Soixante-quinzième session,
80e & 81e séances plénières – matin & après-midi
AG/12338

Assemblée générale: un débat contradictoire provoque le report de la décision relative à la poursuite des négociations intergouvernementales sur la réforme du Conseil de sécurité

L’Assemblée générale a entendu, aujourd’hui, 35 interventions sur la décision orale de son Président qui, portant sur la poursuite des négociations intergouvernementales sur la réforme du Conseil de sécurité, s’est heurtée aux amendements du Brésil.  Las, le Président a décidé de donner plus de temps aux délégations pour s’entendre et de convoquer une autre séance, mardi 22 juin.  

La réforme du Conseil de sécurité, dont le but est de le rendre « plus représentatif, plus démocratique, plus efficace et plus transparent », porte sur les catégories de membres; la représentation géographique; la relation avec l’Assemblée générale; la taille et les méthodes de travail; et la question du droit de veto.  Aujourd’hui, le Président de l’Assemblée a présenté une décision orale en vertu de laquelle l’Assemblée déciderait de poursuivre à la prochaine session, les négociations intergouvernementales en plénière informelle, « en tirant parti » des réunions informelles de cette session-ci et du document intitulé « Éléments de convergence et de divergence » préparé par les coprésidents, ainsi que des positions et des propositions des États Membres, contenues dans le « Document-cadre » de 2015.  Cette décision « technique » de reconduction des négociations a été saluée par de nombreuses délégations dont celle d’« Unis pour le consensus » qui y a vu « un dénominateur commun cohérent avec la pratique établie, ces dernières années ». 

Le Brésil n’a pas été d’accord.  Les négociations intergouvernementales se déroulant depuis plus de 10 ans, il a, au nom du Groupe des Quatre -Allemagne, Brésil, Inde, Japon-, réclamé une référence à « l’engagement des chefs d’État et de gouvernement représentant les peuples du monde à insuffler une nouvelle vie aux discussions sur la réforme du Conseil de sécurité ».  Il a donc estimé que l’Assemblée ne devrait pas seulement « tirer parti » des documents précédents mais bien « y fonder » les négociations.  Les négociateurs, a-t-il fait valoir, ont besoin « d’un document de base » sur lequel travailler.  

Déjà en 2019, l’Inde professait: « dans le système des Nations Unies, un processus normal, c’est un processus où l’on commence par échanger nos points de vue, puis l’on passe à un document rédigé par ceux qui le facilitent, lequel document devient la base de négociations transparentes, dans lequel on attribue à chacun ses ajouts, ses suppressions et ses amendements ».  Il nous semble, a dénoncé aujourd’hui l’Allemagne, que le Président n’écoute qu’un seul groupe de pays, ce qui est « irrespectueux ».  Il nous faut, a-t-elle tranché, plus de temps pour parfaire les choses.  Voilà une autre tentative de « diviser », avec des amendements « inacceptables » qui ne portent en rien sur la procédure mais qui veulent remettre en cause tout le processus des négociations intergouvernementales, a tranché le Pakistan, membre d’« Unis pour le consensus ».  Pourquoi faire des « Éléments » des coprésidentes un « document de base » alors qu’elles ont elles-mêmes dit qu’il ne s’agit que de leurs points de vue, a fait observer la Chine, avec d’autres.

En revanche, la majorité des délégations ont adhéré aux remarques du Groupe des États d’Afrique et du Comité des Dix de l’Union africaine, résumées entre autres par le Sénégal qui a jugé « incompréhensible » l’omission de la Déclaration de Syrte dans les « Éléments » des coprésidentes, alors que le consensus d’Ezulwini y figure.  Il est connu de tous, a martelé le Sénégal, que ce sont les deux composantes « indivisibles » de la position africaine commune sur la réforme du Conseil de sécurité.  Ces documents sont comparables à l’oxygène et l’hydrogène de l’eau: l’un ne va pas sans l’autre, s’est essayée la Libye, en demandant comme les autres une correction dans la décision orale du Président.

