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La Commission de la population et du développement entend des experts sur les enjeux du prochain Sommet sur les systèmes alimentaires mondiaux

Au deuxième jour de ses travaux, la Commission de la population et du développement a organisé une table ronde de haut niveau sur la préparation du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires, qui doit se tenir fin 2021.  Le Sommet sera axé sur les transformations nécessaires quant aux modes de production et de consommation des aliments, pour développer des systèmes alimentaires plus sains, plus durables et plus équitables, a rappelé le Président de la Commission, M. Yemdaogo Eric Tiare (Burkina Faso), à l’ouverture de la séance.

Réfléchissant aux moyens d’améliorer l’action collective à cette fin, six experts ont discuté ce matin des liens entre les tendances et politiques démographiques et les cinq pistes d’action du Sommet: l’amélioration de l’accès à des aliments sains et nutritifs, la transition vers des modes de consommation durables, la promotion d’une production respectueuse de la nature, l’adoption de moyens de subsistance équitables et le renforcement de la résilience.

Les intervenants, venus du système de l’ONU ou du secteur privé, ont tous reconnu le rôle essentiel de l’innovation et de la jeunesse pour mettre en place des systèmes alimentaires durables et améliorer la vie des petits producteurs, en particulier quand ce sont des femmes.  Ces systèmes sont en effet de plus en plus vulnérables en raison de la pression qu’ils exercent sur les écosystèmes naturels.  Il a été rappelé à cet égard que la production alimentaire occupe actuellement 50% des terres habitables de la planète et consomme 70% de l’eau douce , tandis que les pertes et le gaspillage de nourriture représentent 25% à 30% de la production alimentaire totale.  Les panélistes ont donc plaidé en faveur de mesures urgentes pour mettre en place des systèmes viables.  Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, l’accent a été mis sur la sécurité alimentaire et la nutrition concernant les enfants.  « Ce sont eux qui porteront le poids de la COVID-19 pour le reste de leur vie. »

Cet après-midi, la Commission, qui est un organe subsidiaire du Conseil économique et social (ECOSOC), a poursuivi son débat général sur le thème de sa cinquante-quatrième session: « Population, sécurité alimentaire, nutrition et développement durable ». 

La Commission poursuivra ses travaux demain, mercredi 21 avril, à partir de 10 heures, sur le même format qu’aujourd’hui: une table ronde d’experts et de participants de divers secteurs, suivie du débat général. 

MESURES POUR LA POURSUITE DE LA MISE EN ŒUVRE DU PROGRAMME D’ACTION DE LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LA POPULATION ET LE DÉVELOPPEMENT AUX NIVEAUX MONDIAL, RÉGIONAL ET NATIONAL

POPULATION, SÉCURITÉ ALIMENTAIRE, NUTRITION ET DÉVELOPPEMENT DURABLE

Table ronde de haut niveau: préparation du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires de 2021

La table ronde animée par M. JOACHIM VON BRAUN, Directeur du Centre de recherche sur le développement de l’Université de Bonn (Allemagne), a permis de balayer les principales questions relatives à la préparation du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires de 2021.  Les régimes alimentaires malsains ou la pauvreté qui rend les régimes alimentaires sains inabordables ont été discutés au titre des problèmes à résoudre, tandis que des solutions ont été suggérées notamment pour mieux gérer le secteur de l’élevage et la production alimentaire à petite échelle.  Les opportunités de la science, de la technologie et de l’innovation ont en outre été explorées parmi les « solutions et actions » qui pourraient être engagées pour transformer les systèmes alimentaires.

Concentrant sa première série de questions sur les principaux défis et lacunes des systèmes alimentaires actuels, le modérateur de cette discussion, M. von Braun, a interrogé Mme LIGIA NORONHA, Sous-Secrétaire générale et Chef du Bureau du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) à New York, sur leur impact sur la nature et le climat.  Comment limitent-ils notre capacité à atteindre les objectifs de développement durable (ODD) d’ici à 2030?  Il faut être très prudent dans l’utilisation des ressources de la planète, a averti Mme Noronha.  La taille de l’économie mondiale a été multipliée par cinq depuis 50 ans et le gaspillage de nourriture est partout.  Les systèmes alimentaires utilisent 50% des terres habitables et consomment 70% des eaux douces; ils sont responsables de 70% de la perte de la biodiversité.  Pour résumer, la consommation et la production non durables entravent la réalisation des ODD.  Et malheureusement, a regretté la responsable du PNUE, la lutte contre les changements climatiques reste encore trop « fragmentaire ».

