Soixante-seizième session,
Réunions virtuelles – matin & après-midi
AG/SHC/4323

Troisième Commission: la Haut-Commissaire aux droits de l’homme pointe les lacunes révélées par la pandémie et incite à la solidarité

Lors de son rendez-vous annuel avec la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a déclaré que la pandémie de COVID-19 a révélé une série de lacunes, notamment dans l’accès à la justice, à l’éducation et à la protection sociale, ainsi que dans la protection contre la violence et l’insécurité et l’accès à la justice et à la protection.  

Forte de ce constat, Mme Michelle Bachelet a appelé à réduire ces écarts en matière des droits humains en rapprochant les personnes de leurs droits et en les rapprochant entre elles grâce à la confiance, au respect et à la solidarité.

Outre la Haut-Commissaire, la Commission a également entendu les exposés, et tenu des dialogues interactifs avec le Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur la jouissance des droits de l’homme, et les titulaires de mandat sur la protection et la promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste; et sur l’indépendance des juges et des avocats. 

L’épreuve de la COVID-19 ne pourra être surmontée qu’en œuvrant ensemble dans la solidarité, à travers « un système multilatéral plus en réseau et plus inclusif » et en basant tous les efforts sur les droits humains, a préconisé Mme Bachelet, qui a longuement décrit les activités tant du Haut-Commissariat que de la myriade de ses bureaux sur le terrain, au nombre de 98 actuellement.  

Résolument orientée vers la participation des personnes et de la société civile, Mme Bachelet a vivement plaidé en faveur de la réduction des inégalités au sein et entre les pays, essentielle pour mieux se relever. Elle a également décrié les répercussions de l’inégalité vaccinale: « Je ne saurais trop insister là-dessus: les vaccins contre la COVID-19 doivent être traités comme un bien public mondial », a-t-elle voulu. 

Partant, la Haut-Commissaire a exhorté à la création d’un nouveau contrat social et d’un modèle économique qui placent les êtres humains et les droits de la personne au centre de la politique économique, permettant ainsi d’accélérer la réalisation du Programme 2030.  Sa recette pour ce faire comprend l’augmentation des investissements dans la protection sociale et la couverture sanitaire, le travail décent et la fiscalité progressive. 

D’autre part, Mme Bachelet a mis l’accent sur l’établissement du Forum permanent des personnes d’ascendance africaine; et l’adoption, il y a quelques jours par le Conseil des droits de l’homme (CDH) d’une résolution sur le droit de l’homme à un environnement propre, sain et viable.  Elle a assuré qu’elle entend se mobiliser en faveur de la « justice climatique » et annoncé le lancement, l’an prochain, d’un programme sur les droits environnementaux pour appuyer l’action dans le monde.

Le moment est venu de jeter des ponts et de réduire les écarts en matière de droits humains, a déclaré la Haut-Commissaire, pour qui les prochaines étapes doivent être franchies avec « urgence et détermination, confiance et solidarité ».

De son côté, commentant son rapport qui examine l’assistance technique et le renforcement des capacités en matière de droits de l’homme dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a indiqué que celui-ci a été rédigé dans le contexte de « l’extraordinaire expansion » du renforcement des capacités et de l’assistance technique dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent.  Avec le vingtième anniversaire des attentats du 11 septembre aux États-Unis en toile de fond, Mme Fionnuala Ní Aoláin, a néanmoins remarqué que cette croissance sans précédent des institutions antiterroristes « n’a pas été accompagnée par des protections des droits de l’homme et d’une augmentation des capacités en matière d’état de droit ».  

Aucune « bonne intention ou objectif » ne peut justifier que des individus ou des populations entières subissent des « dommages collatéraux », a déclaré pour sa part la Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, qui a passé au peigne fin les différentes formes de sanctions existantes, ainsi que leur impact sur l’ensemble de la population des pays visés.  Mme Alena Douhan a également indiqué que l’imposition de mesures coercitives unilatérales s’était répandue durant la pandémie, entrainant des répercussions à la fois directes et indirectes qui se font ressentir sur les droits humains.

Quant au Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, il appelé à la création urgente de conditions favorisant une présence adéquate des femmes dans les systèmes judiciaires, notant que le nombre de femmes accédant à des postes de direction ou élevés dans la hiérarchie a considérablement diminué au niveau mondial.  M. Diego Garcia-Sayan a également constaté que les préjugés et stéréotypes perdurent puisque les femmes sont généralement confinées à des postes au sein des tribunaux de la famille, ou à des affaires de type « social ».  Il a en outre défendu les droits des femmes afghanes, en particulier « les juges, procureures, avocates et étudiantes en droit qui ont été harcelées, persécutées, attaquées et empêchées d’exercer leurs fonctions ».  

La Troisième Commission reprendra ses travaux demain, jeudi 14 octobre à partir de 10 heures.                                                     

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS

Exposé

Venue présenter son rapport annuel (A/76/36) Mme MICHELLE BACHELET, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a déclaré d’emblée que l’épreuve de la COVID-19 ne pourra être surmontée qu'en œuvrant ensemble dans la solidarité, à travers « un système multilatéral plus en réseau et plus inclusif » et en basant tous les efforts sur les droits humains.  En effet, la pandémie a révélé une série de lacunes, notamment dans l’accès à la justice, à l’éducation et à la protection sociale, ainsi que dans la protection contre la violence et l’insécurité et l’accès à la justice et à la protection, a énuméré la Haut-Commissaire.  Elle a appelé à réduire ces écarts en matière des droits humains en rapprochant les personnes de leurs droits et en les rapprochant entre eux grâce à la confiance, au respect et à la solidarité.

Abordant la question de la prévention, Mme Bachelet a décrit comment le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) continue d’aider les pays à assurer la responsabilisation et la justice pour les violations et abus des droits humains.  Au Soudan du Sud 245 activités de renforcement des capacités ont été effectuées cette année au profit de plus de 6 000 personnes; au Mexique, une assistance technique a été fournie au bureau du Procureur dans l’enquête sur la disparition forcée de 43 étudiants de l’école rurale d’Ayotzinapa; et aux Philippines, un appui a été accordé à la mise sur pied d’un nouveau programme conjoint de l’ONU qui vise à promouvoir les approches fondées sur les droits de la personne dans la lutte contre le terrorisme et le contrôle des drogues.

Le HCDH a également facilité les processus de justice, par l’établissement ou l’aide au fonctionnement des commissions de vérité en République centrafricaine, en Colombie, au Mali et en Gambie, ainsi qu’au Kasaï, en République démocratique du Congo.  Elle a également cité l’appui accordé aux processus de justice transitionelle au Liban, au Mexique et au Sri Lanka, ainsi que les formations dispensées aux acteurs des secteurs de la sécurité et la justice dans le Territoire palestinien occupé.

