8996e séance – matin
CS/14832

Conseil de sécurité: la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques met en garde contre le risque de deux autorités gouvernementales en Libye

La Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Mme Rosemary DiCarlo, a indiqué, ce matin, devant le Conseil de sécurité, que la crise que connaît en ce moment le pouvoir exécutif en Libye pourrait conduire à l’instabilité et à des autorités gouvernementales parallèles dans le pays.  Ce serait un coup dur pour la tenue d’élections, alors que celles-ci n’ont déjà pu avoir lieu en décembre, a-t-elle déclaré.  Dans ce contexte, une candidate aux élections législatives, invitée à la séance, n’a pas hésité à dire que « les organes étatiques n’ont pas de légitimité en Libye » sachant en outre que le dernier scrutin date de 2014 et que le quota de femmes a été rabaissé à 16%. 

À l’entame de son propos, la Secrétaire générale adjointe a détaillé la crise politique que connaît la Libye.  Le 10 février, la Chambre des représentants a adopté un amendement constitutionnel et désigné M. Fathi Bashagha pour former un nouveau gouvernement, soumis ensuite à un vote de confiance de la Chambre.  Le 24 février, le Haut Conseil d’État a rejeté la formation du nouveau Gouvernement, ainsi que l’amendement précité, a expliqué Mme DiCarlo. 

Le 1er mars, la Chambre a ensuite voté sa confiance au nouveau Gouvernement, mais ce vote aurait été entaché de vices de procédure et de menaces contre certains membres de la Chambre, a poursuivi la Secrétaire générale adjointe.  Le 3 mars, les membres du Gouvernement de M. Bashagha ont été investis par la Chambre, mais le Gouvernement d’unité nationale, dirigé par M. Abdel Hamid Dbeibah, a rejeté la légitimité du vote précité, en ajoutant qu’il ne transférera le pouvoir qu’à un gouvernement élu.  « Pendant ce temps, M. Bashagha indique qu’il est à la tête d’un gouvernement légitime. » 

Mme DiCarlo a indiqué que l’ONU travaille à la création d’une commission mixte réunissant des membres de la Chambre des représentants et du Haut Conseil d’État, pour parvenir à une base constitutionnelle nécessaire à la tenue d’élections cette année.  « Si cet affrontement autour de la légitimité du pouvoir exécutif se poursuivait, la Libye pourrait être, une nouvelle fois, dotée de deux administrations parallèles », a conclu la Secrétaire générale adjointe, en insistant sur le risque d’instabilité. 

Mme Jazia Jibril Mohammed Shuaiter, candidate aux élections législatives, a, dans ce droit fil, jugé cruciale la mise sur pied d’une nouvelle Constitution, car c’est l’impasse sur cette question qui a prolongé la transition selon elle.  « Le peuple libyen ne peut pas tenir un référendum sur la question de la Constitution du fait de l’intransigeance de certaines parties », a-t-elle déploré, en insistant sur l’importance du soutien du Conseil de sécurité pour parvenir à l’adoption d’un texte fondamental. 

Elle a exprimé une autre préoccupation quant à la légitimité des autorités actuelles du pays, en rappelant que les décideurs actuels n’ont pas le soutien de la population.  « Il faut respecter les 2,8 millions d’électeurs libyens qui attendent des élections crédibles », a-t-elle clamé.  Les mêmes autorités n’ont par ailleurs pas respecté le quota de 30% de femmes prévu dans la feuille de route, a-t-elle ajouté, en signalant qu’une nouvelle loi électorale prévoit un quota de 16% de femmes représentantes.  « C’est injuste pour les Libyennes. » 

Dans leurs interventions, les délégations ont unanimement souligné la situation fragile dans laquelle se trouve la Libye et appelé à la poursuite du dialogue en vue de la tenue d’élections.  « Le dialogue entre Libyens doit nécessairement aboutir à la présence à Tripoli d’un seul exécutif à même de gouverner sur l’ensemble du territoire et de réaliser la promesse de démocratie faite aux Libyens », a déclaré la France, appuyé par la Norvège ou bien encore les Émirats arabes unis.  « La Libye est à la croisée des chemins », a estimé le Royaume-Uni, en pointant le risque d’escalade. 