Le nombre de personnes affamées a augmenté ces dernières années, a reconnu M. MAXIMO TORERO CULLEN, Économiste en chef à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), après un commentaire du modérateur sur le fait que la pauvreté, aggravée par la pandémie, rend les régimes alimentaires sains inabordables pour une grande partie de la population mondiale.  Comment transformer les systèmes alimentaires pour inverser ces tendances, à la lumière d’une population mondiale croissante?  « Comprendre les besoins des populations doit être un point de départ », a répondu M. Torero Cullen.  Il faut, a-t-il insisté, garantir les moyens de subsistance de ceux qui travaillent dans le secteur agricole, assurer une utilisation durable des ressources et financer les connaissances.  Renforcer la résilience pour faire face à de futures pandémies comme la COVID-19 est indispensable, a-t-il lancé.

« Le long terme doit primer », a renchéri Mme JYOTSNA PURI, Directrice de la Division de l’environnement, de l’égalité des sexes dans le contexte climatique, des jeunes, de la nutrition et de l’inclusion sociale au Fonds international de développement agricole (FIDA), en attirant elle aussi l’attention sur l’aide à apporter aux petits paysans qui souffrent de manière disproportionnée de la variabilité du climat, alors qu’ils reçoivent moins de 2% des financements destinés à la lutte contre les changements climatiques.  C’est pourquoi Mme Puri a recommandé de mobiliser davantage de fonds pour aider ces petits exploitants agricoles et pour financer l’adaptation.  Elle a aussi misé sur les peuples autochtones qui sont des partenaires clefs du FIDA et sont à ce titre intégrés dans ses programmes portant sur les liens qui nous unissent à la nature.

Quelles sont les opportunités de la science, de la technologie et de l’innovation pour la transformation des systèmes alimentaires, en particulier en Afrique, et quelles sont les stratégies pour leur mise en œuvre?  Pour répondre à cette question du modérateur, M. OUSMANE BADIANE, fondateur et Président exécutif de ACADEMIYA2063, a tout d’abord reconnu la forte augmentation de la facture des importations de denrées alimentaires en Afrique du fait de la pression démographique.  Il a ensuite expliqué l’intérêt d’investir dans la science et les nouvelles technologies et biotechnologies pour mieux traiter les données agroalimentaires.  Cela doit permettre de réduire l’empreinte sur l’environnement et de surmonter les principaux obstacles en matière d’infrastructures.  M. Badiane a en outre jugé important de favoriser la compétitivité de petits exploitants. 

Interrogé sur les principaux éléments qui pourraient changer la donne dans le domaine de la nutrition, M. LAWRENCE HADDAD, Directeur exécutif de Global Alliance for Improved Nutrition (GAIN), a considéré qu’il n’y aura pas de transformation des systèmes tant que la lutte contre la faim, l’anémie et le rachitisme ne sera pas achevée.  Selon lui, il est possible de réduire les statistiques en réalisant des investissements modestes.  « Il n’est pas très difficile de mettre un terme à la faim. »  Aujourd’hui, 50 millions d’enfants sont rachitiques et la situation s’aggrave avec la COVID-19.  « Ce sont eux qui porteront le poids de la COVID-19 pour le reste de leur vie. »

Se tournant, justement, vers le potentiel de la nouvelle génération, Mme CHRISTINE GOULD, fondatrice et dirigeante de Thought for Food, a assuré que les jeunes sont prêts à participer à la transformation des systèmes alimentaires, « à balayer les silos et à décloisonner ».  La génération des ODD est « la plus connectée, la plus déterminée et la plus consciente des problèmes du monde d’aujourd’hui ».  Les jeunes doivent être invités à la table des négociations, a-t-elle recommandé avant de vanter les mérites de Thought for Food qui œuvre dans plus de 70 pays avec des millions de jeunes.  Il ne s’agit pas ici de travailler de manière traditionnelle pour élaborer un manuel, mais de créer « un espace pour expérimenter, créer et autonomiser », a précisé Mme Gould. 