La Haut-Commissaire a également passé en revue les activités en Amérique latine, en particulier pour la facilitation des enquêtes sur les féminicides.  Elle a souligné que le problème des agressions subies par les femmes et les filles en raison de leur travail pour les droits humains demeure une priorité du Haut-Commissariat, qui a publié des nouvelles orientations pour la protection des membres de la société civile.  Une équipe d’intervention d’urgence a par ailleurs été dépêchée pour assurer le suivi de la crise au Tigré, en Éthiopie, et les capacités à distance ont été améliorées pour faire le suivi de la situation au lendemain du coup d’état au Myanmar.

Après avoir salué l’établissement « historique » de l’Instance permanente des personnes d’ascendance africaine, Mme Bachelet a indiqué que le HCDH a publié deux rapports sur les droits humains des migrants en Libye et dans la région, qui mettent en relief la nécessité de déployer suffisamment d’opérations de recherche et de secours en Méditerranée centrale.  Le HCDH se préoccupe également de la situation des réfugiés et des migrants dans les Amériques, ainsi que des droits des migrants et des jeunes LGBTIQ+.

Mme Bachelet a aussi évoqué l’impact disproportionné de la crise de COVID-19 sur les femmes et les filles, qui se traduit notamment par une augmentation des cas de violence fondée sur le genre, un accès réduit aux services de santé sexuelle et reproductive, des fardeaux accrus en termes de travail de soins, et une perte d’emplois à un rythme nettement supérieur à celui des hommes.

La Haut-Commissaire a ensuite appelé à redoubler d’efforts pour répondre aux risques que posent les technologies numériques pour les droits de la personne.  Un récent rapport du HCDH sur l’impact de l’intelligence artificielle sur les droits humains et la vie privée met d’ailleurs clairement en évidence la nécessité pour les États de renforcer la transparence et la réglementation.  Le HCDH a également déployé de nombreux efforts cette année pour intégrer les normes des droits de l’homme dans le travail des entreprises technologiques, a-t-elle ajouté, évoquant notamment le projet B-Tech.

Mais face à tous ces défis, a enchainé Mme Bachelet, il ne faut pas perdre de vue les « multiplicateurs de menace » constitués par les crises interconnectées de la pollution, des changements climatiques et de la biodiversité.  À cet égard, elle a attiré l’attention sur la résolution « historique » que vient d’adopter le Conseil des droits de l’homme (CDH), qui stipule qu’un environnement sain, propre et viable est un droit humain.  Le HCDH continuera de se mobiliser en faveur de la justice climatique, a-t-elle assuré, avant d’annoncer le lancement, l’an prochain, d’un programme sur les droits environnementaux pour appuyer l’action climatique dans le monde.

Passant au domaine de la participation pour une meilleure jouissance des droits de l’homme, la Haut-Commissaire a insisté sur la nécessité d’instiller la confiance à tous les niveaux et dans tous les domaines pour créer des sociétés robustes.  Et la confiance, a-t-elle noté, découle du fait que les gens considèrent qu’ils sont pris au sérieux, que leur dignité est respectée et que leurs voix sont entendues.  Elle a souligné le rôle indispensable que jouent les journalistes dans nos sociétés, déplorant que de plus en plus souvent, ces derniers ne bénéficient pas de l’espace et de la sécurité nécessaires pour effectuer leur travail.  Elle a également évoqué le rôle des défenseurs des droits humains.

Dans son intervention, la Haut-Commissaire a aussi appelé à redoubler d’efforts pour fournir des ressources humaines et financières supplémentaires aux organes de traités, notant que leur « arriéré écrasant » a été exacerbé pendant la pandémie.  L’arriéré des rapports des États parties est désormais de 428, auquel s’ajoute l’arriéré de 1 792 communications individuelles et 1 213 actions urgentes, a-t-elle précisé.

Mme Bachelet a ensuite déclaré que la réduction des inégalités au sein et entre les pays est essentielle pour mieux se relever, décriant notamment les répercussions de l’inégalité vaccinale.  « Et je ne saurais trop insister là-dessus: les vaccins contre la COVID-19 doivent être traités comme un bien public mondial. »  Afin de se remettre au mieux des plus graves revers qu’ont connu les droits humains notre vie durant, elle a exhorté à la création d’un nouveau contrat social et d’un modèle économique qui placent les êtres humains et les droits de la personne au centre de la politique économique, permettant ainsi d’accélérer la réalisation du Programme 2030.  Il faut, a-t-elle affirmé, augmenter les investissements dans la protection sociale et la couverture sanitaire universelle, le travail décent et la fiscalité progressive.  Et les efforts déployés doivent être soutenus par la transparence, la responsabilité et un large espace pour le dialogue social.

Pour la Haut-Commissaire, le moment est venu de jeter des ponts et de réduire les écarts en matière de droits humains, et les prochaines étapes doivent être franchies avec « urgence et détermination, confiance et solidarité ».

Dialogue interactif

Comme lors des années précédentes, l’intervention de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme a donné suite à riche et long débat interactif au cours duquel les délégations ont soulevé tout un éventail de questions liées au respect des droits humains dans le monde et à l’action du HCDH. 

Donnant le coup d’envoi aux échanges, la Fédération de Russie a noté que la collaboration technique du HCDH s’est concentrée sur des indicateurs sur les droits fondamentaux et le processus de collecte de ventilations et d’analyse pour ce qui est de la mise en œuvre des ODD au niveau national.  À ses yeux, ce travail technique ne peut être considéré comme une contribution digne du HCDH, notamment en période de pandémie.  Qu’en est-il des pays qui luttent contre l’élimination des conséquences de la COVID-19 et sont soumis à des sanctions unilatérales illégales ? Ne pensez-vous pas que ces sanctions sont un des grands obstacles qui empêchent la réalisation des ODD ?

Après s’être félicité de la décision du Conseil des droits de l’homme du 8 octobre, qui reconnaît l’accès à un environnement sain, propre, sain et durable en tant que droit humain, le  Costa Rica a voulu savoir comment faire respecter ce droit, notamment en ce qui concerne l’harmonisation de l’action des États.  La reconnaissance de ce droit permettra-t-elle l’adoption d’une loi internationale environnementale, a demandé le Portugal.  Quels sont les projets du HCDH pour intégrer la question des changements climatiques dans ses programmes, se sont enquis les Émirats arabes unis, tandis que le Maroc a rappelé sa contribution à la résolution du CDH qui a permis de reconnaître ce droit.

Quel rôle pourrait jouer le HCDH dans la prise en compte des questions transversales, s’est enquis à son tour la Sierra Leone au nom du Human Rights Caucus de New York.  Et quels sont les enseignements tirés de l’assistance technique et du renforcement des capacités en ligne fournis par le HCDH durant la pandémie, a demandé la Pologne qui a également attiré l’attention sur la situation qui sévit dans la zone frontalière à l’est de son territoire.

