Soixante-seizième session,
37e séance – matin & après-midi
AG/12387

L’Assemblée adopte une Déclaration politique sur le plan d’action contre la traite des personnes qui met l’accent sur les dangers d’Internet

« Nous, États Membres de l’ONU, réaffirmons le Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre la traite des personnes et manifestons notre ferme volonté politique d’agir résolument et de concert pour mettre fin à ce crime odieux. »  C’est par ces mots que les États Membres commencent leur « Déclaration politique de 2021 sur l’application du Plan » adoptée par consensus à la réunion de haut niveau que l’Assemblée générale a tenue aujourd’hui.  

Dans cette Déclaration exhaustive de 29 paragraphes de fond, « la traite des personnes » est définie comme le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace du recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, pour la prostitution, d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail forcé, l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes.  Les États Membres se félicitent de ce que le 30 juillet ait été proclamé « Journée mondiale de la lutte contre la traite d’êtres humains » et réaffirment leur volonté de régler les problèmes sociaux, économiques, culturels, politiques et autres qui exposent les personnes à la traite, comme la pauvreté, le sous-développement, la migration irrégulière, l’apatridie, le chômage, les inégalités, l’inégalité de genre, les violences sexuelles et fondées sur le genre, la discrimination, le handicap, l’exclusion sociale et financière, la marginalisation, la stigmatisation, la corruption, les persécutions, ainsi que les situations d’urgence humanitaire, de conflit armé et de catastrophe naturelle.  

Les États Membres se disent gravement préoccupés par le fait que la pandémie de COVID-19 a exacerbé les situations existantes de vulnérabilité à la traite des personnes et promettent d’associer activement les victimes de la traite à l’élaboration, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation de ces efforts.  Ils s’engagent à prendre les mesures appropriées pour assurer l’accès à la justice et la protection de ces victimes et à intensifier leurs efforts, sous réserve des lois, règles et règlements nationaux, pour mettre en œuvre le principe de « non-sanction ».  

Ils constatent avec une vive préoccupation que les ressources consacrées à la lutte contre la traite des personnes à l’échelle mondiale ne sont pas adaptées à l’ampleur de la tâche et soulignent qu’il faut resserrer la coopération internationale, y compris le renforcement des capacités, l’échange des bonnes pratiques et du savoir-faire ainsi que l’assistance technique.  Ils jugent nécessaire de nouer des partenariats public-privé pour prévenir et détecter la traite des personnes, conscients du rôle important joué par les institutions financières.  Ils réaffirment également qu’il est nécessaire de continuer à renforcer la coordination et la cohérence générales de l’action que les organismes des Nations Unies mènent à l’échelle mondiale.  

Ils disent d’ailleurs mesurer l’importance du rôle que le Groupe interinstitutions de coordination contre la traite des personnes joue dans le système des Nations Unies et réaffirment le rôle central que l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) joue.  Conscients que les réfugiés et les migrants participant à des déplacements massifs de population sont davantage exposés à la traite des personnes et notamment au travail forcé, les États Membres s’engagent de nouveau à prendre les mesures nécessaires pour les protéger, notamment grâce à l’élaboration de politiques et de programmes qui tiennent compte de l’âge et du genre.  

Ils rappellent à cet égard les engagements qu’ils ont pris vis-à-vis du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, y compris les mesures discrétionnaires telles que l’accès aux permis de séjour ou de travail, les visas humanitaires, le regroupement familial et les parrainages privés, selon le cas.  Ils se déclarent par ailleurs profondément inquiets que de plus en plus de liens existent entre les groupes armés, notamment terroristes, et la traite des personnes.  Ils notent aussi avec préoccupation que, de plus en plus, les technologies de l’information et des communications, en particulier Internet, sont détournées pour faciliter divers aspects de la traite de personnes et se disent également conscients qu’il faut veiller à ce que tous les acteurs des chaînes d’approvisionnement mondiales, y compris les intermédiaires, qui exploitent le travail des victimes de la traite ou en tirent profit, répondent de leurs actes, notamment par l’imposition de sanctions suffisamment strictes et par l’adoption et l’application de mesures législatives et pratiques appropriées.  

La traite des personnes est plus qu’une question politique, elle représente une tragédie humaine qui subsiste, affaiblit la sécurité nationale, provoque la distorsion des marchés, enrichit les criminels et les terroristes et constitue un affront aux valeurs universelles, a souligné M. Abdulla Shahid, Président de l’Assemblée générale, premier d’une liste de plus de 70 orateurs, incluant Mmes Amina Mohammed, Vice-Secrétaire générale de l’ONU; Ghada Wali, Directrice exécutive d’ONUDC; Siobhan Mullaly, Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants; Yasmeen Hassan, Directrice exécutive d’« Equality Now » et  Malaika Oringo, Fondatrice et Présidente de « Footprint to Freedom ».  

Rescapée elle-même de la traite, cette dernière a rejeté « l’image de la victime parfaite » que l’on veut accoler aux victimes de la traite.  Passons de l’empathie à l’action car la pitié ne suffit pas.  Ce que nous voulons, c’est que l’on offre aux rescapés des chances de prospérer et de s’épanouir, a-t-elle martelé au cours d’une réunion de haut niveau qui s’est déclinée en débat général et en deux tables rondes et qui se poursuivra demain, mardi 23 novembre, à partir de 10 heures.

RÉUNION DE HAUT NIVEAU DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE SUR L’ÉVALUATION DU PLAN D’ACTION MONDIAL DES NATIONS UNIES POUR LA LUTTE CONTRE LA TRAITE DES PERSONNES ORGANISÉE EN APPLICATION DE LA RÉSOLUTION A/RES/75/283 DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DU 7 JUIN 2021

Déclarations liminaires

M. ABDULLA SHAHID, Président de l’Assemblée générale, a rappelé que plus qu’une question politique, la traite des personnes représente une tragédie humaine qui subsiste, affaiblit la sécurité nationale, provoque la distorsion des marchés, enrichit les criminels et les terroristes et constitue un affront aux valeurs universelles.  Liée à d’autres crimes, tel que les flux financiers illicites, l’usage de faux documents de voyage et la cybercriminalité, la traite des personnes a pour constante l’abus de la vulnérabilité inhérente des victimes.  Nous devons, a martelé le Président, améliorer notre capacité à y répondre, en nous penchant d’abord sur ses causes profondes comme la pauvreté, le chômage, la violence fondée sur le genre, la discrimination et la marginalisation, autant de facteurs qui ont été aggravés par la pandémie de COVID-19.  Cette pandémie a aussi limité l’aide aux victimes et amoindri la faculté des États à identifier et poursuivre les malfaiteurs.

Le Président a insisté sur la collecte des données et l’analyse des modes opératoires pour mettre en place une prévention et une riposte efficaces.  Nous devons, a-t-il dit, privilégier une approche centrée sur les victimes et les survivants et évaluer les politiques sur la traite dans les domaines des droits de l’homme, de l’égalité des sexes, de la migration, du travail, de l’éducation et de la santé.  Cette approche doit inclure la société tout entière et promouvoir la collaboration entre gouvernements, société civile et secteur privé. 

La traite, a rappelé le Président, est d’abord une grave violation des droits de l’homme qui se nourrit des préjugés et des inégalités systémiques.  Nous devons reconnaître que les migrants sont fréquemment les victimes des discriminations.  Il faut des politiques qui réduisent les risques qu’ils encourent à chaque étape de leur voyage.  N’oublions jamais, a ajouté le Président, les conséquences humaines de ce crime odieux, la réalité violente vécue par les victimes, la bravoure et la résilience des survivants.  Le courage des victimes présentes pendant ce débat nous rappelle notre obligation de mieux protéger nos communautés.  Rendons leur justice, a conclu le Président, et assurons-nous que d’autres ne souffrent pas des tragédies et des privations que les victimes ont subis.

Mme AMINA MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, s’est félicitée du succès des négociations autour de la Déclaration politique, arguant qu’il faut renouveler et revigorer, plus que jamais, l’action globale contre le « crime » car les difficultés économiques, les conflits, et les urgences sanitaires et climatiques rendent les gens encore plus vulnérables à la traite, à l’exploitation et aux abus.  Les crises mondiales, plus particulièrement la pandémie de COVID-19, ont fait reculer les progrès du Programme de développement durable à l’horizon 2030, dont les cibles liées à la lutte contre la traite, a-t-elle alerté.  Parallèlement, les forces de l’ordre se heurtent à des obstacles supplémentaires dans la détection du crime, compte tenu des restrictions de mouvement imposées par la pandémie.  La traite des personnes peut donc se tapir dans les méandres de l’économie mondiale et les coins obscurs d’Internet.  