Le modérateur a axé sa deuxième série de questions sur « les solutions et les actions » qui pourraient être engagées pour transformer les systèmes alimentaires.  S’adressant de nouveau à Mme Gould, il lui a demandé des exemples d’idées et de solutions innovantes autour de l’alimentation et de l’agriculture que les jeunes du monde entier ont trouvées ou créées.  « Est-ce principalement la Silicon Valley ou aussi la Vallée du Rift? » a demandé le modérateur.  La panéliste de Thought for Food s’est félicitée que, en Asie ou en Afrique, la nouvelle génération d’innovateurs et de créateurs d’entreprises soit compétente parce qu’elle est capable, grâce aux outils numériques, de mobiliser une coopération au niveau international qui aura un impact au niveau local.  L’agriculture et les sommets alimentaires attirent toute une nouvelle génération d’experts -ingénieurs, codeurs ou architectes- qui, avec une grille de lecture différente, combinent leurs idées et forment des synergies.

Sur le dossier des régimes alimentaires malsains qui sont la principale cause de mauvaise santé dans le monde, le Directeur exécutif de GAIN a estimé qu’il faut encourager les gouvernements à acheter des denrées alimentaires plus saines et à intégrer les lignes directrices en matière de diététique dans l’élaboration d’autres politiques.  « En matière de climat, de santé ou de moyens de subsistance, il faut avoir conscience des arbitrages que nous devrons faire. »  Il a aussi suggéré aux entreprises d’adopter une approche plus positive et de s’engager à protéger l’environnement. 

Comment voyez-vous l’avenir du secteur de l’élevage dans le monde et en particulier en Afrique? a demandé le modérateur au Président de ACADEMIYA2063.  En Afrique, a témoigné le panéliste, nous avons beaucoup développé l’élevage, notamment de la volaille, un secteur en très forte expansion dans les zones périurbaines.  L’innovation est un élément fondamental dans un pays comme le Sénégal qui concentre des entreprises indépendantes créées par des jeunes et des femmes.  S’agissant de la viande et du lait, du bétail en général, le problème de la viabilité des activités des éleveurs nomades se pose, a-t-il cependant reconnu.  Il a donc recommandé de mobiliser des technologies, comme l’intelligence artificielle et la télédétection, pour rendre cette forme d’élevage plus attirante aux yeux des jeunes.  En outre, a ajouté M. Badiane, nous devrions être en mesure de créer des outils connectant les marchés aux éleveurs. 

Répondant à une question sur le rôle de la production alimentaire à petite échelle et des agriculteurs familiaux, en particulier les agricultrices, dans la promotion de moyens de subsistance équitables dans les systèmes alimentaires, la paneliste du FIDA a souligné que les femmes représentent 43% de la main d’œuvre agricole.  Or elles ne sont que 12,8% à être propriétaires de terres au niveau mondial.  Le FIDA, qui a un mandat spécifique pour autonomiser 1,7 milliard de femmes et de filles en zone rurale, veillera à ce que 35% de ses investissements servent à transformer l’agriculture.  Mme Puri ne s’en est pas moins tournée vers le secteur privé en lui demandant de se mobiliser de manière responsable dans ce domaine.  « Les partenariats public-privé n’ont pas vraiment fonctionné », a-t-elle en effet regretté. 

Les progrès vers les objectifs mondiaux en matière de sécurité alimentaire et de nutrition impliquent des choix politiques, et ces choix auront des conséquences, a continué M. von Braun.  Quelles que soient les décisions prises, des compromis et des synergies seront nécessaires pour nourrir suffisamment de personnes d’ici à 2030, a enchaîné l’Économiste en chef de la FAO.  S’il faut prendre des décisions qui feront pression sur l’eau, l’environnement et le climat, il faut aussi trouver des moyens de minimiser leurs impacts, a-t-il prôné.  « Si nous continuons de nous alimenter ou de produire comme nous le faisons aujourd’hui, il faut bien comprendre le coût que nous allons subir », a-t-il alerté.  Les gaspillages alimentaires représentent 40% de la nourriture actuelle produite d’après la FAO mais, en étant prudent, « on peut améliorer la qualité sans augmenter la quantité de nourriture disponible ».