Le Chili a plaidé pour le renforcement du multilatéralisme, affirmant que la pandémie est une occasion unique pour renforcer la gouvernance mondiale.  Comment le CDH peut-il faire face aux urgences multidimensionnelles posées notamment par le dérèglement climatique, a voulu savoir le Luxembourg.  Et quelles sont les mesures prévues pour prendre en considération les mesures coercitives unilatérales, a demandé à son tour la République arabe syrienne, appuyée par le Bélarus et Cuba qui s’est notamment inquiété de leurs incidences sur la capacité des pays à avoir accès au vaccin contre la COVID-19.  Le Venezuela a pour sa part souhaité connaître les efforts menés par le HCDH pour permettre une levée des sanctions « cruelles, immorales et illégales  » imposées à son peuple, notamment dans le contexte de la pandémie.

La Croatie a regretté que le CDH n’ait pas prolongé le mandat du panel d’experts à Vienne; la Suisse a souhaité savoir quel rôle le HCDH pourrait jouer dans le traitement efficace des questions transversales liées à la sécurité, les changements climatiques, la santé, le développement, l’égalité des sexes et les droits de l’homme; et le Kazakhstan a voulu savoir quelles mesures le HCDH prévoit de prendre pour assurer plus de souplesse avec les États Membres, notamment en Asie centrale.

Que peuvent faire les États Membres pour faire face à l’impunité pour les crimes visant les défenseurs des droits, se sont enquis les États-Unis.  Et quel message pourriez-vous nous donner concernant la complémentarité et le renforcement mutuel entre le principe de la protection des droits de l’homme et l’exercice du principe de la souveraineté nationale? a demandé à son tour le Mexique, la Grèce s’interrogeant pour sa part sur l’action des États pour appuyer un « nouveau contrat social  ».  De son côté, le Royaume-Uni a voulu savoir quelles mesures permettraient de poursuivre un engagement significatif entre les États et les organes conventionnels.

Après que l’Irlande se soit préoccupée des incidences de la pandémie sur l’action de la société civile, la Bulgarie a sollicité le point de vue de Mme Bachelet sur la manière de renforcer le rôle des organisations de la société civile dans le travail de l’ONU et d’obtenir un rôle plus important pour les jeunes.  Elle a d’autre part souhaité savoir comment assurer une meilleure coopération entre New York et Genève, l’Allemagne appelant pour sa part à ce que Mme Bachelet puisse participer plus souvent aux séances du Conseil de sécurité et de la Commission de consolidation de la paix.  Regrettant que toutes les missions politiques n’aient pas une composante droits humains, l’Algérie a souhaité savoir, à cet égard, comment le HCDH gérait la situation des droits humains en l’absence de telles composantes.

À son tour, le Japon a demandé des précisions sur les priorités identifiées par le HCDH.  Avez-vous déjà établi des plans post-pandémie, a interrogé Bahreïn, la Malaisie l’appelant pour sa part à jouer un rôle important pour assurer un accès équitable au vaccin.  L’Indonésie s’est interrogée sur le point de savoir comment  lutter contre les inégalités dans le cadre des mesures de riposte contre la COVID-19, la République de Corée plaidant pour une distribution juste et équitable des vaccins contre la COVID-19 dans un esprit de solidarité.

Plus généralement le Liban a voulu savoir quelles priorités s’était fixée l’ONU pour inverser la déferlante de problèmes en matière de respect des droits de l’homme, et Malte s’est interrogée sur les actions à envisager pour faire face à la COVID-19 et aux changements climatiques tout en respectant les droits de l’homme.  Le Canada a souhaité connaître les exemples de la manière dont le HCDH engage les États Membres et la société civile de façon plus significative, percutante et non discriminatoire, avant que l’Australie ne demande des précisions sur les risques principaux émanant d’un manque de financement du HCDC.

À son tour, le Danemark s’est déclaré préoccupé par le fait que le Bureau de la Haut-Commissaire continue de dépendre des contributions volontaires pour financer 25% de ses activités mandatées, lesquelles devraient, selon lui, être financées par le budget ordinaire de l’ONU.  Le soutien budgétaire au HCDH soit à la hauteur de l’importance de ses tâches, a renchéri l’Union européenne.

Quelle action le HCDH entend-il mener pour protéger les personnes âgées alors qu’il n’existe pas encore d’instrument juridiquement contraignant pour ce groupe, s’est par ailleurs interrogée l’Argentine.  À ce sujet, la Slovénie, au nom du Groupe des amis des personnes âgées, a dit compter sur la collaboration du HCDH en ce qui concerne l’élaboration de normes internationales visant à promouvoir et à garantir la jouissance des droits des personnes âgées, étant donné que, d’ici à 2030, le nombre d’individus âgés de 60 ans ou plus devrait atteindre 1,4 milliard.

Le Liechtenstein a souhaité en savoir davantage sur l’impact de l’intelligence artificielle sur les droits humains et la Turquie a voulu savoir dans quelles mesures la fracture numérique « genre  » empêche la jouissance des droits fondamentaux.

Comment les États Membres peuvent-ils utiliser le cadre multilatéral pour obtenir des sociétés plus démocratiques et plus résilientes, a demandé la Roumanie.  De son côté, le Cameroun a fait valoir que les droits économiques, sociaux et culturels et le droit au développement font partie des droits fondamentaux au même titre que les autres droits humains.

L’état du respect des droits de la personne dans certains pays précis a également mobilisé l’attention des délégations, à commencer par l’Union européenne qui a encouragé Mme Bachelet à finaliser et publier rapidement son évaluation des informations disponibles sur les allégations de violations graves des droits de l’homme dans la région autonome du Xinjiang, en Chine.  À ce propos, y a-t-il eu des développements concernant la demande faite par le HCDH à la Chine pour obtenir un accès significatif au Xinjiang, s’est interrogé le Royaume-Uni.

Le Myanmar a signalé que la junte au pouvoir s’est rendue coupable de nombreuses violations des droits humains.  Dès lors, quelles mesures la communauté internationale peut-elle prendre pour éviter une détérioration supplémentaire ?  Le Liechtenstein s’est préoccupé du manque d’accès dans ce pays et a souhaité en savoir plus sur l’état de la coopération des États avec le HCDH, notamment en matière de visites.  Sur ce dernier point, le HCDH essaie-t-il d’obtenir un accès au Jammu-et-Cachemire où on assiste à des changements démographiques, des viols, des cas de torture et des disparitions forcées, s’est enquis le Pakistan.  Déplorant que le Pakistan utilise l’enceinte de l’ONU pour faire progresser ses intérêts politiques, l’Inde a souligné pour sa part que la promotion des droits humains se concrétise dans le dialogue, la coopération et le développement des capacités. 