L’Assemblée a ensuite adopté par 80 voix contre 14 et 70 abstentions, la résolution sur la situation des déplacés et des réfugiés d’Abkhazie (Géorgie) et de la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud, présentée par la Géorgie qui a fait part de l’absence de progrès sur la question mais qui s’est réjouie de l’arrêt que la Cour européenne des droits de l’homme a rendu le 21 janvier 2021, stipulant clairement « qu’en contrôlant effectivement les territoires géorgiens illégalement occupés, la Fédération de Russie est responsable des graves violations de droits de l’homme ».

Avant la réunion prévue mardi 22 juin, l’Assemblée compte tenir une séance plénière vendredi 18 juin à partir de 9 heures pour nommer le Secrétaire général de l’ONU.

QUESTION DE LA REPRÉSENTATION ÉQUITABLE ET DE L’AUGMENTATION DU NOMBRE DES MEMBRES DU CONSEIL DE SÉCURITÉ

Au titre de cette question, l’Assemblée a été saisie d’une décision orale de son Président dans laquelle elle réaffirme son rôle central en la matière et décide de poursuivre immédiatement, à la prochaine session, les négociations intergouvernementales en plénière informelle, en tirant parti des réunions informelles de cette session-ci et du document intitulé « Éléments de convergence et de divergence » préparé par les coprésidentes, lequel a été distribué le 29 avril 2021, ainsi que des positions et des propositions faites par les États Membres, contenues dans le document distribué le 31 juillet 2015.  L’Assemblée décide aussi, si les États le souhaitent, de convoquer son Groupe de travail à composition illimitée.

Au nom du Groupe des Quatre –Allemagne, Brésil, Inde, Japon-, le Brésil a présenté un amendement, en déplorant le peu de temps alloué aux consultations sur la décision orale, « une mise à jour technique » qui ne reflète pas les avancées du processus intergouvernemental, cette année.  Il a donc jugé bon d’ajouter une référence à « l’engagement des chefs d’État et de gouvernement représentant les peuples du monde pour insuffler une nouvelle vie aux discussions sur la réforme du Conseil de sécurité ».  Le Brésil a estimé que l’Assemblée ne devrait pas seulement « tirer parti » des documents précédents mais bien « fonder » ses prochaines discussions sur eux.

Ne pas tenir compte de l’engagement pris par les chefs d’État et de gouvernement lors du soixante-quinzième anniversaire de l’ONU serait contraire à la volonté des États Membres, a soutenu le Brésil.  En outre, a-t-il argué, les négociateurs ont besoin « d’un document de base » pour poursuivre leurs discussions.  Nos amendements, a-t-il expliqué, ouvrent la voie à un travail « plus productif et plus transparent ».  Il nous semble, a-t-il encore avoué, que l’examen de la décision orale a été précipité pour éviter les modifications.

Au nom du Groupe des États d’Afrique, l’Érythrée a insisté sur la position africaine commune telle que consacrée dans le consensus d’Ezulwini et à la Déclaration de Syrte.  Faire référence à l’un en ignorant l’autre n’a aucun sens puisque ce sont les deux composantes « indivisibles » de la position du continent.

Au nom du Groupe L.69, Saint-Vincent-et-les Grenadines a soutenu l’amendement du Brésil sur l’engagement pris dans la Déclaration du soixante-quinzième anniversaire de l’ONU.  Il a insisté pour que les Éléments de convergence et de divergence servent « de base » aux futures discussions.  Les amendements du Brésil, a-t-il estimé, permettraient de progresser dans un processus davantage axé sur les résultats.  Saint-Vincent-et-les Grenadines a par ailleurs soutenu la proposition du Groupe des États d’Afrique.  Il est regrettable, a-t-il martelé, que ces modifications aient été tout simplement ignorées.

