SC/14383

Déclaration publique du Président du Groupe de travail sur les enfants et les conflits armés 

Le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés a décidé, à l’occasion de l’examen du cinquième rapport du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé aux Philippines (S/2020/777), d’adresser, sous la forme d’une déclaration publique de son président, les messages suivants: 

À toutes les parties au conflit armé aux Philippines 

Exprimant sa vive préoccupation et sa condamnation la plus énergique face aux violations et aux atteintes qui continuent d’être commises sur la personne d’enfants aux Philippines, et engageant instamment toutes les parties à prévenir et faire cesser immédiatement toutes les violations comprenant le recrutement et l’utilisation d’enfants, les meurtres et atteintes à l’intégrité physique, le viol et d’autres formes de violence sexuelle, les enlèvements, l’attaque d’écoles et d’hôpitaux, le refus d’accès humanitaire et le refus d’honorer les obligations découlant du droit international; 

Les priant de continuer de donner suite à ses conclusions précédentes concernant les Philippines; 

Soulignant qu’il importe d’établir les responsabilités dans toutes les violations et atteintes commises contre des enfants dans le cadre du conflit armé, que tous leurs auteurs doivent en répondre devant la justice sans retard indu, notamment dans le cadre d’enquêtes rapides, systématiques, impartiales et indépendantes et, le cas échéant, de poursuites et de condamnations, au moyen des mécanismes de justice appropriés, et qu’il importe de veiller à ce que toutes les victimes aient accès à la justice et aux services médicaux et d’accompagnement dont elles ont besoin; 

Notant avec préoccupation que les difficultés rencontrées par l’équipe spéciale de pays pour accéder aux zones reculées en proie au conflit, notamment l’archipel de Sulu, au cours de la période considérée ont rendu difficile la vérification des six graves violations commises contre des enfants et que les informations contenues dans le rapport du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé aux Philippines ne reflètent donc pas pleinement les effets qu’a ce conflit sur les enfants; 

Notant avec préoccupation l’augmentation, par rapport à la période précédente, y compris le siège de Marawi de 2017, du nombre d’actes relevant des six violations graves ainsi que du nombre d’enfants détenus par les forces de sécurité gouvernementales, au motif qu’ils seraient associés à des groupes armés; 

Condamnant le recrutement et l’utilisation d’enfants comme combattants ou auxiliaires, demandant instamment à toutes les parties de libérer immédiatement et sans conditions tous les enfants qui leur sont associés, et les priant de prévenir et faire cesser le recrutement et l’utilisation d’enfants de moins de 18 ans, conformément aux obligations qui leur incombent en vertu du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, s’il y a lieu;  

Constatant avec préoccupation que des enfants sont privés de liberté en raison de leur association, réelle ou présumée, à des groupes ou des forces armés; exhortant toutes les parties au conflit armé à considérer les enfants associés à des groupes armés, y compris ceux qui auraient commis des crimes, avant tout comme des victimes, qui ont été recrutées et utilisées, à s’employer à assurer leur libération et à contribuer à leur pleine réinsertion au moyen de programmes spécialisés de protection de l’enfance, notamment de réintégration familiale et locale, prévoyant un accès aux soins de santé, un soutien psychosocial et des programmes d’éducation, ainsi qu’en sensibilisant les populations, en travaillant avec elles, en vue de prévenir la stigmatisation de ces enfants et de faciliter leur retour, et à veiller à ce que les poursuites engagées contre eux soient menées dans le respect des droits de l’enfant, à ce que la détention ne soit envisagée qu’en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible, et à ce que les mesures de substitution à la détention soient privilégiées, conformément au droit international; priant instamment en outre le Gouvernement de respecter les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant et de son Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés;  

Exprimant sa profonde préoccupation devant les meurtres et atteintes à l’intégrité physique d’enfants, causés, notamment, par des attaques contre les populations, des tirs croisés, des restes explosifs de guerre et des engins explosifs improvisés, exhortant toutes les parties à prendre des mesures pour prévenir et faire cesser ces meurtres et ces atteintes, et leur demandant de respecter les obligations qui leur incombent en vertu du droit international humanitaire, en particulier les principes de distinction et de proportionnalité qui y sont consacrés;  