L’Italie a voulu savoir comment le HCDH prévoit de se coordonner avec le Rapporteur spécial chargé de suivre la situation des droits de l’homme en Afghanistan, s’interrogeant notamment sur les possibles obstacles à la mise en œuvre de ce mandat.  L’Arabie saoudite a souhaité savoir dans quelle mesure le HCDH poursuivra ses efforts pour aider le peuple yéménite, tandis que la Géorgie a appelé à corriger la situation très difficile des droits de la personne en Abkhazie.  L’Ukraine a espéré que la situation en Crimée sera reflétée dans le prochain rapport de la Haut-Commissaire, tandis que la Lettonie s’est interrogée sur l’action du HCDH au Bélarus où les autorités refusent de coopérer avec lui.  À ce sujet, le Bélarus a invité les délégations à «  vérifier vos faits  », renvoyant à une réunion, il y a quelques mois, entre le Ministre des affaires étrangères et la Haut-Commissaire.

Après que l’Azerbaïdjan a demandé si le HCDH prévoit de fournir une aide pour localiser les mines terrestres laissées par les « autorités précédentes » dans « un de ses territoires », l’Arménie a déploré les « observations malheureuses  » de la délégation azerbaidjanaise.  L’Éthiopie a, pour sa part, rappelé que son gouvernement a signé un mémorandum d’accord avec la communauté internationale pour fournir de l’aide au peuple du Tigré, appelant notamment les agences internationales à respecter les principes humanitaires de neutralité, d’indépendance et d’impartialité ainsi que les lois du pays. 

En outre, plusieurs états se sont élevés contre la politisation des questions liées aux droits humains, à l’instar de la Chine qui a dénoncé les «  mensonges éhontés  » proférés sur le Xinjiang où, a-t-elle affirmé, la situation s’améliore et qu’aucun incident terroriste n’y a été signalé dernièrement.  La République islamique d’Iran a indiqué, quant à elle, qu’en dépit de la campagne de désinformation et de propagande menée à son encontre, elle a poursuivi sa coopération constructive avec les mécanismes des droits humains.

Plusieurs délégations ont également profité de ce dialogue pour mettre en avant certaines initiatives prises au niveau national, à l’instar des Philippines qui ont évoqué le lancement, cette année, d’un programme conjoint des Nations Unies sur les droits de l’homme.  L’Égypte a indiqué que les six millions de réfugiés et de déplacés qu’elle accueille sur son territoire bénéficient de tous les droits de l’homme, sur un pied d’égalité avec les citoyens égyptiens, tandis que le Qatar a rappelé qu’il accueille le Centre de formation et de documentation des Nations Unies sur les droits de l’homme pour l’Asie du Sud-Ouest et la région arabe. 

L’Érythrée est également intervenue, de même que l’Ordre souverain de Malte  a souligné la contribution des organisations confessionnelles à la protection des droits humains dans le monde, rappelant que les premiers intervenants pour les communautés locales sont souvent ce type d'organisations.

En réponse à ces très nombreuses remarques et questions, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a tout d’abord souligné que les droits humains et « Notre Programme commun  » sont complémentaires et se renforcent mutuellement.  Elle s’est également félicitée de l’élaboration d’un «  nouveau contrat social  » prenant en compte les droits fondamentaux.  Selon elle, «  Notre Programme commun  » et l’appel à l’action du Secrétaire général donnent au système onusien les moyens d’opérationnaliser les droits humains pour l’environnement.  La Haut-Commissaire a aussi salué l’attention accordée à l’espace numérique et à l’importance des droits humains dans ce contexte.  Il convient de garantir que cet espace soit pluriel et accessible, a-t-elle souligné, estimant que les coupures d’Internet violent différents droits et sapent les efforts de développement.  Dans ce contexte, a-t-elle indiqué, le HCDH entend participer aux efforts déployés en faveur d’une gouvernance d’Internet et d’un ensemble de règles reconnues au niveau international.

Évoquant ensuite la mise en œuvre du Programme 2030, Mme Bachelet a assuré que le HCDH s’emploie à éliminer les obstacles à la réalisation du développement en appelant, entre autres préconisations, à l’allègement des dettes, à la lutte contre les flux financiers illicites, à la levée des sanctions et à un accès juste aux médicaments et aux vaccins contre la COVID-19.  Sur ce point, la Haut-Commissaire a jugé que les États Membres devraient soutenir le Mécanisme COVAX et partager avec lui leur surplus de vaccins.  Elle a également enjoint la communauté internationale à renforcer la production de vaccins et de matériels de protection et d’oxygénation, tout en garantissant une limitation des processus de licence trop complexes.  Elle a d’autre part constaté une nouvelle fois que les mesures coercitives unilatérales ont des conséquences «  dures  » pour les pays les moins avancés et entravent les droits humains des populations.  Au cours du mois de septembre, a-t-elle rappelé, le panel sur les sanctions a mis l’accent sur les conséquences de ces mesures sur les droits économiques, sociaux et culturels.  Affirmant continuer à soulever cette problématique, y compris avec les pays qui imposent ces sanctions, elle a souhaité que ces mesures évitent les effets délétères sur les groupes les moins protégés.

Mme Bachelet a ensuite noté que les bouleversements liés à la COVID-19 ont clairement montré l’apport des mesures en faveur des droits humains sur le plan des protections.  Il importe, selon elle, de garantir la protection sociale à toutes les personnes pour les protéger contre les chocs et les crises.  «  Cela permet de sauver des vies  », a-t-elle souligné, avant d’appeler à une reprise qui respecte l’environnement et implique tous les membres de nos sociétés.  À ce sujet, elle a constaté que le fossé numérique reste un problème important, alors même que l’utilisation d’Internet a progressé durant la pandémie.  Pour la Haut-Commissaire, les limitations d’Internet ne se justifient pas du point de vue de la sécurité.  Il faut donc garantir que ces technologies soient accessibles, y compris pour les populations marginalisées, a-t-elle plaidé.  Rappelant que les démocraties sont fondées sur des institutions solides et sur le respect des droits humains, elle a aussi invité les États à investir dans les médias, dans la protection de l’espace civique et dans les processus de redevabilité.  Nous pouvons les aider, mais ils doivent davantage coopérer avec les organisations de la société civile pour garantir le bon fonctionnement des mécanismes des droits de l’homme, a insisté Mme Bachelet, selon laquelle la participation de ces organisations peut aussi améliorer la gouvernance.

La Haut-Commissaire a également abordé la question des droits des personnes âgées, estimant qu’il importe à présent de disposer d’un mécanisme utilisé par tous les États Membres.  Elle a formé le vœu que l’Assemblée générale en décidera ainsi.  Elle a par ailleurs considéré que la protection des droits humains et la souveraineté nationale des États vont de pair, même s’il revient aux États de protéger leurs droits.  Après avoir salué la décision du Conseil des droits de l’homme sur le droit à un environnement propre et durable, elle a souhaité que l’Assemblée générale fasse aussi entendre sa voix sur cette évolution.  Elle s’est également félicitée de la création de l’Instance permanente des personnes d’ascendance africaine, estimant qu’elle « comble une lacune sur le plan des droits humains ». 