Au nom du BENELUX -Belgique, Pays-Bas et Luxembourg- la Belgique s’est prononcée en faveur des amendements du Brésil, rappelant à son tour que dans leur Déclaration sur la commémoration du soixante-quinzième anniversaire des Nations Unies, les chefs d’État et de gouvernement se sont engagés à « donner une nouvelle vie » au processus de réforme du Conseil.  Les États Membres ont désormais le devoir de mettre en œuvre cet engagement politique, a-t-elle tranché.

Au nom du Groupe des États arabes, le Koweït a approuvé la décision orale, jugeant qu’il faut trouver une solution consensuelle à une véritable réforme du Conseil.  Les négociations intergouvernementales sont le meilleur moyen possible de trouver des points de convergence, tout en garantissant la transparence et la souplesse.

Au nom du Comité des Dix de l’Union africaine, la Sierra Leone s’est dite déçue, à son tour, que les documents sur la position commune africaine ne soient pas tous les deux mentionnés dans la décision orale, alors qu’ils représentent la voix des peuples d’Afrique et leur aspiration légitime à une représentation équitable au Conseil de sécurité.  Mentionner l’un sans l’autre va à l’encontre des intérêts de l’Afrique, a-t-elle martelé.  Les pays africains ne sauraient adhérer à une décision orale qui ne reflèterait fidèlement leur position et ils l’ont dit clairement dans la lettre qu’ils ont adressée le 3 mai dernier au Président de l’Assemblée générale.  

Au nom du groupe « Unis pour le consensus », l’Italie a soutenu la décision orale du Président car c’est un dénominateur commun « cohérent » avec la pratique de ces dernières années.  Les amendements du Brésil, a-t-elle estimé, vont à l’encontre du consensus et sapent même le processus intergouvernemental.  Ces amendements compromettent en effet toute nouvelle perspective sur l’issue du processus intergouvernemental.  Elle a demandé au Brésil de les retirer au risque de créer un précédent négatif.  

L’Allemagne s’est dite « choquée » de voir la décision orale, sans qu’il y ait eu, comme dans le passé, des consultations avec le Groupe des Quatre.  La décision, a-t-elle dit à son tour, ne mentionne nullement le mandat que les États Membres ont donné à l’Assemblée à l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de l’ONU.  Elle a reproché au Président de l’Assemblée d’avoir ignoré la proposition des deux coprésidentes qui insistaient pour que les futures négociations soient « basées » sur un document.  Le Président, a poursuivi l’Allemagne, n’a pas non plus tenu compte de la position africaine qui demandait un seul document consolidé sur lequel fonder les négociations.  

Il nous semble, a poursuivi l’Allemagne, que le Président n’écoute qu’un seul groupe de pays, ce qui est irrespectueux à l’égard des autres délégations dont celles du Groupe des Quatre.  Elle a aussi souligné la pertinence des propos tenus par le Groupe des États d’Afrique.  Il nous faut, a-t-elle tranché, plus de temps pour parfaire les choses.  Utilisons les trois mois qui nous restent au cours de cette session pour le faire, a conseillé l’Allemagne qui a tenu à préciser qu’elle se permet de critiquer le Président de l’Assemblée parce qu’elle est attachée à l’ONU et à la légitimité et la pertinence du Conseil de sécurité.  Nous défendons l’état de droit et non pas la loi du plus fort, a conclu le représentant.

À son tour, le Japon s’est opposé à la décision orale du Président et a soutenu l’amendement du Groupe des États d’Afrique.  L’Inde a naturellement soutenu le Brésil et appuyé les propos du Groupe des États d’Afrique.  Elle a jugé urgent de donner un nouveau souffle à ce processus « à l’agonie » et de ne pas laisser s’évaporer les progrès réalisés jusqu’ici.  Il faut éviter, a conseillé l’Inde, de transformer le processus en « un écran de fumée » derrière lequel pourraient se cacher ceux qui ne souhaitent pas modifier la composition du Conseil de sécurité. 