« Dans certaines déclarations aujourd’hui, transparait une incapacité à décrire clairement ce qui se passe dans le pays, et peut-être même à le comprendre, non pas par manque de connaissances, mais à cause de la complexité de la situation », a réagi le délégué de la Libye.  Il a reconnu que le spectre de la division politique et institutionnelle plane à nouveau sur son pays, alors que s’amorçait le début d’un consensus collectif et la fin du conflit armé.  « Tous les efforts doivent maintenant porter sur la désescalade et l’organisation des élections. » 

Dès que des signes de détente se font jour dans la crise libyenne et que nous faisons un pas en avant, certains tentent de nous faire reculer, a-t-il déploré.  Le délégué de la Libye a ensuite dénoncé « les interventions internationales négatives », dont les interventions de pays qui ont exporté leurs conflits.  « Notre stabilité est devenue l’otage de leurs intérêts », s’est-il élevé.  Enfin, il a mis en garde contre certaines tentatives d’instrumentalisation de la Libye pour y régler des comptes régionaux. 

Les délégations, à l’instar du Gabon et de la Fédération de Russie, ont été nombreuses à réclamer le départ des combattants étrangers et des mercenaires présents en Libye, tandis que les Émirats arabes unis ont souligné la nécessité de prévenir toute résurgence terroriste dans le pays.  Enfin, le Conseil a entendu une présentation technique de M. Tirumurti, de l’Inde, Président du Comité du Conseil de sécurité établi par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye, sur les travaux de cet organe couvrant la période allant du 25 janvier au 16  mars  2022. 

LA SITUATION EN LIBYE

Déclarations

Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a fait état de développements substantiels en Libye depuis sa dernière intervention fin janvier.  L’exécutif libyen fait face à une crise qui, si elle n’est pas résolue, pourrait conduire à l’instabilité et à des autorités gouvernementales parallèles dans le pays.  L’ONU œuvre au rapprochement des parties en vue d’agréer une base constitutionnelle nécessaire à la tenue d’élections le plus tôt possible, a-t-elle expliqué. 

Mme DiCarlo a indiqué que, depuis le report des élections prévues en décembre 2021, la Chambre des représentants a, le 10 février, adopté un amendement constitutionnel et désigné M. Fathi Bashaga, ancien Ministre de l’intérieur, pour former un nouveau gouvernement soumis ensuite à un vote de confiance de la Chambre.  Le 24 février, le Haut Conseil d’État a rejeté la formation du nouveau gouvernement, ainsi que l’amendement précité.  Le 1er mars, la Chambre a voté sa confiance au nouveau gouvernement, mais l’ONU a reçu des informations selon lesquelles ce vote aurait été entaché de vices de procédure et de menaces contre certains membres de la Chambre, a poursuivi la Secrétaire générale adjointe.  « Le 3 mars, les membres du gouvernement de M. Beshaga ont été investis par la Chambre. »  

Mme DiCarlo a aussi fait état de tensions politiques grandissantes entre les groupes armés dans l’ouest du pays et d’une rhétorique de plus en plus belliqueuse.  Le Gouvernement d’unité nationale, dirigé par M. Abdel Hamid Dbeibah, a rejeté la légitimité du vote précité, en ajoutant qu’il ne transférera le pouvoir qu’à un gouvernement élu.  « Pendant ce temps, M. Bashaga indique qu’il est à la tête d’un gouvernement légitime. » 