Pour ce qui est de la redevabilité, sujet soulevé par de nombreuses délégations, elle a assuré que les technologies modernes y contribuent en permettant de recueillir des éléments de preuve sans avoir à se rendre sur place, notamment dans les zones interdites d’accès.  «  Nous avons un mandat mondial pour observer et rendre compte des violations des droits, où que ce soit  », a-t-elle rappelé, avant d’évoquer certaines situations spécifiques.  S’agissant de l’Afghanistan, par exemple, Mme Bachelet a demandé aux Taliban au pouvoir de coopérer avec le nouveau Rapporteur spécial créé par le Conseil des droits de l’homme.  Alors que les femmes et filles afghanes sont exclues de l’espace public, elle a appelé la communauté internationale à les appuyer et à lutter pour leurs droits fondamentaux.  À propos de la Chine, elle a indiqué que le HCDH continuait d’examiner la possibilité d’une visite et poursuivait son évaluation des allégations de violations des droits humains.  Enfin, concernant le Myanmar, elle a jugé important dans l’immédiat d’appuyer l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) et son consensus en cinq points pour avancer vers une sortie de crise. 

Exposé

Mme ALENA DOUHAN, Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur lexercice des droits de lhomme, a indiqué que l’imposition de mesures coercitives unilatérales s’était répandue durant la pandémie, entrainant des répercussions à la fois directes et indirectes qui se font ressentir sur les droits humains.  Après avoir rappelé que de nombreuses résolutions du Conseil des droits de l’homme (CDH) et de l’Assemblée générale ont qualifié à plusieurs reprises les mesures coercitives unilatérales d’illégales, Mme Douhan a expliqué que les sanctions économiques, financières et commerciales, affectent l’ensemble de la population des pays visés, exacerbant les crises économiques et rendant impossibles l’achat et la livraison d’équipements nécessaires. 

Elle a indiqué que les sanctions unilatérales imposées aux secteurs économiques affectent directement les droits économiques et du travail des employés, des membres de leur famille et de leurs partenaires commerciaux, entraînant une augmentation de la pauvreté, des activités criminelles et de la traite des êtres humains, entre autres.  S’agissant des sanctions unilatérales dans la cybersphère, elle a mis en évidence leur impact sur les paiements en ligne et l’accès à Internet, ainsi que leurs répercussions sur le droit à Internet, l’information, l’éducation et la santé.  Il est grand temps de reconnaître que la réduction de la couverture Internet ou le blocage de l’accès de la population d’un pays aux plateformes en ligne affectent le droit à Internet et d’autres encore bien davantage, a insisté la Rapporteuse. 

Mme Douhan a ensuite indiqué que les sanctions ciblées contre les individus, violent un large éventail de leurs droits en l’absence de la présomption d’innocence, des garanties d’une procédure régulière et souvent sans garantie d’accès à la justice.  En effet, a-t-elle expliqué, les États qui imposent des sanctions préfèrent souvent imposer des sanctions unilatérales plutôt que d’entamer des poursuites pénales lorsque la compétence existe, car ils peuvent ainsi « contourner la charge de la preuve, qui est pratiquement inexistante ». 

Le nombre et les types de cibles des mesures coercitives unilatérales s’accroissent également en raison des méthodes utilisées pour leur mise en œuvre, a-t-elle poursuivi, citant notamment les sanctions secondaires à l’encontre des ressortissants de pays tiers, l’application extraterritoriale des sanctions et les sanctions civiles et pénales à l’encontre des ressortissants des États sanctionnés pour avoir coopéré avec des ressortissants et des entreprises d’États sous sanctions ou pour avoir contourné des régimes de sanctions. 

En outre, la crainte des sanctions entraîne le développement de politiques de « zéro risque » et une conformité excessive de la part des banques et d’autres entreprises.  Elle a également signalé que les organisations non gouvernementales qui fournissent une aide humanitaire, ainsi que leur personnel, sont également la cible de sanctions secondaires. 

Notant que la plupart des sanctions unilatérales ne satisfont pas aux critères en matière de droits de l’homme et aux normes internationales, Mme Douhan a pressé tous les États et toutes les organisations régionales à les lever, à les suspendre ou à les réduire au minimum.  Aucune « bonne intention ou objectif » ne peut justifier que des individus ou des populations entières subissent des « dommages collatéraux », a-t-elle martelé, demandant, pour finir, à tous les organes de l’ONU et aux agences spécialisées d’inclure dans leurs programmes des évaluations de la légalité et de l’impact humanitaire des sanctions unilatérales. 

Dialogue interactif 

À l’issue de cette intervention, la Fédération de Russie a appuyé la suggestion que l’évaluation des conséquences humanitaires des sanctions unilatérales soient inscrites à l’ordre du jour des organes internationaux de protection des droits de l’homme afin de jauger leur impact sur la mortalité, la malnutrition et l’éducation. 

La République arabe syrienne, a affirmé que les mesures coercitives « unilatérales et illégales » imposées à son encontre entrave la fourniture de nombreux services, décriant en outre les « dérogations humanitaires » invoquées par les États imposant des sanctions. 

Cuba a témoigné du blocus impitoyable financier, économique et commercial, imposé depuis six décennies de façon unilatérale et illégale par les États-Unis. C’est une violation massive, flagrante et systématique des droits humains de l’ensemble de la population cubaine, a décrié la délégation. 

Le Bélarus a considéré que ces mesures représentent une ingérence directe dans les affaires intérieures des États souverains, appelant à mettre fin au mythe sur le caractère « inoffensif » de ces pratiques. 

La Malaisie a exhorté à régler les différends par la négociation, tandis que le Zimbabwe a souhaité connaître l’impact des mesures coercitives unilatérales sur la démocratie et le développement, soupçonnant les pays de les imposer dans une perspective de changement de régime.  Comment expliquer les contradictions entre ceux-là mêmes qui défendent les droits humains et en même temps imposent des sanctions coercitives unilatérales, s’est interrogé, pour sa part le Nicaragua

Tout comme le Venezuela qui a pointé du doigt le caractère extraterritorial de ces mesures coercitives, y voyant un système d’hégémonie, la République islamique d’Iran a invité la Rapporteuse à se pencher sur la question de l’extraterritorialité dans son prochain rapport.  Pour sa part, la Chine a souhaité savoir ce que les agences internationales peuvent faire pour contribuer à l’élimination de ces mesures. 

Au nom du Mouvement des pays non alignés, l’Azerbaïdjan a réaffirmé son opposition à toutes les mesures coercitives unilatérales, y compris les mesures utilisées comme outils de pression politique ou économique et financière contre un pays, en particulier contre les pays en développement.  Enfin, l’Érythrée a regretté qu’au moment où la solidarité globale est de mise pour lutter contre la pandémie, certains pays continuent d’agir seul, ignorant les effets de ces mesures qui vont bien au-delà des dommages collatéraux. 

