LDC5, Comité préparatoire, Première session
DEV/3439

Le Comité préparatoire de la Conférence sur les pays les moins avancé met l’accent sur le rôle crucial du secteur privé dans les plans de développement

 Le Comité préparatoire intergouvernemental de la cinquième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés (PMA) a poursuivi ses travaux aujourd’hui en examinant, dans un premier temps, les moyens de tirer parti du pouvoir de la science, de la technologie et de l’innovation pour lutter contre les vulnérabilités multidimensionnelles et atteindre les objectifs de développement durable (ODD).  La discussion sur ce thème a mis en évidence le rôle déterminant qu’est appelé à jouer le secteur privé pour contribuer à la transformation structurelle des PMA. 

L’importance critique de la science, de la technologie et de l’innovation pour la réalisation du développement durable a été confirmée dans le Programme d’action d’Istanbul en faveur des PMA.  Ces trois domaines constituent non seulement un « catalyseur pour tous les ODD », de la protection sociale à la défense de l’environnement, mais également un « moteur de productivité et de croissance » essentiel pour les PMA, a résumé la Coprésidente de la session, Mme Marie Chatardová.

Intervenant central de cette discussion, M. Sajeeb Wazed, Conseiller en technologies de l’information auprès du Premier Ministre du Bangladesh, n’a pas dit autre chose en détaillant le plan de numérisation entrepris par son pays depuis 2018.  En pleine pandémie, ces efforts ont permis au PIB national d’enregistrer un bond remarquable, a-t-il fait observer, évoquant la transformation numérique de l’éducation et des services gouvernementaux, ainsi que le télétravail et le traçage des cas de COVID-19.  Des progrès d’autant plus saisissants, selon lui, qu’il y a 12 ans, seuls 0,3% des habitants du Bangladesh avaient accès à Internet, contre 17% qui disposent aujourd’hui d’une connectivité à large bande passante.

Pour parvenir à cet « exploit », a précisé M. Wazed, il a notamment fallu bâtir des partenariats public-privé pour l’installation de 30 000 kilomètres de fibre optique.  De plus, le Bangladesh a lancé son propre satellite afin d’offrir un accès à Internet à large bande passante aux zones rurales les plus isolées.  Au final, la numérisation à bas coût des services publics et le lancement de moyens de paiement par téléphonie mobile ont permis au pays d’économiser 10 milliards de dollars, tout en luttant plus efficacement contre la corruption.

Applaudissant les « progrès remarquables » accomplis par le Bangladesh, M. Houlin Zhao, Secrétaire général de l’Union internationale des télécommunications (UIT), a rappelé que le Programme d’action d’Istanbul préconise un accès universel et abordable à Internet dans les PMA d’ici à 2020.  Pour relever ce défi, a-t-il indiqué, l’UIT a construit un réseau de partenariats avec d’autres agences des Nations Unies, des États et des partenaires dans des domaines allant du développement d’infrastructures au renforcement des capacités pour la transformation numérique, la cybersécurité, les télécommunications d’urgence et le développement des compétences.

Plus centrée sur l’Afrique, Mme Thelma Quaye, Chef de l’infrastructure numérique et du renforcement des capacités de l’organisation panafricaine Smart Africa, a elle aussi qualifié d’encourageant l’exemple du Bangladesh.  Elle a toutefois reconnu que le continent africain n’a pas encore atteint ce niveau de numérisation, les gouvernements préférant pour l’heure se concentrer sur des « niches » comme les technologies mobiles et sur la connectivité des zones rurales.

Des opportunités technologiques existent pourtant pour la majorité des PMA, a souligné M. Shahid Yusuf, Économiste en chef à l’école de commerce de la George Washington University.  Mais pour bénéficier de transfert de technologie, ces pays doivent d’abord se doter d’une stratégie industrielle et technologique à long terme, a-t-il analysé, jugeant indispensable d’utiliser les capacités du secteur privé afin d’« embrasser la nature multidimensionnelle de l’innovation ».  De même, s’ils veulent que la technologie leur serve de moteur de croissance, les PMA ont besoin d’une « masse critique » de grandes entreprises tournées vers l’exportation, qui investissent dans la recherche et le développement pour rester compétitives.   

