Soixante-seizième session,
Réunions virtuelles – matin & après-midi
AG/SHC/4332

La Troisième Commission examine la question des déplacés, la traite des êtres humains, les formes contemporaines d’esclavage et la lutte contre la racisme

La Troisième Commission, chargée des questions sociales humanitaires et culturelles, a entamé, aujourd’hui ses échanges avec les titulaires de mandat relatifs au racisme et à l’autodétermination, l’occasion pour plusieurs d’entre eux d’appeler à la pleine mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban.  Elle a également achevé son examen des questions relatives aux droits de l’homme, donnant aux délégations l’occasion de débattre sur la question des déplacés, la traite des êtres humains et les formes contemporaines d’esclavage. 

Ces échanges ont notamment été l’occasion pour la Rapporteuse spéciale sur les droits humains des personnes déplacées dans leur propre pays d’alerter que 48  millions de personnes ont été déplacées dans le monde en raison d’un conflit armé ou de la violence à la fin de 2020, soit le chiffre le plus élevé jamais enregistré. 

Selon Mme Cecilia Jimenez-Damary, les solutions politiques au problème deviennent plus difficiles à trouver à mesure que les déplacements deviennent de plus en plus fréquents et prolongés, d’où l’importance, à ses yeux, de privilégier l’impératif de la prévention, tant pour protéger les populations des préjudices associés au déplacement que pour éviter la fragmentation de la cohésion sociale. Mais la prévention du déplacement arbitraire ne signifie pas que l’on empêche les gens de se déplacer, a-t-elle nuancé, évoquant notamment le respect de la liberté de mouvement.  

La notion de prévention a cependant trouvé ses limites dans l’intervention de la Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, qui a relevé les échecs de ces dispositifs dans son exposé axé sur les intersections de la traite et du terrorisme. 

Malgré l’attention portée au lien entre la traite et le terrorisme, la responsabilité de la traite des personnes dans de tels contextes reste limitée, a déploré Mme Siobhan Mullally.  Pour elle, le fait de privilégier les enquêtes et les poursuites pour affiliation à des groupes terroristes, conduit à l’impunité pour le crime de traite et à l’incapacité d’assurer l’accès à la justice et à des recours efficaces pour les victimes. 

Regrettant par ailleurs qu’une grande partie de l’action des Nations Unies en réponse à la traite des personnes se soit limitée à la traite à des fins d’exploitation sexuelle, la Rapporteuse spéciale a jugé extrêmement important que le programme « femmes, paix et sécurité » aborde toutes les formes de traite des êtres humains, y compris celles à des fins d’exploitation par le travail, de mariage forcé et de criminalité forcée. 

De son côté, le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs  causes et  leurs  conséquences a attiré l’attention sur le rôle des groupes criminels organisés dans les formes contemporaines d’esclavage, un sujet peu étudié, mais dont l’implication, a-t-il indiqué, est évidente dans toutes les régions du monde.  Que ce soient des groupes hautement structurés ou des réseaux criminels faiblement connectés, leurs activités s’étendent souvent au-delà des frontières nationales, ce qui pose aux États des difficultés supplémentaires pour obliger les auteurs à rendre des comptes, a fait savoir M. Tomoya Obokata.  Parmi ses recommandations, le Rapporteur spécial a notamment appelé à étendre le principe de non-sanction aux victimes contraintes de s’engager dans des activités criminelles et qui peuvent être soumises à une exploitation sexuelle et/ou à une exploitation du travail, en plus d’être victimes de la traite des êtres humains. 

Dans l’après-midi, la Troisième Commission a également écouté  la Présidente et Rapporteuse du Groupe de travail intergouvernemental sur l’application effective de la Déclaration et du Programme d’action de Durban,  Mme Marie Chantal Rwakazina, qui s’est inquiétée de la méconnaissance par le grand public du contenu de ces textes, et a pressé les dirigeants du monde à faire preuve d’une plus grande volonté politique pour obtenir des changements tangibles. 

Qualifiant ces textes de « révolutionnaires », la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée s’est inquiétée, de son côté, du fait que plusieurs États ont fait part de leur intention d’abandonner le processus de Durban, certains ayant même boycotté la commémoration de son vingtième anniversaire.  Selon Mme E. Tendayi Achiume, ces États compteraient parmi les plus grands bénéficiaires du colonialisme, de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves. 

Elle a également rejeté toute affirmation selon laquelle la Déclaration et le Programme d’action de Durban seraient un « document raciste ».  « Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité », a affirmé Mme  Achiume qui a souligné que ces textes condamnent toute forme d’intolérance et reflètent un consensus international qui affirme les droits des Israéliens et des Palestiniens, déplore l’antisémitisme, le néo-nazisme et d’autres formes d’intolérance, et appelle à la fin de la violence contre les Israéliens et les Palestiniens. 

De son côté, la Présidente du Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine s’est inquiétée du fait que des arguments économiques continuent d’être avancés pour justifier la hiérarchie raciale, décriant en outre la persistance du racisme systémique. 

« Le racisme systémique est une crise de santé publique, tout comme la COVID-19 est devenue une crise raciale », a notamment asséné Mme Dominique Day.  Là où se trouvaient des personnes d’origine africaine, l’instinct a poussé à surveiller et contrôler les communautés, rationaliser un accès moindre aux biens et aux services et à minimiser les violations des droits humains, a-t-elle dénoncé. 

Le dialogue interactif de l’après-midi a donné lieu à un échange très vif entre les délégations du Maroc et de l’Algérie, sur la question du droit à l’autodétermination, poussant le Président de la Troisième Commission, M. Mohamed Siad Doualeh, à intervenir à plusieurs reprises pour permettre au dialogue interactif de reprendre son cours.  La couverture de cette séance a par ailleurs été entravée par une série de problèmes d’ordre technique.  

La Troisième Commission poursuivra ses travaux demain, jeudi 28  octobre, à partir de 10 heures.  

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS

Exposé

Mme CECILIA JIMENEZ-DAMARY, Rapporteuse spéciale sur les droits humains des personnes déplacées dans leur propre pays, a, d’entrée de jeu, alerté que 48 millions de personnes dans le monde ont été déplacées en raison d’un conflit armé ou de la violence à la fin de 2020, soit le chiffre le plus élevé jamais enregistré.  En raison de la nature de plus en plus complexe des conflits armés et de la violence généralisée, il est devenu plus difficile de renforcer le respect du droit humanitaire international et des droits de l’homme, a déploré Mme Jimenez-Damary qui a consacré son rapport à la prévention des déplacements arbitraires dans les situations de conflit armé et de violence généralisée. 

Selon la Rapporteuse spéciale, les solutions politiques deviennent plus difficiles à trouver à mesure que les déplacements deviennent de plus en plus fréquents et prolongés.  Les situations de conflit et de violence peuvent également être aggravées par des catastrophes qui sont des facteurs de déplacement et, depuis 2020, par les répercussions de la pandémie de COVID-19.  Elle a insisté sur l’impératif de la prévention, tant pour protéger les populations des préjudices associés au déplacement que pour éviter la fragmentation de la cohésion sociale. 

Mais la prévention du déplacement arbitraire ne signifie pas que l’on empêche les gens de se déplacer, a-t-elle nuancé, évoquant notamment le respect de la liberté de mouvement.  Les mesures préventives doivent plutôt viser à remédier aux conditions qui conduisent au déplacement et à protéger les personnes pour éviter qu’elles soient contraintes de quitter leur foyer.  Parmi les mesures clefs que les États peuvent adopter pour prévenir les déplacements arbitraires, elle a cité la mise en place d’un cadre juridique, politique et institutionnel approprié au niveau national et conforme au droit international.  Il s’agit notamment de ratifier les traités pertinents du droit international humanitaire et des droits humains et, au niveau régional, la Convention de Kampala, et de prendre des mesures pour les mettre en œuvre au niveau national.  L’adoption de lois et de politiques appropriées est une première étape importante, à ses yeux, mais qui doit cependant être accompagnée de mesures nécessaires pour leur mise en œuvre et leur surveillance complète. 