Reprenant la parole, la Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur lexercice des droits de lhomme, a expliqué qu’en raison de leur application plus répandue, les mesures unilatérales et coercitives ont touché toutes les catégories des droits humains, notamment civils, culturels, socioéconomiques ainsi que le droit au développement.  De même, certains droits politiques sont impactés, a-t-elle ajouté, précisant avoir constaté cela de visu en se rendant sur le terrain au Nicaragua. 

Après avoir souligné que son travail est basé sur des faits et l’état de droit avant tout, la Rapporteuse a indiqué qu’il ressort d’une étude menée par des organisations non gouvernementales que les répercussions humanitaires des sanctions ne sont pas moindres.  Leurs conséquences sont énormes sur les groupes vulnérables, a-t-elle ajouté.  Et aucune bonne intention ne peut justifier, à ses yeux, les violations des droits humains et encore moins la mort d’enfants car n’ayant pas eu accès aux vaccins ou aux soins. 

Exposé

Mme FIONNUALA NÍ AOLÁIN, Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a souhaité que le récent vingtième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 soit l’occasion de se poser « des questions douloureuses et difficiles sur l’efficacité et les coûts de l’activité de lutte contre le terrorisme ».  Dans le contexte actuel de la pandémie de COVID-19, elle s’est également alarmée de la « reconversion » des mesures de sécurité nationale et de lutte contre le terrorisme, notant à cet égard que les communautés les plus vulnérables sont celles qui entretiennent souvent les relations les plus marginales et difficiles avec les secteurs de la sécurité de l'État.  Après une brève présentation des travaux de son mandat au cours de l’année écoulée, qui se sont notamment centrés sur le rapatriement et la réintégration des femmes et des enfants des zones de conflit dans le respect des droits humains, la Rapporteuse spéciale a indiqué que son rapport traite des dimensions de l’assistance technique et du renforcement des capacités en matière de droits de l’homme dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. 

Pour Mme Ní Aoláin, cette période est « difficile pour la lutte contre le terrorisme dans le respect des droits de l’homme et de l’état de droit ».  C’est d’autant plus le cas, selon elle, qu’il existe un « profond cynisme » quant à la capacité de traiter les « situations de violence enracinées » de manière positive et transformatrice.  Parallèlement, a-t-elle constaté, l’abus généralisé des lois et pratiques antiterroristes a fonctionné pour discréditer le contre-terrorisme en tant que discours et pratique, car « les dissidents, les défenseurs des droits humains, les avocats, les universitaires et les humanitaires sont définis comme des terroristes pour s’être livrés à des actes protégés par le droit international ». 

La Rapporteuse spéciale a ensuite relevé que son rapport a été rédigé dans le contexte de « l’extraordinaire expansion » du renforcement des capacités et de l’assistance technique dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. Or, a-t-elle constaté, cette croissance sans précédent des institutions antiterroristes « n’a pas été accompagnée par des protections des droits humains et d’une augmentation des capacités en matière d’état de droit ».  De plus, le suivi et la supervision du travail n’ont pas été une priorité pour les États.  Forte de ce constat, elle a exhorté les entités des Nations Unies engagées dans la lutte antiterroriste, l’assistance technique et le renforcement des capacités à assurer la pleine application de leur obligation de diligence raisonnable et à garantir que le travail qu’elles accomplissent ne permet pas de graves violations des droits de l’homme sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme.  Elle a en outre précisé que lorsqu’une assistance technique est fournie pour lutter contre l’extrémisme dans des contextes où la pratique ou le discours religieux est défini comme extrême, la question de la légalité d’une telle assistance doit se poser, de même que celle de la complicité d’une telle assistance avec des violations graves. 

Enfin, Mme Ní Aoláin a jugé que la participation de la société civile et le contrôle civil du secteur de la sécurité sont essentiels pour prévenir efficacement le terrorisme. Pourtant, ils sont souvent absents dans nos structures actuelles, a-t-elle relevé, avant de dénoncer un modèle de renforcement des capacités et d’assistance technique dont les justifications « reposent sur la survie du régime, la cooptation parasitaire des ressources et des fonds de sécurité et l’intérêt personnel des secteurs de la sécurité ».  Elle a donc appelé les entités de l’ONU engagées dans ces processus à ne pas se rendre complices du renforcement des systèmes de coercition et de violence au nom de la lutte antiterroriste ou de la prévention de l’extrémisme violent. 

Dialogue interactif 

Contrairement à la Rapporteuse spéciale, la Fédération de Russie a jugé que l’expansion générale des structures et des cadres réglementaires de lutte contre le terrorisme n’est pas injustifiée, cette tendance étant dictée par la croissance du terrorisme international qui utilise des technologies de pointe.  À cet égard, elle a dit ne pas soutenir les recommandations appelant à plus de « subordination » de la stratégie antiterroriste aux objectifs des droits de l’homme.  La délégation a en revanche salué le travail de la Rapporteuse spéciale concernant le rapatriement, la réadaptation et la réinsertion des enfants et des femmes de « soi-disant combattants terroristes étrangers ». 

À ce sujet, la République arabe syrienne a souligné que le rapatriement des femmes et enfants de combattants terroristes étrangers est un « problème énorme » pour elle car certains États « refusent d’assumer cette responsabilité ».  La délégation a donc souhaité connaître l’avis de la Rapporteuse spéciale sur ces politiques et leur influence sur la lutte contre le terrorisme. 

Jugeant que l’adoption de mesures antiterroristes efficaces et la protection des droits de l’homme ne sont pas des objectifs contradictoires, le Mexique a demandé l’opinion de la Rapporteuse spéciale sur la « transversalisation de la perspective de genre » dans le renforcement des capacités et la fourniture d’une assistance technique.  Notant par ailleurs que le rapport de la Rapporteuse spéciale fait état d’une croissance sans précédent des institutions antiterroristes, les Pays-Bas ont souhaité savoir comment l’ONU peut jouer un rôle de coordination plus important. 

Il n’y a pas de contradiction entre la lutte contre le terrorisme et la protection des droits humains, a estimé l’Égypte.  Toutefois, les États doivent veiller à ce que toutes les mesures prises au nom de la lutte contre le terrorisme soient conformes au droit international, a souligné la délégation. 

Observant que le rapport de la Rapporteuse spéciale souligne que les définitions du « terrorisme » et des « actes terroristes » doivent respecter les principes de légalité et de sécurité juridique, l’Union européenne lui a demandé de préciser la méthodologie ou les définitions que les entités des Nations Unies utilisent lorsqu’elles offrent une assistance technique ou un renforcement des capacités aux États Membres.  Elle a aussi voulu connaître les impacts possibles lorsque ces définitions ne sont pas conformes au droit international. 

