SG/SM/20918

Le Secrétaire général tire la sonnette d’alarme et dénonce la « situation indécente » d’un « monde au bord du précipice »

On trouvera ci-après le discours prononcé aujourd’hui par le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, à l’ouverture du débat général de l’Assemblée générale:

Je suis ici pour tirer la sonnette d’alarme: le monde doit se réveiller.  Nous sommes au bord du précipice – et nous continuons de nous en approcher.  Jamais notre monde n’a été aussi menacé.  Ou plus divisé.

Nous faisons face à la plus grande avalanche de crises de notre existence.  La pandémie de COVID-19 a amplifié des inégalités déjà flagrantes.  La crise climatique s’abat sur la planète.  De l’Afghanistan à l’Éthiopie en passant par le Yémen et ailleurs, les bouleversements font échec à la paix. 

Un embrasement de méfiance et de désinformation polarise les gens et paralyse les sociétés.  Les droits humains sont mis à mal.  La science est vilipendée.  Et l’aide économique destinée aux plus vulnérables, à supposer qu’elle leur parvienne, est insuffisante et arrive trop tard.

La solidarité est portée disparue – au moment même où nous en avons le plus besoin.  Une image résume peut-être ce que nous vivons.  Celle qui nous vient de certains coins du monde, où l’on voit des vaccins contre le COVID-19 ... jetés à la poubelle.  Périmés et inutilisés.

D’un côté, les vaccins sont mis au point en un temps record – une victoire de la science et de l’ingéniosité humaine.  De l’autre, ce triomphe est réduit à néant par le manque tragique de volonté politique, l’égoïsme et la méfiance.  L’abondance pour certains pays.  Des étagères vides pour d’autres.  La plupart des habitants des pays riches sont vaccinés.  Plus de 90% des Africains attendent toujours leur première dose.  Nous sommes moralement coupables de l’état du monde dans lequel nous vivons.  La situation est indécente.  Nous avons réussi l’épreuve de sciences.  Mais nous avons un zéro pointé en éthique.  

La sonnette d’alarme climatique est également assourdissante.  Le récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat est un code rouge pour l’humanité.  Nous voyons les signes d’avertissement sur chaque continent et dans chaque région.  Températures caniculaires.  Perte de biodiversité épouvantable.  Pollution de l’air, de l’eau et des espaces naturels.  Et à chaque instant des catastrophes liées au climat.  Comme nous l’avons vu récemment, même la ville où nous sommes – la capitale financière du monde – n’est pas à l’abri.

Les climatologues nous disent qu’il n’est pas trop tard pour respecter l’objectif de 1,5 degré fixé dans l’Accord de Paris sur le climat.  Mais la fenêtre pour le faire se ferme rapidement.  Nous devons réduire nos émissions de 45% d’ici à 2030.  Pourtant, un récent rapport de l’ONU a clairement montré que, compte tenu des engagements nationaux en matière de climat, d’ici à 2030, les émissions augmenteront de 16%.  Cela nous condamnerait à une situation infernale où la température augmenterait d’au moins 2,7 degrés par rapport aux niveaux préindustriels.  Une catastrophe.

Dans le même temps, l’OCDE vient de signaler un déficit d’au moins 20 milliards de dollars dans le financement essentiel de l’action climatique promis aux pays en développement.  Nous sommes à quelques semaines de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques qui se tiendra à Glasgow, mais nous sommes à des années-lumière de nos objectifs.  Nous devons nous y mettre sérieusement.  Et vite.

Le COVID-19 et la crise climatique ont mis en évidence de profondes fragilités, dans nos sociétés et pour notre planète.  Pourtant, ces défis formidables ne suscitent pas l’humilité, mais l’arrogance.  Au lieu de suivre la voie de la solidarité, nous sommes dans une impasse qui mène à la destruction.

Dans le même temps, une autre maladie se propage aujourd’hui dans le monde: le fléau de la méfiance.  Quand les gens voient les promesses de progrès anéanties par les réalités d’un quotidien éprouvant...  Quand ils voient leurs droits fondamentaux et leurs libertés restreints...  Quand ils voient autour d’eux la petite –et la grande– corruption...  Quand ils voient des milliardaires se balader dans l’espace alors que des millions de personnes sur terre ont faim...  Quand les parents voient pour leurs enfants des lendemains plus sombres encore que l’adversité à laquelle ils sont confrontés aujourd’hui...  Et quand les jeunes ne voient aucun lendemain...