Quelles sont certaines des bonnes pratiques pour protéger, gérer et restaurer la nature, tout en respectant le droit humain fondamental à une alimentation saine et nutritive pour tous?  « Nous devons vraiment revenir à l’approche fondée sur la chaîne de valeur », a fait valoir la Chef du Bureau du PNUE à New York en plaidant pour que le secteur agroalimentaire change la manière dont il produit et pour que la société civile rurale revendique son droit à une production plus durable.  « Repenser la manière dont les choses sont faites pour bâtir une résilience rurale dans la foulée de la pandémie, voilà ce qui est nécessaire. »  Il faut intégrer cette pensée dans le système éducatif pour que tout le monde ait conscience de l’importance d’un système alimentaire plus sain et plus durable, a aussi recommandé le PNUE.

En réponse à une question des Philippines sur la nutrition en Afrique, M. Ousmane, d’ACADEMIYA2063, a regretté que l’allaitement soit une pratique de plus en plus abandonnée par les mères.  Il a aussi souhaité voir briser les tabous dont les femmes et les filles souffrent pour leur permettre d’accéder à une nutrition de qualité pendant leur grossesse.  Inspiré par l’intervention de la Fédération internationale des associations d’étudiants en médecine sur la mobilisation des jeunes, M. Haddad, de GAIN, a précisé que son organisation a adopté une politique d’inclusion active des jeunes, car « toutes les décisions les concernent ».  Tourné aussi vers l’avenir, Women Health Education Center (WHEC) a souligné le rôle des plateformes en ligne pour assurer une transition vers les nouveaux modes de gouvernance qui recèlent des potentiels considérables en matière de parité et de sensibilisation aux bonnes pratiques. 

Pour conclure cette table ronde, le modérateur a demandé aux panélistes d’indiquer quelle proposition majeure devrait selon eux être prise en compte par les dirigeants lors du prochain Sommet sur les systèmes alimentaires.  Pour M. Badiane (ACADEMIYA2063): investir pour créer un espace suffisant pour l’innovation.  Pour Mme Gould (Thought for Food): permettre aux jeunes de siéger au conseil d’administration des multinationales agroalimentaires.  Pour Mme Noronha (PNUE): investir dans la responsabilité au sens général.  Pour M. Haddad (GAIN): informer les gens de leur capacité à changer le monde.  Pour M. Torero Cullen (FAO): réduire les inégalités.  Pour Mme Puri (FIDA): renforcer la résilience des systèmes en mettant l’accent sur les petits paysans.

Pour sa part, M. von Braun a espéré qu’un état d’esprit positif régnera pendant le Sommet.  Il faut prendre les engagements qui s’imposent pour mettre un terme à la faim en 2030, a-t-il conclu.

Suite du débat général

Le débat général, commencé hier, a repris en fin de matinée après la table ronde avant de continuer pendant toute la séance de l’après-midi, toujours en format virtuel. 

Malnutrition ou régimes alimentaires non sains selon les pays

La malnutrition a été un sujet important pour plusieurs délégations et notamment pour les Philippines où ce problème est malheureusement en hausse.  Le pays ne compte pas moins de deux millions d’enfants souffrant de rachitisme, ce qui a poussé le Gouvernement à lancer un ensemble de réformes politiques afin d’améliorer la productivité agricole et renforcer la sécurité alimentaire, a expliqué le Secrétaire par intérim à la planification socioéconomique des Philippines.  L’une des actions phares du Gouvernement philippin est un programme qui entend assurer une alimentation appropriée aux enfants pendant les 1 000 premiers jours de leur vie. 

Pour lutter contre l’épidémie de la malnutrition, le Mexique a de son côté parié sur les modèles traditionnels de production qui ont fait la part belle aux savoirs ancestraux et valorisent la cosmogonie des peuples autochtones.  La Ministre de l’intérieur et Présidente du Conseil national de la population du Mexique a ainsi justifié l’interdiction de la culture du maïs transgénique et de l’utilisation de certains pesticides nocifs pour l’environnement.  En outre, le droit à la pension de retraite est désormais constitutionnel au Mexique, ce qui devrait profiter à toutes les catégories de la population, et donc aux femmes, aux autochtones et aux personnes d’ascendance africaine.