M. Moshe Kao, Responsable de la programmation de la Banque de technologies pour les pays les moins avancés, a lui aussi souligné le rôle « incontournable » du secteur privé, estimant que ce sont les entreprises détentrices de technologies qui faciliteront les transferts vers les PMA, les gouvernements pouvant quant à eux contribuer à un environnement propice.  Selon lui, l’exemple du vaccin contre la COVID-19 a démontré qu’il faut un écosystème en mesure d’assurer la production dans les PMA.  Le renforcement des capacités est donc une nécessité absolue, singulièrement pour ce qui concerne les compétences numériques.

Les délégations ont ensuite participé, dans l’après-midi, à une table ronde consacrée à « la transformation structurelle comme moteur de la prospérité ».  À cette occasion, M. Paul Akimumi, Directeur de la Division Afrique, PMA et programmes spéciaux de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a constaté que la plupart des PMA font face à l’obstacle de la transformation structurelle.  Sans des capacités de production adéquates, ces pays auront du mal à renforcer leur résilience et à parvenir à une croissance inclusive, a-t-il prévenu, avant de souhaiter que cette question constitue « l’épine dorsale » du prochain programme d’action pour les PMA.

Le Comité préparatoire reprendra ses travaux jeudi 27 mai, à partir de 10 heures.

Table ronde thématique 2 - Tirer parti du pouvoir de la science, de la technologie et de l’innovation pour lutter contre les vulnérabilités multidimensionnelles et atteindre les objectifs de développement durable 

Organisée ce matin, la deuxième table ronde thématique de cette session préparatoire a notamment été l’occasion de mettre l’accent sur la contribution du secteur privé au développement des pays les moins avancés (PMA).

Comme l’a souligné Mme MARIE CHATARDOVÁ (République tchèque), Coprésidente de cette réunion, avec son homologue du Malawi, M. PERKS MASTER CLEMENCY LIGOYA, l’importance critique de la science, de la technologie et de l’innovation pour la réalisation du développement durable a été confirmée dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et le Programme d’action d’Istanbul en faveur des PMA pour la décennie 2011-2020.  Ces trois composantes constituent un catalyseur pour tous les ODD, de la protection sociale à la défense de l’environnement.  Elles représentent également un moteur de productivité et de croissance essentiel pour la transformation structurelle des PMA. 

Interventions liminaires

Intervenant central de cette discussion, M. SAJEEB WAZED, Conseiller en technologies de l’information auprès du Premier Ministre du Bangladesh, a cité l’exemple du vaste plan de numérisation entrepris par son pays depuis 2018.  Grâce à ces efforts, le PIB national a enregistré un bond notable, a-t-il fait remarquer.  Malgré la pandémie de COVID-19, le Bangladesh a ainsi dépassé l’Inde en termes de croissance, enregistrant une progression de 6% de son PIB quand les autres économies de l’Asie connaissaient une décroissance.  Au beau milieu de cette crise, la numérisation a concerné l’éducation en ligne, les services gouvernementaux et le télétravail, tout en contribuant au traçage réussi des cas de COVID-19 dans une région où la flambée est pourtant importante.  Ces progrès sont d’autant plus saisissants qu’il y a 12 ans, seuls 0,3% des habitants du Bangladesh avaient accès à Internet, contre 17% qui disposent aujourd’hui d’une connectivité à large bande passante, s’est-il enorgueilli, précisant cependant que pour parvenir à cet « exploit », la concurrence n’a pas suffi.  

Il a fallu pour cela construire des infrastructures et recourir à des partenariats public-privé, notamment pour l’installation de 30 000 kilomètres de fibre optique.  Aujourd’hui, a-t-il indiqué, 90% de notre territoire est connecté à la 4G et nous lancerons la 5G cette année.  De plus, le Bangladesh a lancé son propre satellite afin d’offrir un accès à Internet à large bande passante aux zones rurales les plus isolées du pays.  À cette même fin, le Gouvernement a créé 8 000 centres numériques joignables à pied depuis les villages.  Il a formé des entrepreneurs pour diriger ces centres dont la main d’œuvre, largement féminine, est rémunérée à hauteur de 1 000 dollars par mois.  Selon le Conseiller, cette initiative a permis au pays d’économiser 10 milliards de dollars grâce à la numérisation des services publics, la mise en place de services d’information biométriques et le lancement de moyens de paiement par téléphonie mobile.  Lorsque la pandémie a éclaté et que le confinement de la population a été décidé, nous sommes ainsi passés à des services gouvernementaux exclusivement électroniques.  Cette numérisation a notamment concerné les secteurs de la justice et de la santé, mais aussi celui de l’éducation, avec la création de 40 000 salles de classe virtuelles dans tout pays.  Le pays était à la traîne sur le plan numérique, ce n’est plus le cas, a souligné M. Wazed, selon lequel le développement de technologies à bas coût a non seulement fait progresser l’efficacité mais également fait reculer la corruption. 

