioration des mesures en matière de renseignement et de sécurité aux frontières.  Il a ensuite demandé que se tienne la réunion du Mécanisme de suivi dans les meilleurs délais.  Après avoir relevé que le Burundi semble être prêt à normaliser ses relations avec ses voisins et avec la communauté internationale, le représentant allemand a plaidé en faveur de « changements visibles », au vu du rétrécissement de l’espace démocratique et de la poursuite des violations des droits de l’homme dans ce pays.  

M. JAMES PAUL ROSCOE (Royaume-Uni) s’est félicité des efforts réalisés pour améliorer les mécanismes de suivi de la coopération régionale.  Il a demandé la reprise au plus vite des efforts de consultations, y compris par voie virtuelle.  Le mini-sommet de la semaine dernière ainsi que l’initiative de la SADC pour régler les différends frontaliers sont deux bons exemples de coopération, a estimé le représentant qui a recommandé de poursuivre cette dynamique de consultations et pourparlers. 

Il est essentiel que tous les retours de réfugiés soient réellement faits sur une base volontaire, a poursuivi M. Roscoe.  D’autre part, il faut selon lui que les élections prévues soient justes, transparentes et régulières.  Il s’est par ailleurs inquiété de la contrebande des ressources naturelles et a encouragé à une coopération dans lutte contre ce phénomène.  Le délégué a repris à son compte l’appel du Secrétaire général pour que les dirigeants de la région continuent à œuvrer pour la paix et la sécurité.  Enfin, il a salué le travail de l’Envoyé spécial du Secrétaire général et des missions onusiennes dans la région. 

Prenant la parole du nom du Groupe A3+1 (Niger, Afrique du Sud et Saint-Vincent-et-les Grenadines), M. ADEL BEN LAGHA (Tunisie) a salué les dynamiques diplomatiques très actives des pays de la région et leur volonté manifeste de résoudre leurs différends par la voie du dialogue et les canaux diplomatiques.  Néanmoins, il s’est inquiété des activités persistantes des groupes armés comme les Forces démocratiques alliées (ADF), les anciens membres du Groupe M23 et l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), qui continuent de mener des attaques contre les populations et les forces armées nationales des pays de la région.   Le représentant a ensuite salué l’implication de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), de l’Organisation des Nations Unies et de l’Union africaine dans la mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix et la sécurité.   Il a jugé par ailleurs important de lutter contre l’exploitation et le commerce illégaux des ressources naturelles qui demeurent une source d’insécurité et d’instabilité et un frein au développement durable de la région.  La délégation a tout particulièrement salué l’initiative du Secrétaire général et de son Envoyé spécial pour lancer une série de consultations avec les parties prenantes nationales, régionales et internationales afin d’élaborer une stratégie des Nations Unies pour la consolidation de la paix ainsi que le règlement et la prévention des conflits dans la région des Grands Lacs. 

M. SCOTT TURNER (États-Unis) a rappelé qu’octobre est un mois important pour l’engagement de l’ONU dans la région des Grands Lacs, avec trois rapports importants à venir – concernant la stratégie régionale des Nations Unies pour les Grands Lacs ; l’évaluation du rôle de l’ONU au Burundi ; et la stratégie de retrait de l’opération de paix des Nations Unies en RDC.  Sa délégation s’est dit heureuse de constater que les gouvernements de la région ont déjà pris des mesures importantes en vue d’améliorer la stabilité, en particulier ceux de la RDC et de la Zambie, soutenus par la SADC, qui œuvrent à résoudre un différend frontalier de longue date.  À l’instar d’autres orateurs, M. Turner s’est aussi félicité des réunions qui se sont tenues entre les responsables sécuritaires rwandais et burundais, ainsi que des progrès continus pour régler les désaccords entre l’Ouganda et le Rwanda, une nouvelle qui « est de bon augure pour la stabilité régionale ».  Simultanément, les États-Unis sont déçus des informations faisant état de violations du cadre de paix, de sécurité et de coopération et des nombreuses allégations selon lesquelles des troupes auraient mené des attaques et des opérations hors de leurs frontières, soulignant la nécessité pour tous les gouvernements de respecter leurs engagements dans le cadre du CPS.  « Ces incidents doivent cesser et les responsables doivent être tenus pour responsables », a tranché la délégation. 