Le déclin démographique et les régimes alimentaires non sains ont figuré au titre des préoccupations d’autres délégations, comme en a témoigné le Secrétaire d’État au Ministère des affaires étrangères et de l’intégration européenne de la République de Moldova qui a déploré le déclin progressif de la population du pays.  Selon lui, il s’agit là du plus grand défi au développement de ces 10 dernières années.  Parmi les causes de ce phénomène, il a évoqué le faible taux de fécondité et l’émigration.  Il a relevé que l’augmentation du taux d’obésité et des maladies non transmissibles est en partie due à des régimes alimentaires non sains.  Les politiques ciblant une bonne alimentation sont donc mises en œuvre de manière prioritaire par le Gouvernement moldave.  Mon gouvernement a pour sa part lancé une vaste étude afin d’évaluer l’ampleur de la sécurité alimentaire dans le pays, a indiqué la Vice-Ministre de la santé d’El Salvador.  Dès à présent, un plan de développement social pour la période allant de 2020 à 2024 a été arrêté par les autorités nationales afin de veiller à la sécurité alimentaire.  Cela commence par les premières années de vie, a dit la Vice-Ministre qui a salué le partenariat de son gouvernement avec le Programme alimentaire mondial (PAM). 

D’autres progrès ont été mentionnés.  Le Ministre d’État en charge de la planification de l’Ouganda s’est ainsi enorgueilli du fait que l’espérance de vie est passée de 43 ans en 1991 à 63 ans en 2014, tandis que le taux de rachitisme chez les enfants a baissé.  Il a salué l’amélioration de plusieurs autres indicateurs du développement humain, même si le taux de fécondité reste tout de même à 5,4 enfants par femme.  Le Ministre a néanmoins demandé un soutien de la communauté internationale pour résoudre les problèmes auxquels la population de l’Ouganda fait face.

Des programmes publics, des plans d’action politique et des solutions technologiques durables

En ces temps de pandémie de COVID-19, le Vice-Ministre du développement rural de la Colombie a défini trois priorités: protéger les populations paysannes, garantir la sécurité alimentaire et faire des activités rurales un moteur de la reprise économique.  C’est pourquoi, a-t-il dit, le Gouvernement colombien a lancé le programme « Juntos por el Campo » (Ensemble pour la campagne) qui prévoit un soutien aux productions, des lignes de crédit aux agriculteurs et des incitations à l’achat d’intrants et de semis.  Ce programme vise en outre à réduire les étapes intermédiaires entre le producteur et le consommateur afin de parvenir à des prix justes et conformes aux réalités. 

Les solutions technologiques qui permettent d’assurer la sécurité alimentaire de manière durable ont été au cœur de l’intervention d’Israël qui a évoqué des technologies « révolutionnaires » d’irrigation et de recyclage de l’eau utilisées pour l’agriculture.  Des entreprises israéliennes sont par ailleurs des pionnières dans la recherche sur les protéines végétales, la viande cultivée en laboratoire et les protéines produites par fermentation, autant de ressources alimentaires nouvelles permettant d’avancer vers la réalisation des ODD. 

Le Vice-Ministre de la Commission nationale de la santé de la Chine a indiqué que son pays a pour objectif de trouver un équilibre entre la croissance de sa population et un développement holistique.  Si elle est parvenue à l’autosuffisance alimentaire et a déjà accompli la « tâche herculéenne » de l’élimination de la pauvreté, 10 ans avant l’échéance du Programme 2030, la Chine fait face à l’augmentation de sa population, ce qui pose des problèmes démographiques et de sécurité alimentaire.  En réponse, et conformément à son quatorzième plan quinquennal de développement, le pays va mettre en œuvre un plan pour le vieillissement et la promotion d’un taux réduit de fertilité. 

Avec sa population de 220 millions d’habitants, la sixième au niveau mondial, le Pakistan a également souligné l’influence de la démographie sur la sécurité alimentaire et le développement durable.  Alors que la pandémie provoque une recrudescence de pauvreté et de sous-nutrition, il a pris un ensemble de mesures d’atténuation pour les familles pauvres.  Le Gouvernement travaille par ailleurs à un plan d’action visant à intensifier l’utilisation de la contraception, son objectif étant de redescendre à 2,5 naissances par femme en moyenne d’ici à 2030. 

Les problématiques de genre prises en compte

« La pandémie de COVID-19 et la crise climatique mettent en péril les promesses que nous avons faites aux femmes, aux filles et aux jeunes du monde entier », a alerté la Vice-Ministre du développement et de la coopération des Pays-Bas.  À ses yeux, les statistiques sont éloquentes: 12 millions de jeunes femmes ont perdu l’accès aux services de planification familiale, entraînant 1,4 million de grossesses non désirées; 10 millions de filles font face à un risque de mariage précoce; et lorsqu’une adolescente, souvent sous-alimentée, tombe enceinte, les chances de survie pour elle et son enfant sont minces.  « Il est temps de sortir du statu quo », a-t-elle martelé, rejointe dans cette analyse par le Luxembourg, qui a rappelé son soutien systématique aux problématiques de genre. 