Prenant à son tour la parole, M. HOULIN ZHAO, Secrétaire général de l’Union internationale des télécommunications (UIT), a applaudi les « progrès remarquables » accomplis par le Bangladesh, d’autant plus que la pandémie de COVID-19 a affecté les PMA de manière disproportionnée.  Dans le même temps, a-t-il observé, trop de personnes dans ces pays n’ont toujours pas accès aux technologies et services numériques devenus incontournables à l’ère du coronavirus, et ce, malgré l’objectif fixé par le Programme d’action d’Istanbul qui appelle à un accès universel et abordable à Internet dans les PMA d’ici à 2020.

Pour relever ce défi, a expliqué M. Zhao, l’UIT a construit un réseau de partenariats avec d’autres agences de l’ONU, des États et des partenaires qui ont entrepris une multitude de projets dans des domaines allant du développement d’infrastructures pour la connectivité au renforcement des capacités pour la transformation numérique, la cybersécurité, les télécommunications d’urgence et le développement des compétences.  Par exemple, l’UIT et l’UNICEF ont uni leurs forces pour tenter de connecter chaque école à Internet d’ici à 2030.  Ce partenariat mondial profite aux PMA des régions Afrique, Asie-Pacifique et des Amériques.

Parce que les nouvelles compétences numériques signifient de nouvelles opportunités commerciales, d’éducation et d’emploi, l’UIT travaille aussi avec l’OIT pour améliorer les compétences numériques des jeunes.  L’agence a par ailleurs lancé des centres de transformation numérique en collaboration avec l’Agence norvégienne de coopération au développement au profit des PMA et d’autres pays en développement.  Parmi ses autres actions figurent un projet mené avec l’Australie pour assurer la connectivité à large bande dans les petits États insulaires en développement de la région Asie-Pacifique et l’initiative Connect2Recover, soutenue par le Japon et l’Arabie saoudite, qui vise à élargir l’accès à une connectivité abordable et fiable dans certains des pays les moins bien connectés. 

Ces projets et tous ceux qui seront prochainement lancés appuient le Programme d’action d’Istanbul et contribueront au nouveau programme d’action qui sera adopté en janvier, a souligné M. Zhao.  De plus, les États membres de l’UIT prendront en charge le programme de connectivité lors de la prochaine Conférence mondiale de développement des télécommunications de l’UIT à Addis Abeba, qui aura pour thème « Connecter ceux qui ne le sont pas pour assurer le développement durable ».  Les conclusions de cette conférence alimenteront celle de Doha, a-t-il assuré.  

Panélistes

La première panéliste à s’exprimer a été Mme THELMA QUAYE, Chef de l’infrastructure numérique et du renforcement des capacités au secrétariat de Smart Africa.  Elle a précisé que cette organisation panafricaine dont le siège est au Rwanda a pour but de « transformer l’Afrique afin d’en faire un marché numérique unique ».  Alliance de 31 pays et de représentants du secteur privé, Smart Africa s’emploie à concrétiser des projets de numérisation dans les PMA du continent.  Elle s’appuie pour cela sur les gouvernements, lesquels ont compris que la numérisation est la seule voie pour parvenir au développement.  Pour Mme Quaye, la pandémie a montré à quel point cette « révolution » est bénéfique pour les pays, qu’il s’agisse des soins de santé, de l’éducation ou encore des services financiers.  Qualifiant de très encourageant l’exemple du Bangladesh, elle a reconnu que l’Afrique n’a pas encore atteint ce niveau de numérisation mais a trouvé des « niches » en matière d’innovation, à commencer par les technologies mobiles.  À ses yeux, l’Internet à large bande est un moteur essentiel, c’est même « l’élément habilitant » de très nombreuses activités économiques.  C’est pourquoi les gouvernements africains ont décidé de mettre en place des modèles de financement innovants et de garantir, autant que possible, la connectivité des zones rurales.  Toutefois, a-t-elle concédé, de nombreuses lacunes subsistent.  Il importe aujourd’hui de remédier au manque de compétence et à la cherté des services en ligne, a-t-elle plaidé, appelant également de ses vœux une meilleure collaboration avec les milieux scientifiques et universitaires pour intégrer la science, la technologie et l’innovation.  Au-delà de la numérisation, il s’agit de fournir aux utilisateurs et aux consommateurs les connaissances numériques et les moyens de les exploiter. 