La Chine a estimé que la décision orale du Président respecte « scrupuleusement » la pratique établie puisque c’est une décision « technique » pour poursuivre les négociations intergouvernementales.  Elle s’est donc fermement opposée à l’idée de présenter des amendements « à la dernière minute ».  Le plus important, a-t-elle dit, c’est de poursuivre les discussions sur cette question « sensible » et les points les plus controversés peuvent être laissés à plus tard.  Les amendements du Brésil font partie de ces points, a tranché la Chine.  Nous devons, a-t-elle souligné, « tirer parti » du document préparé par les deux coprésidentes, tout en reconnaissant l’importance du Document-cadre de 2015.  Ces deux documents sont « des références importantes » même si les Éléments de convergence et de divergence ne représentent que les points de vue des coprésidentes.  Il serait donc incongru d’en faire « la seule base » des futures discussions, a estimé la Chine qui a dit soupçonner certaines délégations de vouloir faire dérailler le processus avec pour objectif ultime de stopper les négociations intergouvernementales.

La Syrie a estimé, à son tour, que les discussions sur la réforme du Conseil de sécurité ne peuvent s’appuyer sur des textes et libellés non consensuels que certains veulent imposer comme « base » des négociations intergouvernementales.  Elle s’est opposée à toute idée d’imposer des calendriers ou des délais « artificiels et irréalistes » et a exhorté les États à s’abstenir de toute démarche contraire au mandat des deux coprésidentes.  Il est tout simplement « contreproductif », a-t-elle estimé, de présenter des amendements « à la dernière minute » pour modifier une décision déjà agréée.  Elle a voulu que la réforme mène à un Conseil de sécurité qui ne serve plus d’écran de fumée pour justifier les agressions contre les États.  

La Libye a rejeté le document présenté par les deux coprésidentes qui ne fait référence qu’au consensus d’Ezulwini.  C’est un oubli « délibéré et inacceptable », a-t-elle estimé, en voyant « un acte tout aussi délibéré pour ignorer l’Afrique ».  Cette pratique doit cesser, a-t-elle martelé, en demandant que la Déclaration de Syrte soit mentionnée aux côtés du consensus d’Ezulwini.  Ces deux textes sont comme l’eau qui est composée d’oxygène et d’hydrogène: l’un va avec l’autre. 

La Fédération de Russie a elle aussi soutenu la décision orale du Président de l’Assemblée générale, reprochant à l’Allemagne « ses réflexions déplacées ».  La présentation d’amendements « à la dernière minute », risque de remettre en cause tout le processus intergouvernemental, a prévenu la Fédération de Russie qui a jugé la chose « tout simplement irresponsable ».  Ne perdons pas de vue l’essentiel, à savoir notre format de discussion, a demandé la Fédération de Russie qui s’est opposée aux tentatives du Groupe des Quatre de délégitimer les négociations intergouvernementales. 

À son tour, le Bélarus a jugé la décision orale du Président de l’Assemblée « conforme » à la pratique.  Les amendements du Brésil, a-t-il estimé, ne sont qu’une tentative de nuire à l’équilibre des négociations intergouvernementales, à l’intégrité du processus et à la confiance mutuelle.  « Il faut faire baisser la tension », a plaidé l’Égypte, en souhaitant que le processus suive son cours normal.  Évitons la polarisation et privilégions la recherche du consensus, faisons montre d’esprit constructif et renonçons aux tentatives de faire dérailler la réforme.  Elle a donc insisté, à son tour, sur l’importance égale du consensus d’Ezulwini et de la Déclaration de Syrte. 

L’Équateur a dûment soutenu la décision orale, saluant les avancées « importantes » reflétées dans le document des deux coprésidentes.  Il a fait appel à la diplomatie et à la bonne foi pour obtenir des résultats dans un processus « qui risque de s’éterniser ».  C’est la raison, a dit l’Équateur, pour laquelle nous aurions préféré que cette réunion ait lieu plus tard pour assurer une adhésion plus large à la décision orale.  Nous soutenons, a-t-il souligné, la Déclaration du soixante-quinzième anniversaire de l’ONU et nous jugeons que nous devons poursuivre les négociations « en se basant » sur les Éléments de convergence et de divergence. 