Mme Jimenez-Damary a ensuite indiqué que contrairement à une idée répandue, la prévention n’est pas pertinente uniquement avant que le déplacement ne se produise, mais à toutes les phases de celui-ci.  Les mesures d’assistance humanitaire et de protection préviennent également les déplacements secondaires en permettant aux personnes de rester en sécurité dans une région en attendant une solution à leur déplacement.  C’est dans ce contexte, a recommandé la Rapporteuse spéciale, que les États doivent garantir et faciliter les conditions à un accès humanitaire efficace et sûr aux acteurs internationaux et locaux. 

Elle a également appelé à intégrer une perspective préventive dans les processus de développement afin d’empêcher la répétition des déplacements arbitraires.  Bien trop souvent, a-t-elle prévenu, les intérêts politiques déterminent les politiques gouvernementales qui peuvent favoriser un type de solution plutôt qu’un autre et qui ne répond pas nécessairement aux normes requises.  Dans certains contextes, les gouvernements ont imposé la fermeture prématurée de camps pour tenter de mettre fin par la force à une crise de déplacement alors que les conditions pour une solution durable n’étaient pas réunies.  Les processus de retour, de relocalisation et de réinstallation qui ne répondent pas aux normes requises peuvent constituer un déplacement arbitraire, a averti Mme Jimenez-Damary. 

Dans les situations post-conflit, a enchaîné la Rapporteuse spéciale, les processus de paix qui incluent la question des déplacements et la participation des personnes déplacées et des communautés affectées jouent un rôle fondamental dans la résolution des déplacements internes et la prévention de leur réapparition.  En outre, la justice transitionnelle peut aider à prévenir de nouveaux déplacements en garantissant la reddition de compte pour les actes à l’origine des déplacements.  Elle a également souligné que l’approche préventive du déplacement arbitraire ne peut être déconnectée d’une approche basée sur les droits humains car, a-t-elle expliqué, leurs violations sont généralement à l’origine des déplacements arbitraires.  À cet égard, elle a préconisé des réflexions stratégiques pour éviter les conséquences du déplacement.  Mais pour qu’elles soient efficaces, ces stratégies nécessitent, selon elle, une approche à l’échelle du Gouvernement et de la société qui associe la participation des personnes déplacées et des communautés touchées, en plus du soutien de la communauté internationale. 

Dialogue interactif

Intervenant à l’issue de l’exposé, la Fédération de Russie a souligné que l’assistance de la communauté internationale aux États dans la résolution des problèmes des personnes déplacées ne peut être effectuée qu’avec le consentement de ces pays sur la base des principes de neutralité, d’humanité, d’indépendance et d’impartialité.  Pour la République arabe syrienne, traiter de la question des déplacés internes doit passer par l’examen des causes profondes, comme le terrorisme, l’occupation étrangère, la violation des droits de l’homme, et l’imposition de mesures coercitives unilatérales. 

Après le Mexique, qui s’est dit disposé à accueillir la Rapporteuse spéciale pour dialoguer avec elle et écouter ses recommandations, l’Union européenne a voulu connaître des exemples de meilleures pratiques en termes de mécanismes d’alerte précoce.  Par ailleurs combien d’États Membres n’ont toujours pas de points focaux nationaux, et peut-on faire pour les aider?  Dans la limite des ressources existantes, quelles mesures les agences de l’ONU pourront-elles prendre l’an prochain pour intégrer davantage la protection et identifier des solutions durables pour les personnes déplacées, ont interrogé les États-Unis

Quelles mesures les États peuvent-ils prendre pour tenir compte des effets délétères des changements climatiques dans leur politique de réintégration des déplacées, a ensuite demandé l’Autriche, la Suisse s’étant, quant à elle, intéressée au rôle du système des Coordonnateurs résidents de l’ONU dans la prévention et la réponse aux déplacements arbitraires.  Comment renforcer son fonctionnement ?  Dans quelle mesure l’ONU entre-t-elle en relation avec les jeunes membres des communautés de personnes déplacées pour trouver des solutions à leurs problèmes, s’est enquis à son tour l’Ordre souverain de Malte

La Géorgie, l’Arménie et Chypre et la Norvège ont également pris la parole, suivis du Mali qui a voulu savoir quelles mesures prioritaires prendre dans le cadre de la protection des déplacés internes, notamment en cette période marquée par la lutte contre la COVID-19. 

Le Burkina Faso qui compte 1 423 378 de déplacés internes répartis dans toutes les 13 régions du pays, a dit mettre en œuvre chaque année un plan de réponse humanitaire en vue de leur fournir des conditions de vie décentes, remerciant dans la foulée les organisations humanitaires et la communauté internationale pour leur accompagnement constant.  Le Maroc a préconisé la mise en place de solutions globales basées sur des approches innovantes pour répondre aux besoins des réfugiés et déplacés internes.  Enfin, la Côte d’Ivoire a voulu savoir par quels moyens concilier l’impératif de la protection des droits des déplacés internes et le défi de la mobilisation des ressources financières qui a été exacerbé par la pandémie. 

Dans ses réponses, la Rapporteuse spéciale sur les droits humains des personnes déplacées dans leur propre pays, a d’entrée souligné la nécessité de progresser davantage et de mettre en œuvre des mesures visant à protéger les personnes déplacées.  Elle a insisté sur l’importance de la volonté politique des États Membres, les encourageant notamment à adopter des législations et politiques relatives à cette catégorie de personnes.  Elle a également suggéré de nommer des points focaux dans l’administration, et de créer des organismes gouvernementaux chargés de cette problématique.  Si des points focaux sont établis, cela encouragera la protection institutionnalisée des personnes déplacées, a-t-elle ajouté. 

La Rapporteuse a par ailleurs indiqué que la pandémie avait eu un impact sur l’accès de personnes déplacées aux services de santé et aux vaccins.  De nombreux pays ont en effet fait état de difficultés à assurer la stabilité de la sécurité temporaire des personnes déplacées en raison de cet accès insuffisant au droit à la santé.  Après avoir de nouveau souligné l’importance des mécanismes de prévention pour atténuer les crises, elle a jugé temps, au niveau des Nations Unies, de renforcer les mécanismes régionaux d’examen mensuel.  Elle a également plaidé pour un renforcement du rôle des Coordonnateurs résidents dans l’identification des risques et la garantie d’une action rapide. 

Exposé

Mme SIOBHÁN MULLALLY, Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, a présenté son rapport consacré aux intersections de la traite et du terrorisme en constatant les limites des mesures de prévention et l’échec des dispositifs de protection. Selon elle, une action concertée des États, des forces de maintien de la paix et des acteurs humanitaires, en partenariat avec la société civile et les victimes, peut néanmoins remédier à ces défaillances et assurer la mise en œuvre effective du droit international des droits de l’homme et du droit humanitaire. 

La Rapporteuse spéciale a précisé que la traite opérée par des groupes terroristes sert des objectifs multiples et interdépendants, le premier étant de générer des revenus. Certains groupes peuvent aussi utiliser la traite comme tactique de guerre ou stratégie de recrutement, voire pour obtenir un contrôle territorial et ancrer leurs réseaux au sein des communautés. De plus, elle a relevé que, si les contextes de terrorisme, de conflit et de déplacement forcé contribuent à des risques accrus de traite des personnes, ces risques sont enracinés dans des « continuums d’exploitation » liés à la discrimination structurelle, à la violence, à la pauvreté et à l’exclusion.  Il est donc essentiel, à ses yeux, qu’en reconnaissant les liens entre le terrorisme et la traite des personnes, les causes profondes sous-jacentes de l’exploitation soient pleinement prises en compte. 

Malgré l’attention portée au lien entre la traite et le terrorisme, la responsabilité de la traite des personnes dans de tels contextes reste limitée, a déploré Mme Mullally, notant que l’accent est le plus souvent mis sur les enquêtes et les poursuites pour affiliation à des groupes terroristes. Ce détournement de l’attention conduit à l’impunité pour le crime de traite et à l’incapacité d’assurer l’accès à la justice et à des recours efficaces pour les victimes, a-t-elle souligné, avant de relever que les personnes exposées à un risque accru de traite dans le contexte de conflits et de terrorisme – les migrants en situation irrégulière, les apatrides, les non-ressortissants et demandeurs d’asile, les membres de groupes minoritaires et les personnes déplacées – sont aussi les plus susceptibles d’être victimes de discrimination, ce qui entraîne l’échec de la protection. 