Plus technique, M. SHAHID YUSUF, Économiste en chef de The Growth Dialogue à l’école de commerce de la George Washington University et Professeur adjoint à la Johns Hopkins University, a indiqué que pour la majorité des PMA, les opportunités technologiques les plus prometteuses se situent dans quatre zones: l’agriculture de précision, l’automatisation sélective de certaines tâches de fabrication, les services de détail, notamment financiers et commerciaux, et les technologies biogénétiques, dont on a vu l’apport aux soins de santé pendant la pandémie.  Pour permettre un transfert de ces technologies aux PMA, un état de développement avec une stratégie industrielle et technologique à long terme semble être une condition nécessaire, a-t-il analysé. 

Deuxièmement, une infrastructure de recherche doit sous-tendre toute stratégie centrée sur la technologie.  Si les instituts de recherche gouvernementaux peuvent répondre aux besoins actuels de la plupart des PMA, il faut aussi utiliser les capacités du secteur privé afin d’« embrasser la nature multidimensionnelle de l’innovation ».  La qualité de la formation dispensée est également d’une importance capitale, a-t-il ajouté, invitant les pays à utiliser l’expertise des fournisseurs d’équipements, des talents étrangers, des entités de recherche à l’étranger et des organisations internationales pour combler les lacunes de compétences dans l’industrie et les installations de recherche.

Dans ce cadre, a poursuivi M. Yusuf, les entreprises jouent un rôle essentiel.  Pour que la technologie serve de moteur de croissance, les PMA ont en effet besoin d’une « masse critique » de grandes entreprises tournées vers l’exportation, qui investissent dans la recherche et le développement pour innover et rester compétitives.  Mais pour maintenir un niveau élevé de dynamisme technologique, les pays doivent aussi promouvoir les start-ups et les aider à croître.  D’autre part, a-t-il encore noté, la croissance durable est indissociable de l’entrepreneuriat transformationnel soutenu par le capital-risque des banques.  Enfin, l’accès à des connexions Internet à large bande abordables, combiné à un niveau modeste de connaissances en informatique, peut susciter l’innovation, améliorer les perspectives de croissance et contribuer à la résilience économique.

M. MOSHE KAO, Responsable de la programmation de la Banque de technologies pour les pays les moins avancés, a pour sa part rappelé que le Programme d’action d’Istanbul s’était fixé comme objectif de permettre à la moitié, au moins, des PMA d’être reclassés.  Or, trois seulement l’ont été et sept pourraient remplir les critères d’ici à 2026.  Ces pays ont besoins de transformer de façon structurelle leur économie, ce qui implique un meilleur déploiement de la technologie, notamment pour renforcer leur compétitivité dans des secteurs à haute productivité comme le tourisme.  Il importe aussi de rendre les services financiers plus efficaces et de réduire la dépendance aux importations de biens de base.  D’une manière générale, a-t-il observé, les technologies jouent un rôle incontournable dans la concrétisation des ODD et l’augmentation de la résilience.  La pandémie a toutefois mis en lumière les inégalités croissantes dans le monde et le fossé de la fracture numérique pour les pays les plus pauvres.  Pour y remédier, a préconisé M. Kao, il est urgent de permettre aux PMA de tirer parti des technologies, ce qui implique de partager le savoir-faire technologique tout en développant les infrastructures nécessaires.  Le défi est immense quand on sait qu’en 2019, près de 87% des habitants des pays développés utilisaient Internet, contre seulement 19% dans les pays en développement. 

