SC/14394

Déclaration publique du Président du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés

Le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés a décidé, à l’occasion de l’examen du septième rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés en République démocratique du Congo (S/2020/1030), d’adresser, sous la forme d’une déclaration publique de son Président, les messages suivants:

À toutes les parties au conflit armé en République démocratique du Congo

Condamne vigoureusement toutes les violations et atteintes qui continuent d’être commises sur la personne d’enfants en République démocratique du Congo, se déclare gravement préoccupé par les conséquences disproportionnées qu’entraîne la pandémie de COVID-19 pour les enfants, prie instamment toutes les parties au conflit de prévenir et faire cesser immédiatement tous les abus et toutes les violations du droit international applicable liées au recrutement et à l’utilisation d’enfants, aux enlèvements, aux meurtres et atteintes à l’intégrité physique, aux viols et autres formes de violence sexuelle, aux attaques perpétrées contre des établissements scolaires et des hôpitaux et au refus de l’accès humanitaire, et de s’acquitter des obligations que leur impose le droit international;

Les prie de continuer à donner suite à ses conclusions précédentes concernant la République démocratique du Congo;

Réaffirme l’importance de l’application du principe de responsabilité à toutes les formes de violation et d’exaction dont sont victimes les enfants touchés par des conflits armés; souligne que tous les auteurs de tels actes doivent être rapidement traduits en justice et être amenés à répondre de leurs actes sans retard excessif, notamment grâce à la conduite d’enquêtes et de poursuites judiciaires systématiques et menées dans un délai raisonnable, et, s’il y a lieu, à l’application de peines, et note que certains des actes susmentionnés, notamment le recrutement et l’utilisation d’enfants par les forces armées nationales ou par des groupes armés non étatiques, sont interdits et constituent des crimes au regard de la loi no 09/001 portant protection de l’enfant, promulguée par le Gouvernement congolais le 10 janvier 2009; souligne également la nécessité de permettre à tous les survivants d’avoir accès à la justice et d’offrir des recours à ces victimes, notamment les services médicaux et d’aide dont elles ont besoin;

Note que le 19 avril 2004, le Gouvernement congolais a saisi le Procureur de la Cour pénale internationale de la question de la situation en République démocratique du Congo et que certains des actes mentionnés au paragraphe 5 a) ci-dessus peuvent constituer des crimes au regard du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, auquel la République démocratique du Congo est partie;

Condamne le recrutement et l’utilisation d’un grand nombre d’enfants par des groupes armés; note cependant que le nombre d’enfants recrutés diminue; demande instamment à toutes les parties au conflit de libérer immédiatement et sans conditions préalables tous les enfants qui leur sont associés, de remettre tous les enfants qui se trouvent dans leurs rangs aux acteurs civils de la protection de l’enfance en vue de leur pleine réintégration dans le cadre de programmes de réinsertion familiale et communautaire, et de mettre un terme au recrutement et à l’utilisation d’enfants, et de prévenir ces pratiques, conformément aux obligations qui leur incombent en vertu du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés;

Se déclare profondément préoccupé par le grand nombre d’enfants tués ou mutilés, victimes directes ou indirectes des conflits ethniques, des flambées de violence intercommunautaire, des hostilités entre les parties au conflit armé, des tirs croisés lors d’affrontements entre groupes armés ou d’opérations militaires des FARDC, d’attaques lancées sans discernement contre la population civile et des restes explosifs de guerre, et engage vivement toutes les parties à respecter les obligations que leur impose le droit international humanitaire, en particulier les principes de discrimination et de proportionnalité et l’obligation de prendre toutes les précautions possibles pour éviter ou, en tout état de cause, réduire au minimum les dommages causés aux civils ou aux biens de caractère civil;

Exprime sa profonde inquiétude face au nombre élevé de viols et autres formes de violence sexuelle contre les enfants perpétrés par des groupes armés et les forces de sécurité gouvernementales; note que ces actes comprennent le mariage forcé et l’esclavage sexuel; exhorte toutes les parties au conflit armé à prendre immédiatement des mesures concrètes pour prévenir et faire cesser les viols et autres formes de violence sexuelle commis sur la personne d’enfants par des membres de leurs forces ou groupes respectifs, souligne qu’il importe que les auteurs de violences sexuelles et de violences fondées sur le genre commises contre des enfants répondent de leurs actes; et note avec inquiétude la sous-déclaration des cas de violence sexuelle contre des enfants, due à la crainte de représailles de la part des auteurs de ces actes, qui vivent parfois au sein de la communauté ou à proximité, à la stigmatisation qui les entoure, au rejet des victimes par les familles et les communautés, à l’impunité généralisée et au manque de services médicaux et de soutien adéquats pour les personnes rescapées;