Mme Mohamed a en effet expliqué que les trafiquants utilisent les technologies de l’information et de la communication pour recruter, contrôler et exploiter leurs victimes.  Les femmes et les filles sont visées de façon disproportionnée et soumises au mariage, à la servitude ou encore au travail forcé.  La Vice-Secrétaire générale a mentionné le dernier rapport de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC)qui révèle qu’environ le tiers de toutes les victimes détectées sont des enfants, soit trois fois plus qu’au cours de ces quinze dernières années, à cause des médias sociaux.  Le rapport de l’ONUDC indique également que, dans la plupart des régions du monde, beaucoup de victimes sont des migrants.  

La Vice-Secrétaire générale s’est alarmée du manque de cadres et de mécanismes pour s’attaquer à ce problème complexe.  Les victimes de la traite sont punies ou pénalisées.  Il est temps, a-t-elle prescrit, de mettre les survivants au centre des politiques, de traduire les trafiquants en justice et d’offrir un accès effectif aux réparations.  Il faut, a-t-elle encore plaidé, renforcer l’assistance technique et améliorer la coopération entre les États, par des échanges d’information et des opérations judiciaires conjointes, conformément au Pacte mondial pour une migration régulière, sûre et ordonnée.  

La Vice-Secrétaire générale a également appelé au renforcement de la coordination entre les entités de l’ONU et d’autres institutions pertinentes, surtout dans les crises humanitaires.  Elle a aussi encouragé des partenariats avec le secteur privé et la société civile car les organisations dirigées par les survivants peuvent promouvoir un changement d’approche dans la lutte contre la traite, en particulier le soutien aux victimes.  À ce moment charnière, a conclu la Vice-Secrétaire générale, la Déclaration politique peut insuffler l’élan voulu pour une action résolue contre la traite des personnes.  Elle a en profité pour appeler les États à remettre le Programme 2030 sur les rails, en cette Décennie d’action.  

Dans un discours préenregistré, la Directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Mme GHADA WALY, a souligné l’impact négatif de la pandémie de COVID-19 sur les victimes de la traite, notant également que plus le temps passé en ligne augmente, plus l’exploitation s’empire.  L’ONUDC a adapté ses réponses à la nouvelle réalité, notamment dans son document de vision stratégique 2021-2025, a-t-elle déclaré, attirant aussi l’attention sur le dernier rapport mondial de l’Office sur la traite des personnes, lequel analyse la manière dont les conditions sociales et économiques, telles que celles causées par la récession liée à la COVID-19, rendent les gens plus vulnérables à la traite.

La Directrice exécutive a expliqué comment l’ONUDC a aidé cette année 55 pays à progresser dans la mise en œuvre du Protocole sur la traite.  Le soutien comprend le renforcement des capacités numériques, l’amélioration de la transparence dans les politiques de passation des marchés publics ou encore la promotion des partenariats public-privé, y compris avec les entreprises technologiques.  L’ONUDC a aussi offert une assistance à plus de 5 000 victimes par an par l’intermédiaire des ONG.  À cet égard, la Directrice exécutive s’est particulièrement félicitée de ce que les survivants aient été entendues lors de l’élaboration de la Déclaration politique.

Cette réunion de haut niveau intervient à un moment « critique », a estimé Mme SIOBHAN MULLALLY, Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, constatant que plus de 10 ans après l’adoption du Plan mondial, ce crime se poursuit en toute impunité.  Les femmes et les filles sont particulièrement exposées à l’exploitation et « souvent à des formes multiples et conjuguées d’exploitation », a-t-elle signalé, avant de revenir sur l’impact sexospécifique de la pandémie de COVID-19; l’aggravation de la pauvreté et du chômage touchant de manière disproportionnée les femmes et les filles.  

Malgré les promesses sur les droits des victimes de la traite, le racisme et la xénophobie continuent de limiter leur accès à une protection.  Évoquant la situation des peuples autochtones, des communautés minoritaires, des apatrides ou encore des réfugiés, « cibles » des trafiquants, la Rapporteuse spéciale a dénoncé l’incapacité des États à garantir une protection non discriminatoire et à prendre des mesures de prévention efficaces.  Pourtant, les outils juridiques et politiques sont là, a-t-elle rappelé, regrettant que leur utilisation reste faible.  

Mme Mullally a salué le Pacte mondial sur les migrations comme un résultat important car une migration sûre, ordonnée et régulière réduit les risques de trafic.  Pour protéger les travailleurs migrants, la Rapporteuse spéciale a appelé à un contrôle plus efficace des agences de recrutement et à l’amélioration des législations sur le travail.  Les permis de travail « restrictifs » ou l’application discriminatoire de la loi rend les migrants vulnérables à l’exploitation.  

Les technologies numériques peuvent contribuer à la prévention de la traite et à la lutte contre l’impunité, mais, a fait observer Mme Mullally, les entreprises et les États ne prennent pas les mesures qui s’imposent.  À son tour, elle a souligné le rôle « essentiel » de la société civile et condamné fermement les attaques contre les défenseurs des droits de l’homme qui aident les migrants, alors que le Protocole de Palerme consacre l’obligation des États de créer des partenariats avec les ONG.  La Rapporteuse spéciale a aussi fait observer que les attaques contre les écoles ou les hôpitaux peuvent être une tactique des trafiquants pour recruter des enfants.  Il revient aux États, a-t-elle martelé, de prendre des mesures efficaces de protection dans les situations de conflit ou de déplacement forcé.  Les enfants détenus pour association avec des groupes armés doivent être reconnus comme des victimes de graves violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international.  

Mme Mullally a également encouragé les États à veiller à ce que les mesures de lutte contre la traite des personnes soient conformes à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.  Elle a aussi appelé à un effort pour que les mandats des opérations de paix incluent explicitement des mesures de lutte contre la traite des personnes.  Elle a conclu en soulignant, à son tour, l’impact des phénomènes climatiques, dont les déplacements, sur la lutte contre la traite des personnes.

Mme YASMEEN HASSAN, Directrice exécutive d’« Equality Now », s’est souvenue que dans les années 90, il n’y avait pratiquement pas de structure de lutte contre la traite des personnes.  Le Plan d’action mondial a été arrêté en 2010 et c’est en 2018 que les États se sont engagés à faire un suivi.  Néanmoins, a—t-elle regretté, nous ne répondons pas encore pleinement aux appels des victimes.  Même quand les pays ont des lois, elles sont peu ou pas mises en œuvre.  De nombreuses jeunes femmes de la campagne mexicaine continuent d’être exploitée, après avoir été alléchées par la promesse d’une carrière de mannequin.  Des jeunes femmes nigérianes sont recrutées comme travailleuses puis obligées de se prostituer en Italie pour payer leurs passeurs.  Il est temps, s’est impatientée la Directrice exécutive d’appliquer la loi et de faire en sorte qu’elle garantisse l’équité et la protection des plus vulnérables.  Comme l’Internet sert de principal outil de recrutement, les gouvernements doivent mieux réglementer l’espace numérique et changer des lois non adaptées à cet espace.  Il n’y a pas de temps à perdre et l’inaction est tout simplement inacceptable, a-t—elle conclu.

Quand j’avais 8 ans en Ouganda, j’avais un jeu avec mes amis qui s’appelait « osons rêver », a raconté la rescapée de la traite des personnes, Mme MALAIKA ORINGO, Fondatrice et Présidente de « Footprint to Freedom ».  Moi, s’est-elle souvenue, je rêvais d’aller à l’ONU et de parler de l’impact de la guerre sur les enfants.  Malheureusement, l’histoire que je voulais raconter a changé car la guerre a ouvert la porte à la traite.  Le voyage d’une victime, a-t-elle dit, ne commence pas quand le trafiquant apparaît.  La traite, c’est le fruit d’années de vulnérabilités en raison d’un manque de ressources et de l’impunité. 