Les personnes pour lesquelles nous œuvrons et que nous représentons pourraient perdre la foi non seulement dans leurs gouvernements et leurs institutions, mais aussi dans les valeurs qui animent le travail de l’ONU depuis plus de 75 ans.  Paix.  Droits humains.  Dignité de toutes et tous.  Égalité.  Justice.  Solidarité.  Jamais auparavant les valeurs fondamentales n’ont été aussi menacées.  

Une rupture de la confiance entraîne une rupture des valeurs.  À quoi bon des promesses si les gens ne voient pas de résultats dans leur vie quotidienne.  Quand le résultat n’est pas au rendez-vous, place est faite à certaines des pulsions les plus sinistres de l’humanité.  Cela alimente les solutions faciles, les pseudo-solutions et les théories du complot.  Cela attise les griefs anciens.  La suprématie culturelle.  La domination idéologique.  La misogynie violente.  La mise en joue des personnes les plus vulnérables, notamment les réfugiés et les migrants.

L’heure de vérité a sonné.  Le moment est venu d’agir.  Le moment est venu de redonner confiance.  Le moment est venu de raviver l’espoir.  Et de l’espoir, j’en ai!  Les problèmes que nous avons créés sont des problèmes que nous pouvons résoudre.  L’humanité a montré que rien ne l’arrêtait quand tout le monde travaillait main dans la main.  C’est la raison d’être des Nations Unies.

Mais soyons francs.  Le système multilatéral actuel a ses limites: ses instruments et ses capacités ne suffisent pas pour assurer l’efficacité de la gouvernance des biens publics mondiaux.  Ce système est trop axé sur le court terme.

Nous devons renforcer la gouvernance mondiale.  Nous devons nous concentrer sur l’avenir.  Nous devons renouveler le contrat social.  Nous devons adapter l’ONU à une nouvelle ère.  

C’est pourquoi j’ai présenté comme je l’ai fait mon rapport sur Notre Programme commun.  Ce programme offre une analyse à 360 degrés de l’état de notre monde, accompagnée de 90 recommandations concrètes visant à relever les défis d’aujourd’hui et à renforcer le multilatéralisme de demain.  Notre Programme commun s’appuie sur la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et l’Accord de Paris sur le climat.  Il s’inscrit dans le droit fil du mandat qui m’a été confié dans la Déclaration faite à l’occasion de la célébration du soixante-quinzième anniversaire de l’ONU: chercher une voie vers un monde meilleur.  

Mais pour atteindre cette terre de promesses, nous devons combler de grands fossés.  Pour moi, il y a 6 grands fossés –6 Grands canyons– que nous devons combler maintenant.  Premièrement, nous devons combler le fossé qui nous sépare de la paix.  Pour bien trop de personnes, partout dans le monde, la paix et la stabilité restent un rêve lointain.  

En Afghanistan, où nous devons redonner de l’élan à l’aide humanitaire et défendre les droits humains, en particulier ceux des femmes et des filles.  En Éthiopie, où nous demandons à toutes les parties de cesser immédiatement les hostilités, de garantir l’accès humanitaire et de créer les conditions nécessaires à l’ouverture d’un dialogue politique conduit par les Éthiopiennes et les Éthiopiens.  Au Myanmar, où nous réaffirmons notre soutien indéfectible au peuple, qui aspire à la démocratie, à la paix, aux droits humains et à l’état de droit.  Au Sahel, où nous nous sommes engagés à mobiliser l’aide internationale en faveur de la sécurité, du développement et de la gouvernance de la région. 

Ailleurs encore, comme au Yémen, en Libye et en Syrie, où nous devons sortir de l’impasse et tout faire pour que la paix soit instaurée.  En Israël et en Palestine, où nous exhortons les dirigeants à reprendre un dialogue constructif et à reconnaître que la solution des deux États est la seule voie pouvant conduire à une paix juste et globale.  En Haïti et dans tant d’autres pays laissés pour compte, où nous sommes solidaires à chaque mesure prise pour sortir de la crise.  

Nous assistons à une flambée des prises de pouvoir par la force.  Les coups d’état militaires reprennent.  Et la désunion de la communauté internationale n’aide pas.  Les clivages géopolitiques sapent la coopération internationale et empêchent le Conseil de sécurité de prendre les décisions qui s’imposent.  Un sentiment d’impunité s’installe.  Et pourtant, il sera impossible de relever les prodigieux défis de l’économie et du développement tant que les deux plus grandes économies du monde seront en désaccord l’une avec l’autre.  