Regrettant par ailleurs qu’une grande partie de l’action des Nations Unies en réponse à la traite des personnes se soit limitée à la traite à des fins d’exploitation sexuelle, la Rapporteuse spéciale a jugé extrêmement important que le programme « femmes, paix et sécurité » aborde toutes les formes de traite des êtres humains, y compris à des fins d’exploitation par le travail, de mariage forcé et de criminalité forcée, afin de lutter contre l’impunité et de garantir la responsabilité. Elle a également constaté que la perpétuation des stéréotypes de genre dans les réponses anti-traite entrave l’identification rapide et correcte des victimes et renforce « l’invisibilité » de certaines catégories de personnes victimes de la traite, notamment les hommes et les garçons. Les actions de lutte doivent donc aller au-delà des stéréotypes néfastes de « victimes idéales » qui laissent de nombreuses victimes et survivants sans protection ni assistance, a-t-elle plaidé. 

S’agissant des enfants, Mme Mullally a indiqué que, si beaucoup sont recrutés pour des formes d’exploitation « traditionnelles », comme l’exploitation sexuelle et le travail forcé, certains se retrouvent impliqués dans des activités criminelles en tant qu’auteurs ou complices. Elle a d’autre averti que le refus d’accès humanitaire rend les enfants plus vulnérables à la traite, car ils sont contraints à des situations plus risquées ou à se déplacer dans des zones où l’aide est insuffisante. Quelle que soit la situation, l’exigence d’assurer l’intérêt supérieur de l’enfant continue de s’appliquer sans exception dans le contexte de la traite par des groupes terroristes, a fait valoir la Rapporteuse spéciale, formant le vœu que ses recommandations conduiront à des actions concrètes pour garantir que les obligations positives de prévention, d’identification rapide, d’assistance et de protection des victimes soient remplies. 

Dialogue interactif

Donnant le coup d’envoi à cet échange, l’Union européenne a souhaité en savoir davantage sur les moyens de lutter contre la traite des personnes dans le contexte du terrorisme en se conformant au droit international des droits de l’homme et au droit international humanitaire.  Par ailleurs, comment garantir que les victimes, féminines et masculines, reçoivent des soins appropriés et un accompagnement sur mesure? 

La Fédération de Russie a regretté qu’en intégrant la lutte contre le terrorisme à son mandat, la Rapporteuse spéciale empiète sur le domaine de responsabilité de son homologue en charge de la promotion et la protection des droits humains et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste mais aussi sur celui du Conseil de sécurité. Pour la délégation, un certain nombre de recommandations formulées dans le rapport à l’attention des États sont « trop intrusives », notamment celles concernant l’amélioration des législations anti-traite. Les autorités nationales n’ont pas besoin de telles instructions détaillées, a-t-elle souligné.  Elle a également estimé que la coopération en matière de lutte contre la traite devrait porter sur le développement de contacts entre les unités de police concernées, les services de migration et les autorités de contrôle aux frontières des pays d’origine et de destination. 

La crise actuelle liée à la pandémie de COVID-19 a-t-elle accentué la vulnérabilité des groupes à risque, notamment les femmes et les filles, a demandé le Liechtenstein, en soulignant par ailleurs ses initiatives contre ce phénomène qui visent à responsabiliser les investisseurs tout en mettant les institutions financières au cœur des dispositifs de lutte contre la traite.  La Suisse s’est déclarée déterminée à agir contre la traite des personnes en tant que prochaine président du Réseau de points focaux sur le programme « femmes, paix et sécurité ». Elle a également attiré l’attention sur le projet de mémorandum sur les réponses de la justice pénale aux liens entre le terrorisme et les principaux crimes internationaux, les crimes de violence sexuelle et fondés sur le genre, la traite des êtres humains, le trafic de migrants, l’esclavage, et les crimes commis contre des enfants, élaboré par le Groupe de travail sur la justice pénale et l'état de droit du Forum mondial contre le terrorisme, co-présidé par le Nigeria et la Suisse. 

Au niveau des Nations Unies, quelles mesures recommanderiez-vous pour assurer l’adoption d’une approche plus holistique dans le cadre de la lutte contre la traite des êtres humains, qui aille bien au-delà des stéréotypes et des limitations actuels, s’est enquis le Luxembourg. Observant à son tour que la pandémie a exacerbé la vulnérabilité des femmes et des mineurs face à ce phénomène, la Grèce a plaidé pour un renforcement de la protection dans le cadre de partenariats solides au niveau régional.  Le Qatar a ensuite appelé de ses vœux la participation de la Rapporteuse spéciale aux discussions prévues en marge de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale en vue d’examiner la mise en œuvre du plan d’action mondial contre la traite des personnes prévue les 22 et 23 novembre. 

L’Irlande s’est félicitée que les intersections entre la traite et le terrorisme soient soulignées. Ne pas reconnaître la stigmatisation associée au terrorisme revient à nourrir l’impunité des responsables, a-t-elle estimé. Comment s’opère le recrutement des personnes victimes de la traite, a souhaité savoir le Mexique, pour qui les victimes doivent être reconnues comme telles et protégées des poursuites pénales.  Il a également attiré l’attention sur le rôle de la « masculinité toxique ».  Quelles sont les bonnes pratiques en matière de prévention, d’assistance et de protection pour les membres de groupes historiquement marginalisés, qui sont les plus à risque de traite des personnes, ont voulu savoir les États-Unis.  Et comment l'ONU peut-elle s’assurer que les besoins des victimes et des survivants de la traite sont pris en compte au niveau multilatéral ainsi que par les États Membres, a demandé le Royaume-Uni, en se félicitant de la tenue, le mois prochain, d’une réunion de haut niveau sur le Plan d'action mondial contre la traite des personnes. 

La République arabe syrienne a sollicité l’avis de la Rapporteuse spéciale sur la décision du Gouvernement belge de rapatrier les enfants de combattants terroristes étrangers qui se trouvent en Syrie.  Elle a souhaité savoir si le rapatriement des enfants en fonction de leur âge est en contravention avec la Convention sur les droits de l’enfant. Dans ce cadre, faut-il rapatrier aussi les enfants non accompagnés?  Dans le cadre de vos travaux sur les liens entre la traite et le terrorisme, quels sont vos projets pour aider les pays qui se heurtent à des difficultés dans ces deux domaines, ont demandé les Philippines.  Et face à la persistance de l’impunité, quelles mesures préconisez-vous pour lutter contre le phénomène de la traite dans le respect du droit international applicable, s’est interrogée à son tour la France.  Compte tenu du caractère transfrontalier de la traite, le Bélarus a reconnu que les efforts de prévention et de réponse nécessitent une coopération internationale plus efficace, précisant qu’il soumettrait cette année une résolution sur l’amélioration de la coordination des États dans ce domaine. 

Après l’Allemagne, qui a demandé plus de détails sur les moyens d’éviter une instrumentalisation des mesures anti-traite, notamment au niveau des Nations Unies, la Côte d’Ivoire a constaté que la situation de vulnérabilité de certaines personnes victimes de la traite les poussent à soutenir les intérêts de ceux qui les exploitent. Elle a souhaité connaître l’opinion de la Rapporteuse spéciale à ce sujet.  Bahreïn a rappelé qu’il avait créé le premier parquet dédié à la lutte contre ce phénomène et a voulu savoir quelles autres mesures novatrices pourraient être prises en ces temps de pandémie.  Quelles actions concrètes peuvent être prises par les États Membres en tenant compte des effets de la COVID-19 et comment reconstruire en mieux tout en protégeant les femmes et les filles de la traite, a demandé la République dominicaine.  Soulignant l’importance d’une implication de la société civile dans ces efforts, la Chine a appelé tous les États à adopter des mesures vigoureuses contre ce phénomène.  Constatant pour sa part que les technologies de pointe sont souvent utilisées à mauvais escient par les trafiquants d’êtres humains pour faciliter et mener leurs activités illicites, l’Ordre souverain de Malte s’est interrogé sur les moyens d’arrêter et prévenir ces abus. 