Condamne la poursuite des attaques ciblant des écoles et des hôpitaux, dont il est établi qu’elles sont majoritairement le fait de groupes armés; note cependant la baisse significative du nombre de ces attaques au cours de la période considérée; demande à toutes les parties au conflit armé de se conformer aux dispositions applicables du droit international et de respecter le caractère civil des écoles et des hôpitaux et de leur personnel, et de prévenir et de faire cesser les attaques ou menaces d’attaques contre ces établissements et leur personnel, ainsi que l’utilisation d’écoles et d’hôpitaux à des fins militaires, en s’appuyant sur la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, signée par le Gouvernement de la République démocratique du Congo en juillet 2016;

Condamne les enlèvements d’enfants, dont l’écrasante majorité sont le fait de groupes armés, notamment à des fins de recrutement et d’utilisation, de viol et autres formes de violence sexuelle, et de travail forcé; note cependant la baisse significative du nombre de ces enlèvements au cours de la période considérée; demande instamment à toutes les parties concernées de libérer immédiatement et sans conditions préalables tous les enfants enlevés, afin de les confier aux acteurs civils compétents en matière de protection de l’enfance;

Se déclare gravement préoccupé par les refus d’accès humanitaire qui entraînent des conséquences pour 9 000 enfants, y compris les attaques de membres du personnel humanitaire, et demande à toutes les parties au conflit d’autoriser et de faciliter, dans le respect du droit international, y compris le droit international humanitaire, un accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave, conformément aux principes directeurs des Nations Unies concernant l’aide humanitaire et aux principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance qui encadrent l’action humanitaire, de respecter la nature exclusivement humanitaire et l’impartialité de l’aide humanitaire et de respecter le travail de tous les organismes des Nations Unies et de leurs partenaires humanitaires sans distinction défavorable;

Demande instamment aux personnes qui prennent ou prendront part aux pourparlers et aux accords de paix, y compris le processus relatif à la FRPI, de veiller à ce que des dispositions relatives à la protection de l’enfance, y compris la libération et la réintégration des enfants, aux droits et au bien-être des enfants et à l’apprentissage de l’autonomie, y soient intégrées, selon qu’il conviendra, avec le soutien de l’Organisation des Nations Unies et en s’appuyant sur le Guide pratique à l’intention des médiateurs pour la protection des enfants dans les situations de conflit armé.

Au Gouvernement de la République démocratique du Congo

Salue l’attachement constant du Gouvernement de la République démocratique du Congo à la consolidation des gains obtenus grâce à son plan d’action visant à prévenir et faire cesser le recrutement et l’utilisation d’enfants ainsi que la violence sexuelle et les quatre autres formes de violations commises contre des enfants, afin d’empêcher de manière durable le recrutement et l’utilisation d’enfants par les forces armées et de sécurité, notamment par l’institutionnalisation des mesures et mécanismes y relatifs; se félicite à cet égard du soutien apporté par des acteurs nationaux et internationaux en vue de renforcer la capacité des FARDC de prévenir les six formes de violations graves commises contre des enfants et d’y mettre fin; exhorte le Gouvernement à accélérer l’application de tous les volets du plan d’action, notamment ceux concernant les violences sexuelles contre les enfants, étant donné que les FARDC et d’autres forces de sécurité continuent de porter une part de responsabilité importante dans ce domaine;