Apprendre des victimes et faire de leurs suggestions des mesures concrètes, c’est ce qu’a préconisé Mme Oringo, pour une approche axée sur la victime.  Les rescapés, a-t-elle insisté, connaissent la stratégie des trafiquants.  Elle a rejeté la tendance à coller à ces rescapés « l’image de la victime parfaite ».  Moi-même, a-t-elle poursuivi, j’ai été une sans-papier pendant 10 ans, sans pouvoir être scolarisée ni accédé à un logement.  Je me suis donc retrouvée vulnérable à une nouvelle exploitation.  Mme Oringo a pointé la responsabilité des gouvernements, des agences publiques et du secteur privé.  Insistant sur l’implication des rescapés, elle a demandé: Quelle voix représentez-vous?  Quelle voix manque dans les processus de prise de décisions?  Passant de l’empathie à l’action car la pitié ne suffit pas.  Ce que nous voulons, c’est que l’on offre aux rescapés des chances de prospérer et de s’épanouir, a conclu Mme Oringo. 

Explication de position sur la Déclaration politique de 2021 sur l’application du Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre la traite des personnes (A/76/L.11)

L’Algérie a souligné qu’elle n’est pas partie au Pacte de Marrakech qui, a-t-elle répété, ne fait pas la distinction entre la migration régulière et les migrants en situation irrégulière.  Le Pacte passe sous silence la complexité d’un problème qui exige la prise en compte de multiples facteurs tels que les conflits armés ou les catastrophes naturelles. 

À leur tour les États-Unis ont insisté sur le caractère non contraignant d’une Déclaration politique qui ne saurait amender ou étendre leurs obligations. 

La Hongrie s’est aussi dissociée de toute mention du Pacte de Marrakech auquel elle n’est pas partie, arguant que les politiques migratoires relèvent de la prérogative exclusive des États.  

Débat

Mme MARTA LUCIA RAMIREZ, Vice-Présidente et Ministre des affaires étrangères de la Colombie, a vu dans le Plan d’action mondial une feuille de route pour la prévention et la lutte contre la traite des personnes qui met à la fois l’accent sur la protection et l’assistance aux victimes et sur l’obligation des auteurs de rendre des comptes.  Elle a espéré que la Déclaration politique favorisera un nouvel élan des alliances et de la coopération dans les efforts consentis par les États.  La Vice-Présidente a insisté sur la nécessité de concentrer les efforts sur la prévention, seule stratégie concrète pour réduire cet abominable délit, rappelant également que selon le rapport mondial de 2020 sur la traite des personnes, 65% des victimes sont des femmes et des filles, et que l’exploitation sexuelle est la principale cause d’exploitation dans le monde, avec 50% des cas identifiés, suivie par le travail et la mendicité forcés.  La récession économique due à la pandémie de COVID-19 a augmenté les cas de traite.  Il y a eu moins d’opportunités d’accès à l’éducation et à l’emploi et davantage d’incidents de violence familiale, créant un climat de grande vulnérabilité que les réseaux de trafiquants, « ces mafias criminelles », s’empressent de mettre à profit, a-t-elle dénoncé.  

Mme Ramirez a jugé encore plus grave la situation actuelle de la migration irrégulière qui met en péril la vie des migrants et les expose à des situations d’exploitation sexuelle et de travail forcé, à la traite des personnes, à la détention et à bien d’autres délits.  Partant, elle a lancé un appel aux États afin qu’ils redoublent d’efforts pour opposer un « front commun » aux réseaux transnationaux de traite des personnes à travers des ripostes efficaces et coordonnées.  La Colombie a proposé à cette fin la création d’un groupe d’élite avec les ministères de l’intérieur et les services de police de tous les pays de l’hémisphère.  Une approche intégrale et intégrée de la migration est une priorité pour le pays, a précisé la responsable colombienne, expliquant que le Président Duque avait joué la carte la plus ambitieuse au monde en octroyant le statut temporaire de protection des migrants vénézuéliens dans l’objectif de régulariser deux millions de migrants qui ont été forcés d’abandonner leur pays à cause de la dictature du Président Nicolas Maduro.  Ce statut leur permet d’obtenir une assistance complète et humanitaire et ouvre les portes à l’éducation, la santé et un travail décent sur un pied d’égalité et dans des conditions dignes.  

La Colombie met en œuvre la stratégie 2020 de lutte contre la traite des personnes, conçue avec la participation de la société civile, a assuré Mme Ramirez.  Le pays a également renforcé la Commission intersectorielle établie en 2019 et chargée de la prévention du recrutement, de l’utilisation et du viol sexuel de garçons, de filles et d’adolescents.  Face au phénomène croissant de la migration dans toutes les régions du monde, la Vice-Présidente a exhorté à garder à l’esprit qu’il s’agit, d’abord et avant tout, d’êtres humains.  Elle a appelé au respect du principe de sécurité, pour s’assurer que des membres de réseaux de trafiquants et du narcotrafic ne se trouvent pas en contact avec les migrants.  La Vice-Présidente a insisté sur le principe de solidarité et responsabilité partagée, soulignant que même les nations les plus riches n’ont pas la capacité d’absorber tous ceux qui passent leurs frontières.  À cet égard, elle a cité l’action des pays de sa région, confrontés à une migration énorme en provenance de Haïti, du Venezuela, et parfois aussi de Cuba, et de certains migrants africains. 

M.  ALFONSO NSUE MOKUY, Vice-Premier Ministre chargé des droits de l’homme de la Guinée équatoriale, a remercié le Gouvernement des États-Unis pour son appuis à la lutte de son pays contre la traite des êtres humains et souligné l’importance d’une action conjointe de tous les acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux contre ce fléau.  

Il a évoqué le plan national d’action pour la prévention et la lutte contre la traite des personnes pour la période 2019-2021 qui a été le cadre des mesures prises par son gouvernement depuis deux ans malgré les difficultés liées à la pandémie.  Ce plan s’est illustré par la création d’un protocole d’action interinstitutionnelle pour la protection des victimes et par une mise en conformité de nos lois avec le « Protocole de Palerme » à la demande du Département de la justice des États-Unis.  

Le représentant a par ailleurs rappelé que l’enregistrement des citoyens étrangers, « mal interprété par certains médias », n’avait d’autre but que de permettre à ces derniers de régulariser leur situation dans un délai de trois mois, sans intention de leur nuire.  Il a ensuite réaffirmé la volonté de son pays de vouer plus d’efforts et de moyens à la prévention de la traite des personnes et aux poursuites contre les trafiquants.

M. HORACE CHANG, Premier Ministre adjoint et Ministre de la sécurité nationale de la Jamaïque, s’est félicité de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur l’évaluation du Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre la traite des personnes, qu’il a jugée pertinente compte tenu des changements dans le contexte sécuritaire du fait de la pandémie de COVID-19.  Il a salué les efforts mondiaux déployés dans la lutte contre la traite des personnes sous toutes ses formes et s’est dit déterminé à contribuer à une réponse globale contre la traite.  La Jamaïque, a indiqué le Ministre, continue de renforcer le cadre institutionnel pour lutter contre la traite des personnes.  Ainsi, le Bureau du rapporteur national pour la lutte contre la traite des personnes a été doté de ressources pour fonctionner plus efficacement.  En 2019, un poste d’agent de lutte contre la traite des êtres humains a été créé, dont l’équipe a été encore renforcée en 2020.  M. Chang a estimé qu’il est urgent d’établir des mécanismes de coopération entre les pays d’origine, de transit et de destination, ce qui ne peut être réalisé que par le partage d’informations et un partenariat accru au niveau mondial.  Il a estimé que le Plan d’action mondial est un outil qui devrait permettre à la communauté mondiale de réussir.  

Mme YLVA JOHANSSON, Commissaire aux affaires intérieures de l’Union européenne, a souligné que la traite des êtres humains exige une approche unie, et indiqué que l’UE soutient fermement la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et le protocole relatif à la traite des personnes.  Elle s’est dite préoccupée que le Bélarus instrumentalise actuellement la migration à grande échelle à des fins politiques, estimant que cette pratique équivaut à du trafic de migrants.  « C’est inacceptable », a-t-elle tranché.  

La Commissaire a ensuite indiqué que la stratégie de lutte contre la traite des êtres humains de l’UE repose sur quatre domaines d’action qui visent à réduire la demande; briser le modèle économique des trafiquants, en ligne et hors ligne; protéger, soutenir et autonomiser les victimes, en particulier les femmes et les enfants; et promouvoir la coopération internationale.  Elle a expliqué qu’au sein de l’UE, la traite de personnes se fait principalement à des fins d’exploitation sexuelle et que 92% des victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle sont des femmes et des filles, une victime sur quatre étant un enfant.  Ces tendances se reflètent également au niveau mondial, a déploré la Commissaire de l’UE.  En outre, le revenu annuel tiré de la traite à des fins d’exploitation sexuelle dans l’UE est estimé à 14 milliards d’euros, a-t-elle précisé, arguant qu’il est impératif de réduire la demande pour priver les trafiquants de leurs profits criminels.  