Soulignant les « liens forts » existant entre la sécurité alimentaire et la santé reproductive, le Vice-Ministre de la formation, de la recherche et du développement de l’Indonésie a évoqué la mise en œuvre de programmes alimentaires et nutritionnels qui ont permis à son pays de passer en 2020 à un niveau modéré dans l’Indice de la faim dans le monde.  L’Indonésie œuvre par ailleurs à des projets prioritaires destinés à réduire fortement la mortalité maternelle et les retards de croissance des enfants d’ici à 2024.  Dans le même temps, elle a mis en place un programme d’éducation sexuelle destiné aux adolescentes, lequel a d’ores et déjà entraîné une baisse du taux de fécondité des 15-19 ans. 

La santé sexuelle et reproductive des adolescentes est largement influencée par la nutrition et la sécurité alimentaire, a abondé la Bulgarie, tandis que l’Australie s’alarmait des reculs engendrés dans ce domaine par la pandémie.  Les données initiales du premier semestre 2020 indiquent que des millions de femmes et de filles n’ont plus accès à ces services, a-t-elle souligné, appelant à la mise en œuvre intégrale de la Déclaration politique sur la couverture sanitaire universelle convenue en septembre 2019.  Une position pleinement partagée par la Thaïlande, qui a rappelé qu’elle accueillera en 2022 la Conférence internationale sur le planning familial. 

Mettre en œuvre le Programme d’action de la CIPD nous impose de reconnaître que la pandémie exacerbe la discrimination à l’égard des femmes et des populations vulnérables, a fait valoir l’Équateur, non sans rappeler que 50,5% de ses habitants sont des femmes, que 35,4% d’entre elles vivent en zones rurales et que 26,4% sont chefs de famille.  Pour répondre aux inégalités de genre, le pays a mis en place un programme public-privé qui vise à améliorer la condition des femmes sur le marché du travail à travers la responsabilisation des droits, l’accès au crédit et la création d’alternatives pour les travailleuses des secteurs les plus touchés par la crise. 

À son tour, le Liban a établi un lien entre l’autonomisation des femmes et la réalisation du Programme 2030.  Selon lui, les économies du monde entier ne connaîtront pas le succès sans une participation efficace des femmes à la production, notamment agricole.  Il s’emploie donc à promouvoir l’égalité entre les sexes, tout en luttant au niveau législatif contre les violences faites aux femmes, en particulier le harcèlement sexuel. 

Le Bhoutan a, pour sa part, rappelé que sa « marche vers le progrès » est ancrée dans la voie du « Bonheur national brut ».  Faisant état de « progrès remarquables » pour ce qui est de ses taux de mortalité maternelle, de fécondité, de mortalité infantile et de prévalence de la contraception, il a toutefois reconnu que beaucoup reste à faire.  La délégation a donc réitéré ses engagements de 2019 à Nairobi en faveur d’un accès gratuit aux services de santé publique, d’un renforcement des soins de santé maternelle et infantile, d’une amélioration de l’accès des adolescents à l’information sur la santé et les droits reproductifs, et de la mise en place d’une politique nationale d’égalité des sexes. 

Miser sur la nutrition, l’agriculture rurale et la biodiversité

La Fédération de Russie a dit accorder une attention particulière à l’éducation dans le domaine de la nutrition et des modes de vie sains.  Il s’agit de garantir la sécurité alimentaire et la protection sociale des groupes vulnérables, mais aussi d’améliorer les conditions de vie dans les villages et de soutenir les agriculteurs.  Dans ce cadre, a-t-elle expliqué, un programme d’État pour le « développement rural intégré » a été mis en œuvre et devrait concerner six millions de personnes.  Malgré la pandémie, s’est enorgueillie la délégation, le secteur agricole russe a enregistré des records de revenus en 2020 grâce à ses exportations et des mesures ont été prises pour encourager l’agriculture biologique. 