Exprimant sa vive préoccupation au sujet des viols et autres formes de violence sexuelle, confirmés ou non, qui sont commis contre la personne d’enfants, engageant instamment toutes les parties à prendre immédiatement des mesures concrètes pour prévenir et faire cesser les viols et les autres formes de violence sexuelle que subissent les enfants; et soulignant qu’il importe que les auteurs de violences sexuelles et fondées sur le genre commises contre des enfants aient à répondre de leurs actes et que les victimes de violences sexuelles aient accès à des services spécialisés complets et non discriminatoires, y compris un soutien et des services psychosociaux, sanitaires et juridiques et une aide à la subsistance;  

Condamnant énergiquement l’augmentation des attaques dirigées, en violation du droit international, contre des écoles et des hôpitaux, et à cause desquelles se trouve compromis l’accès d’au moins 20 000 enfants à une éducation de qualité, demandant à toutes les parties de se conformer au droit international applicable, de respecter le caractère civil des écoles et des hôpitaux, y compris leur personnel, et de prévenir et faire cesser les attaques ou menaces d’attaques disproportionnées ou indiscriminées contre ces établissements et leur personnel, ainsi que l’utilisation d’écoles et d’hôpitaux à des fins militaires en violation du droit international applicable; et notant, par ailleurs, l’effet que les attaques contre des écoles et leur utilisation peuvent avoir sur l’exercice du droit à l’éducation; 

Condamnant vigoureusement l’enlèvement d’enfants, notamment aux fins de leur recrutement et de leur utilisation, et les autres formes d’exploitation, et demandant à toutes les parties concernées d’y mettre un terme et de libérer immédiatement tous les enfants enlevés; 

Encourageant l’adoption de nouvelles mesures permettant d’assurer l’accès humanitaire, et l’élimination de la violence et de la menace de violence contre le personnel humanitaire, et demandant à toutes les parties de permettre et de faciliter, conformément au droit international, y compris le droit international humanitaire, un accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave, conformément aux principes directeurs des Nations Unies en matière d’aide humanitaire et aux principes humanitaires d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance, de respecter le caractère exclusivement humanitaire et impartial de l’aide humanitaire et de respecter également le travail de tous les organismes humanitaires des Nations Unies et de leurs partenaires humanitaires, sans distinction préjudiciable;  

Exprimant sa profonde préoccupation face à l’ampleur des actes relevant des six graves violations dont sont l’objet les enfants des populations autochtones dans le cadre du conflit qui oppose les Forces armées des Philippines et la Nouvelle Armée populaire, ainsi que face au rôle accru que jouent les groupes paramilitaires, de même qu’à la reprise et à l’intensification du conflit, au cours de la période considérée, qui a provoqué des déplacements de population parmi les populations autochtones isolées, principalement, notamment dans les zones de Davao, Mindanao Nord et Caraga;  

Encourageant la reprise des négociations de paix entre le Gouvernement et les groupes armés et exhortant les parties à inscrire les questions de protection de l’enfance au programme des pourparlers de paix respectifs, avec le concours de l’Organisation des Nations Unies et en s’inspirant, entre autres, du Guide pratique à l’intention des médiateurs pour la protection des enfants dans les conflits armés;  

Saluant l’investiture de l’Autorité de transition du Bangsamoro, qui marque le point culminant du processus de paix entre le Gouvernement et le Front de libération islamique Moro; et demandant à l’Autorité de transition de continuer à mettre en œuvre l’accord de paix et de mettre à profit les enseignements tirés par l’UNICEF et le Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour la question des enfants et des conflits armés ainsi que leurs meilleures pratiques pour prévenir les violations contre les enfants; 

Demandant à toutes les parties qui ne l’ont pas encore fait de renforcer leur dialogue avec l’Organisation des Nations Unies en vue d’élaborer et d’adopter des instructions permanentes aux fins de la libération et de la réintégration des enfants associés aux parties au conflit, et de coopérer avec les acteurs civils de la protection de l’enfance pour faciliter la libération et la réintégration de ces enfants dans la société, soulignant que la réintégration familiale et locale des enfants qui étaient associés à des parties au conflit est essentielle pour leur garantir un avenir, ainsi qu’à leur famille, et pour prévenir les risques de réenrôlement en violation du droit international; 