Pendant la pandémie de COVID-19, a-t-elle poursuivi, les trafiquants se sont de plus en plus déplacés en ligne pour chaque phase du trafic.  Elle a souligné que les enfants courent un risque accru de devenir victimes de trafiquants en ligne et a estimé que les sociétés Internet et technologiques ont un rôle à jouer pour réduire l’utilisation des plateformes en ligne à des fins de recrutement et d’exploitation.  Elle a également plaidé en faveur du renforcement des capacités des autorités répressives et judiciaires afin de lutter contre le modèle commercial numérique des trafiquants.  Il faut pouvoir détecter les signes d’exploitation dans les publicités en ligne et obtenir des preuves numériques, a précisé la déléguée en insistant sur l’impératif d’une approche globale.  Dans ce contexte, a-t-elle ajouté, l’UE est d’avis que l’adoption de la Déclaration politique est cruciale pour appuyer les efforts conjoints et multilatéraux.  

  M. ROBERTO ÁLVAREZ, Ministre des affaires étrangères de la République dominicaine, a dit que malgré les progrès dans la lutte contre la traite des personnes, ce phénomène demeure une menace pour des millions de personnes dans le monde, aggravée par la pandémie de COVID-19.  Notre gouvernement a la volonté politique de combattre ce fléau, a assuré le Ministre.  Son pays a mis en place un cadre national de riposte contre la traite et le troisième plan national de lutte contre ce fléau, avec un appui législatif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).  Une loi interdisant le mariage des enfants a été adoptée et les centres d’accueil des victimes de la traite ont été multipliés.  M. Alvares a insisté sur l’importance de détruire les structures de pouvoir qui perpétuent ce phénomène et de développer l’accès des victimes aux soins.  Mettant également l’accent sur la coopération internationale, le Ministre a déclaré que la Déclaration politique qui vient d’être adoptée constitue une feuille de route mondiale « que nous sommes prêts à mette en œuvre ».

M. OSCAR SILVERA MARTINEZ, Ministre de la justice de Cuba, s’est élevé contre la politisation de la question de la traite des personnes qui ne contribue en rien à une meilleure coopération internationale en la matière.  Le Ministre a ainsi rejeté l’inclusion « injustifiée et discriminatoire » de Cuba, pour des raisons entièrement politiques, dans le rapport publié à ce sujet par le Département d’État américain.  Il est inacceptable que, sans aucun fondement, les États-Unis accusent Cuba de promouvoir la traite des êtres humains ou la pratique de l’esclavage, s’est indigné M. Martinez.  C’est pour lui une volonté de « dénigrer le travail méritoire » de centaines de milliers de professionnels et de techniciens de la santé cubains qui, depuis des décennies, ont apporté bénévolement leur aide dans des dizaines de pays, y compris, tout récemment, dans la lutte contre la pandémie de COVID-19.  Face à ces allégations « absurdes », Cuba continuera à sauver des vies et à promouvoir la santé et le bien-être dans le monde entier, dans la limite de ses possibilités, partout où on le lui demande, a conclu le Ministre.

Mme DOMINIQUE HASLER, Ministre des affaires étrangères, de l’éducation et du sport du Liechtenstein, a décrit la traite des personnes et l’esclavage moderne comme l’expression la plus extrême de l’inégalité économique, qui affecte particulièrement les femmes et les filles et entrave nos efforts pour atteindre le développement durable.  Elle a appelé à faire entendre la voix des victimes et des survivants dans la riposte et les stratégies d’action.  

La Ministre a déploré que, malgré l’engagement de la communauté internationale pour l’abolition universelle de l’esclavage, la traite des personnes perdure dans le monde entier avec une impunité choquante.  Elle a appelé à faire de la riposte internationale un élément clef du Programme 2030.  

Mme Hasler a proposé donner au secteur financier un rôle majeur dans la lutte contre la traite des personnes et noté que la Déclaration politique de 2021 fait clairement référence au besoin de partenariats public/privé pour la prévention et la détection de la traite des personnes, et au rôle des institutions financières et des initiatives des États Membres dans ce domaine.  Elle a ainsi souligné l’initiative phare du Liechtenstein, FAST (Finance against Slavery and Trafficking), un partenariat public/privé intégré dans le système de l’ONU qui place les institutions financières au cœur de la lutte contre la traite des personnes en focalisant son action dans les domaines de la conformité, de l’investissement responsable et de l’innovation financière.  Cette initiative, qui reçoit le soutien de l’Australie, des Pays-Bas et de l’Agence norvégienne pour la coopération et le développement, est mise en œuvre par le University Centre for Policy Research des Nations Unies. 

M. ALI BIB SAEED BIN SMAIKH AL MARRI (Qatar) a déclaré, dans un message préenregistré, que, conformément à sa Vision 2030, son pays avait, dès le début, appuyé le Plan d’action mondial pour la lutte contre la traite des personnes.  Saluant l’adoption de la déclaration politique, il a rappelé la publication d’un communiqué commun issu d’une réunion préparatoire, accueillie par le Qatar, en coopération avec l’Autriche, le Royaume-Uni, le Bangladesh, le Nigéria, et en coordination avec l’ONUDC visant à intensifier l’engagement dans le cadre du combat contre l’esclavage contemporain et le commerce des êtres humains au cours de la pandémie de COVID-19.  Au niveau national, le Qatar a mis sur pied, en 2017, une commission de lutte contre la traite des personnes.  Plus récemment, il a adopté des textes législatifs tendant à la protection des nombreux migrants qui viennent travailler dans le pays.  Le représentant a également fait savoir que le Qatar est le premier État de la région du Golfe à avoir supprimé le régime de la « kafala », à faciliter le mouvement des travailleurs migrants, et à éliminer la discrimination salariale à leur encontre. 

M. ANÍBAL TORRES VÁSQUEZ, Ministre de la justice et des droits de l’homme du Pérou, a mis en avant l’engagement de son pays dans la lutte contre la traite des êtres humains et les différentes formes d’exploitation, tant sur le plan de la prévention que sur celui de la protection des victimes.  Il a fait état de l’adoption, cette année, d’une politique de lutte contre ces phénomènes, qui vise à articuler les efforts de toutes les entités publiques aux niveaux local, régional et national.  Dans un souci d’exhaustivité, ce dispositif est complété par une politique multisectorielle pour les garçons, les filles et les adolescents, a-t-il précisé, ajoutant que la traite est désormais considérée au Pérou comme un crime qui viole les droits humains et la dignité des personnes, ainsi que leur intégrité physique et socioémotionnelle.  À cet égard, a encore indiqué le Ministre, la loi pénale péruvienne prévoit pour les victimes des réparations qui comprennent un remboursement des frais liés aux traitements médicaux et psychologiques, une réadaptation physique, sociale et professionnelle et une indemnisation pour la perte d’emploi, d’éducation et d’avantages sociaux.  Un système d’assistance juridique gratuite et de parrainage des victimes a en outre été mis en place par le Ministère de la justice et des droits de l’homme.

M. JEAN ASSELBORN, Ministre des affaires étrangères du Luxembourg, a estimé que les politiques migratoires restrictives ont accentué la vulnérabilité des migrants face à la traite et à l’exploitation.  Il a condamné « l’instrumentalisation des migrants à des fins politiques » par les autorités du Bélarus à la frontière des États membres de l’Union européenne.  « Cette action constitue une violation manifeste du droit international des droits humains. »  Solidaire des États membres subissant cette « attaque hybride », le Luxembourg a rappelé son attachement au Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, et à la création de voies migratoires régulières, permettant de réduire la vulnérabilité des migrants à la traite. 