Les États-Unis ont donc demandé aux mécanismes de contrôle régionaux de s’attaquer « sérieusement » à ces violations et de prendre des mesures pour que de telles violations ne se reproduisent plus, se tournant notamment vers l’Envoyé spécial Xia et son équipe : «  Votre rôle est plus crucial que jamais.  Nous exhortons votre bureau à innover, notamment en utilisant la technologie de visioconférence pour aider les gouvernements à poursuivre les conversations qui ont débuté », a souligné M. Turner.  Saluant les efforts du Président Tshisekedi pour dynamiser la réconciliation régionale par le biais d’un « sommet virtuel du Congo oriental », le représentant a émis l’espoir que des conversations comme celles-ci pourront maintenir l’élan d’un dialogue indispensable entre les chefs d’État, pour déboucher sur des propositions concrètes d’intégration économique régionale.  « Nous avons une rare opportunité de travailler ensemble pour résoudre les problèmes de longue date qui ont un impact sur la sécurité de tous les pays des Grands Lacs.  Les gouvernements régionaux pourraient envisager une manière différente de faire des affaires en s’attaquant au flux illicite de minerais qui finance les groupes armés », a considéré la délégation. 

Enfin, les États-Unis se sont dit très préoccupés des informations faisant état d’exploitation et d’abus sexuels généralisés par du personnel qui prétendait être employé par des organisations internationales et des agences de secours privées dans le cadre de la riposte à Ebola.  « Nous exhortons les organisations et agences impliquées à veiller à ce que leurs enquêtes récemment annoncées soient approfondies et se concluent en temps opportun par des mesures appropriées pour traiter la situation d’une manière qui prenne les survivants en compte », a conclu la délégation. 

M. BING DAI (Chine) a jugé crucial que les pays signataires de l’Accord-cadre s’engagent pleinement à le mettre en œuvre, notamment en respectant l’intégrité territoriale des autres États.  « C’est un préalable à la paix et au renforcement de la confiance et des relations de bons voisinages. »  Du point de vue de la Chine, pour parvenir à cet objectif, il faut d’autres préalables, parmi lesquels la poursuite sans cesse des réformes politiques.  La communauté internationale peut et doit aider à créer un environnement propice à la bonne gouvernance, a estimé le représentant.  Compte-tenu du fait que la situation au Burundi s’est considérablement améliorée, il a considéré que le Conseil de sécurité pouvait retirer ce pays de son agenda.  

Le représentant a également jugé « important » de lutter contre les causes « profondes et complexes » des conflits dans la région.  Selon lui, il faudrait renforcer la coopération dans la lutte contre l’exploitation illicite des ressources naturelles, tout en promouvant des investissements dans ce domaine.  Pour cette raison, la Chine appuie la proposition de tenir une conférence internationale pour favoriser les investissements étrangers directs, a indiqué le délégué.  

Dans une déclaration conjointe avec le Viet Nam, M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a affirmé qu’avec la pandémie, l’engagement et le leadership des signataires et des garants de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération s’avèrent plus importants que jamais.  Il a jugé vital, dans ce contexte, de se pencher sur les causes profondes de l’instabilité dans la région avant de se féliciter des progrès réalisés, notamment les efforts congolais tendant à instaurer un climat politique propice, la transition pacifique au Burundi et les engagements régionaux en faveur de la paix avec les voisins. Appuyant en outre les bons offices du Secrétaire général et de son Envoyé spécial, il a dit attendre la nouvelle stratégie de l’ONU pour la région des Grands Lacs. Néanmoins, la situation sécuritaire volatile fait qu’il faut encore améliorer le processus de réconciliation aux niveaux national et régional, répondre aux menaces posées par les groupes armés, renforcer la gouvernance des ressources naturelles et offrir aux pays des opportunités de développement, faute de quoi, on risque de perdre les acquis et voir l’instabilité s’aggraver. 