En réponse aux questions et remarques, la Rapporteuse spéciale sur la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants a mis l’accent sur les bonnes pratiques en matière de lutte antitraite, qui doivent s’inscrire dans le cadre normatif du droit international des droits de l’homme. Pour être efficace dans ce domaine, il importe tout d’abord que les victimes soient reconnues en tant que telles.  Il faut également que des professionnels soient bien formés en matière de justice pénale, de contrôle aux frontières et de services aux plus marginalisés, a-t-elle souligné, jugeant à cet égard que, dans les situations de conflit, les acteurs humanitaires doivent pouvoir déceler les signes avant-coureurs de la traite, de même que les soldats de la paix.  Son mandat s’y emploie, a-t-elle assuré, à l’image de la rencontre prévue demain dans un centre de formation militaire sur le thème de la traite.  Alors que certains pays comme la Fédération de Russie considèrent qu’elle empiète sur des domaines relevant de la compétence du Conseil de sécurité, Mme Mullally a fait valoir que les droits humains doivent être reconnus le plus largement possible. Au moment où le Conseil de sécurité souligne le rôle croissant que joue la traite dans les situations de conflit armés et de terrorisme, il est important de briser les cloisonnements, a-t-elle insisté. 

S’agissant des actions de prévention en période de pandémie, la Rapporteuse spéciale s’est déclarée préoccupée par la raréfaction des ressources consacrées à la lutte contre la traite, les difficultés d’action de la société civile et l’augmentation du nombre de victimes chez les enfants qui restent chez eux et étudient à distance.  C’est encore plus inquiétant dans les contextes d’économie informelle et de pauvreté extrême, a-t-elle relevé, avant de rappeler que son mandat coopère étroitement sur ces questions avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et d’autres acteurs tels que le Conseil européen et le Comité africain sur les droits de l’enfant.  Mme Mullolly a également évoqué les actions qu’elle mène avec l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour savoir et comprendre comment les personnes sont mises en danger.  Confirmant par ailleurs qu’elle participera en novembre à la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur le Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre la traite des personnes, elle a espéré que ce sera l’occasion d’échanger des expériences de pratiques optimales et de s’engager dans des actions concrètes. 

Elle a ensuite remercié le Mexique d’avoir soulevé la question de la « masculinité toxique » et des stéréotypes de genre pour s’attaquer aux causes profondes de la traite.  Selon elle, ce sont souvent la pauvreté, les discriminations structurelles et le racisme qui font que certaines personnes sont à la merci de l’exploitation et de la traite.  Pour combattre cet engrenage, les partenariats avec des groupes communautaires et des associations de rescapés sont précieux, a-t-elle souligné, estimant qu’au-delà de la riposte pénale, il faut une protection accrue des victimes et une meilleure prévention de la traite. Enfin, pour ce qui est du rapatriement de personnes impliquées dans des activités terroristes, Mme Mullally a souligné l’importance de ne pas séparer les familles et de traiter les dossiers des enfants et des parents ensemble.  Elle a ajouté que l’obligation d’aider les victimes de la traite figure dans le Protocole additionnel à la Convention contre la criminalité transnationale organisée et dans les instruments des droits de l’homme pertinents.  Le refus de fournir une assistance n’est pas conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant, a-t-elle insisté, appelant aussi à respecter le principe de non-punition. 

Exposé

M. TOMOYA OBOKATA, Rapporteurspécial sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurscauses et leurs conséquences, a concentré son rapport sur le rôle des groupes criminels organisés dans les formes contemporaines d’esclavage, un sujet peu étudié, mais dont l’implication, a-t-il a indiqué, est évidente dans toutes les régions du monde.  Que ce soient des groupes hautement structurés ou des réseaux criminels faiblement connectés, leurs activités s’étendent souvent au-delà des frontières nationales, ce qui pose aux États des difficultés supplémentaires pour obliger les auteurs à rendre des comptes. 

Après avoir décrit leur modus operandi qui va de l’utilisation des technologies modernes et la corruption en passant par l’entrave à la justice et le blanchiment d’argent, M. Obokata a fait observer que ces groupes agissent dans des situations de crise marquées par des troubles politiques, des situations de conflits armés, des catastrophes naturelles ou la pandémie de COVID-19 pour exploiter les personnes vulnérables.   Les victimes sont contraintes de participer un certain nombre d’activités criminelles telles que la production de drogue, le vol et la mendicité forcée, ou sont soumises à l’exploitation sexuelle et à la servitude pour dettes, entre autres pratiques analogues à l’esclavage, a révélé M. Obokata.  Des enfants sont également recrutés de force et utilisés pour commettre des actes terroristes ou de gangstérisme, ainsi que pour participer à des conflits armés, tandis que d’autres sont soumis au travail forcé dans des mines ou des exploitations forestières illégales. 

Le Rapporteur spécial a également indiqué que les activités illégales des réseaux criminels sont souvent dissimulées derrière des activités économiques apparemment légitimes, ce qui complique la tâche des autorités chargées de faire respecter la loi.  En outre, les propriétaires d’entreprises, les avocats, les banquiers, les comptables et autres acteurs privés peuvent se rendre complices des formes contemporaines d’esclavage par leur action ou leur inaction, a-t-il fait observer. 

Pour lutter contre ce phénomène, M. Obokata a appelé à criminaliser la participation des groupes criminels organisés aux formes contemporaines d’esclavage, à établir des systèmes répressifs centrés sur le renseignement, à mener des enquêtes financières et à confisquer le produit des activités criminelles.  Parmi les exemples de bonnes pratiques, il a cité l’application de peines plus sévères, ainsi que les garanties d’autorisation et de contrôle judiciaires apportées aux cadres législatifs régissant les systèmes répressifs centrés sur le renseignement, tels que la surveillance et l’interception des communications. 

Le Rapporteur spécial a appelé les États à renforcer leurs actions contre la corruption et l’obstruction à la justice. De même, les inspections du travail doivent être intégrées aux efforts afin d’identifier et de protéger les victimes et d’assurer la reddition de compte.  À cet égard, il a invité les États à investir les produits confisqués du crime à cette fin.  Il a également jugé nécessaire d’améliorer les garanties contre les abus dans de nombreux États, afin que les droits à une procédure régulière et à la vie privée soient suffisamment protégés.  En outre, les enquêtes financières et la confiscation des produits du crime doivent être renforcées.  Enfin, a conclu le Rapporteur spécial, le principe de non-sanction devrait être étendu aux victimes qui sont contraintes de s’engager dans des activités criminelles et peuvent être soumises à une exploitation sexuelle et/ou à une exploitation du travail, en plus d’être victimes de la traite des êtres humains. 

Dialogue interactif

À l’issue de cet exposé, le Royaume-Uni s’est demandé comment encourager les pays à mettre en place et à appliquer efficacement une législation donnant aux organismes chargés de faire respecter la loi et aux premiers intervenants les moyens de lutter contre la traite des êtres humains et d’autres formes d’esclavage moderne. 

Notant que les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée par l’esclavage moderne, l’Union Européenne a voulu en savoir plus sur les recommandations du Rapporteur Spécial pour leur prise en charge. La délégation lui a également demandé s’il envisageait de reprendre ses visites de pays dans les mois à venir. 

« Comment la communauté internationale peut-elle renforcer la coopération pour lutter contre la corruption et éradiquer le recours au travail forcé dans les chaines d’approvisionnement mondiales ? » ont interrogé les États-Unis, relevant que les personnes vulnérables, en particulier les enfants, y sont davantage exposés.  Le Lichtenstein s’est également interrogé sur les moyens de renforcer la coopération pour assurer le suivi des flux financiers illicites. Comment favoriser davantage la participation du secteur privé à la lutte contre les formes contemporaines d’esclavage?  

La Chine a accusé le Rapporteur d’utiliser des informations politisées sans s’adresser aux pays concernés pour les vérifier, décriant une violation du principe d’impartialité et d’objectivité des détenteurs de mandats de procédure spéciale. Le mandat du Rapporteur spécial porte sur les droits humains et non sur la criminalité organisée en tant que telle, a souligné la Fédération de Russie, l’appelant à son strict respect. 

