SC/14283

Déclaration publique de la Présidente du Groupe de travail sur les enfants et les conflits armés

Le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés a décidé, à l’occasion de l’examen du cinquième rapport du Secrétaire général sur le sort des enfants dans le conflit armé en Somalie (S/2020/174), d’adresser, sous la forme d’une déclaration publique de sa présidente, le message suivant:

À toutes les parties au conflit armé en Somalie mentionnées dans le rapport du Secrétaire général, en particulier les Chabab et Ahl al-Sunna wal-Jama’a, ainsi que l’Armée nationale somalienne, la Police somalienne, les forces régionales somaliennes et les milices de clan:

  • se déclare vivement préoccupé par le nombre invariablement élevé de violations et d’atteintes commises sur la personne d’enfants par toutes les parties au conflit en Somalie et par les effets disproportionnés de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) sur les enfants, qu’il condamne fermement, et prie instamment toutes les parties au conflit de faire cesser immédiatement et de prévenir toutes les violations du droit international applicable, dont le recrutement et l’utilisation d’enfants, les meurtres ou atteintes à l’intégrité physique, les viols et autres formes de violence sexuelle, les enlèvements, les attaques contre des écoles et des hôpitaux et le refus de l’accès humanitaire, et de s’acquitter des obligations que leur impose le droit international;
  • demande aux parties de continuer de donner suite à ses conclusions précédentes concernant la Somalie (S/AC.51/2007/14, S/AC.51/2008/14, S/AC.51/2011/2 et S/AC.51/2017/2);
  • souligne qu’il importe d’appliquer le principe de responsabilité concernant toutes les violations et les exactions dont sont victimes les enfants en temps de conflit armé et de faire traduire en justice tous les responsables et de les amener à répondre de leurs actes, notamment par la conduite exhaustive, indépendante, rapide et systématique d’enquêtes et, s’il y a lieu, l’ouverture de poursuites judiciaires et l’établissement de leur culpabilité;
  • se dit profondément préoccupé par le nombre élevé d’enfants recrutés et utilisés, essentiellement par les Chabab, condamne ces pratiques, et demande instamment à toutes les parties au conflit, en particulier aux Chabab et aux forces de sécurité somaliennes, de libérer immédiatement et sans condition tous les enfants qui leur sont associés, et de faire cesser et de prévenir le recrutement et l’utilisation d’enfants, notamment le ré-enrôlement d’enfants qui ont été libérés;
  • s’inquiète profondément de ce que des enfants soient privés de liberté en raison de leur association, réelle ou présumée, à des groupes ou des forces armés; prie instamment le Gouvernement fédéral somalien de respecter les obligations que lui impose la Convention relative aux droits de l’enfant, en particulier celle de ne recourir à l’arrestation, à la détention et à l’emprisonnement d’enfants qu’en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible, et de faire de l’intérêt supérieur de l’enfant une considération primordiale dans les décisions qui concernent les enfants, et de donner la priorité à la réinsertion de ces derniers, conformément aux Principes directeurs relatifs aux enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés (Principes de Paris), qu’il a approuvés; exhorte le Gouvernement fédéral somalien à appliquer les instructions permanentes pour la prise en charge et la remise des enfants démobilisés des groupes armés, approuvées par la Somalie en 2014, notamment en traitant les enfants associés aux groupes armés avant tout comme des victimes; demande la mise en place de programmes de réintégration durables et complets;
  • se déclare très préoccupé par le grand nombre d’enfants tués ou mutilés ou victimes de tirs croisés, de l’absence de mesures de protection adéquates à leur égard pendant les conflits armés, d’attaques indiscriminées à l’engin explosif improvisé, de restes explosifs de guerre, d’assassinats ciblés et de frappes aériennes, et engage vivement toutes les parties à prendre des mesures particulières pour protéger les enfants et pour respecter les obligations que leur impose le droit international humanitaire, notamment les principes de discrimination et de proportionnalité et l’obligation de prendre toutes les précautions possibles pour éviter ou, en tout état de cause, réduire autant que faire se peut les dommages causés aux civils ou aux biens de caractère civil;
  • s’inquiète vivement du nombre élevé de cas de viols et d’autres formes de violence sexuelle perpétrés contre des enfants, y compris les tentatives de viol et de mariage forcé, notant que, si les groupes armés sont responsables de la majorité de ces infractions, les forces de sécurité somaliennes et les forces régionales en sont responsables pour un tiers, demande instamment à toutes les parties au conflit armé de prendre des mesures immédiates et ciblées pour faire cesser et prévenir la perpétration de viols et d’autres formes de violence sexuelle contre des enfants, et souligne qu’il importe que les responsables de violences sexuelles et liées au genre commises contre des enfants répondent de leurs actes, sachant notamment que la plupart des auteurs de ces actes sont toujours en liberté, ont été libérés après le versement d’une indemnisation aux victimes ou à leur famille, ou se sont vu infliger des peines mineures;