Phénomène multiforme dont les motivations varient considérablement, la traite découle avant tout, selon le Ministre, de la pauvreté intergénérationnelle, de la marginalisation socioéconomique et de la discrimination.  C’est pourquoi, pour M. Asselborn, la lutte contre ce fléau ne doit pas être ancrée uniquement dans un modèle de droit pénal, mais également poursuivre une approche s’appuyant à la fois sur l’égalité des genres, le travail décent, la protection sociale, le développement durable et les droits humains.  Le Luxembourg, qui élabore actuellement son deuxième plan d’action national contre la traite des personnes, a désigné la Commission consultative des droits de l’homme comme rapporteur national concernant la prévention de la traite à l’échelle nationale, afin de garantir la prise en compte des droits humains.  Par ailleurs, afin d’assurer une « transversalité » de la lutte contre la traite et de cibler toute forme d’exploitation -y compris l’esclavage moderne et le travail forcé– le pays a mis en place un « Comité de suivi interministériel », composé d’une douzaine de ministères et d’administrations, pour mieux coordonner la lutte contre ce phénomène.

M. VLADIMIR MAKEI, Ministre des affaires étrangères de Bélarus, a rappelé que son pays a participé dès l’origine au Plan d’action mondial des Nations Unies contre la traite des personnes, et qu’il contribue au Fonds d’affectation spéciale pour les victimes de la traite.  En dépit de succès, de nouvelles formes et de nouveaux mécanismes de la traite sont apparus.  « La traite est passée à l’ère numérique », a déploré le Ministre.  Selon lui, le Conseil de sécurité doit s’emparer de ce problème vu son impact sur les questions de sécurité et paix internationales.  Insistant sur l’importance d’améliorer la coopération et la coordination entre les États, M. Makei a souligné la nécessité pour le Groupe des amis contre la traite de continuer son travail.  La Déclaration politique qui vient d’être adoptée vise à promouvoir la coopération internationale pour lutter contre ce phénomène et le dialogue en est une composante importante, a-t-il conclu. 

Mme VICTORIA OUEDRAOGO-KIBORA, Ministre de la justice, des droits humains et de la promotion civique du Burkina Faso, a déclaré que la traite, notamment celle des femmes et des enfants, était devenue un sujet de préoccupation grandissant pour les pays de l’Afrique de l’Ouest en général et pour le Burkina Faso en particulier. 

Elle a appelé à développer d’urgence des mesures concrètes et efficaces pour lutter, et renforcer les capacités techniques et opérationnelles des organes de détection, de poursuite et de répression de la traite des personnes.  Le Burkina Faso a pour sa part mis en place un dispositif juridique et institutionnel de répression sur lequel repose une stratégie nationale qui se concentre sur quatre domaines prioritaires: prévention de la traite; protection des victimes; réhabilitation des victimes; et coopération nationale et internationale.

Cependant, a poursuivi Mme Ouedraogo-Kibora, le contexte national, marqué par la « permanence des organisations criminelles » et « la recrudescence du phénomène terroriste » depuis 2015, entrave les efforts burkinabé de lutte contre la traite des personnes.  L’un des défis majeurs, a mentionné la Ministre, est d’établir une « synergie d’action » entre les différents acteurs de la lutte, afin d’éviter qu’il ne s’établisse des connexions entre les réseaux criminels de recruteurs et les personnes déplacées internes, notamment les femmes et les enfants. 

M. TEODORO L. LOCSIN, Ministre des affaires étrangères des Philippines, qui a qualifié la traite des personnes de « contraire à l’humanité » et sa pratique de « prédatrice », a indiqué que la mondialisation n’a fait qu’empirer les choses avec la progression de la technologie, de la communication, des transactions financières et des transports.  Il a également relevé que la traite des personnes prospère en particulier dans les pays déchirés par la guerre.  Le Ministre a estimé que l’élimination de la pauvreté éradiquerait aussi la traite des personnes, faisant notamment observer que les sociétés marquées par des écarts plus larges entre riches et pauvres ont plus de cas de trafic sexuel.  Sur 10 victimes, 5 sont des femmes et 2 sont des filles, pour la plupart des migrants.  Un tiers sont des enfants et la moitié sont exploitées à des fins sexuelles, a-t-il détaillé.

M. OWEN BONNICI, Ministre de l’égalité, de la recherche et de l’innovation de Malte, a passé en revue les différentes initiatives mises en œuvre dans son pays pour lutter contre ce crime.  Il s’agit tout d’abord de créer des services d’assistance aux victimes, de former des fonctionnaires et de sensibiliser le public par le biais de campagnes nationales.  Il a également cité le renforcement du cadre législatif qui a considérablement évolué, avec une aggravation des peines qui sont passées depuis 2018 de 4 à 6 ans pour la peine minimale, et à 12 ans pour la peine maximale.  En outre, la loi sur les victimes d’infractions a encore été modifiée afin d’introduire deux nouveaux services, à savoir un traitement médical et des mesures de protection contre les risques d’intimidation et de représailles.  À cet égard, M. Bonnici a souligné que ces services sont fournis aux victimes de la traite des êtres humains, même lorsque l’infraction a été commise en dehors du territoire maltais.  Dans le même ordre d’idées, des mesures de soutien spéciales pour les enfants victimes de la traite sont intégrées dans la législation maltaise ainsi que plusieurs mesures de protection importantes figurant dans les directives du Conseil de l’Europe sur la justice adaptée aux enfants.  Poursuivant, le Ministre a évoqué la consultation publique lancée en 2019 en vue de mener une réforme sur la traite des êtres humains et la prostitution.  Enfin, il a cité la campagne nationale intitulée « Human like you » qui est destinée à sensibiliser le public à ce délit et à encourager les victimes à demander de l’aide. 

M. TOM DE BRUIJN, Ministre du commerce extérieur et de la coopération pour le développement des Pays-Bas, a constaté d’emblée que la traite des personnes ne s’est pas arrêtée pendant la pandémie, « bien au contraire ».  Les victimes sont tout simplement devenues moins visibles et les criminels sont passés de la rue à l’Internet.  Aucun pays ne peut seul mettre fin à ce fléau, a martelé le Ministre, appelant à travailler ensemble et à coopérer avec toutes les parties prenantes pertinentes.  C’est ce qu’ont fait les Pays-Bas, a-t-il expliqué, ajoutant que son pays aide également d’autres pays à élaborer des cadres juridiques adéquats pour traduire en justice les auteurs de ces crimes ou apporter une aide psychosociale aux victimes de la traite.  La démarche multidisciplinaire des Pays-Bas a été reconnue internationalement, s’est enorgueilli le Ministre mais « on peut aller encore plus loin ».  Il a donc annoncé le prochain plan national pour la protection des enfants en ligne, ce qui est essentiel parce que plus de 80% des premiers contacts avec les mineurs se font en ligne.

Mme HELEN MCENTEE, Ministre de la justice de l’Irlande, s’est dite convaincue que la politique centrée sur les victimes adoptée par le Gouvernement irlandais encouragera davantage de victimes à se manifester, ce qui renforcera les poursuites et les condamnations.  À cet égard, la Ministre a évoqué de nouvelles approches qui ont d’ores et déjà donné leurs fruits, citant d’abord le Mécanisme national d’orientation, révisé cette année, qui permet à toutes les agences, au sein de l’État ou de la société civile, de partager des informations sur les victimes potentielles, d’identifier celles-ci et de faciliter leur accès aux conseils, à l’hébergement et au soutien.  Divers organismes publics et organisations non gouvernementales ont un rôle à jouer dans l’identification des victimes de la traite des êtres humains et pour les orienter vers ce mécanisme.  La police, en tant que seule autorité compétente pour traiter de cette problématique, a expliqué Mme McEntee, ne constitue pas, à ses yeux, une réponse adéquate.  « Nous voulons être sûrs que toutes les victimes de la traite soient identifiées et aidées afin de pouvoir les soutenir. »  Cela contribuera également, a-t-elle poursuivi, à recueillir davantage de preuves afin de traduire en justice les auteurs de ces crimes.  La Ministre a ensuite mentionné le Plan d’action national sur la traite des êtres humains, ainsi que des programmes de formation dispensés par des ONG pour le personnel dans les secteurs de l’hôtellerie, des compagnies aériennes, des transports maritimes et de la sécurité susceptibles d’entrer en contact avec des victimes de la traite. 