Le représentant a encouragé le Conseil à appuyer le travail des organisations régionales et des Missions de l’ONU.  Il a expliqué qu’en tant que deux nations de l’ASEAN siégeant au Conseil de sécurité, le Viet Nam et l’Indonésie saisissent parfaitement l’importance de la coopération régionale et sous régionale.  Pour cette raison, les deux pays saluent les engagements de la Conférence internationale de la région des Grands Lacs et de la SADC dans la facilitation de négociations frontalières, d’élections générales paisibles et d’amélioration des efforts de lutte contre la COVID-19.  Le représentant a souligné que les pays de l’ASEAN ont déployé plus de 1 600 hommes en uniforme dans plusieurs missions de paix de la région.  Il a, en conclusion, invité à accorder la priorité à l’assistance humanitaire compte tenu de la crise mondiale engendrée par la COVID-19.  

M. PHILIPPE KRIDELKA (Belgique) a salué les efforts déployés par l’ONU pour appliquer l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo (RDC) et la région des Grands Lacs, ainsi que pour mettre en œuvre une nouvelle approche pour le Burundi.  Il a jugé important de lutter contre l’exploitation et le commerce illégaux des ressources naturelles qui demeurent une source d’insécurité et d’instabilité.  Il s’est dit convaincu que la nouvelle stratégie englobera tous les piliers de l’ONU y compris le développement durable et les droits de l’homme, et permettra la sortie progressive de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en RDC (MONUSCO) et l’adaptation de la présence de l’ONU au Burundi. 

Le représentant a salué l’importance continue des bons offices de l’Envoyé spécial et de l’implication de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), de l’ONU et de l’Union africaine.  Il a souhaité que l’accès à la présidence de l’Union africaine en 2021 permette à la RDC de donner un nouvel élan à la paix et à la coopération dans la région des Grands Lacs, ajoutant que les problèmes régionaux nécessitent des solutions régionales.  Dans ce contexte, il a assuré que la Belgique soutiendra les efforts congolais dans la période à venir.  Par ailleurs, il a noté que les récentes condamnations de policiers et militaires ayant commis des violences sexuelles constituent une évolution importante dans la lutte contre l’impunité. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a regretté que l’armée congolaise et les forces de l’ONU qui la soutiennent n’aient pu encore réaliser de percée véritable contre les groupes armés illégaux qui sévissent dans la région des Grands Lacs.  Il a salué la volonté des pays de la région de renforcer leur coopération en mettant en œuvre le Cadre stratégique de l’ONU pour la région des Grands Lacs, établi en 2016, ainsi que le rôle de la SADC pour appuyer les initiatives visant à faciliter le dialogue et à instaurer la confiance, comme le processus quadripartite et les efforts de règlement pacifique du différend frontalier opposant la République démocratique du Congo et la Zambie.  La délégation russe s’est félicitée aussi de la normalisation en cours des relations entre la RDC et l’Ouganda qui s’est traduit par une entrevue en visioconférence le 7 octobre dernier.  Elle s’est enfin félicitée du travail réalisé par l’Envoyé spécial en vue de renforcer la compréhension mutuelle. 

Le représentant russe a exhorté tous les États à appliquer scrupuleusement l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la république démocratique du Congo et la région, en estimant qu’il demeure un instrument juridique essentiel à la stabilisation de la région.  Il s’est enfin félicité du rapatriement au Burundi de nombreux réfugiés en provenance des États limitrophes en notant que la situation au Burundi ne constitue plus une menace à la paix et à la sécurité internationales. 