Hélas, je crains fort que notre monde ne s’achemine vers deux ensembles de règles économiques, commerciales, financières et technologiques bien distincts, deux conceptions opposées du développement de l’intelligence artificielle – et finalement deux stratégies militaires et géopolitiques différentes.  Ce serait la garantie de problèmes à venir.  Bien moins prévisibles que la guerre froide.

Pour redonner confiance et raviver l’espoir, nous avons besoin de coopération.  Nous avons besoin de dialogue.  Nous devons nous entendre.  Nous devons investir dans la prévention des conflits et le maintien et la consolidation de la paix.  Nous devons faire avancer le désarmement nucléaire et l’action que nous menons ensemble contre le terrorisme.  Nous devons agir dans le profond respect des droits humains.  Et nous devons nous munir d’un nouvel Agenda pour la paix.

Deuxièmement, nous devons combler le fossé climatique.  Pour ce faire, il faut rétablir la confiance entre Nord et Sud.  Et cela commence en faisant tout ce que nous pouvons dès maintenant pour assurer le succès de la Conférence de Glasgow.  Il faut que tous les pays se montrent plus ambitieux dans trois grands domaines d’action: l’atténuation, le financement et l’adaptation. 

Plus d’ambition en matière d’atténuation, cela veut dire que les pays s’engagent à atteindre la neutralité carbone d’ici le milieu du siècle et à se fixer des objectifs concrets de réduction des émissions pour 2030 qui nous permettent d’y parvenir, et qui s’appuient sur des mesures réalisables dans l’immédiat.

Plus d’ambition en matière de financement – cela veut dire que les pays en développement reçoivent les 100 milliards de dollars par an qui leur ont été promis pour l’action climatique, en mobilisant pleinement les ressources des institutions financières internationales et aussi celles du secteur privé.

Plus d’ambition en matière d’adaptation – cela veut dire que les pays développés tiennent la promesse qu’ils ont faite d’apporter un soutien crédible aux pays en développement afin de renforcer la résilience et de sauver des vies et des moyens de subsistance.

Cela veut dire que 50% de tous les financements climatiques fournis par les pays développés et les banques multilatérales de développement devraient être consacrés à l’adaptation.  La Banque africaine de développement a montré la voie en 2019 en allouant la moitié de ses financements climatiques à l’adaptation.  Certains pays donateurs ont suivi son exemple.  Il faut que tous en fassent autant.

Le message que j’adresse à chaque État Membre est le suivant: n’attendez pas que d’autres fassent le premier pas.  Faites votre part.  

Partout dans le monde, nous constatons que la société civile –menée par les jeunes– est pleinement mobilisée pour faire face à la crise climatique.  Le secteur privé s’engage de plus en plus.

Il faut que les gouvernements aussi mobilisent tous leurs pouvoirs en matière de politique financière pour faire la transition vers l’économie verte.  En imposant les émissions de carbone et la pollution plutôt que le revenu des ménages, afin de faciliter le passage à des emplois verts durables.  En arrêtant de subventionner les combustibles fossiles et en dégageant des ressources à réinvestir dans la santé, l’éducation, les énergies renouvelables, les systèmes alimentaires durables et la protection sociale.  En s’engageant à ne pas construire de nouvelles centrales à charbon.  Si toutes celles qu’il est prévu d’ouvrir entrent en service, non seulement nous dépasserons nettement 1,5 degré, mais nous serons bien au-dessus de 2 degrés.  Les objectifs de Paris partiront en fumée. 

Nous sommes face à une urgence planétaire.  Nous avons besoin de coalitions de solidarité – entre les pays qui sont encore fortement tributaires du charbon et ceux qui ont les moyens financiers et techniques de financer leur transition.  Nous pouvons et nous devons agir.

Troisièmement, nous devons combler le fossé entre riches et pauvres, dans les pays et d’un pays à l’autre.  Cela commence par mettre fin à la pandémie, partout et pour tout le monde.  Nous avons besoin de toute urgence d’un plan de vaccination mondial permettant de faire au moins doubler la production et d’acheminer des vaccins à 70% de la population au premier semestre 2022.  Ce plan pourrait être exécuté par une équipe spéciale d’urgence composée de producteurs actuels et potentiels de vaccins, de l’Organisation mondiale de la Santé, de partenaires du dispositif Accélérateur ACT et des institutions financières internationales, en collaboration avec les sociétés pharmaceutiques.  