M. ALBERT FABRICE PUELA, Ministre des droits de l’homme de la République démocratique du Congo, a indiqué que le Cabinet de son Président comprend un service spécialisé dénommé « Agence pour la prévention et la lutte contre la traite des personnes » et chargé de renforcer les capacités d’enquête et de poursuite des contrevenants.  Un pas important vient d’être franchi, s’est enorgueilli le Ministre, en citant l’adoption le 12 novembre dernier, par le Conseil des ministres d’un projet de loi modifiant et complétant le Code pénal congolais, en matière de prévention et de répression de la traite des personnes.  Le Ministre a informé l’Assemblée générale qu’un groupe de trafiquants vient d’être arrêté et poursuivi, conformément aux dispositions légales, et qu’une condamnation vient d’être prononcée contre ces « malfrats » par les juridictions congolaises.  Le Ministre a déploré que plusieurs de ses compatriotes, particulièrement les femmes et les filles, sont amenées dans certains pays du monde par des réseaux criminels qui leur font miroiter un avenir meilleur et qui, une fois sur place, les transforment en esclaves sexuelles.  « C’est ensemble que nous pourrons lutter efficacement contre ce fléau », a souligné le Ministre.  

Mme VINDHYA PERSAUD, Ministre des services sociaux et de la sécurité sociale du Guyana, a mis en avant la politique de tolérance zéro adoptée par son gouvernement à l’égard de la traite des personnes.  Mon pays a, au fil des ans, progressivement augmenté l’enveloppe budgétaire de la lutte contre ce fléau, a poursuivi Mme Persaud, avant de dévoiler le plan d’action national qui comprend un important volet formation.  Cette initiative, a-t-elle expliqué, vise à préparer les travailleurs en première ligne, la police, les douaniers, les opérateurs du secteur des transports et la société civile à identifier les victimes de la traite.  En outre, s’est-elle félicitée, mon pays a amélioré sa capacité de collecter d’informations et de signalement des cas présumés, de mener des opérations d’infiltration, d’aider les victimes à reconstruire leur vie et de faciliter leur rapatriement volontaire.  

Dans le même esprit, des programmes de sensibilisation du public sont menés en langues étrangères et dans certaines langues autochtones, a-t-elle dit, évoquant à titre d’exemple, la mise en place d’une ligne d’assistance téléphonique bilingue, accessible 24 heures sur 24.  Pour l’heure, le Gouvernement est en train de finaliser son plan d’action national 2021-2025, a conclu la Ministre.

M. RAMTANE LAMAMRA, Ministre des affaires étrangères et de la communauté nationale établie à l’étranger de l’Algérie, a relevé que la traite des personnes est l’un des trois crimes les plus lucratifs après le trafic d’arme et de drogues.  Saluant l’adoption de la Déclaration politique, il a appelé traduire cette volonté politique en actions concrètes qui renforcent la coopération internationale dans le but de prévenir ce crime, de protéger les victimes, lutter contre l’impunité.  Il a également appelé à redoubler d’efforts pour aborder ses causes profondes, telles les conflits armés, les crises politiques, le terrorisme et l’extrémisme violent, ainsi que l’augmentation de la pauvreté et l’écart croissant de développement entre les pays.  Face à l’étendue et à la complexité des causes de ce mal, les mesures préventives restent le meilleur remède, a-t-il préconisé.  

Le Ministre a ensuite indiqué que la traite des personnes n’a pas épargné l’Algérie en raison de la recrudescence des conflits et crises dans les régions voisines et sur un continent affecté par le trafic de drogue et le terrorisme.  Outre la création, en 2015, du Comité national de prévention et de lutte contre le trafic de personnes, le Gouvernement est en train de finaliser une loi de prévention, de protection et de pénalisation de la traite qui met notamment l’accent sur la protection des femmes et des enfants et prévoit des centres d’hébergement à des fins de protection.  Il a rappelé néanmoins que, vu les interconnexions complexes entre les différentes branches du crime organisé, aucun pays ne peut combattre seul ce fléau qui exige, selon lui, des partenariats ciblés et une solidarité internationale ancrée dans le programme 2030. 

Détaillant l’arsenal mis en place par son pays pour lutter contre la traite des personnes, M. MILTIADIS VARVITSIOTIS, Ministre suppléant des affaires étrangères de la Grèce, a évoqué la création, en 2013, du Bureau du Rapporteur national sur la traite des personnes, au sein du Ministère des affaires étrangères.  Le Mécanisme national d’orientation pour la protection et le soutien des victimes de la traite a été officiellement lancé en 2019, et le Code pénal grec a été amendé en juillet 2019 et novembre 2021 afin de renforcer l’harmonisation avec les normes européennes et internationales.  En outre, une nouvelle loi sur les procédures d’asile contient des dispositions pour les populations vulnérables en mouvement, y compris les victimes de traite.

M. Varvitsiotis a alerté que l’instrumentalisation de migrants pour des motifs politiques envoie des personnes vulnérables comme les femmes et les enfants entre les mains des trafiquants, rappelant que la Grèce est en première ligne depuis des années maintenant, ses frontières terrestres et maritimes étant également les frontières extérieures de l’Union européenne.  « Il est crucial d’envoyer aujourd’hui le message que la coopération et la compréhension entre les pays voisins sont vitales », a-t-il déclaré.

M. VIJAVAT ISARABHAKDI, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Thaïlande, a comparé la traite de personnes à une forme d’esclavage moderne et s’est dit alarmé par cette tendance continue observée dans toutes les régions du monde.  Cela ne doit pas être toléré, a-t-il tranché en exhortant la communauté internationale à redoubler d’efforts et à agir pour lutter contre ce crime odieux.  Le Plan d’action mondial fournit un cadre d’action global, avec l’appel à la prévention, la protection des victimes, la poursuite des trafiquants, et le partenariat, a-t-il noté.  La Thaïlande lutte contre la traite des êtres humains à travers un programme national, a expliqué le Vice-Ministre.  Avec la pandémie de COVID-19, son pays a observé une baisse globale des cas de traite transfrontalière en raison de contrôles stricts aux frontières.  Cependant, l’exploitation sexuelle en ligne et la traite via Internet ont considérablement augmenté et représentent environ 30 à 50% du total des cas enregistrés ces deux dernières années, a déploré M. Isarabhakdi.  Les technologies de l’information et Internet ont facilité l’accès à un groupe beaucoup plus important de victimes potentielles.  Les trafiquants utilisent la technologie pour profiler, recruter, contrôler et exploiter leurs victimes, tout en étant en mesure de cacher aux enquêteurs les matériaux illégaux issus de la traite et leur véritable identité; ils peuvent aussi opérer dans plusieurs endroits en même temps.  L’application de la loi est devenue de plus en plus difficile, a concédé le Vice-Ministre, dans la mesure où toute enquête nécessite une coopération transfrontalière ainsi qu’une expertise numérique.  Par conséquent, le renforcement des capacités et la coopération entre les pays sont indispensables dans ce domaine. 

M. Isarabhakdi a également insisté sur l’impératif de lutter contre les causes profondes de la traite à savoir la demande, les inégalités sociales et économiques dans le monde et les vulnérabilités des personnes, en particulier pendant la pandémie de COVID-19.  Les gouvernements doivent lutter contre la pauvreté et le sous-développement et investir dans les personnes par le biais de l’éducation, des soins de santé, de l’emploi et des moyens de subsistance.  Dès lors, le Ministre a estimé que la mise en œuvre du Plan d’action mondial doit être encore renforcée et intégrée dans les efforts continus pour faire avancer le Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Mme PETRA SCHNEEBAUER, Vice-Ministre, Ministère fédéral des affaires européennes et internationales de l’Autriche, a déclaré que, bien que la lutte contre la traite des personnes soit internationale par nature, ses trois éléments clefs, à savoir la coordination, la coopération et l’engagement, doivent commencer avec et au sein de chaque État Membre de l’ONU.  C’est la raison pour laquelle, a-t-elle expliqué, le Gouvernement autrichien a créé en 2004 un groupe de travail sur la lutte contre la traite des personnes, qui rassemble toutes les parties prenantes autrichiennes concernées.  À cet égard, Mme Schneebauer a souligné l’importance des organisations non gouvernementales spécialisées, car ce sont elles qui travaillent sur le terrain, donnant vie à l’approche centrée sur les victimes en créant un espace de confiance.  Le principal outil de l’Autriche contre la traite des êtres humains est un plan d’action national triennal, a-t-elle indiqué.  Ledit plan présente un ensemble de 109 mesures contre la traite des personnes et comprend des objectifs de coopération, de prévention, de protection des victimes, de poursuites ainsi que de recherche et de suivi.  En outre, a-t-elle ajouté, une conférence contre la traite est organisée chaque année.