Reprenant la parole, le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences s’est dit conscient que son mandat concerne les droits humains. Il a souligné que l’accès à la justice qui fait partie des droits humains et appelé tous les États à garantir l’accès à la justice et des voies de recours pour les victimes. S’adressant à l’Union Européenne, le Rapporteur Spécial a souligné qu’il était en effet important que la dimension du genre soit prise en compte, ajoutant qu’il était cependant difficile d’assurer le même niveau de protection selon les victimes.  M. Obakata a donc appelé les États à adapter la protection au sexe de la personne ainsi qu’à son âge. 

Il a également insisté sur l’importance du partage d’informations et de renseignements, notamment dans le contexte de la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent.  Il faut s’enrichir de ce que font les autres sur la base d’un esprit de solidarité, a incité M. Obokata, appelant à organiser des ateliers et des formations et à aider au renforcement des capacités des pays qui en ont besoin.  Il est fondamental de former les services de répression et détection, ainsi que la société civile, afin de donner des outils de protection de victimes, a-t-il appuyé, ajoutant que cela nécessite que des fonds suffisants soient disponibles pour permettre à tous les acteurs de faire davantage. 

Le Rapporteur Spécial a ensuite invité à sensibiliser tous les acteurs au niveau national, soulignant également l’importance de la législation. Il sera plus facile de l’appliquer s’il y a une sensibilisation, a-t-il jugé. Il a également recommandé d’alourdir les peines, ajoutant que tous les acteurs, notamment les services de détection et répression et la société civile, ont un rôle à jouer pour favoriser les enquêtes et la répression contre les différentes formes d’esclavage. 

S’adressant enfin à la Chine, M. Obokata a assuré qu’il utilisait une palette de sources d’informations afin de refléter l’ensemble des points de vue, y compris de la société civile, des États Membres et des organisations internationales. Le Rapporteur a ensuite exhorté les États Membres à répondre à ses appels afin qu’il puisse inclure leurs informations dans ses rapports. 

Exposé

Mme ILZE BRANDS KEHRIS, Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme et Cheffe du Bureau du Haut-Commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme à New York, a présenté plusieurs rapports du Secrétaire général au titre des points à l’ordre du jour.  Le premier, consacré au « Programme d’activités pour la mise en œuvre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine » (A/76/322), présente une évaluation des progrès accomplis dans la mise en œuvre de ce programme à mi-parcours de la Décennie 2015-2024.  Le rapport, a-t-elle précisé, évoque notamment la création de l’Instance permanente pour les personnes d’ascendance africaine qui marque une réalisation cruciale de la Décennie pour « combler l’écart dans l’architecture antiraciste au sein du système des Nations Unies ».  Le rapport compile également des informations sur les activités liées à la célébration du vingtième anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Durban à New York et à Genève et réfléchit à l’impact de la pandémie de COVID-19 sur les personnes d’ascendance africaine et aux effets du mouvement mondial contre le racisme systémique. 

Le rapport note par ailleurs que, si la première moitié de la Décennie a connu des résultats prometteurs et positifs, il reste encore beaucoup à faire, notamment dans les domaines de la justice et du développement.  À ce sujet, Mme Brands Kehris a encouragé les États à accélérer la mise en œuvre du Programme d’activités pour le reste de la Décennie. 

Passant au rapport intitulé « Appel mondial pour l’élimination totale du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée et mise en œuvre complète et suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Durban » (A/76/287), la Sous-Secrétaire générale a précisé que ce document relève que, cette année, le vingtième anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Durban intervient à un « moment clef » dans la lutte pour la justice raciale.  Ce rapport recommande de prendre toutes les mesures appropriées, conformément au droit international des droits humains, pour éliminer le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée et de mettre en œuvre les recommandations pertinentes, telles que celles contenues dans le rapport du HCDH sur la justice et l’égalité raciales. 

Enfin, Mme Brands Kehris a présenté le rapport du Secrétaire général sur le « Droit des peuples à l’autodétermination » (A/76/276), indiquant qu’il offre un résumé des principaux développements relatifs à la réalisation de ce droit dans le cadre des activités des principaux organes des Nations Unies depuis la présentation du précédent rapport. Il comporte également des éléments sur les développements récents relatifs à l'examen, par le Conseil des droits de l’homme, du droit à l’autodétermination, ainsi que les observations formulées dans les rapports soumis à l’Assemblée générale et au Conseil des droits de l'homme par les procédures spéciales et le Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones. 

Dialogue interactif

Dans un premier temps, le Bélarus a regretté que le rapport sur la mise en œuvre et le suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Durban ne fasse aucunement mention de la non-participation de certains États à la Conférence de Durban et aux suivantes. Il a souhaité avoir l’avis de Mme Brands Kehris sur cette situation et sur le lien éventuel entre la Déclaration de Durban et l’antisémitisme. La délégation a par ailleurs déploré que le rapport sur le programme d’activités pour la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine ne se soit appuyé, en matière d’informations, que sur cinq institutions nationales des droits de l’homme et sept organisations de la société civile. De plus, alors que plus de 6 000 ONG sont dotées du statut consultatif auprès de l’ONU, dont environ 2 000 dans les pays développés, aucune réponse n’est venue de ces dernières. Comment prévoyez-vous de réparer cet état de fait, a-t-elle demandé avant de s’étonner que ce rapport n’évoque à aucun moment « le pays d'où est partie une vague de protestations contre le racisme systématique » après les événements de mai 2020. 

Comment les États peuvent-ils mieux gérer les risques pour les défenseurs des droits humains que représentent la surveillance numérique et les attaques en ligne, ont souhaité savoir les États-Unis.  Ils se sont également déclarés préoccupés par les informations faisant état de représailles contre des personnes coopérant avec les Nations Unies sur les questions de droits humains dans 45 pays à travers le monde, notamment en Afghanistan, au Bahreïn, au Bélarus, au Myanmar, au Burundi, au Cambodge, au Cameroun, en Chine, en Égypte, en Iran, au Nicaragua, en Russie, au Soudan du Sud, au Sri Lanka, en Syrie, au Venezuela, aux Émirats arabes unis et Yémen. 

Saluant les progrès accomplis dans la mise en œuvre des textes de Durban, la Côte d’Ivoire a regretté qu’ils fassent aussi l’objet de résistances.  Comment est-il possible d’y remédier, a-t-elle demandé à la Sous-Secrétaire générale.  La République islamique d’Iran a constaté pour sa part que l’on assiste trop souvent à un « deux poids deux mesures » au Conseil des droits de l’homme.  Réaffirmant à ce propos son appui à l’Examen périodique universel (EPU), la délégation s’est dite préoccupée par les résolutions spécifiques qui vont « à l’encontre des droits humains ». 

Comment comptez-vous combler les lacunes dans la collecte de données concernant les représailles, s’est enquis le Royaume-Uni, en se disant gravement préoccupés par la situation au Xinjiang.  Il a salué l’engagement du HCDH à publier une évaluation de la situation dans cette région, tout en appelant la Chine à lui offrir un accès immédiat et sans entrave.  Il s’est par ailleurs déclaré inquiet de la détérioration des libertés fondamentales à Hong Kong et de la situation des droits humains au Tibet. 

La « tragédie de George Floyd » aux États-Unis démontre l’urgence persistante d’agir, a affirmé à son tour la Chine pour qui il importe que les pays qui ont été impliqués dans le commerce des esclaves rendent justice aux victimes.  La délégation s’est ensuite élevée contre l’utilisation que font les États-Unis et le Royaume-Uni de la Troisième Commission à des fins politiques. La situation des droits humains dans ces deux pays est pourtant préoccupante, a-t-elle souligné, rappelant que de nombreuses personnes d’ascendance africaine y sont agressées publiquement et font l’objet de discriminations systématiques. 