  • condamne énergiquement les attaques dirigées contre des écoles et des hôpitaux, en violation du droit international, dont la majorité ont été attribuées aux Chabab, et demande à toutes les parties au conflit armé de se conformer aux dispositions applicables du droit international et de respecter le caractère civil des écoles et des hôpitaux et leur personnel, ainsi que de prévenir et de faire cesser les attaques ou menaces d’attaques contre ces établissements et leur personnel, ainsi que l’utilisation d’écoles et d’hôpitaux à des fins militaires en violation du droit international, et note en outre les conséquences que les attaques contre les écoles et l’utilisation de celles-ci peuvent avoir sur l’exercice du droit à l’éducation;
  • condamne fermement l’enlèvement d’enfants, notamment à des fins de recrutement et d’utilisation, et exhorte toutes les parties concernées, en particulier les Chabab, à mettre un terme aux enlèvements d’enfants et à toutes les violations et exactions commises contre des enfants enlevés, y compris le mariage forcé de filles avec des combattants des Chabab, et à remettre immédiatement et sans condition tous les enfants victimes d’enlèvement qu’ils ont en captivité aux instances civiles compétentes chargées de la protection de l’enfance;
  • condamne énergiquement tous les refus d’accès humanitaire, y compris les attaques contre le personnel humanitaire et le pillage de l’aide, qui sont en majorité attribués aux Chabab, et demande à toutes les parties au conflit de permettre et de faciliter un acheminement sûr, rapide et sans entrave de l’aide humanitaire aux enfants, conformément aux obligations que leur impose le droit international humanitaire, y compris celle d’observer les principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance régissant l’action humanitaire, et de respecter la nature exclusivement humanitaire et impartiale de l’aide ainsi que les activités de tous les organismes des Nations Unies et de leurs partenaires humanitaires sans discrimination;
  • se félicite des mesures prises par le Gouvernement fédéral somalien depuis la publication des précédentes conclusions du Groupe de travail, pour faire cesser et prévenir les six violations graves commises contre les enfants en temps de conflit armé, et notamment la signature, en octobre 2019, d’une feuille de route pour accélérer l’application du plan d’action visant à faire cesser et à prévenir le recrutement et l’utilisation d’enfants par l’Armée nationale somalienne et du plan d’action visant à faire cesser les meurtres et les atteintes à l’intégrité physique d’enfants commis par l’Armée nationale somalienne, tous deux signés en 2012, et demande que ces plans d’action et la feuille de route soient mis en œuvre de manière rapide et efficace par toutes les forces de sécurité gouvernementales, y compris l’Armée nationale somalienne et la Police somalienne, ainsi qu’au niveau des États membres de la fédération;
  • prend note de l’élaboration d’une stratégie nationale visant à prévenir le recrutement d’enfants et à faciliter la libération et la réintégration d’enfants associés à des groupes armés, et encourage son adoption et sa mise en œuvre; se félicite que le commandant de l’Armée nationale somalienne ait émis un ordre général pour empêcher le recrutement et l’utilisation d’enfants dans les forces armées somaliennes, ainsi que les six violations graves contre les enfants au cours d’opérations militaires, et demande son application intégrale;
  • se félicite de la mise en place d’un programme de vérification et d’enregistrement biométrique dans l’Armée nationale somalienne et encourage le Gouvernement à faire en sorte que les antécédents des membres de groupes armés ou de milices qui rejoignent ses forces de sécurité fassent l’objet d’un contrôle et que les enfants associés à ces groupes soient identifiés, libérés et réintégrés;
  • engage le Gouvernement fédéral somalien à adopter sans délai le projet de loi sur les droits de l’enfant, en veillant à ériger en infraction les six violations graves commises contre les enfants en temps de conflit armé, ainsi que le projet de loi sur les infractions sexuelles, l’encourage vivement à ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, ainsi que la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, l’invite à tenir compte des questions relatives aux droits de l’enfant dans le cadre du processus de révision de la Constitution, conformément aux obligations internationales que lui impose la Convention relative aux droits de l’enfant, et demande aux autorités régionales d’aligner rapidement la législation régionale sur les obligations précitées;