M. HANGWEI DU, Vice-Ministre de la sécurité publique de la Chine, a salué le rôle des Nations Unies pour promouvoir la lutte contre la traite des personnes dans le monde.  Pour sa part, le Gouvernement chinois a mis en œuvre le Plan d’action mondial en renforçant les droits humains des femmes et des enfants et en améliorant les mécanismes de protection des victimes de la traite.  D’après le Vice-Ministre, la réussite de la Chine dans ses efforts visant à éradiquer la pauvreté extrême a grandement contribué à contrer la traite de personnes.  Le Gouvernement a aussi adopté des lois dont celles sur la protection des mineurs et des femmes, ou celle sur la répression des activités de traite de personnes.  S’appuyant en outre sur les technologies de l’information et des communications pour retrouver les enfants victimes de la traite, la Chine a ouvert une « ligne verte » avec 34 pays, a encore expliqué le responsable.   Elle a organisé des réunions régulières sur la question avec 37 pays, et signé 177 mémorandums d’accords et de coopération avec 54 pays dont le Viet Nam.  La Chine est disposée à coopérer techniquement en ligne avec les autres pays.

Table ronde I: « Le Plan d’action mondial et les problèmes et lacunes persistants de traite, y compris la traite des femmes et des enfants, en particulier les filles, à des fins d’exploitation sexuelle »

La première table ronde de cette réunion avait pour thème « Le Plan d’action mondial et les problèmes et lacunes persistants en ce qui concerne la traite, y compris la traite des femmes et des enfants, en particulier les filles, à des fins d’exploitation sexuelle ».  Comme l’a expliqué M. José Alfonso Blanco Conde, Représentant permanent de la République dominicaine et modérateur de cette discussion, les progrès réalisés ces 20 dernières années dans la reconnaissance du crime ne doivent pas faire oublier les lacunes dans la compréhension du phénomène.  Il convient donc de réfléchir à ses causes profondes, notamment à ce qui accentue les vulnérabilités et conduit à la traite, tout en mettant l’accent sur les meilleures pratiques et les stratégies innovantes.  Il faut aussi se pencher, selon lui, sur la dimension sexospécifique du problème, alors que, selon le dernier rapport mondial de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) sur la traite, 6 victimes sur 10 sont des femmes adultes et 2 sont des filles, 50% des victimes détectées l’ayant été à des fins d’exploitation sexuelle.  

Après le témoignage de Mme Kendall Alaimo, artiste plasticienne et rescapée de la traite, qui a fait don d’une de ses œuvres à la présidence de l’Assemblée générale au nom de « l’émotion au service de l’action », la parole a été donnée à la première panéliste, Mme Kalliopi Mingeirou, Cheffe de la section d’ONU-Femmes dédiée à la fin de la violence faite aux femmes, qui a souligné le lien entre les violences sexistes et la traite.  Parmi ces violences, elle a distingué les normes et croyances sociales de domination masculine, de « droit sexuel » et de contrôle des hommes sur les femmes.  À ses yeux, l’une des bonnes pratiques en la matière consiste à faire évoluer ces normes que les garçons et les filles absorbent dès le plus jeune âge et à « reconstruire la masculinité ».  Plus les hommes ont des attitudes équitables entre les sexes, moins ils sont susceptibles de commettre des violences à l’égard des femmes et des filles, a-t-elle observé, saluant au passage les mouvements qui appellent les garçons et les hommes à « remettre en cause les règles patriarcales ».  Un autre domaine où des améliorations sont possibles est celui des réponses de la justice aux survivants de la traite.  Actuellement, a-t-elle noté, les condamnations pour des cas de traite des femmes et des filles sont beaucoup moins fréquentes que pour d’autres formes de traite. 

À sa suite, Mme Taina Bien-Aimé, Directrice exécutive de la Coalitioncontre la traite des femmes, a jugé qu’en dépit des progrès considérables qui ont été accomplis dans la lutte contre ce crime au fil des ans, une action stratégique multisectorielle est nécessaire pour continuer de progresser.  Elle a ainsi exhorté les États Membres à incorporer dans leurs programmes un libellé sur la cible 5.2 du Programme 2030 et à mettre en œuvre l’article 9.5 du Protocole de Palerme, qui se concentre sur la demande menant à la traite, y compris la prostitution.  Elle a également souhaité que les efforts de lutte contre la traite soient dirigés par les survivants et qu’il soit tenu compte de leurs traumatismes.  En termes de défis rencontrés, il est important de se souvenir des obstacles culturels et historiques, a relevé la militante, non sans rappeler que de nombreux États Membres ont tiré profit de la traite des êtres humains.  Un autre obstacle tient, selon elle, à la notion même de violence sexiste, alors que l’on assiste à une normalisation du commerce du sexe et à une augmentation de l’exploitation sexuelle en ligne.  De telles réalités s’infiltrent dans la vie quotidienne et influencent les protocoles d’identification des victimes de la traite, a-t-elle constaté. 

Lui-même survivant de la traite, M. Longdy Chhap, aujourd’hui conseiller et formateur en traumatologie pour l’organisation Hagar Cambodge, a jugé essentiel de mettre davantage l’accent sur la famille, les parents et les communautés en général.  Il a témoigné qu’enfant, il s’est retrouvé à mendier dans des rues en Thaïlande, pris dans un trafic de mineurs.  Peu de choses étaient alors comprises sur le phénomène de la traite au sein de son entourage.  C’est pourquoi, a-t-il dit, il faut davantage d’information, de sensibilisation et de soutien, en particulier pour les communautés pauvres et isolées.  Informer les familles sur la traite est d’autant plus important que, dans de nombreuses communautés, les enfants suivent les instructions des membres plus âgés de leur famille.  Soulignant par ailleurs l’importance de mieux comprendre les traumatismes et les maladies mentales causés par la traite, il a précisé qu’Hagar Cambodge travaille au plus près des rescapés et de leurs familles, en leur fournissant des services juridiques, sociaux et sanitaires. 

La parole est ensuite revenue aux délégations pour qu’elles posent des questions aux panélistes et partagent avec eux des approches nationales.  Demandant aux intervenant de fournir des informations supplémentaires sur la meilleure façon de lutter contre la traite, le représentant des États-Unis a fait observer que les partenaires efficaces incluent les institutions financières, qui sont en mesure de détecter les transactions suspectes et d’enquêter sur les flux d’argent liés à la traite, mais aussi les forces de police frontalière, qui peuvent identifier et protéger les victimes.

Le représentant du Canada a, pour sa part, souligné les vulnérabilités accrues des communautés marginalisées, avant de s’enquérir des partenariats réussis entre les gouvernements et le secteur privé.  Son homologue de l’Inde a souhaité en savoir davantage sur l’utilisation des technologies de l’information dans le traitement des problèmes liés à la traite des êtres humains.  De leur côté, les représentants de la Grèce et de l’Australie ont fait état d’actions concrètes en cours au niveau national, notamment dans le domaine de la prévention et de la protection des droits des victimes, tandis que l’observateur de l’Union européenne donnait un aperçu des efforts menés à l’échelle régionale.  

Dans un message vidéo préenregistré, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) s’est félicitée que davantage de pays aient ratifié le Protocole de Palerme et promulgué de nouvelles législations anti-traite.  Elle a toutefois relevé que beaucoup reste à faire, ce qui nécessite de travailler ensemble.  Intervenant lui aussi par vidéo, le Secrétariat du Commonwealth a, quant à lui, noté qu’une personne sur 150 est actuellement victime d’exploitation dans les États membres de l’organisation, appelant ces derniers à redoubler d’efforts pour éradiquer ce fléau.

La représentante du Groupe de coordination interinstitutions contre la traite des personnes a, elle, réaffirmé que les efforts de prévention doivent s’orienter vers la réduction des vulnérabilités et la lutte contre les principaux moteurs de la traite des personnes, notamment la pauvreté, la violence sexiste, la discrimination raciale ainsi que les inégalités sociales structurelles sous-jacentes.  Elle s’est en outre prononcée pour des réglementations plus efficaces et ciblées s’agissant des pratiques de passation des marchés, souhaitant d’autre part que l’utilisation des technologies et les droits des travailleurs soient mieux protégés.  Soulignant l’importance de ne pas punir les victimes de la traite qui peuvent se retrouver impliquées dans des crimes liés à ce phénomène, elle a estimé que la justice pénale a besoin de ressources soutenues, de renforcement des capacités ainsi que d’une coopération internationale pour mettre fin à l’impunité des trafiquants.