Nous n’avons pas de temps à perdre.  Une reprise asymétrique creuse les inégalités.  Les pays riches pourraient retrouver les taux de croissance d’avant la pandémie d’ici la fin de l’année, tandis que les retombées de la crise sanitaire pourraient se faire sentir pendant des années dans les pays à faible revenu.  Est-ce bien étonnant?  Les économies avancées investissent près de 28% de leur produit intérieur brut dans la reprise économique.  Pour les pays à revenu intermédiaire, ce chiffre tombe à 6,5%.  Et il chute à 1,8% pour les pays les moins avancés – un pourcentage infime d’un montant très inférieur.

En Afrique subsaharienne, le Fonds monétaire international prévoit que la croissance économique cumulée par habitant pour les cinq prochaines années devrait être égale au quart de ce qu’elle est dans le reste du monde.  De nombreux pays ont besoin d’injections d’urgence de liquidités.  Je me réjouis que le Fonds monétaire international ait émis 650 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux.  

Mais ces droits vont en grande partie aux pays qui en ont le moins besoin.  Les économies avancées devraient réaffecter l’excédent de leurs DTS aux pays qui en ont vraiment besoin.  Les DTS ne sont pas la panacée.  Mais ils permettent une reprise et une croissance durables.

Je renouvelle aussi mon appel en faveur d’une réforme de l’architecture de la dette internationale, qui doit être plus équitable.  L’Initiative de suspension du service de la dette doit être prolongée jusqu’en 2022 et devrait être accessible à tous les pays vulnérables et à tous les pays à revenu intermédiaire très endettés qui le demandent.  C’est ça, la solidarité en action.  Les États ne devraient pas avoir à choisir entre assurer le service de la dette et être au service de la population.

Une véritable solidarité internationale permettrait d’établir à l’échelle nationale un nouveau contrat social prévoyant une couverture sanitaire universelle et la protection du revenu, d’offrir à toutes et à tous un logement, un travail décent et une éducation de qualité pour toutes et tous et d’éliminer la discrimination et la violence contre les femmes et les filles.

J’engage les pays à procéder à des réformes fiscales et à mettre enfin un terme à la fraude fiscale, au blanchiment d’argent et aux flux financiers illicites.  Et pour l’avenir, face aux grands risques mondiaux, nous devons nous doter d’un meilleur système de prévention et de préparation; nous devons suivre les recommandations du Groupe indépendant sur la préparation et la riposte à la pandémie.  J’ai fait de nombreuses autres propositions dans Notre Programme commun, parmi lesquelles une plateforme d’urgence et un laboratoire pour l’avenir.

Quatrièmement, nous devons combler le fossé entre les genres.  Le COVID-19 a mis à nu et exacerbé la plus vieille injustice du monde: le déséquilibre de pouvoir entre les hommes et les femmes.  Lorsque la pandémie a frappé, les femmes représentaient la majorité des travailleurs de première ligne.  Elles ont été les premières à perdre leur emploi et les premières à mettre leurs carrières en suspens pour s’occuper de leurs proches.  Les fermetures d’écoles ont touché les filles de manière disproportionnée, freinant leurs parcours et augmentant les risques d’abus, de violence et de mariage d’enfants.  Combler le fossé entre les femmes et les hommes n’est pas seulement une question de justice pour les femmes et les filles.  Cela change la donne pour l’humanité tout entière.

Les sociétés plus égalitaires sont aussi plus stables et plus pacifiques.  Elles ont de meilleurs systèmes de santé et des économies plus dynamiques.  L’égalité des femmes est essentiellement une question de pouvoir.  Si nous voulons résoudre les problèmes les plus difficiles de notre époque, nous devons de toute urgence transformer notre monde dominé par les hommes et changer l’équilibre du pouvoir.  Cela requiert plus de femmes dirigeantes dans les parlements, les cabinets ministériels et les conseils d’administration.  Cela exige que les femmes soient pleinement représentées et puissent apporter leur pleine contribution partout.  J’exhorte les gouvernements, les entreprises et les autres organisations à prendre des mesures audacieuses, y compris des critères de référence et des quotas, pour établir la parité hommes-femmes à tous les niveaux de la hiérarchie.  À l’Organisation des Nations Unies, nous avons atteint cela au sein de l’équipe dirigeante et parmi les responsables de bureaux de pays.  Nous continuerons jusqu’à ce que nous parvenions à la parité à tous les niveaux.