  • se félicite que le Puntland ait promulgué, en novembre 2016, la loi sur les infractions sexuelles, qui prévoit une protection renforcée des enfants contre la violence sexuelle et a conduit à accroître la responsabilité à l’égard des victimes de violence sexuelle;
  • note que le Président du Puntland a signé, le 20 août, un décret graciant 34 enfants qui s’étaient vu infliger des peines disproportionnées pour leur âge, dont des condamnations à mort, en violation des obligations juridiques internationales de la Somalie au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui étaient emprisonnés depuis 2016 au motif de leur association présumée aux Chabab, et que les forces du Puntland ont libéré, pendant la période considérée, des enfants qu’elles ont remis à l’UNICEF en vue de leur réintégration, comme le Groupe de travail l’avait demandé dans ses précédentes conclusions (S/AC.51/2017/2);
  • demande à tous les groupes armés non étatiques de donner la preuve de leur engagement et de prendre des mesures actives pour faire cesser et prévenir toutes les violations et exactions contre les enfants et d’amorcer un dialogue avec l’ONU en vue d’élaborer, d’adopter et d’appliquer sans tarder des plans d’action visant à faire cesser et à prévenir les violations et les exactions contre les enfants, conformément aux résolutions 1539 (2004), 1612 (2005), 1882 (2009), 1998 (2011) et 2225 (2015) du Conseil de sécurité;
  • se félicite des engagements pris par l’Union africaine et la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) en faveur de la paix et de la sécurité et de la protection des enfants touchés par le conflit armé dans ce pays, note la diminution du nombre de violations graves contre les enfants attribuées à l’AMISOM, se réjouit de la coopération étroite entre l’équipe spéciale de surveillance et d’information et l’AMISOM sur la protection des enfants en Somalie, et demande à l’AMISOM, à l’Union africaine et aux pays qui fournissent des contingents d’enquêter sur les signalements et les allégations de violations et d’exactions contre les enfants, de veiller à ce que les auteurs répondent de leurs actes et de renforcer encore les mesures visant à faire cesser et à prévenir ces pratiques, notamment en appliquant pleinement la directive du commandant de la force sur la protection des droits de l’enfant et en se conformant aux instructions permanentes pour la prise en charge et la remise des enfants démobilisés des groupes armés, que le Gouvernement fédéral somalien a signées;
  • rappelle que dans sa résolution 2498 (2019), le Conseil de sécurité a réaffirmé les mesures financières et d’interdiction de voyager imposées par sa résolution 2002 (2011), qui s’appliquent aux personnes et entités désignées par le Comité du Conseil de sécurité faisant suite à la résolution 751 (1992) sur la Somalie, conformément au paragraphe 43 de la résolution 2093 (2013), pour des actes qui compromettent la paix, la stabilité ou la sécurité de la Somalie, tels que:
    • Le recrutement ou l’utilisation d’enfants par des dirigeants politiques ou militaires dans le conflit armé en Somalie, en violation du droit international;
    • Les violations du droit international applicable en Somalie commises contre des civils, y compris des enfants ou des femmes touchés par le conflit armé, telles que les meurtres et les atteintes à l’intégrité physique, les violences sexuelles ou liées au genre, les attaques d’écoles ou d’hôpitaux, les enlèvements et les déplacements forcés;
    • L’entrave à l’acheminement de l’aide humanitaire à la Somalie, à l’accès à cette aide ou à sa distribution dans le pays;
  • déclare que le Groupe de travail se tient prêt à communiquer au Conseil de sécurité et au Comité toutes informations utiles pour les aider à adopter des mesures ciblées contre les auteurs de violations.

Aux notables locaux et aux chefs religieux:

  • souligne la contribution importante des notables locaux et des chefs religieux au renforcement de la protection des enfants en temps de conflit armé;
  • les exhorte à renforcer l’intervention et la protection au niveau local et à condamner publiquement les violations et les exactions commises contre des enfants, en particulier le recrutement et l’utilisation d’enfants, le meurtre et les atteintes à l’intégrité physique, le viol et les autres formes de violence sexuelle perpétrées contre des enfants, les attaques et les menaces d’attaques dirigées contre des écoles et des hôpitaux, les enlèvements et le refus de l’accès humanitaire, tout en continuant de se mobiliser pour les faire cesser et les prévenir, et à se concerter avec le Gouvernement, l’ONU et les autres parties prenantes compétentes pour appuyer la réintégration, dans leur communauté, des enfants touchés par le conflit armé, notamment par une campagne de sensibilisation visant à prévenir toute stigmatisation de ces enfants.
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