Exprime sa préoccupation quant au fait que des enfants continuent de faire l’objet de peines privatives de liberté pour leur association présumée avec des groupes armés, en violation des directives émises en 2013 par le Ministre de la défense et l’Agence nationale de renseignement, qui prévoient la remise immédiate des enfants anciennement associés à des groupes armés aux acteurs de la protection de l’enfance afin de faciliter leur retour et leur pleine intégration, souligne que les enfants associés ou prétendument associés à des groupes armés, y compris ceux arrêtés au cours d’opérations militaires, devraient avant tout être traités comme des victimes; prie instamment le Gouvernement de respecter à cet égard les obligations que lui impose la Convention relative aux droits de l’enfant, en particulier celle de ne recourir à l’arrestation, à la détention et à l’emprisonnement d’enfants qu’en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible, conformément au droit international, et de faire de l’intérêt supérieur de l’enfant une considération primordiale dans les décisions qui concernent les enfants, et demande au Gouvernement de donner la priorité à la réinsertion de ces derniers, grâce à des programmes de réinsertion familiale et communautaire, en s’inspirant des Principes directeurs relatifs aux enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés (Principes de Paris), qu’il a approuvés;

Prend acte des progrès accomplis s’agissant de poursuivre les auteurs des six formes de violations graves contre les enfants, en particulier le recrutement et l’utilisation d’enfants et les violences sexuelles commises contre ceux-ci; note que des poursuites ont été engagées contre des membres des forces de sécurité gouvernementales; exhorte le Gouvernement à poursuivre ses efforts en vue d’établir les responsabilités, notamment en engageant systématiquement et rapidement des enquêtes complètes et indépendantes et, le cas échéant, en condamnant et en punissant toute personne jugée responsable, y compris au plus haut niveau, et de garantir aux personnes rescapées, sans discrimination, l’accès à un large éventail de services spécialisés, y compris un soutien et des services psychosociaux, sanitaires et juridiques et une aide à la subsistance, et se félicite de la récente condamnation de Ntabo Ntaberi Sheka, du groupe armé Nduma défense du Congo, pour des crimes de guerre, notamment le viol, l’esclavage sexuel et le recrutement d’enfants;

Rappelle que le Gouvernement de la République démocratique du Congo a adhéré à la Déclaration sur la sécurité dans les écoles et aux Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l’utilisation militaire durant les conflits armés et appelle de ses vœux leur mise en œuvre rapide, et encourage le Gouvernement à veiller à ce que les attaques menées contre des écoles fassent l’objet d’enquêtes et que les responsables soient dûment poursuivis;

Engage le Gouvernement à s’employer à offrir aux enfants touchés par des conflits armés des possibilités de réintégration et de réadaptation à long terme et durables par l’intermédiaire de programmes de réinsertion familiale et communautaire qui tiennent compte de la problématique femmes-hommes et des questions liées à l’âge, notamment dans les domaines de l’accès aux soins de santé, du soutien psychosocial et des programmes éducatifs, et à sensibiliser les populations, en travaillant avec elles, en vue de prévenir la stigmatisation de ces enfants et de faciliter leur retour, tout en tenant compte des besoins respectifs des filles et des garçons, afin de contribuer au bien-être des enfants et à la paix et à la sécurité durables; demande à cet égard au Gouvernement de veiller à ce que les droits de l’enfant et la protection de l’enfance soient une priorité de tous les programmes de désarmement, démobilisation et réintégration, et de tous les accords de paix signés avec des groupes armés, notamment leur libération inconditionnelle par les groupes armés, en donnant toujours la priorité à l’intérêt supérieur de l’enfant;

Aux groupes armés, notamment Nyatura, Maï Maï Mazembe et d’autres groupes Maï Maï, dont Apa Na Pale, Kamuina Nsapu, les Forces démocratiques alliées (ADF) et le Congrès national pour le renouveau et la démocratie (CNRD)

Se dit profondément préoccupé par la présence continue, en République démocratique du Congo, d’un grand nombre de groupes armés, en particulier, les Nyatura, les Maï Maï Mazembe et d’autres groupes Maï Maï, notamment Apa Na Pale, Kamuina Nsapu, les Forces démocratiques alliées (ADF) et le Congrès national pour le renouveau et la démocratie (CNRD), et par leurs activités déstabilisatrices et les conséquences néfastes de celles-ci sur les enfants;