Lui aussi centré sur la résilience alimentaire et l’adaptation aux changements climatiques, le Maroc a indiqué avoir équipé 30% de ses terres agricoles de systèmes d’irrigation durables.  Il s’est par ailleurs félicité que l’Assemblée générale ait fait du 10 mai la Journée internationale de l’arganier, arbre dont la culture reflète la volonté du Royaume de protéger la biodiversité et les moyens de subsistance de l’agriculture rurale.  Dans le même ordre d’idées, le Chili s’est réjoui que 2021 ait été proclamée Année internationale des fruits et légumes.  Soucieux de promouvoir une alimentation saine et équilibrée, il a dit sensibiliser sa population et sa classe politique aux vertus de ces aliments. 

Confronté à l’une des pires crises alimentaires au monde, avec 16,2 millions de ses habitants en situation d’insécurité alimentaire grave, l’Afghanistan a dit prendre des mesures d’urgence tenant compte du manque d’accès à l’eau et l’alimentation.  Le Gouvernement s’emploie en particulier à rénover le système d’irrigation et de barrages pour relancer l’agriculture, tout en s’efforçant de faire bénéficier ses citoyens de l’eau potable.  Cependant, a-t-il averti, ces efforts pour atteindre les ODD ne pourront réussir tant que les taliban continueront leur campagne de violence. 

Pénurie d’eau et de denrées alimentaires: une solidarité attendue

« Nous ne sommes pas en bonne voie pour réaliser les ODD », a renchéri le Népal, précisant avoir intégré le Programme d’action de la CIPD dans sa politique nationale pour la population, laquelle vise à améliorer les moyens de subsistance et à créer une société où chacun peut jouir de ses droits.  « La pandémie n’a fait qu’ajouter à nos malheurs », a-t-il déploré, avant d’exhorter la communauté internationale à redoubler d’efforts dans l’aide aux pays en développement. 

Un avis partagé par Cabo Verde, petit pays insulaire en développement et « extension du Sahel », qui a rappelé sa vulnérabilité aux sécheresses.  Ce « désastre silencieux et insidieux » l’oblige à s’adapter en permanence pour assurer la sécurité alimentaire de sa population.  S’il a lancé un plan stratégique à cette fin, sa dépendance aux importations de denrées alimentaires grève ses maigres ressources.  La délégation a espéré une « prise en main » internationale du problème lors du Sommet sur les systèmes alimentaires. 

Face à la COVID-19, le Bélarus a, lui, décidé de ne pas recourir à des confinements de sa population.  « Le temps a montré que nous avions raison », s’est justifiée la délégation.  Au plus fort de la pandémie, en 2020, la production alimentaire nationale a en effet bondi de 105% et les exportations de produits alimentaires de 40%, et ce, grâce à une « politique d’État efficace », a-t-elle affirmé, se vantant d’autre part de figurer au vingt-sixième rang du classement mondial de la sécurité alimentaire. 

Des obstacles à lever: confinements, droits de douane élevés, sanctions unilatérales

De son côté, le Vice-Ministre et Secrétaire exécutif adjoint du Ministère de la citoyenneté du Brésil a mis en avant les succès de son gouvernement en matière de lutte contre les inégalités, faisant valoir un investissement de 20% du PIB dans des politiques sociales et de soutien à l’emploi.  Grace à des programmes comme Bolsa Familia, la priorité a été donnée à l’accès à l’alimentation et à l’eau, mais aussi aux transferts d’argent pour les plus vulnérables et aux aides à l’agriculture familiale, a indiqué la délégation, regrettant que les efforts nationaux de transformation des systèmes alimentaires soient minés à l’international par des droits de douane élevés et des mesures phytosanitaires « injustes ». 

La délégation de l’Algérie a, elle aussi, loué les progrès enregistrés par son pays depuis l’adoption du Programme d’action de la CIPD.  Elle a fait état d’avancées en matière d’égalité de sexes et de promotion de la parité, d’éradication de la pauvreté extrême et de réduction de la mortalité maternelle.  Malgré la pandémie, a-t-elle noté, le pays a maintenu son offre de soins, notamment en santé sexuelle et reproductive, tout en aidant les ménages en difficulté par le biais d’allocations de solidarité et d’approvisionnements alimentaires. 

Enfin, alors que la pandémie et les changements climatiques entraînent un recul dans la réalisation de l’ODD no 2 en faveur de la sécurité alimentaire et de l’agriculture durable, le Nicaragua a plaidé pour des changements structurels dans les modes de consommation et une meilleure coopération internationale.  Il a toutefois regretté que de mesures coercitives unilatérales viennent saper les capacités de lutte contre la faim de pays en développement.

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