Quelles mesures les États devraient-il prendre pour s’assurer que la société civile et les communautés locales soient plus largement impliquées dans le renforcement des capacités et l’assistance technique pour garantir que le travail contre le terrorisme a un impact durable, s’est enquis le Royaume-Uni, souscrivant à l’avis de la Rapporteuse spéciale selon lequel ces mesures ne doivent pas être utilisées par les États pour mener des politiques oppressives au nom de la lutte contre le terrorisme. 

Le Pakistan a observé que, depuis les événements du 11 septembre 2001, d’aucuns lient le terrorisme et l’islam, ce qui entraîne des ciblages, des manifestations d’intolérance et une montée de l’islamophobie.  Il importe donc de prendre des mesures qui s’attaquent aux menaces réelles, a plaidé la délégation. Enfin, appelant à ne pas confondre terrorisme et mouvement de libération nationale, la délégation a souhaité savoir ce qui pourrait être fait pour que les États respectent les droits de l’homme dans ces situations, y compris le droit à l’autodétermination. 

Le Qatar a convenu qu’il est nécessaire d’assurer le renforcement des capacités et l’assistance technique en vue de lutter contre le terrorisme et de promouvoir l’état de droit.  À son tour, l’Indonésie a précisé à ce sujet que son plan national de lutte contre l’extrémisme violent s’appuie sur le respect des droits humains et l’autonomisation des populations, jugeant par ailleurs que ses partenariats avec l’ONU sont essentiels pour le partage des ressources. 

Comment développer une action antiterroriste respectueuse des droits humains en utilisant « ce qui existe », se sont enquis les États-Unis qui ont indiqué que la première stratégie nationale antiterroriste a été publiée en juillet.  Cette démarche devrait permettre de mieux prévenir la menace de menace de groupes terrorisme tels Al-Qaïda ou d’organisations faisant la promotion de la haine raciale, a estimé la délégation, ajoutant que les États-Unis travaillent au renforcement des capacités d’autres États « quand cela est nécessaire ». 

La Suisse a souligné la nécessité d’un contrôle indépendant des activités de renforcement des capacités et d’assistance technique dans la lutte contre le terrorisme.  Comment appuyer une telle mesure dans le cadre d’une approche basée sur les droits humains, s’est-elle interrogée.  Quel serait le rôle d’un mécanisme de contrôle indépendant de la lutte contre le terrorisme et comment contribuerait-il à un renforcement des capacités conforme aux droits de l’homme par les entités des Nations Unies, a demandé, elle aussi, l’Irlande.  Par ailleurs, les abus de pouvoir dans la lutte contre le terrorisme ont-ils progressé pendant la pandémie ? 

La Chine a estimé que les clefs d’une lutte antiterroriste réussie sont l’évaluation de la menace, le renforcement des capacités, le développement économique et social et la coexistence pacifique entre les groupes ethniques et religieux.  Il faut aussi insister sur l’éducation et proposer aux jeunes un environnement qui les soutienne, a-t-elle professé, avant d’appeler la communauté internationale à renforcer la « notion d’avenir meilleur ». 

L’Algérie a noté que la lutte qu’elle a mené contre le terrorisme au cours des années 1990 lui a permis de mieux identifier les racines de ce phénomène.  À cet égard, elle a demandé à la Rapporteuse spéciale si ses travaux pourraient examiner plus avant les causes profondes des activités terroristes. 

Dans le cadre de votre mandat, quelles mesures sont prises pour lutter contre le recrutement d’enfants par des groupes terroristes et les violences, notamment sexuelles, dont ces derniers se rendent coupables, s’est enquis le Maroc

Réagissant aux commentaires et questions, la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de lhomme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste a tout d’abord indiqué que 70% des occupants des camps en Syrie sont des enfants.  Elle affirmé qu’il s’agit d’une de ses priorités et qu’elle a multiplié les communications aux États concernés pour faire progresser la situation en ce qui concerne le rapatriement et de la réinsertion de femmes et de filles de combattants terroristes.  La sécurité est un droit de l’homme, a-t-elle fait valoir à cet égard, avant de souligner, à l’instar du Mexique, la nécessaire complémentarité entre les droits humains et les mesures antiterroristes.  À cette fin, il convient d’obtenir le concours de la société civile, a plaidé Mme Ní Aoláin.  Il faut aussi des ressources budgétaires pour les questions tenant compte du genre, a-t-elle ajouté, non sans réaffirmer les rôles multiples joués par les femmes dans ce domaine complexe.  À ses yeux, les femmes peuvent être considérées comme des victimes du terrorisme mais il importe également que celles qui se sont livrées au terrorisme soient jugées en suivant les procédures régulières. 

Saluant ensuite le travail mené par de nombreux États pour lutter contre le financement du terrorisme, la Rapporteuse spéciale a également fait état d’un projet important du Groupe d’action financière (GAFI) sur les conséquences non voulues de ces efforts.  Elle a toutefois assuré, comme l’Égypte, qu’il n’y a pas de contradiction entre l’exercice des droits humains et l’action antiterroriste, précisant s’en être plusieurs fois expliquée au Conseil des droits de l’homme. Elle a par ailleurs convenu qu’il est essentiel de prendre en compte les droits des réfugiés et le droit international humanitaire dans ce contexte.  S’agissant du problème de définition soulevé par l’Union européenne, elle a indiqué que, face à cette absence de cohérence, son mandat a conçu une « définition type » qui lui sert dans son travail d’assistance technique aux États.  Un document de travail sur les définitions est en cours de préparation à la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, a ajouté Mme Ní Aoláin. 

Après avoir reconnu le rôle régulateur du Conseil de sécurité dans le domaine de la lutte antiterroriste, la Rapporteuse spéciale a souligné l’importance de maintenir l’engagement international en faveur du droit à l’autodétermination, qui est « un des droits les plus importants ».  Elle a aussi relevé que plusieurs missions ont évoqué la possibilité d’une évaluation indépendante des actions de renforcement de capacités en matière antiterroriste. « Mon mandat y est engagé », a-t-elle tenu à préciser, ajoutant que ce contrôle s’appuie sur le principe de responsabilité mutuelle et vise à prouver que les intérêts des États sont « mieux servis » par la Stratégie antiterroriste mondiale. En conclusion, Mme Ní Aoláin a mis l’accent sur l’interdépendance des droits de l’homme et sur la protection absolue de la liberté de religion dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. 

Exposé

M. DIEGO GARCIA-SAYAN, Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, a indiqué que son rapport thématique analyse l’urgence qu’il y a à créer les conditions favorisant une présence adéquate des femmes dans les systèmes judiciaires.  Ce document, a-t-il précisé, identifie les obstacles qui entravent l’accès et la promotion des femmes et formule des recommandations pour aller de l’avant.