L’Indonésie a constaté que 20 ans après la Conférence de Durban, le racisme et la discrimination raciale continuent de faire rage dans le monde.  Pour y répondre, a-t-elle affirmé, il faut commencer par assurer l’égalité et l’équité vaccinales et lutter contre les discours de haine, notamment sur les réseaux sociaux.  Dans certains pays, les réseaux sociaux constituent en effet une enceinte privilégiée pour les discours haineux, a renchéri l’Inde, avant d’appeler à contrer ce phénomène pour préserver la cohésion sociale. Regrettant par ailleurs que le droit à l’autodétermination fasse l’objet d’abus et de mauvaises interprétations, elle a souhaité que ce « vecteur de décolonisation » ne soit pas utilisé pour saper la souveraineté et l’intégrité territoriale d’un État Membre. Quelles activités le Bureau de la Sous-Secrétaire générale entend-il mener pour garantir l’opérationnalisation de ce droit, a demandé l’Algérie qui a appelé à cet égard au plein exercice du droit à l’autodétermination pour les 17 territoires non autonomes, dont le Sahara occidental. 

La Lettonie a déploré l’insuffisance notoire des ressources du pilier des droits de l’homme de l’ONU.  Elle s’est également déclarée inquiète de détérioration des droits humains au Myanmar, au Bélarus et dans les territoires occupés de l’Ukraine, dénonçant notamment les violations de nombreux droits en Crimée et dans la ville de Sébastopol sous occupation russe, ainsi qu’à l’encontre des Tatars de Crimée. 

Soulignant l’importance de lutter contre les discours de haine et de permettre l’application effective du Programme d’action de Durban, l’Égypte a rappelé que, « comme chacun sait », des violations des droits humains sont commises aux États-Unis à l’encontre des personnes d’ascendance africaine.  Les États-Unis devraient d’ailleurs plutôt s’occuper du racisme et de la discrimination raciale sur leur propre territoire, a renchéri Cuba. De plus, a-t-elle ajouté, ce « faux champion des droits humains » a le plus petit nombre de ratifications d’instruments relatifs aux droits de l’homme. 

Le Maroc a dénoncé « la haine déversée par l’Algérie », alors que les discussions n’ont « aucun lien avec le Sahara marocain ». Il a contesté l’exercice d’un « soi-disant droit » à l’autodétermination dans ce territoire qui, a-t-il dit, est « revenu à la mère patrie ». Il a par ailleurs observé que le plaidoyer de l’Algérie ne concerne pas le peuple kabyle qui, lui aussi devrait avoir le droit de disposer de lui-même. 

En réponse à ces questions et commentaires, la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme a souligné que son action se concentre sur l’application effective de la Déclaration et du Programme d’action de Durban ainsi que sur les suites qui y sont données. Pour ce qui est de la participation des États à ce processus de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, « ce n’est pas notre décision », a-t-elle fait valoir, appelant toutefois de ses vœux la participation de tous.  S’agissant de la méthode employée par ses services, Mme Brands Kehris a indiqué que les rapports comprennent des informations sur la manière dont les données sont recueillies, sur les communications avec les États Membres effectuées par le biais de notes verbales et sur les appels lancés aux institutions des droits humains et aux ONG. Nous sommes toujours heureux d’obtenir le plus d’informations possibles, de sources variées, a affirmé la Sous-Secrétaire générale, se disant également soucieuse d’un « équilibre » dans le traitement des États Membres.  À cet égard, elle a rappelé que la communauté internationale dispose d’un dispositif sur les droits humains qui prévoit des obligations égales pour tous. 

Abordant ensuite la question des représailles, Mme Brands Kehris a rappelé qu’elle est la principale référente du système des Nations Unies à ce sujet et qu’elle compte sur la coopération internationale pour avancer dans ses travaux. Il faut être unis pour faire entendre toutes les voix, a-t-elle plaidé, avant d’appeler à un plus large soutien des activités de son Bureau. Alors que la surveillance numérique est une préoccupation croissante, du fait notamment des impacts de la pandémie sur le droit à la confidentialité, elle a attiré l’attention sur la sécurité des personnes qui coopèrent avec l’ONU et « dont nous dépendons pour notre travail ».  Enfin, à propos du droit à l’autodétermination, la Sous-Secrétaire générale a renvoyé aux mécanismes de droit de l’homme mentionnés dans le rapport du Secrétaire général. 

Exposé

Mme DOMINIQUE DAY, Présidente du Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine, a présenté son rapport intitulé « L’urgence du moment: le racisme systémique et les perspectives pour 2021 », comprenant un résumé de la XXVIe et XXVIIe session du Groupe de travail.  Elle a souligné que la hiérarchie raciale, « sage-femme toxique présente à la naissance de notre économie mondiale moderne », est transnationale.  Nous voyons encore des arguments économiques avancés pour justifier la hiérarchie raciale, a-t-elle également relevé, décriant en outre la persistance du racisme systémique, reflet des héritages de la traite transatlantique des Africains et du colonialisme et de l’exploitation omniprésente. 

La race est le « fil conducteur » reliant la COVID-19, l’impunité de la police et les manifestations qui ont éclaté dans le monde, a martelé Mme Day.  Le racisme systémique est une crise de santé publique, tout comme la COVID-19 est devenue une crise raciale, a-t-elle asséné.  Lors de la pandémie de COVID-19, la réponse instinctive face à l’incertitude et à une crise sans précédent a semblé confirmer le racisme systémique, plutôt que d’incarner les engagements déclarés de le démanteler, a regretté Mme Day.  Là où se trouvaient des personnes d’origine africaine, l’instinct a poussé à surveiller et contrôler les communautés, rationaliser un accès moindre aux biens et aux services et à minimiser les violations des droits humains, a-t-elle dénoncé.  La Présidente a noté que la gêne occasionnée par le fait de parler de race continue d’alimenter une culture du déni.  La solution ici n’est pas la bienveillance mais le respect, a mis en avant Mme Day, décriant notamment que la richesse et le pouvoir géopolitique aient dicté l’accès aux vaccins. 

La Présidente a ensuite attiré l’attention sur le récent rapport du Groupe de travail au Conseil des droits de l’homme, consacré à la justice environnementale, la crise climatique et les personnes d’ascendance africaine (A/HRC/48/78).  Elle a indiqué que les personnes d’ascendance africaine continuent d’être victimes du racisme environnemental et sont touchées de plein fouet par la crise climatique.  Les véritables solutions climatiques doivent également s’attaquer aux inégalités historiques et aux mentalités racistes qui continuent à alimenter la crise climatique, a appuyé Mme Day. 

Elle a ensuite souligné que de nombreux outils importants avaient été adoptés dans de nombreux États, en mentionnant notamment les reconnaissances et excuses pour les atrocités commises contre les personnes d’ascendance africaine. Plusieurs États ont inclus des catégories d’auto-identification pour les personnes d’ascendance africaine dans les recensements nationaux, a-t-elle également relevé. Elle a estimé que la Journée pour les personnes d’ascendance africaine et la création d’une Instance constituent un pas en avant.  Nous demandons aux États Membres de prendre des mesures claires et sans équivoques, a enfin appelé Mme Day, les encourageant à faciliter les visites de pays et la coopération connexe dans le cadre de son mandat. 

Dialogue interactif

Le Mexique s’est demandé quels éléments prendre en compte pour élaborer des politiques publiques afin de garantir l’accès des personnes d’ascendance africaine aux services de santé sur un pied d’égalité, en particulier pour l’accès aux vaccins.  S’intéressant également à ce sujet, le Brésil s’est interrogé sur les principaux défis dans la lutte contre le racisme dans le cadre de la pandémie de COVID-19.  Quelles sont les meilleures pratiques au niveau mondial pour faire progresser l’équité dans les domaines de l’éducation, des changements climatiques et sur le plan économique, ont demandé les États-Unis

« Comment la question des réparations pour les préjudices causés par la colonisation et la traite des esclaves peut-elle être prise en compte par les États dans l’élaboration des mesures contre le racisme et la discrimination à l’encontre des personnes d’ascendance africaine ? » s’est interrogé le Cameroun. Par ailleurs, comment l’éducation peut-elle contribuer aux changements des mentalités? 

Relevant que les personnes d’ascendance africaine exercent une forte influence sur les jeunes générations dans les domaines du sport ou divertissement, le Japon s’est intéressé au rôle des acteurs non-étatiques dans l’avancement des travaux de l’Instance permanente des personnes d’ascendance africaine. Comment garantir au mieux que la société civile et les défenseurs des droits humains puissent jouer un rôle important dans la lutte contre le racisme, a demandé à son tour l’Union européenne

La Chine a constaté que dans des pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni, les personnes d’ascendance africaine et asiatique, les musulmans et les populations autochtones font l’objet d’un racisme systémique depuis longtemps.  La délégation a encouragé le Groupe de travail à s’attaquer autant aux symptômes qu’aux causes du racisme. 