Mme DiCarlo a déclaré que la priorité doit être de répondre aux aspirations des 2,8 millions de Libyens qui se sont inscrits sur les listes électorales.  « Ils doivent être en mesure de choisir leurs dirigeants grâce à des élections crédibles, transparentes et inclusives conformément à un cadre constitutionnel et juridique agréé. »  Elle a précisé que l’ONU vise à forger un consensus et à convoquer une séance conjointe entre membres de la Chambre et du Haut Conseil, pour parvenir à une base constitutionnelle nécessaire à la tenue d’élections cette année.  L’ONU a également offert sa médiation entre M. Dbeibah et M. Bashaga afin de sortir de l’impasse actuelle.  « Si cet affrontement autour de la légitimité du pouvoir exécutif se poursuivait, la Libye pourrait être, une nouvelle fois, dotée de deux administrations parallèles ».   serait un coup dur pour la tenue des élections et nourrirait l’instabilité, a averti Mme DiCarlo. 

La Secrétaire générale adjointe a fait état d’autres développements inquiétants depuis le vote du 1er mars.  Les vols locaux entre Tripoli et les villes de l’Est sont toujours suspendus, tandis que les forces dans l’Ouest se sont rapprochées, le 9 et le 10 mars, de la capitale.  « L’ONU continue d’exhorter les parties à s’engager dans un dialogue constructif afin de sortir de l’impasse politique et à s’abstenir de toute action unilatérale qui pourrait aggraver les divisions. »  Sur le plan sécuritaire, le Comité militaire conjointe 5+5 continue d’avancer dans la mise en œuvre du Plan d’action visant au retrait des combattants étrangers, des forces étrangères et des mercenaires du pays. 

Mme DiCarlo a ensuite évoqué la situation « extrêmement préoccupante » en ce qui concerne les droits humains, en citant l’augmentation des menaces contre les journalistes, les acteurs politiques et les femmes.  Des défenseurs des droits humains continuent d’être arrêtés de manière arbitraire, a-t-elle dit, tandis que les migrants et réfugiés transférés dans des centres de détention informels endurent de graves violations.  Elle a ensuite mentionné une diminution du nombre de personnes déplacées, de 179 000 fin 2021 à 168 000 au 5 mars. 

En conclusion, la Secrétaire générale adjointe a déclaré que la Libye connaît une nouvelle phase de polarisation politique, qui pourrait de nouveau scinder les institutions et compromettre les gains enregistrés ces deux dernières années.  « Nous savons d’expérience ce que des actions unilatérales, un gouvernement divisé et une transition sans fin peuvent signifier pour l’avenir. » Mme DiCarlo a enfin appelé à la tenue d’élections crédibles, transparentes et inclusives, seul moyen pour sortir de l’impasse actuelle. 

M. T. S. TIRUMURTI (Inde), Président du Comité du Conseil de sécurité établi par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye, a présenté les travaux de cet organe subsidiaire du Conseil couvrant la période allant du 25 janvier au 16 mars 2022.  Le Comité a mené ses travaux en utilisant la procédure d’approbation tacite dans le but de faciliter la mise en œuvre des mesures de sanctions, a-t-il indiqué. 

Au cours de la période considérée, le Comité a reçu une lettre des Émirats arabes unis l’informant du transfert de matériel non létal destiné uniquement au Gouvernement libyen à des fins de sécurité ou d’assistance au désarmement.  Par ailleurs, une demande d’exemption, présentée par l’Allemagne et actuellement à l’examen, invoque le paragraphe 13 b) de la résolution 2009 (2011), qui concerne la fourniture d’armes légères et de petit calibre et de matériel connexe, temporairement exportés vers la Libye pour le seul usage du personnel des Nations Unies.  Le Comité a également répondu à une demande d’éclaircissement de la Turquie concernant l’embargo sur les armes, ainsi qu’à une demande du Sri Lanka au sujet du régime de sanctions. 