Le Rapporteur spécial s’est notamment préoccupé de la situation récente des femmes afghanes, qui a « radicalement changé », regrettant que son rapport ait été publié avant les derniers événements dans ce pays.  Il a exprimé sa solidarité avec les femmes afghanes juges, procureurs, avocates et étudiantes en droit qui ont été harcelées, persécutées, attaquées et empêchées d’exercer leurs fonctions.  Il a ensuite lancé un appel à la communauté internationale pour que ces femmes afghanes en danger et leurs familles soient accueillies dans les plus brefs délais et bénéficient du statut de réfugiées si elles le demandent.

Poursuivant, M. Garcia-Sayan a noté une tendance générale à l’augmentation du nombre de femmes dans les systèmes judiciaires et les ministères publics, précisant que dans certains pays, ce nombre est plus élevé que celui des hommes.  C’est ainsi que l’Europe vient en tête, avec 54% de femmes, suivie par les Amériques, 51%, alors qu’en Océanie, en Asie et en Afrique, les femmes représentent respectivement 31%, 30% et 29% du total.  Il a néanmoins dégagé trois points préoccupants.  Tout d’abord, le nombre de femmes accédant à des postes de direction ou élevés dans la hiérarchie a considérablement diminué au niveau mondial.  Il a également constaté que les préjugés et stéréotypes perdurent puisque les femmes sont généralement confinées à des postes au sein des tribunaux de la famille, ou à des affaires de type « social » ou liées au travail.  En outre, les conditions de travail dans le système judiciaire ont un impact différencié pour les femmes ayant un faible revenu économique ou devant jongler avec des obligations d’ordre familial.

M. Garcia-Sayan a ajouté que l’absence, ou la faiblesse, de politiques publiques « claires et continues » de volonté politique, et d’institutions de poids pour les mettre en œuvre, a des incidences négatives sur l’amélioration de la situation des femmes dans les systèmes judiciaires.

Dialogue interactif

À l’entame de cet échange, la Fédération de Russie a souligné qu’elle n’impose pas de restrictions pour l’accès des femmes à des postes judiciaires, cela étant d’ailleurs interdit.  Elle n’a pas appuyé le système de quota proposé par le Rapporteur spécial, préférant privilégier l’éducation ou encore la lutte contre les stéréotypes. 

L’Égypte a indiqué que 48 femmes juges relèvent actuellement de l’autorité de l’État et que 50 autres occupent des postes au ministère public.  Cela constitue une première, s’est enorgueillie la délégation.  Un appareil judiciaire qui fonctionne bien permet de faire barrage à la corruption, en particulier en cette période de pandémie, a estimé pour sa part le Liechtenstein

Le Liban a indiqué qu’en 2018, les femmes représentaient 51% des juges, soit 245 sur 503, soit 51%.  Et ce chiffre ne cesse d’augmenter, ce qui a fait dire à certains qu’il y a une « véritable invasion » de femmes dans la profession.  De nouvelles femmes juges sont aussi apparues pour administrer fermement la justice, l’une d’entre elles ayant récemment imposé une amende à une banque qui avait refusé un prêt à un étudiant. 

L’Union européenne a demandé au Rapporteur spécial de fournir des exemples de bonnes pratiques en matière de stratégies d’analyse et de suivi des mécanismes existants en termes de mesures positives/incitatives et de formations centrées sur la parité dans le système judiciaire. 

La délégation a d’autre part signalé que si bien en Europe le nombre de femmes juges et procureurs est supérieur à celui des hommes, il n’en reste pas moins que les femmes affichent un pourcentage encore très faible dans la hiérarchie du système judiciaire européen.  En outre, les femmes courent un risque plus élevé d’intimidation, de menace et de harcèlement dans l’appareil judiciaire, tant de la part de la société que de celle de leurs collègues.  Cela est d’autant plus vrai pour les femmes chargées d’affaires délicates ou médiatisées, qui risquent de devenir victimes d’agression et de harcèlement, a-t-elle expliqué. 

Le Pérou a attribué les difficultés rencontrées à la marginalisation des femmes en règle générale et a proposé au Rapporteur spécial d’indiquer, de façon plus spécifique, les mesures que les États pourraient envisager, notamment en ce qui concerne les quotas.  Le Chili est revenu sur l’expression « plafond de verre » employée par le Rapporteur spécial, en invitant à briser les obstacles structurels qui entravent l’accès des femmes à des postes judiciaires de responsabilité. 

Le Koweït a cité le paragraphe 35 du rapport, en faisant remarquer que l’affirmation qui y figure concernant le Koweït remonte à plusieurs années. Depuis, le nombre des juges féminins a doublé, s’est-il félicité.  Et en Arabie saoudite, le nombre d’avocates s’élève désormais à 2 000, s’est enorgueillie la délégation saoudienne. 

Comment les programmes de mentorat pourraient-ils contribuer à améliorer le pourcentage des femmes au niveau le plus élevé d’un organe judiciaire d’un pays donné, s’est enquis la délégation des États-Unis.  De son côté, le Royaume-Uni a prié le Rapporteur spécial de citer de bonnes pratiques tendant à l’amélioration de la flexibilité du travail, notamment en ligne, aux fins d’accroître la représentation des femmes dans le système judiciaire. 

La Chine a indiqué que le nombre de juges femmes a augmenté de 27%, tandis que l’Algérie a fait savoir que sa Constitution de 2020 a permis de se rapprocher de la parité dans la prise de décisions et le judiciaire, plus de 45% des juges étant des femmes. 

Dans sa réponse, le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats a affirmé que son rapport est le fruit d’une large consultation avec diverses parties prenantes aux quatre coins du monde.  L’évolution est certes positive, a-t-il relevé en s’adressant à l’Égypte, qui a été en mesure d’effectuer des changements, comme d’autres pays comme le Koweït et la Chine, entre autres. Cependant, au niveau les plus élevés, la présence féminine diminue et il importe de le montrer, surtout dans l’appareil judiciaire car il s’agit d’un système où les décisions qui sont prises ont un impact sur la vie des gens.  À la Cour internationale, par exemple, lorsqu’une femme est présente au moment de la prise d’une décision, elle peut offrir une perspective différente. 

D’autre part, les femmes étant davantage victimes de violence, il est vital qu’elles occupent aussi une place au niveau de la prise de décision, y compris dans le domaine judiciaire.  Insistant sur la nécessité de parvenir à la parité d’ici à 2030, il faudrait tout de même arriver à la parité, le Rapporteur spécial a jugé nécessaire d’instaurer un système de quotas, même si certains pays ne sont pas entièrement d’accord.  Il a en outre mentionné l’importance de la lutte contre le harcèlement des juges par leurs collègues, pour des raisons culturelles ou autres.  À cet égard, il a fait allusion à de nombreuses pratiques optimales comme les campagnes de sensibilisation et les procédures de plaintes.  Ces questions ne sauraient être résolues par un décret ou par une loi mais par une prise de conscience globale, a-t-il estimé. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.