Réagissant aux propos prononcés par le Maroc lors du dialogue précédent, l’Algérie a dénoncé une tentative désespérée de détourner l’attention de la Commission concernant l’occupation illégale des territoires dans le Sahara. S’exprimant à son tour, le Maroc a décrété que la seule chose qui restait à décoloniser dans la région était l’état d’esprit de la représentante de l’Algérie à l’égard du Maroc.  L’Algérie est le plus grand pays violeur des droits humains et du droit international humanitaire, a décrété la délégation. 

Reprenant la parole, la Présidente du Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine a appelé à utiliser les travaux de recherche et les connaissances qui existent, incitant également à faire le bilan des inégalités au niveau local.  Des bonnes pratiques ont également émergé pendant la pandémie, certains États ayant pu tirer un meilleur parti des technologies pour protéger le droit à la santé.  Mme Day a également insisté sur la nécessité de s’engager en faveur de la vérité.  On parle sans cesse de l’héritage du racisme systémique et du colonialisme alors qu’il est omniprésent.  Il faut donc pouvoir examiner l’idée que le racisme systémique lui-même n’est pas un phénomène incompréhensible mais le fruit de prise de décision de personnes qui ont un certain pouvoir, a-t-elle suggéré. 

Évoquant ensuite la crise de la COVID-19, elle a souligné que les personnes qui ont toujours fait l’objet de discriminations ou d’abus dans le domaine médical seront plus réticentes à se faire vacciner ou à accéder aux services médicaux. Il faut comprendre les conséquences des atrocités historiques que nous avons vécu, a-t-elle appuyé, appelant à considérer ces personnes comme des personnes dotées de raison.  Comprendre tout cela permet de faire face à des crises comme la COVID-19, a-t-elle insisté. Selon elle, l’équité vaccinale n’a pas été une priorité, l’accès aux vaccins s’étant fait en fonction de la richesse, et de l’appartenance politique et raciale, a-t-elle estimé.  Estimant que toute personne est capable de faire passer un message, elle a incité à parler « haut et fort », en insistant sur les vaccins et les traitements. 

Exposé

Mme MARIE CHANTAL RWAKAZINA, Présidente et Rapporteuse du Groupe de travail intergouvernemental sur l’application effective de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, a présenté le rapport sur la 18e session qui s’est tenue du 12 au 23 octobre 2020 à Genève. Elle a noté avec inquiétude le manque de connaissances du public sur le contenu de la Déclaration et du Programme d’action de Durban « qui a constitué un obstacle sérieux à la création d’une volonté politique pour sa mise en œuvre complète et efficace ».  

La Présidente du Groupe de travail a engagé les États à accélérer les actions visant à mettre pleinement en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban. Elle a notamment appelé à adopter une législation antidiscriminatoire complète pour interdire les pratiques discriminatoires et à prévoir des sanctions appropriées contre les contrevenants ainsi que des recours et indemnisation pour les victimes. L’adoption de politiques et de programmes orientés vers l’action s’impose aussi pour combattre la discrimination raciale et élaborer des plans d’actions nationaux pour promouvoir la diversité, l’équité, l’égalité et la justice sociale.  

Mme Rwakazina a également recommandé de créer et/ou renforcer les mécanismes ou institutions nationaux pour l’égalité raciale  et à adopter, le cas échéant, des approches intégrées, croisées et holistiques pour garantir l’efficacité des politiques et mesures de lutte contre le racisme. Il convient, enfin, de s’attaquer au racisme systémique et aux préjugés raciaux dans l’administration de la justice en élaborant des politiques efficaces pour détecter les comportements répréhensibles des agents des forces de l’ordre motivés par le racisme et veiller à ce qu’ils en répondent, ainsi qu’à poursuivre les auteurs, notamment en cas de recours excessif à la force. 

Les défis identifiés dans la Déclaration et Programme d’action de Durban restent à relever, a relevé la Rapporteuse. Il faut donc que les dirigeants du monde fassent preuve d’une plus grande volonté politique pour obtenir des changements tangibles, a-t-elle martelé. 

Dialogue interactif 

La Fédération de Russie a déploré que certains États aient refusé de participer au vingtième anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Durban.  Alors que l’on assiste à une montée des différentes formes de racisme, l’attitude de ces pays qui se présentent comme des démocraties témoigne du fait que la lutte contre ce fléau est d’abord une question de volonté politique, a souligné la délégation.  Exprimant également son inquiétude quant aux droits des minorités dans le monde, notamment sur le plan linguistique, elle a souhaité avoir l’avis de Mme  Rwakazina à cet égard, non sans attirer son attention sur la situation en Ukraine. 

Quel est le message que cherchent à envoyer les États qui ont boycotté l’événement organisé pour le vingtième anniversaire des textes de Durban, s’est interrogé la République arabe syrienne qui s’est inquiétée de la croissance alarmante des rhétoriques populistes et nationalistes ainsi que des idéologies extrémistes dans certains pays, faisant état d’un « véritable tsunami de xénophobie et d’islamophobie ».  À ce propos, elle a accusé la Turquie et les pays occidentaux d’attiser un sentiment d’hostilité à l’égard des migrants syriens.  Quel est le plus grand défi rencontré par le système onusien pour faire appliquer la Déclaration et le Programme d’action de Durban, a voulu savoir la Chine qui a elle aussi décrié le boycott de certains États. 

Quelles devront être les priorités pour assurer la mise en œuvre du Programme d’action de Durban, a, elle aussi, demandé l’Algérie.  Elle a ensuite affirmé que la délégation du Maroc « excelle dans l’art du mensonge » et « prend en otage cette Commission » au lieu de prendre ses responsabilités sur le Sahara occidental.  Dénonçant cette « fuite en avant », elle a regretté que le Maroc aille jusqu’à « insulter le travail noble de l’ONU » dans les camps de Tindouf.   

Le Maroc a riposté en appelant à la « décolonisation de l’état d’esprit de la délégation algérienne ».  Alors que l’Assemblée générale célèbre le vingtième anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, il est inadmissible qu’un pays appartenant au continent préconise une politique raciste et discriminatoire contre les migrants d’Afrique subsaharienne, a-t-elle asséné.  Elle a ajouté que, si le Maroc enseigne le respect des cultures et la tolérance, l’Algérie diffuse la haine et l’antisémitisme. 

En réponse à ces questions et commentaires, la Présidente du Groupe de travail intergouvernemental sur la mise en œuvre effective de la Déclaration et du Programme d’action de Durban s’est tout d’abord adressée à la Fédération de Russie pour assurer que le Groupe de travail intergouvernemental déplore toutes les formes de discrimination existantes, y compris celles à l’encontre des minorité linguistiques et ethniques.  Pour ce qui est de la non-participation de délégations à la réunion de haut niveau organisée par l’Assemblée générale pour marquer les 20 ans de la Conférence de Durban, Mme  Rwakazina a indiqué que le Groupe de travail souhaite que « tous les États Membres rejoignent le mouvement », non seulement en mettant en œuvre la Déclaration de Durban mais aussi en élaborant des plans d’action aux niveaux national et régional.  Pour ce qui est de son travail, la Présidente du Groupe a précisé que l’aspect le plus complexe tient à la communication.  Au cours de la dernière session, a-t-elle noté, nous avons convenu de mieux communiquer sur le contenu de nos actions et de centrer nos efforts sur des échanges avec la société civile et des groupes spécifiques, dans leurs langues respectives, afin qu’ils puissent connaître notre activité et faire entendre leurs voix. 