Les PMA sont confrontés à des infrastructures inadéquates et au coût trop élevé des connexions.  Dans certains d’entre eux, les élèves n’ont plus de cours depuis 15 mois, l’Internet à bande large étant trop insuffisant pour permettre l’enseignement à distance, a-t-il déploré.  Dans ce contexte, la Banque de technologies pour les pays les moins avancés s’emploie à revoir à la hausse le déploiement des technologies dans ces pays, notamment au plan local.  L’objectif est d’améliorer leurs capacités en science, technologie et innovation, tout en faisant un meilleur usage des droits de propriété intellectuelle.  Pour cela, il faut tout d’abord surmonter le problème du manque de ressources, sachant, par exemple, qu’il faudrait environ 100 milliards de dollars pour connecter l’Afrique.  Pour M. Kao, il convient aussi de faire de l’Internet à large bande un « bien essentiel » afin de combler la fracture numérique et de faciliter les transferts de technologie dans les PMA, ces derniers manquant non seulement de ressources mais aussi de compétences et d’industries productives.  Bien que modeste par la taille, la Banque de technologies pour les pays les moins avancés agit dans ce sens, en s’appuyant sur des partenariats et une coopération avec d’autres institutions pour aider ces pays à atteindre les ODD, a-t-il résumé, faisant état d’actions récentes dans ces domaines en RDC, en Angola, au Lesotho et au Malawi. 

Discussion interactive

Le Bangladesh a estimé qu’en dépit des progrès accomplis par son pays, beaucoup reste à faire en termes d’infrastructures et de transfert des connaissances numériques.  Il faut aussi combler le fossé entre hommes et femmes, tout en veillant à ce que l’accès à l’Internet à large bande soit plus équitable.  Évoquant le Mécanisme COVAX pour la distribution des vaccins contre la COVID-19, il a souhaité que des modèles similaires de coopération internationale se fassent jour dans d’autres domaines au profit des PMA.  Dans quelle mesure les États Membres peuvent-ils appuyer les activités de la Banque de technologies pour les pays les moins avancés, a demandé la Turquie.

De son côté, le Programme alimentaire mondial (PAM) a signalé que d’après les chiffres de la CEDEAO, un nombre record de 31 millions de personnes ont besoin d’une aide alimentaire humanitaire en Afrique de l’Ouest, principalement au Sahel mais aussi dans les pays côtiers.  Dans ce contexte, nous devons doubler nos engagements au cours de cette décennie d’action, a plaidé le PAM, notant que les réponses à la faim reposent de plus en plus sur la technologie, notamment sur l’apprentissage automatique et l’intelligence artificielle (IA) pour prédire et identifier les besoins alimentaires dans le monde entier.  C’est ce que fait l’agence avec sa plateforme « Hunger Map Live », a indiqué la délégation qui a relevé que pour exploiter pleinement le potentiel de la science, de la technologie et de l’innovation, de nouvelles méthodes de travail s’imposent.

Pour parvenir à un écosystème international inclusif, équilibré et axé sur l’avenir, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a dit redoubler d’efforts pour aider les États Membres à utiliser la propriété intellectuelle et l’innovation pour en faire des outils de développement.  Il s’agit de créer des emplois et de donner un coup de fouet à la croissance des pays concernés, a-t-elle souligné.  C’est pourquoi l’OMPI a lancé des initiatives visant à faciliter l’accès des PMA au système mondial d’information sur les brevets et aux ressources scientifiques.  Elle leur prête également main forte pour les aider à bénéficier de transferts de technologie adaptés.  L’objectif, a-t-elle indiqué, est de renforcer leurs capacités afin de les rendre plus compétitifs dans le domaine économique et de les aider à développer leur écosystème en matière d’innovation.  