La Namibie a pris la parole pour dire à quel point il est « inacceptable » que les documents de la position africaine ne soient pas tous les deux mentionnés dans la décision orale.  Le Zimbabwe n’a pas dit autre chose.  Il a insisté sur l’importance du consensus d’Ezulwini et de la Déclaration de Syrte, comme position commune de l’Afrique et a fermement appuyé les amendements du Brésil.  Il a estimé que la décision orale du Président n’a pas fait l’objet de négociations, ce qui explique les critiques aujourd’hui.   

Adhérant pour sa part à la décision orale du Président, le Mexique a souligné que le document des deux coprésidentes reflète les discussions mais ne sont en aucun cas un consensus.  Il a donc regretté les amendements du Brésil « qui ajoutent aux divisions ».  Ces amendements sont « tout simplement inacceptables » et le document « non consensuel » des coprésidentes ne saurait être « le socle » des négociations intergouvernementales.  La réforme du Conseil de sécurité, a professé le Mexique, doit servir les intérêts de toute la communauté internationale et non pas seulement « ceux d’une poignée d’États ».  Le Costa Rica a aussi appuyé la décision orale qui représente « une mise à jour technique, inclusive et neutre », et rejeté les amendements du Brésil.  Nous ne voyons pas l’intérêt de présenter des amendements à un texte qui n’est qu’une mise à jour technique, a tranché à son tour la Colombie.

De son côté, la Guinée équatoriale a insisté sur la position commune africaine, en faisant observer que le document des deux coprésidentes ne reflète pas l’aspiration de tout le peuple africain et de ses dirigeants.  Le consensus d’Ezulwini et la Déclaration de Syrte doivent tous deux être intégrés dans tout document de base, a martelé l’Ouganda qui s’est réjoui que la position commune africaine soit « largement » soutenue par les États Membres.  Le Burundi aussi a regretté que le document des coprésidentes se contente de mentionner le consensus d’Ezulwini, tout en ignorant la Déclaration de Syrte.  Ces deux documents reflètent pourtant la position africaine, a-t-il fait observer à son tour.  Craignant que les discussions sur la décision orale du Président ne remette en cause tout le processus des négociations intergouvernementales, il l’a soutenue et s’est opposé aux amendements du Brésil.  Le Document-cadre de 2015, qui reflète pleinement la position africaine, et les Éléments de convergence et de divergence de cette session pourraient tous deux servir de « guide utile » aux futures négociations, a estimé le Burundi, en insistant sur un processus « crédible et transparent » sur les cinq points de la réforme.  

La République de Corée a dit n’avoir jamais douté de « l’impartialité » du Président de l’Assemblée et des deux coprésidentes.  Elle a apporté son appui à la décision orale du Président de l’Assemblée et a regretté que la pratique ancienne qui veut que l’on adopte ce texte technique de reconduction par consensus ait été mise à mal aujourd’hui, au risque d’endommager la nature même des négociations.  Le document présenté par les deux coprésidentes ne reflète que leurs propres points de vue, a fait remarquer la République de Corée, et il ne saurait par conséquent devenir « le socle unique » des négociations, qui doivent être pilotées par tous les États Membres.  Elle a espéré que le Brésil retirera ses amendements et prôné l’équilibre entre la politique et la diplomatie.

Une réforme souhaitée par une minorité d’États ne peut être imposée au plus grand nombre, a tranché la Turquie.  Elle a salué la décision orale du Président et rejeté l’idée de présenter des amendements dans le but d’imposer ses vues et de mettre de côté les préoccupations communes.  Il est en effet « fort regrettable », a renchéri le Pakistan, que certaines délégations choisissent de poursuivre leur tentative de diviser, en présentant à la dernière minute des amendements « inacceptables » pour un grand nombre d’États Membres.  Ce ne sont pas des amendements de procédure mais bien des modifications qui veulent remettre en cause le processus des négociations intergouvernementales.  La décision orale du Président, a poursuivi le Pakistan, est « complète et équilibrée » et devrait permettre de renforcer les convergences et de réduire les divergences, dans la recherche du consensus.  Alors, a dit le Pakistan au Groupe des Quatre, retirez vos amendements et cessez de vouloir diviser l’Assemblée générale et de provoquer un recul de plusieurs années.