Au Gouvernement philippin 

Soulignant que c’est au premier chef au Gouvernement qu’il appartient d’assurer secours et protection à tous les enfants touchés par le conflit armé aux Philippines, et rappelant que les Philippines sont un État partie à la Convention relative aux droits de l’enfant et à son protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés;  

Saluant la promulgation, en janvier 2019, de la loi sur la protection spéciale des enfants dans les situations de conflit armé, et la signature, en juin de la même année, des règlements d’application, et exhortant le Gouvernement à mettre rapidement en œuvre ces obligations légales nationales et à renforcer la protection des enfants, notamment en prenant des mesures préventives et en veillant à ce que les responsables répondent de leurs actes devant la justice grâce à des enquêtes approfondies sur les allégations de violations commises sur la personne d’enfants;  

Félicitant le Gouvernement philippin d’avoir inscrit dans la loi sur la protection spéciale des enfants dans les situations de conflit armé des dispositions tenant compte des questions de genre qui visent à garantir, dans les situations de conflit armé, l’accès des filles à l’éducation ainsi qu’à des services de santé complets;  

Constatant avec une vive préoccupation que des enfants sont privés de liberté du fait de leur association, réelle ou présumée, à des groupes armés, y compris s’ils ont éventuellement commis des crimes, et priant instamment le Gouvernement de mettre sa pratique en conformité avec la loi sur la protection spéciale des enfants dans les situations de conflit armé, notamment la disposition selon laquelle les enfants associés à des groupes armés doivent être considérés avant tout comme des victimes qui ont été recrutées et utilisées, et de respecter les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant, en particulier celle qui veut que l’arrestation, la détention et l’emprisonnement d’un enfant ne doivent être envisagés qu’en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible et que, dans toutes les décisions concernant les enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doive être une considération primordiale; l’exhortant également à donner la priorité à leur réintégration, au moyen de programmes familiaux et locaux qui leur offrent accès aux soins de santé, soutien psychosocial et programmes éducatifs, ainsi qu’en sensibilisant les populations et en travaillant avec elles pour éviter la stigmatisation de ces enfants et faciliter leur retour; et invitant en outre le Gouvernement à veiller à ce que les poursuites engagées contre des enfants soient menées dans le respect des droits de l’enfant;  

Exhortant le Gouvernement à renforcer la protection des enfants, notamment en prenant toutes les mesures nécessaires pour prévenir et faire cesser les six graves violations commises contre les enfants dans le cadre du conflit armé;  

Encourageant le Gouvernement philippin à prendre des mesures pour mettre un terme aux violations commises contre les enfants, y compris par les membres de ses forces de sécurité, à plus forte raison lorsqu’il s’agit de meurtres et d’atteintes à l’intégrité physique d’enfants commis en grand nombre et d’attaques contre des écoles et des hôpitaux, attribuées aux Forces armées des Philippines au cours de la période considérée;  

Exhortant le Gouvernement à accélérer la révision de son protocole relatif au traitement des enfants dans les conflits armés, à l’aligner sur la loi sur la protection spéciale des enfants dans les situations de conflit armé et à veiller à ce que les victimes de violations bénéficient rapidement des services efficaces adaptés à leurs besoins et puissent accéder à des programmes de réinsertion familiale et locale; 

Constatant avec une vive préoccupation l’augmentation des attaques contre les écoles et leur personnel, en particulier dans les populations autochtones ; exhortant le Gouvernement à prendre des mesures pour protéger les écoles, les enseignants et les enfants, notamment au sein des populations autochtones, et lui demandant de mettre pleinement en œuvre son « Cadre d’action national relatif aux apprenants et aux écoles considérées comme zones de paix »; 

Saluant la levée de la loi martiale, à Mindanao, en décembre 2019, et demandant au Gouvernement de faciliter l’accès humanitaire aux zones touchées afin d’évaluer les incidences du siège sur la population civile, en particulier sur les enfants, et de fournir une aide humanitaire si nécessaire;  

Demandant au Gouvernement d’appliquer la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction et d’envisager de ratifier le Protocole relatif aux restes explosifs de guerre, se rapportant à la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination afin d’empêcher que des enfants ne meurent ou ne soient atteints dans leur intégrité physique à cause d’engins explosifs improvisés et de restes explosifs de guerre; 