En réponse à ces commentaires et questions, le Conseiller en technologies de l’information du Bangladesh a rappelé que son pays s’est heurté au problème du coût des infrastructures en matière d’Internet à large bande.  Au Bangladesh, a-t-il expliqué, nous nous sommes concentrés sur notre modèle de partenariat public-privé.  Pour ce qui est de l’Afrique, a-t-il relevé, il faudrait des dizaines de milliards de dollars pour garantir la connectivité à toute la population.  Or, s’il n’y a pas assez d’utilisateurs, le prix restera un obstacle.  Pour surmonter cet obstacle, il est nécessaire selon lui de forger des partenariats avec le secteur privé, ne serait-ce que pour fournir une connexion aux régions les plus reculées.  Au Bangladesh, a-t-il indiqué, une fois que la fibre optique a été mise en place, les entreprises privées ont pu proposer des services plus rapides.  Pour faire diminuer le coût des appareils mobiles, plusieurs solutions se sont présentées, comme la restructuration des droits de douanes pour l’importation des pièces.  Des entreprises ont ainsi pu construire des appareils pour moins de 50 dollars.  Quant à la pose de la fibre optique, le pays a recouru à une approche innovante en utilisant les lignes électriques et les lignes à chemin de fer, ce qui lui permis d’économiser des ressources.  Enfin, pour ce qui est des structures de gouvernance, il s’est là encore concentré sur le coût et a utilisé des logiciels en libre accès qu’il a taillé aux besoins du pays. 

La Chef de l’infrastructure numérique de Smart Africa a elle aussi plaidé pour davantage de partenariats public-privé.  Notant par ailleurs que seulement 1% de la R&D vient des PMA, elle a mis l’accent sur les projets d’innovation à destination de ces pays.  « La numérisation est synonyme d’espoir pour les PMA », a renchéri l’Économiste en chef de la George Washington University, selon lequel le développement d’Internet et d’outils intelligents, allié à leur mise à disposition à des prix avantageux, devrait accélérer le développement et la productivité de ces pays.  Toutefois, il a averti que la technologie n’est pas la « panacée ».  Tant que la productivité des PMA ne sera pas améliorée, l’utilisation de ces outils ne sera pas fructueuse.  Il est donc indispensable à ses yeux que le secteur privé, et les grandes entreprises en particulier, relèvent le défi de l’innovation. 

Concluant cette discussion, le Responsable de la programmation de la Banque de technologies pour les pays les moins avancés a, lui aussi, souligné le rôle incontournable du secteur privé, estimant que ce sont les entreprises détentrices qui faciliteront les transferts de technologie.  L’exemple du vaccin contre la COVID-19 a démontré qu’il faut ensuite un écosystème en mesure d’assurer la production dans les PMA.  Le renforcement des capacités est donc une nécessité absolue, singulièrement pour ce qui concerne les compétences numériques. 

Table ronde thématique 3 - La transformation structurelle comme moteur de la prospérité

M. TAYE ATSKESELASSIE MADE (Éthiopie), qui présidait cette session, a constaté que de nombreux PMA n’étaient pas parvenus à transformer leur économie pour pouvoir faire face aux chocs et aux crises internes et externes.  Pour atteindre les ODD d’ici à 2030, les PMA doivent déterminer quels secteurs peuvent contribuer à une plus grande productivité, promouvoir la croissance et créer des emplois de qualité.  En outre, la transformation structurelle ne pourra pas être réalisée en adoptant une approche taille unique, a-t-il estimé.

Les capacités de production limitées représentent un défi persistant pour les PMA, a convenu le Ministre adjoint des affaires étrangères de la Turquie, M. FARUK KAYMAKCI, qui a lui aussi souligné que l’augmentation de la productivité agricole est importante pour réduire la pauvreté, renforcer la sécurité alimentaire et générer de meilleurs revenus pour les agriculteurs.  Il serait également opportun que les PMA se focalisent sur le tourisme, autre pierre angulaire de la transformation structurelle, ainsi que sur le commerce afin de se relever de la pandémie, a-t-il en outre suggéré.  Il est impératif que le secteur du tourisme puisse à nouveau fournir des emplois décents, des revenus stables et appuyer la protection du patrimoine culturel et naturel.

Le Ministre adjoint a également appelé à renforcer l’accès des PMA au commerce international, notamment en leur offrant un accès en franchise de droits et hors contingent et en privilégiant les investissements directs ainsi que les prêts concessionnels en plus de l’APD.  C’est d’ailleurs pourquoi les entrepreneurs turcs appuient les PMA, notamment en Afrique par le biais de l’« Agenda de Cotonou », en veillant à renforcer leurs capacités productrices.  La Turquie se mobilise également pour renforcer leurs capacités dans les domaines de la science, la technologie et l’innovation.