Ces amendements ne reflètent même pas les discussions en cours, a tranché l’Argentine, qui a ajouté que le document des coprésidentes ne peut être vu que comme une compilation de leurs points de vue.  Nous soutenons, a-t-elle dit, la décision orale du Président qui n’est qu’une mise à jour technique pour garantir la poursuite du processus intergouvernemental.  La République islamique d’Iran a fait de même, saluant des propositions « défendues ».  Quant au document des coprésidentes, il relève uniquement de leur responsabilité comme elles l’ont dit elles-mêmes. 

Le Maroc a souscrit aux déclarations du Groupe des États d’Afrique, du Groupe des États arabes et du Comité des Dix de l’Union africaine.  Il a à son tour estimé que le document des coprésidentes ne reflète que leurs propres points de vue et analyse des discussions.  Il a aussi regretté l’absence de la référence à la Déclaration de Syrte, dans la mesure où elle va de pair avec le consensus d’Ezulwini.  Il a appuyé la demande « claire, juste et légitime » de l’Afrique telle que définie dans ces deux documents et exprimé son attachement au format actuel des négociations intergouvernementales.

Malte a souscrit pour sa part à l’intervention d’« Unis pour le consensus » et la décision orale du Président de l’Assemblée générale.  Elle a rejeté les amendements du Brésil « qui ne sont pas purement des amendements de procédure ».  L’Espagne a aussi salué la décision orale du Président et s’est opposé aux amendements du Brésil en ce qu’ils s’attaquent à des questions de fond.

Prenant la parole, à son tour, le Rwanda a jugé « tout simplement incompréhensible » que la Déclaration de Syrte ait été omise alors qu’il est connu de tous qu’avec le consensus d’Ezulwini, elle forme les « composantes indivisibles » de la position africaine commune.  L’ajout de ces deux documents dans les Éléments des deux coprésidentes est « indispensable », a insisté le Rwanda.

Le Sénégal a aussi jugé « incompréhensible » l’omission de la Déclaration de Syrte, à côté du consensus d’Ezulwini, alors qu’il est connu de tous que ce sont les deux composantes « indivisibles » de la position africaine commune.  La décision orale du Président, a-t-il asséné, marque « un recul regrettable » dans la prise en compte adéquate des demandes du continent.  Notre continent, déjà victime d’une injustice qui n’a que trop duré, ne peut qu’exprimer son désaccord et émettre sa ferme réserve, tout en exigeant la rectification, « sans délai », de cette omission afin de garantir le reflet complet et exact de la position africaine sur les cinq groupes thématiques des négociations intergouvernementales, a insisté le Sénégal.  Il s’est dit préoccupé par l’absence de consensus sur une décision de reconduction, contrairement aux années passées.  Le Groupe des États d’Afrique s’est toujours joint au consensus, dans l’esprit de préserver l’unité et la confiance mutuelle entre les Membres, mais aussi pour faire avancer la réforme du Conseil de sécurité, conformément aux buts et principes de la Charte des Nations Unies, a conclu le Sénégal.