M. PAUL LOSOKO EFAMBE EMPOLE (République démocratique du Congo) a assuré que sur le plan politique, la situation dans la région des Grands Lacs reste dominée par la nouvelle dynamique impulsée par les efforts diplomatiques menés depuis le début de l’année 2019 par les Chefs d’État de l’Angola, de la RDC, de l’Ouganda et du Rwanda.  Ces efforts ont « sensiblement » contribué à un apaisement des tensions dans la région, renforcé les relations entre leurs pays et restauré la confiance entre leurs gouvernements respectifs.  Dans le contexte de la pandémie, les quatre Chefs d’État, à l’initiative de celui de la RDC ont tenu le 7 octobre dernier, par visioconférence, un mini-sommet, pour entretenir l’esprit de dialogue et discuter des questions qui intéressent la région, notamment la décrispation, les relations diplomatiques, l’économie et l’activisme des groupes armés.  Le même Président de la RDC a rendu visite à son homologue de la République du Congo, tandis que la Ministre congolaise des affaires étrangères a séjourné les 4 et 5 octobre 2020 à Bujumbura au Burundi pour une visite de travail dans le cadre de la deuxième session de la consultation ministérielle bilatérale sur la paix et la sécurité entre le Burundi et la RDC. 

Parallèlement à ces efforts diplomatiques, un engagement militaire existe, par le biais d’opérations offensives des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) contre les groupes armés sévissant dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, conformément à l’engagement pris par le Présidente de la République et Chef de l’État, d’y apporter la paix et la stabilité.  Ces opérations militaires de grande envergure, lancées le 30 octobre 2019, ont permis aux FARDC de s’emparer de plusieurs bases des Forces démocratiques alliées (ADF) et d’affaiblir sensiblement plusieurs autres groupes armés aussi bien nationaux qu’étrangers.  Mais l’insécurité n’est pas finie pour autant, a reconnu la délégation.  Pour cette raison, la RDC compte notamment sur le renforcement des capacités offensives de la MONUSCO, de la Brigade d’Intervention Rapide (BIR), de la collaboration des pays de la région et de l’appui de la communauté internationale dans la lutte contre l’exploitation et le trafic illicites des minerais de la RDC. 

Car l’exploitation illégale des ressources naturelles en RDC est le principal facteur d’instabilité et de violence dans l’est de la RDC, a développé le représentant, qui y a vu une source de méfiance et de tensions entre les pays de la région, en plus de constituer la principale source de financement des activités illicites des groupes armés.  « Nous ne gagnerons jamais la bataille en faveur de la paix dans la région des Grands Lacs si les groupes armés ne sont pas coupés de leurs moyens de subsistance qui leur permettent de poursuivre leurs activités nuisibles », a-t-il analysé, en rappelant la résolution  2502 (2019) du Conseil de sécurité qui appelle le Bureau de l’Envoyé spécial et la MONUSCO à collaborer avec toutes les parties prenantes, afin de parvenir à une solution politique pour mettre un terme aux flux transfrontières de combattants armés et à l’exploitation et au commerce illicites des minerais. 

En ce qui la concerne, la RDC continuera à mettre en œuvre tous ses engagements nationaux, régionaux et internationaux pris aux termes de l’Accord-cadre et à assumer sa part de responsabilité pour que la paix et la concorde reviennent complètement dans la région, a-t-il aussi assuré.  À ce sujet, comme le fait observer le Secrétaire général dans le rapport à l’ordre du jour du Conseil, le Gouvernement congolais a pris des mesures concrètes à cet égard, notamment le renouvellement du Programme national de stabilisation et de reconstruction des zones sortant des conflits armés (STAREC) afin de consolider davantage l’autorité de l’État, ainsi que la poursuite du dialogue au niveau communautaire en Ituri, par le Gouvernement et la MONUSCO, dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord signé avec le Front de résistance patriotique de l’Ituri (FRPI) le 28 février pour son désarmement, sa démobilisation et sa réintégration.

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