Exhortant le Gouvernement à poursuivre ses efforts en vue d’établir les responsabilités dans les violations et atteintes commises sur la personne d’enfants, notamment en engageant systématiquement et rapidement des enquêtes complètes et indépendantes et, le cas échéant, des poursuites, afin de condamner et punir toute personne jugée responsable de ces actes et de veiller à ce que toutes les victimes aient accès à la justice et aux services médicaux, psychosociaux et d’accompagnement dont elles ont besoin;  

Demandant au Gouvernement de s’attaquer au problème des violations commises contre les enfants, de veiller à l’application de ses procédures et directives nationales de protection de l’enfance et de faciliter l’accès des acteurs de la protection de l’enfance aux zones touchées par le conflit;  

Demandant également au Gouvernement de poursuivre sa collaboration constructive avec l’équipe spéciale de surveillance et d’information et l’Organisation des Nations Unies; et l’encourageant à poursuivre sa coopération pour renforcer les capacités de ses forces armées et de ses forces de sécurité ainsi que des forces auxiliaires en matière de protection de l’enfance;  

Demandant au Gouvernement de veiller à ce que les droits et les besoins des enfants touchés par le conflit soient pris en compte dans le cadre des pourparlers et de l’application de tout accord de paix futur, notamment les dispositions relatives à la libération et à la réintégration des enfants associés à des forces ou groupes armés, ainsi que celles qui ont trait aux droits et au bien-être des enfants, et de les intégrer aux négociations de paix, aux accords de cessez-le-feu, aux accords de paix et aux dispositions relatives à la surveillance du cessez-le-feu, en tenant compte, dans la mesure du possible, du point de vue des enfants et dans le prolongement du Guide pratique à l’intention des médiateurs pour que soient prises en considération les questions de protection des enfants;  

À tous les groupes armés actifs aux Philippines, et notamment aux chefs du Front de libération islamique Moro, des Combattants islamiques pour la libération du Bangsamoro, de la Nouvelle Armée populaire, du Groupe Abu Sayyaf, du Front de libération nationale Moro et du groupe Maute  

Priant instamment la Nouvelle Armée populaire, le groupe Maute et les Combattants islamiques pour la libération du Bangsamoro et autres groupes armés de prévenir et faire cesser immédiatement le recrutement et l’utilisation d’enfants, de promulguer des ordonnances militaires interdisant le recrutement et l’utilisation de toute personne âgée de moins de 18 ans, et de libérer sur-le-champ tous les enfants qui se trouvent dans leurs rangs pour les remettre aux acteurs civils de la protection de l’enfance et de faciliter leur réintégration dans la société;  

Demandant à tous les groupes armés inscrits sur la liste d’engager un dialogue avec l’ONU afin d’élaborer des plans d’action visant à prévenir et faire cesser le recrutement et l’utilisation d’enfants;  

Accueillant avec une profonde inquiétude les informations faisant état de l’utilisation d’enfants, notamment comme boucliers humains, par le groupe Maute et les Combattants islamiques pour la libération du Bangsamoro;  

Observant avec une profonde préoccupation les meurtres ou atteintes à l’intégrité physique d’enfants ainsi que les autres violations graves que commettent les groupes armés contre des enfants;  

Priant instamment le Front démocratique national des Philippines et la Nouvelle Armée populaire de cesser d’utiliser des enfants dans toute activité susceptible de les mettre en danger;  

Aux notables locaux et aux chefs religieux  

Soulignant le rôle important que doivent jouer les notables locaux dans le renforcement de la protection des enfants touchés par un conflit armé et dans l’intensification des efforts de réconciliation;  

Les exhortant à condamner publiquement les violations et les atteintes commises contre des enfants, en particulier le recrutement et l’utilisation d’enfants, les meurtres et atteintes à l’intégrité physique, le viol et les autres formes de violence sexuelle contre des enfants, les enlèvements, les attaques et les menaces d’attaques dirigées contre des écoles et des hôpitaux, et à continuer de militer pour les faire cesser et les prévenir, et les invitant instamment à promouvoir la réinsertion locale des enfants touchés par le conflit armé, grâce notamment à une campagne de sensibilisation visant à prévenir toute stigmatisation de ces enfants.  

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