Dans le même temps, nous devons nous opposer aux lois régressives qui institutionnalisent la discrimination de genre.  Les droits des femmes sont des droits humains.  Les plans de relance économique devraient accorder une place centrale aux femmes, notamment par des investissements à grande échelle dans l’économie des soins.  Et nous devons adopter un plan d’urgence pour lutter contre la violence de genre dans chaque pays.  Pour atteindre les objectifs de développement durable et bâtir un monde meilleur, nous pouvons et nous devons combler le fossé entre les femmes et les hommes.

Cinquièmement, pour redonner confiance et raviver l’espoir, nous devons réduire la fracture numérique.  La moitié de l’humanité n’a pas accès à l’Internet.  Nous devons faire en sorte que tout le monde soit connecté d’ici à 2030.  Telle est la vision de mon Plan d’action de coopération numérique: saisir les promesses du numérique tout en se prémunissant contre ses dangers.  L’un des plus grands périls auxquels nous sommes confrontés, c’est le pouvoir croissant des plateformes numériques et l’utilisation des données à des fins néfastes.

Une vaste bibliothèque d’informations est en train d’être constituée sur chacun d’entre nous.  Et nous n’y avons même pas accès.  Nous ne savons pas comment ces informations ont été recueillies, par qui, ni dans quels buts.  Mais nous savons que nos données sont utilisées à des fins commerciales, pour augmenter encore les profits.  Nos comportements et habitudes deviennent des produits qui sont vendus comme des contrats à terme.

Nos données sont également utilisées pour influencer nos perceptions et nos opinions.  Les gouvernements –et d’autres entités– peuvent les exploiter pour contrôler ou manipuler le comportement des citoyens, bafouant ainsi les droits humains des individus ou groupes et sapant la démocratie.  Ce n’est pas de la science-fiction.  C’est notre réalité d’aujourd’hui.  Et cela exige un débat sérieux.

Il en va de même pour d’autres dangers de l’ère numérique.  Je suis par exemple certain que toute future confrontation majeure –et j’espère évidemment qu’une telle confrontation n’aura jamais lieu– commencera par une cyberattaque massive.  Quels cadres juridiques nous permettraient de faire face à une telle situation?  Aujourd’hui, des armes autonomes peuvent prendre pour cible des personnes et les tuer sans intervention humaine.  De telles armes devraient être interdites.  Mais il n’y a pas de consensus sur la manière de réglementer ces technologies.  Afin de rétablir la confiance et raviver l’espoir, nous devons placer les droits humains au cœur de nos efforts pour que l’avenir numérique de tous soit sûr, équitable et ouvert.

Sixièmement, enfin, nous devons combler le fossé entre les générations.  Les jeunes devront vivre avec les conséquences de nos décisions – bonnes et mauvaises.  Dans le même temps, à la fin du siècle, il devrait y avoir 10,9 milliards de personnes sur la planète.  Nous avons besoin de leurs talents, de leurs idées et de leur énergie.

Notre Programme commun propose qu’un sommet sur la Transformation de l’éducation soit organisé l’an prochain pour faire face à la crise de l’enseignement et offrir davantage de possibilités aux 1,8 milliard de personnes que compte la jeunesse d’aujourd’hui.  Mais les jeunes ont besoin de plus.  Ils doivent être assis à la table de négociations.  Je compte nommer un Envoyé spécial pour les générations futures et créer un bureau des Nations Unies pour la jeunesse.

Et les contributions des jeunes seront essentielles pour le Sommet sur le futur proposé dans Notre Programme commun.  Les jeunes ont besoin d’un projet porteur d’espoir pour l’avenir.  Des études récentes menées dans une dizaine de pays ont montré que l’état de notre planète plongeait la plupart des jeunes dans une angoisse et une détresse profondes.  Environ 60% de votre futur électorat se sent trahi par son gouvernement.  Nous devons prouver aux enfants et aux jeunes que, malgré la gravité de la situation, le monde a un plan – et que les gouvernements s’engagent à le concrétiser.  Nous devons agir maintenant et combler ces grands fossés et sauver l’humanité et la planète.

Si la mobilisation est réelle, nous pourrons tenir notre promesse d’un monde meilleur, plus pacifique.  C’est la force motrice de Notre Programme commun.  Le meilleur moyen pour un gouvernement de défendre les intérêts de ses propres citoyens, c’est de défendre notre avenir commun.  L’interdépendance est la logique du XXIe siècle.  C’est l’idée qui guide l’Organisation des Nations Unies.

L’heure est venue d’agir.  C’est une ère de transformation qui s’ouvre.  L’ère du renouveau du multilatéralisme.  Une ère de possibilités.  Ensemble, nous devons redonner confiance.  Nous devons raviver l’espoir.  Sans plus attendre.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.