Exposé

Mme E. TENDAYI ACHIUME, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, a tout d’abord présenté son rapport thématique, consacré au vingtième anniversaire de la Conférence de Durban.  Elle a qualifié la Déclaration et le Programme d’action de Durban de « document révolutionnaire » notant que celui-ci fusionne explicitement des engagements « décoloniaux », antiracistes et antixénophobes dans un seul instrument des droits humains.  En reconnaissant sans faille les systèmes et les structures d’oppression, la Déclaration et le Programme d’action de Durban offrent une vision transformatrice de l’égalité raciale qui cherche à faire des promesses de la Déclaration universelle des droits de l’homme une réalité pour tous les peuples. 

Ce document, a-t-elle enchaîné, a incité à augmenter la collecte de données ventilées; reconnaître les personnes d’ascendance africaine et les peuples autochtones au sein des communautés nationales ainsi que la xénophobie à l’encontre des migrants.  Il a également inspiré la création d’organismes nationaux de promotion de l’égalité; l’élaboration d’instruments régionaux des droits de l’homme; et un examen international accru des questions de racisme, de xénophobie, de discrimination et d’intolérance.  En outre, il a fourni aux défenseurs de nouveaux outils pour contester les formes intersectionnelles et structurelles de racisme qui existent dans leurs sociétés. 

Cependant, au lieu d’utiliser la Déclaration et le Programme d’action de Durban pour faire avancer la lutte transnationale contre le racisme, plusieurs États ont fait part de leur intention d’abandonner le processus de Durban, certains ayant même boycotté la commémoration de son vingtième anniversaire.  Selon la Rapporteuse spéciale, ces États comptent parmi les plus grands bénéficiaires du colonialisme, de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves. 

Ces États et certaines ONG ont également affirmé que la Déclaration et le Programme d’action de Durban serait en soi un « document raciste » qui doit être rejeté.  « Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité », a affirmé Mme Achiume qui a indiqué que la « petite minorité bruyante » qui avait formulé des déclarations antisémites lors de la Conférence de Durban n’avait pas réussi à influencer l’issue de la Déclaration et le Programme d’action de Durban.  Ce document condamne, par ses termes mêmes, toute forme d’intolérance et reflète un consensus international qui affirme les droits des Israéliens et des Palestiniens, déplore l’antisémitisme, le néo-nazisme et d’autres formes d’intolérance, et appelle à la fin de la violence contre les Israéliens et les Palestiniens, a souligné la Rapporteuse spéciale qui a jugé contraire aux principes fondamentaux des droits humains de condamner la Déclaration et le Programme d’action de Durban pour sa reconnaissance des droits humains fondamentaux des Palestiniens, y compris leur droit à l’autodétermination. 

Mme Achiume a également vu dans la résistance de certains États au versement de réparations pour discrimination raciale liée au colonialisme et à l’esclavage une autre motivation importante de la mobilisation opposée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban. 

La Rapporteuse spéciale a ensuite présenté son rapport sur la lutte contre la glorification du nazisme et du néo-nazisme, lequel recense les efforts déployés par huit États ainsi que certaines tendances préoccupantes signalées par la société civile.  Parmi elles, la Rapporteuse spéciale a cité l’augmentation des discours haineux en ligne, la prolifération de l’antisémitisme et du racisme politique provenant de sources officielles et la montée de l’écofascisme, un mouvement qui cherche à utiliser l’augmentation des crises environnementales pour justifier la formation de gouvernement qui créent, perpétuent et maintiennent une domination ethnique et raciale. 

Dialogue interactif

Cet échange a été l’occasion pour le Portugal de rappeler que des obstacles majeurs à la mise en œuvre de la Déclaration et Programme d'action de Durban persistent, tandis que la Roumanie, le Royaume-Uni et les États-Unis se sont interrogés sur la manière dont les États Membres peuvent lutter au mieux contre le racisme.  La Chine a également voulu en savoir plus sur les pratiques exemplaires et le Canada a voulu savoir comment faire en sorte que les principales victimes du racisme soient incluses dans les processus des Nations Unies. 

Après plus d’un an et demi de la pandémie de COVID-19, l’Union européenne a demandé à la Rapporteuse Spéciale si elle constate un changement dans l’attitude des gouvernements, des Nations Unies et des autres parties prenantes pour reconnaître et agir sur l’aspect discriminatoire, xénophobe et raciste des discours de haine, en ligne et hors ligne. Pouvez-vous identifier les bonnes pratiques dans les domaines de la collaboration avec la société civile et l’éducation et dans d'autres domaines qui apportent des changements positifs ?  

Préoccupé par la propagation de l’islamophobie, le Pakistan a voulu savoir quel cadre juridique utiliser pour combattre les crimes racistes et lutter contre ce fléau.   Comment concilier les principes du droit à la liberté d’expression avec la liberté religieuse, a demandé la Malaisie, prenant acte du caractère fondamental de la liberté d’expression tout en condamnant la propagation du discours de haine religieux. 

L’Azerbaïdjan, s’exprimant au nom du Mouvement des pays non alignés, a fermement condamné tous les actes de racisme, discrimination raciale, xénophobie et intolérance à l’encontre des migrants, ainsi que les stéréotypes qui leur sont souvent appliqués.  La délégation a également exhorté les États à appliquer ou renforcer les lois existantes pour lutter contre ce problème. 

Le Mexique est également intervenu, de même que l’Égypte qui a demandé à tous les États de renforcer leurs efforts pour lutter contre les discours de haine, soulignant en outre l’importance de traiter toutes les formes de racisme et de xénophobie avec la volonté politique nécessaire.  À ce sujet, la Fédération de Russie a dénoncé l’absence de volonté politique d’un certain nombre d’États, notamment en ce qui concerne la lutte contre le nazisme. 

Le Venezuela, estimant que les mesures unilatérales coercitives créent des inégalités et du racisme, a demandé l’avis de la Rapporteuse à ce sujet.  Cuba a voulu en savoir davantage sur les communautés aux États-Unis qui sont touchées de façon disproportionnée par la pandémie et qui n’ont pas accès aux vaccins. En outre, quelles mesures faut-il prendre pour remédier au problème de la brutalité policière contre les personnes d’ascendance africaine aux États-Unis ainsi qu’au traitement réservé par les forces de sécurité dans la zone frontalière ? 

L’Arménie a accusé « un État » d’avoir diffusé des informations erronées à son sujet, jugeant cela « inacceptable ».  L’Inde a accusé la délégation pakistanaise de vouloir détourner l’attention des graves violations des droits humains perpétrés au Pakistan. 

« Quelle est la meilleure façon de mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d'action de Durban afin de mettre un terme à l’occupation et aux discriminations systémiques qui prennent leurs sources dans le racisme ? », a demandé l’Algérie, ajoutant par ailleurs qu’elle ne réagira pas aux mensonges proférés à son égard.  Le Maroc a de son côté accusé l’Algérie de bloquer les négociations pour verser son animosité, relevant également le nombre de migrants tués en Algérie et l’expulsion de plus de 3 000 autres par le pays en 2021. L’intervention du Maroc a été interrompue à plusieurs reprises par l’Algérie qui a indiqué n’avoir pas évoqué le Maroc dans sa déclaration.  Le Président de la Commission a alors appelé à ne pas interrompre un intervenant. 

Réagissant à ces questions et commentaires, la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, a appelé à mettre pleinement en œuvre de l’article 1 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. La mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban est également essentielle, a-t-elle estimé.  S’agissant des pratiques optimales, la Rapporteuse a appelé à écouter les mouvements et les mobilisations locales en faveur de la justice.  Il faut mobiliser la société et les médias pour lutter contre cette propagation de la haine, en particulier en ligne. Mme.  Achiume a également appelé à soutenir financièrement l’Instance permanente des personnes d’ascendance africaine. 

Relevant par ailleurs que le Mexique avait noté que certaines formes de discrimination sexiste ne sont pas incluses dans la Déclaration de Durban, la Rapporteuse a jugé la remarque pertinente tout en précisant que la Déclaration mentionne des points transsectoriels, dans laquelle il est possible de les inclure.  Pour combattre l’antisémitisme et l’islamophobie, Mme Achiume a invité à réfléchir aux cadres juridiques, soulignant que certaines juridictions peuvent exacerber l’islamophobie.  Elle a également appelé à prendre des mesures concrètes, notamment face au renforcement de l’exclusion ethnique lors de la pandémie, renvoyant une nouvelle fois à la Déclaration de Durban. 

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