Le représentant de l’African Youth Employment Initiative a demandé aux panélistes s’il existait une stratégie pour empêcher les jeunes de migrer de manière forcée, la pauvreté étant largement reconnue comme la cause première de la traite.

À son tour, le représentant des Pays-Bas a détaillé les mesures prises par son pays pour lutter contre la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle, en particulier l’introduction d’une responsabilité pénale pour les personnes qui utilisent des services sexuels tout en sachant qu’une victime de la traite est impliquée.  Il a aussi fait état d’une politique globale relative à la prostitution qui permettra aux travailleurs du sexe de travailler légalement et en toute sécurité, tout en faisant en sorte que le bénéfice de leur activité profite à la lutte contre la traite. 

Saluant la participation de victimes de la traite à cette table ronde, le représentant du Mexique a estimé que si les hommes ne faisaient pas partie de la solution, ils pourraient finir par faire partie du problème.  Il s’est ensuite interrogé sur l’impact de la « masculinité toxique » sur la traite des personnes.  Le délégué de Sri Lanka a ensuite demandé si l’une des raisons qui poussent des personnes à fuir la pauvreté dans leur pays ne serait pas, tout simplement, le fait que les « biens communs à l’humanité » ne sont pas répartis de façon équitable et accessibles par tous. 

Dans de nouveaux messages préenregistrés, la Finance Against Slavery and Trafficking Initiative a souligné la nécessité de réglementer la conduite des entreprises dans les chaînes de valeur mondiales et de renforcer les partenariats anti traite avec les acteurs du secteur financier, tandis que l’organisation Women’s Link Worldwide observait que de nombreux États essaient d’aborder le problème du point de vue du droit pénal et du contrôle migratoire sans considérer la dimension des droits humains.  Constatant par ailleurs que les femmes n’ont souvent pas accès à l’asile si elles ne sont pas considérées comme des victimes, elle a demandé quelles mesures les États peuvent prendre dans le cadre du Plan d’action mondial pour assurer la protection des droits de l’homme et la protection des victimes.

En réponse à ces questions et remarques, la Cheffe de la section d’ONU-Femmes dédiée à la fin de la violence faite aux femmes a estimé que l’utilisation des régimes de protection sociale devrait être davantage explorée.  En ce qui concerne les groupes marginalisés, elle a souligné le rôle important que jouent les organisations de femmes dans la sensibilisation aux risques de la traite.  Des investissements accrus de la part des secteurs privés pour lutter contre la vulnérabilité sont nécessaires, a-t-elle ajouté, saluant à cet égard les efforts déployés par les plateformes technologiques pour sensibiliser à la traite.  À ses yeux, il importe également de tenir compte des normes sociales afin que les institutions qui s’occupent des survivants s’assurent qu’elles ne les traumatisent pas à nouveau.

« Être née fille ne devrait pas être une vulnérabilité », a souligné pour sa part la Directrice exécutive de la Coalitioncontre la traite des femmes.  Relevant que la traite des êtres humains est une activité très rentable, elle a jugé essentiel de travailler avec des institutions financières pour la combattre.  Cependant, a-t-elle ajouté, on ne peut aborder la question de la traite sans évoquer le marché, c’est-à-dire l’offre et la demande.  Bien que les chaînes d’approvisionnement se révèlent compliquées, « le fruit à portée de main est l’achat d’actes sexuels », a-t-elle pointé, avant de déplorer que la collecte de données sur ce problème soit souvent menée par des individus qui sont des « consommateurs de sexe ».  Elle a également plaidé pour des partenariats avec la communauté médicale, observant qu’en matière d’exploitation sexuelle à des fins commerciales, on sait peu de choses sur les conséquences physiques et médicales sur les êtres humains et les sociétés.

Dernier panéliste à réagir, le conseiller de l’organisation Hagar Cambodge a mis l’accent sur l’offre éducative pour lutter efficacement contre ce fléau qui touche un nombre croissant d’enfants.  Il a également considéré qu’un soutien accru doit être apporté au personnel qui travaille directement avec les survivants de la traite.  Favorable à une approche de soins holistique, il a préconisé un effort d’information et de sensibilisation sur les moyens d’aider et soutenir les personnes passées par l’épreuve de la traite. 

Table ronde II: « Plan d’action mondial pour la lutte contre la traite des êtres humains et aux questions émergentes, telles que l’exploitation sexuelle sur Internet, en particulier des enfants, dans le contexte actuel de la pandémie de COVID-19 »

Notre riposte doit être innovante, a voulu M. Enrique Manalo, Représentant permanent des Philippines et modérateur de cette deuxième table ronde. 

« La pandémie a eu une énorme incidence sur la traite », a renchéri M. Ilias Chatzis, de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).  Il a indiqué que les trafiquants se sont adaptés, en prenant pour cible les enfants privés d’école.  Une victime sur trois de la traite est en effet un enfant, a dit M. Chatzis, en rappelant que les pays à faible revenu sont les plus touchés.  Il a souligné l’augmentation des contenus pédopornographiques depuis la pandémie, tout en notant que l’utilisation d’Internet à des fins d’exploitation est une tendance antérieure.  Il a noté les demandes d’assistance formulées par les pays, en précisant que l’ONUDC vient en aide à plus de 80 pays. 

« Nous n’étions pas prêts lorsque la pandémie a frappé », a-t-il concédé, en appelant à tirer les leçons de cette expérience et à élaborer des stratégies de crise dès à présent.  Il a aussi noté les liens entre la traite et les changements climatiques, ceux-ci aboutissant à des déplacements et à une vulnérabilité accrue.  M. Chatzis a souligné les avancées de la justice électronique, avec des audiences en ligne, qui ont permis de punir les responsables de la traite même pendant la pandémie.  Enfin, il s’est voulu optimiste et a exprimé l’espoir que la traite des êtres humains soit définitivement vaincue.  « L’esclavage a existé pendant des siècles avant d’être éradiqué. »

Un optimisme partagé par Mme Hannah Darnton, de l’Initiative « Technologie contre la traite », qui a déclaré que les technologies sont une « réelle chance » dans la lutte contre la traite.  Elles permettent un partage des données facilitant l’identification des victimes et l’apport d’une assistance.  Mme Darnton a estimé que la réponse globale est pour l’heure trop cloisonnée et souffre d’un manque d’informations sur les initiatives existantes, dont l’Initiative « Technologie contre la traite ».  Elle a voulu que les victimes jouent un rôle actif dans l’élaboration des stratégies de lutte contre la traite, tout comme les entreprises technologiques.  Ces dernières doivent évaluer les risques des applications qu’elles développent, a-t-elle martelé.  Mais, a-t-elle reconnu, la technologie ne peut remplacer la volonté politique et les ressources financières. 

Mme Betty Pedraza Lozano, Directrice de « Espacios de Mujer », a, elle aussi, noté les conséquences négatives de la pandémie sur les efforts de lutte contre la traite, celle-ci s’étant déplacée en partie dans le cyberespace.  Elle s’est attardée sur les risques encourus par les réfugiés vénézuéliens en Colombie et a proposé la mise en place d’outils pédagogiques surtout pour les enfants, avec l’implication active des fournisseurs d’Internet et des ONG.  Les secteurs hôtelier et du divertissement, qui peuvent être des points d’entrée pour la traite des êtres humains, doivent être associés à tous les efforts de lutte.

Dans leurs interventions, les délégations ont fait part de certaines propositions pour vaincre « l’hydre de la traite », selon l’expression du Bélarus.  La République démocratique du Congo (RDC) a ainsi plaidé pour un accès plus surveillé à Internet et la mise à disposition de techniques permettant aux parents de contrôler l’usage qu’en font les enfants.  Le Brésil a insisté sur une approche préventive plutôt que répressive, tandis que l’Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OSCE) a jugé primordial de s’attaquer aux argentiers d’une traite qui génère 100 milliards de dollars par an.  L’Union européenne a appelé à un dialogue accru avec les fournisseurs d’accès sur Internet, alors que l’Australie a souligné l’importance d’associer le secteur privé. 

Dans ce droit fil, le Canada a détaillé l’initiative PROTECT, qui est un partenariat public-privé ayant conduit à la rédaction de plus de 100 fiches de renseignement.  Plus globalement, la Grèce a appelé à vaincre l’idée selon laquelle la traite serait un phénomène « normal, presque tolérable ».  Lutter contre la traite, c’est lutter contre l’impunité, a-t-elle martelé. 

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