ADOPTION DE LA RÉSOLUTION SUR LA SITUATION DES DÉPLACÉS ET DE RÉFUGIÉS D’ABKHAZIE ET DE LA RÉGION DE TSKHINVALU/OSSATIE DU SUD EN GÉORGIE (A/75/L.99)

Par ce texte, l’Assemblée reconnaît le droit qu’ont tous les déplacés et réfugiés, et leurs descendants, indépendamment de leur origine ethnique, de rentrer chez eux partout en Géorgie.  Elle souligne qu’il faut préserver les droits patrimoniaux de tous les déplacés et réfugiés touchés par les conflits et s’abstenir d’acquérir des biens au mépris de ces droits.  Elle réaffirme que les changements démographiques imposés sont inacceptables.  Elle invite tous les participants aux pourparlers de Genève à redoubler d’efforts en vue d’établir une paix durable, à s’engager à renforcer la confiance et à prendre immédiatement des mesures pour faire respecter les droits de l’homme et instaurer des conditions de sécurité propices au retour volontaire sans entrave, dans la sécurité et la dignité de tous les déplacés et réfugiés dans leurs foyers.  Elle souligne aussi qu’il faut fixer un calendrier pour ce retour volontaire. 

En présentant la résolution, M. KAHA IMNADZE (Géorgie) a, sans vouloir raconter l’histoire du conflit, souligné que depuis le début des années 90, en violation flagrante de la série d’accords de cessez-le-feu, la population géorgienne et d’autres groupes ethniques sont ciblés et expulsés en masse de l’Abkhazie, comme l’ont d’ailleurs reconnu plus de 80 résolutions, déclarations présidentielles et communiqués de presse du Conseil de sécurité.  Malheureusement en 2009, la Fédération de Russie a exercé son droit de veto pour bloquer la Mission d’observation des Nations Unies, après qu’elle a procédé à une véritable agression militaire en 2008.  Malgré l’accord de cessez-le-feu du 13 août 2008, la Fédération de Russie, a accusé le représentant, refuse toujours que le seul mécanisme d’observation, celui de l’Union européenne, exécute son mandat dans les territoires occupés.  

Le rapport le plus récent du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), a poursuivi le représentant, parle de diverses formes de discrimination ethnique.  Il souligne aussi que personne n’est tenu pour responsable des quatre cas de « privation arbitraire de vie » déplorés entre 2014 et 2019 en Abkhazie et en Ossétie du Sud.  Le représentant a jugé particulièrement alarmant que ces dernières années, aucune procédure spéciale des Nations Unies ni aucun représentant de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ou du Conseil de l’Europe n’ait été autorisé à se rendre les régions occupées. 

Le 21 janvier 2021, la Cour européenne des droits de l’homme a établi la responsabilité de la Fédération de Russie dans la violation du droit au retour des déplacés et des réfugiés, au nombre de 400 000, a rappelé le représentant.

Expliquant son vote, la Syrie a estimé que la résolution ignore les préoccupations véritables des habitants de l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud.  Les auteurs de ce texte ont préféré « une politisation », qui pourrait avoir des effets négatifs.  Ils cherchent à attiser les tensions entre les parties, en manipulant la situation humanitaire.  Nous appelons donc, a dit la Syrie, à voter contre la résolution.  Un appel entendu par la Fédération de Russie qui a dénoncé des projets humanitaires masquant d’autres desseins pour exercer des pressions sur des États souverains et mettant à mal les discussions de Genève.  Elle a demandé à la Géorgie et à ses partenaires de cesser leurs attaques et d’afficher leur volonté de discuter véritablement des questions humanitaires.  L’Équateur a insisté sur le droit de tous les déplacés et réfugiés de rentrer chez eux, quelle que soit leur origine ethnique.  Il a appelé toutes les parties à respecter les libertés fondamentales des populations, y compris les droits à la liberté et à la propriété foncière, et à faciliter l’accès humanitaire.  Il faut miser sur le dialogue et renforcer les discussions de Genève, a prié l’Équateur qui a appelé à s’abstenir des mesures unilatérales qui pourraient hypothéquer les initiatives internationales pour résoudre cette question. 