Demande à tous les groupes armés non étatiques de s’engager publiquement à prévenir et à mettre fin à toutes les violations et atteintes commises sur la personne d’enfants, et à rapidement élaborer, adopter et exécuter des plans d’action conformément aux résolutions 1612 (2005), 1882 (2009), 1998 (2011), 2068 (2012), 2143 (2014), 2225 (2015) et 2427 (2018) du Conseil de sécurité s’ils sont inscrits sur la liste consignée dans l’annexe I du rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés; se félicite à cet égard du travail de liaison effectué par l’équipe spéciale de surveillance et d’information auprès des commandants des groupes armés, qui a entraîné la libération de centaines d’enfants; félicite le Gouvernement de la République démocratique du Congo d’apporter son appui à ce travail; approuve la signature d’une déclaration unilatérale et d’une feuille de route par 31 commandants de groupes et factions armés qui s’engagent à prévenir et faire cesser le recrutement et l’utilisation d’enfants et d’autres formes de violations graves commises contre les enfants parmi les six recensées;

Rappelle à cet égard que plusieurs de ces groupes armés non étatiques figurent depuis au moins cinq ans dans l’annexe I du rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés, notamment les Forces démocratiques alliées, les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), la Force de résistance patriotique de l’Ituria (FRPI), Nduma défense du Congo, Nyatura, l’Union des patriotes congolais pour la paix, Maï-Maï Simba, l’Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain et l’Armée de résistance du Seigneur;

Rappelle que le Conseil de sécurité, par sa résolution 2528 (2020), a reconduit jusqu’au 1er juillet 2021 les mesures énoncées aux paragraphes 1 à 6 de la résolution 2293 (2016); réaffirme que les mesures décrites au paragraphe 5 de la résolution 2293 (2016) s’appliquent aux personnes et entités que le Comité aura désignées à raison des actes définis au paragraphe 7 de cette même résolution ainsi qu’au paragraphe 3 de la résolution 2360 (2017), notamment aux personnes et entités qui opèrent en République démocratique du Congo et:

recrutent ou utilisent des enfants dans le cadre du conflit armé, en violation du droit international;

préparent, donnent l’ordre de commettre ou commettent des actes qui constituent des violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits ou des violations du droit international humanitaire, selon le cas, notamment des actes dirigés contre des civils, y compris des meurtres et mutilations, des viols et d’autres violences sexuelles, des enlèvements, des déplacements forcés et des attaques contre des écoles et des hôpitaux;

empêchent l’accès à l’aide humanitaire ou sa distribution en République démocratique du Congo;

Rappelle également que, le 6 février 2020, le Comité a ajouté à sa liste relative aux sanctions le nom d’une personne en application des dispositions du paragraphe 7 de la résolution 2293 (2016), comme indiqué au paragraphe 5 ci-dessus, celle-ci s’étant livrée à des actes qui compromettent la paix, la stabilité et la sécurité en République démocratique du Congo, ou ayant concouru à de tels actes; l’homme en question s’est livré à des actes répétés de ciblage, de meurtre et de mutilation, de viol et autres violences sexuelles, d’enlèvement d’enfants, à des attaques contre des hôpitaux, en particulier à Mamove, dans le territoire de Beni, les 12 et 24 février 2019, ainsi qu’au recrutement et à l’utilisation continus d’enfants lors d’attaques et à des fins de travail forcé dans le territoire de Beni (République démocratique du Congo), ou a planifié ou dirigé de tels actes depuis au moins 2015;

Rappelle que le Groupe de travail est disposé à communiquer au Comité les informations voulues pour l’aider à prendre des mesures ciblées à l’encontre des auteurs de violations répétées;

Aux notables locaux et aux chefs religieux

Souligne la contribution importante des notables locaux et des chefs religieux au renforcement de la protection des enfants en temps de conflit armé;

Les exhorte à condamner publiquement les violations et les atteintes commises sur la personne d’enfants, en particulier le recrutement et l’utilisation d’enfants, le meurtre et la mutilation, le viol et les autres formes de violence sexuelle, les enlèvements, les attaques et les menaces d’attaques dirigées contre des établissements scolaires et hospitaliers, tout en continuant de militer pour les faire cesser et les prévenir, et à se concerter avec le Gouvernement, l’Organisation des Nations Unies et les autres parties prenantes compétentes pour appuyer la libération et la réinsertion, dans leurs communautés respectives, des enfants touchés par le conflit armé, notamment par une campagne de sensibilisation visant à prévenir toute stigmatisation de ces enfants.

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