Cette transformation structurelle devrait donner la part belle à l’agriculture, épine dorsale de l’économie des PMA, a plaidé l’Envoyée spéciale du Secrétaire général pour le Sommet sur les systèmes alimentaires de 2021.  Mme AGNES KALIBATA a relevé que dans ce domaine, les PMA rencontrent de nombreux défis, citant, entre autres, la rigidité des structures de production et de commerce, la limite des compétences ainsi que la médiocrité de l’infrastructure.  Notant que la transformation du secteur agricole a la capacité de relancer l’économie et de la placer sur la voie d’une croissance à revenu intermédiaire, elle a invité les PMA à créer des structures locales pour la transformation des produits alimentaires.  Au lieu d’exporter des fruits en vrac, les PMA pourraient, par exemple, exporter des fruits frais coupés dans des emballages prêts à être vendus au détail, a-t-elle suggéré, relevant l’importance des opérations de conditionnement et des installations de traitement pour relier les agriculteurs aux marchés rémunérateurs.  En Afrique, les deux tiers de tous les aliments consommés sont traités par des millions de petites et moyennes entreprises, a-t-elle indiqué.  Se concentrer davantage sur ce secteur peut créer d’énormes possibilités d’emploi, en particulier pour les jeunes.

Une telle approche permettrait peut-être d’acheter du chocolat égyptien plutôt que suisse sur le marché kényan, a espéré M. PAUL AKIWUMI, en invitant les PMA d’Afrique à tirer parti de la Zone de libre-échange continentale (ZLECAf) en renforçant leur compétitivité.  Le Directeur de la Division pour l’Afrique, des PMA et des programmes spéciaux à la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a expliqué que la plupart des PMA font face à cet obstacle de la transformation structurelle.  Il a rappelé que le rapport 2020 de la CNUCED sur les PMA laisse voir que les progrès vers la transformation structurelle de leurs économies sont pour le moins lents.  Pourtant, sans des capacités de production adéquates, ces pays auront du mal à renforcer leur résilience et à parvenir à une croissance inclusive, a-t-il prévenu.  Il faut donc construire de nouvelles capacités de production, tout en valorisant celles qui existent déjà.  Selon M. Akiwumi, les capacités de production devraient constituer l’épine dorsale du prochain programme d’action des PMA, et c’est d’ailleurs pourquoi la CNUCED a établi un indice des capacités de production afin que les PMA s’en inspirent.

Plusieurs initiatives de transformation structurelle ont échoué dans de nombreux PMA, a rappelé M. GAURI PRADHAN.  Le Coordonnateur international de LDC Watch a ainsi relevé que ces transformations structurelles peuvent parfois accentuer les exclusions et la pauvreté, avant de déplorer ces « promesses non tenues » en matière d’APD de la part des pays industrialisés.  Dans son diagnostic, il a évoqué ces mesures prises par les institutions internationales et qui ne marchent pas, avant d’épingler les gouvernements des PMA qui peinent à lutter contre la corruption tout en faisant face à un endettement non durable.  Pour l’expert, il faut de nouvelles stratégies en faveur des PMA.  Il faut d’abord commencer par édifier les infrastructures essentielles, et ensuite garantir l’accès à une énergie fiable, bon marché et durable, et donner la place qui revient à la science, la technologie et l’innovation, a-t-il préconisé.  Enfin, il faut accompagner les PMA dans la lutte contre les changements climatiques et la riposte à la COVID-19 en veillant, pour ce dernier, à rendre accessibles les médicaments et les vaccins.

Discussion interactive

À l’issue de ces interventions, le Bangladesh a reconnu que les transformations structurelles semblent être la clef du succès, et a souhaité que le prochain programme d’action mette l’accent sur cette problématique.  En ce qui le concerne, le Malawi a dit espérer que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) décidera finalement de permettre des dérogations sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, afin de favoriser la transformation structurelle des PMA.  Enfin, un représentant du secteur privé a formé le vœu que les choses changeront véritablement avec le nouveau programme d’action qui ne doit plus être une « liste d’emplettes ».  Il a également souhaité que des mécanismes internationaux apportent un soutien aux petites et moyennes entreprises (PME) au sein des PMA.  Pour appuyer le développement durable des PMA, il faudrait aussi veiller à donner la place qui revient au secteur privé, a-t-il ajouté.

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