Au nom de l’Organisation pour la démocratie et le développement économique-Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan et Moldova (GUAM), M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a regretté qu’en dépit des appels de la communauté internationale, des centaines de milliers de déplacés et de réfugiés des régions géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud soient toujours privés de leur droit « fondamental » au retour.  Aucun changement majeur n’a été observé, comme en témoignent les détentions illégales, les enlèvements le long de la ligne d’occupation, les violations des droits à caractère ethnique, les assassinats et l’interdiction de l’enseignement dans la langue maternelle géorgienne.  

Dans ce contexte, il a salué les résolutions du Conseil des droits de l’homme qui appellent à un accès immédiat et sans entrave à ces régions du HCR et autres mécanismes internationaux et régionaux des droits de l’homme.  Les États membres du GUAM réitèrent leur soutien indéfectible à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Géorgie, a ajouté le représentant avant de parler en sa capacité nationale.

Il est revenu sur la décision de la Cour européenne des droits de l’homme, avant d’exhorter les « autorités d’occupation russes » à mettre fin à leurs pratiques illégales et à respecter leurs obligations, en tant que Puissance occupante au titre du droit international.  Il a aussi attiré l’attention des Membres de l’ONU sur le fait que 13 ans après le début de son agression et de son occupation des territoires géorgiens, la Fédération de Russie refuse toujours de mettre en œuvre l’accord de cessez-le-feu du 12 août 2008 négocié par l’UE.  La Fédération de Russie doit mettre fin à l’occupation temporaire de l’Abkhazie et de Tskhinvali/Ossétie du Sud, régions de Géorgie, a-t-il martelé. 

Au nom des pays baltes et nordiques, M. RYTIS PAULAUSKAS (Lituanie) a réitéré leur ferme soutien à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Géorgie lesquelles continuent d’être violées par la Fédération de Russie laquelle renforce d’ailleurs son contrôle.  À son tour, il est revenu à l’arrêt « historique » de la Cour européenne des droits de l’homme qui stipule clairement qu’en contrôlant effectivement les territoires géorgiens illégalement occupés, la Russie est responsable des graves violations de droits de l’homme.  À ce jour, plus d’une décennie après la première résolution de l’Assemblée sur cette question, aucun progrès n’a été réalisé en ce qui concerne le retour volontaire des déplacés et des réfugiés.  

Le représentant a salué les efforts du Gouvernement géorgien, en étroite coopération avec les organisations internationales, pour offrir aux déplacés des solutions « alternatives » pour s’intégrer là où ils sont ou se réinstaller ailleurs dans le pays.  Le représentant a dénoncé l’impunité qui entoure les graves violations des droits humains.  À son tour, il a fait observer que ces dernières années, aucun mécanisme international de surveillance des droits de l’homme n’a obtenu un accès illimité aux régions occupées.  Il a exigé un accès immédiat pour le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et d’autres mécanismes internationaux et régionaux des droits de l’homme.  

Réitérant le soutien des pays nordiques et baltiques au processus des pourparlers de Genève, le représentant s’est joint à l’appel du Secrétaire général de l’ONU pour que toutes les parties prenantes redoublent d’efforts et fassent des progrès tangibles sur les principales questions de sécurité et humanitaires.

M. VIKTOR DVOŘÁK, de l’Union européenne (UE), a réaffirmé son appui à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Géorgie à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues.  Il a exprimé la détermination de l’UE à soutenir la consolidation de la paix et le règlement du conflit en Géorgie, notamment dans le cadre de la Mission de surveillance sur le terrain.  Nous sommes, a-t-il ajouté, préoccupés par la situation dans les régions d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud et par la détérioration continue de la situation des droits de l’homme dans ces régions.  Il a souligné l’importance du droit de retour des réfugiés et des déplacés et a regretté qu’aucun progrès n’ait été réalisé jusqu’à présent même si la solution à ces questions est « une tâche essentielle » des discussions internationales de Genève.  Le représentant a salué les initiatives du Gouvernement géorgien sur la réinstallation des déplacés et l’a encouragé à s’attaquer aux difficultés d’accès à l’eau potable et à l’irrigation, au chauffage, aux moyens de subsistance et aux infrastructures sociales et médicales. 

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