En ce qui concerne le gel des avoirs, aucune décision négative n’a été prise par le Comité concernant une notification de la Suisse en vertu du paragraphe 19 a) de la résolution 1970 (2011), a poursuivi le Président.  Le Comité examine également des notifications soumises par Bahreïn et le Luxembourg, le Comité ayant conseillé à ce dernier État Membre de soumettre une demande d’exemption en vertu du paragraphe 19(b) de la même résolution.  Le Comité examine actuellement les réponses aux lettres reçues de la Libye et de la Belgique, sur des questions liées aux avoirs gelés de l’Autorité libyenne d’investissement, a encore précisé M. Tirumurti. 

Dans le cadre des mesures visant à empêcher les exportations illicites de pétrole, y compris de pétrole brut et de produits pétroliers raffinés, en provenance de Libye, le Comité a reçu une lettre du point focal du Gouvernement libyen nommé en application de la résolution 2146 (2014), concernant une prétendue tentative d’exporter illégalement du pétrole brut en dehors du contrôle de la National Oil Corporation.  Le Groupe d’experts sur la Libye a également fait rapport au Comité sur cette question. 

Enfin, en ce qui concerne la liste des sanctions, le Président du Comité a dit que celui-ci a reçu une demande de radiation de cinq individus, présentée par un État Membre.  L’examen de quatre demandes est en cours tandis que la cinquième n’a pas été admise par le Comité.  Par ailleurs, le Comité a reçu une quatrième communication du point focal de radiation créé en application de la résolution 1730 (2006), concernant la demande de radiation d’une personne inscrite sur la liste.  Le Comité a également mis à jour certaines informations d’identification d’un individu sur sa liste de sanctions, a précisé en conclusion le Président. 

Mme JAZIA JIBRIL MOHAMMED SHUAITER, juriste, militante et candidate aux élections législatives, a dit prendre la parole pour transmettre les vœux de la société civile libyenne.  Elle a dit que l’une des préoccupations du peuple en ce moment est de voir la situation politique s’améliorer.  Elle a remercié, au nom du peuple libyen, les efforts de la Conseillère spéciale.  Selon elle, la mise sur pied d’une nouvelle Constitution est cruciale, car c’est l’impasse sur cette question qui a prolongé la transition.  Le peuple libyen ne peut pas tenir un référendum sur la question de la Constitution du fait de l’intransigeance de certaines parties, a-t-elle déploré.  Elle a indiqué que le peuple libyen compte sur le soutien du Conseil de sécurité pour parvenir à l’adoption d’une Constitution qui garantira les droits et devoirs des populations. 

Une autre préoccupation portée par la juriste a trait à la légitimité des autorités actuelles du pays.  Elle a rappelé que les législateurs actuels n’ont pas le soutien de la population et que les organes étatiques n’ont donc pas de légitimité, sachant que le dernier scrutin avait eu lieu en 2014.  Il faut respecter les 2,8 millions d’électeurs libyens qui attendent des élections crédibles, a—t-elle clamé. 

Dans le domaine des droits de l’homme, la militante a dénoncé les détentions extrajudiciaires, les discours de haine et les violations des droits des femmes, ces droits ayant connu un grand recul.  Elle a dénoncé le fait que les autorités législatives actuelles aient reporté un projet de loi visant à protéger les femmes contre toute violence.  Les mêmes autorités ont d’ailleurs violé le quota de 30% de femmes prévu dans la feuille de route, a-t-elle ajouté en indiquant qu’une nouvelle loi électorale prévoit un quota de 16% de femmes représentantes.  C’est injuste pour les Libyennes, a dénoncé la candidate en appelant le Conseil de sécurité à agir afin que les autorités respectent les engagements pris en faveur de l’essor des femmes dans le pays. 

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a appelé à la désescalade en Libye, les risques étant bien réels.  « Tous les acteurs, intérieurs comme extérieurs, doivent s’abstenir de toute action qui pourrait saper la stabilité, creuser les divisions en Libye et compromettre les progrès durement acquis ces deux dernières années. »  Il a exhorté les parties à accepter l’offre de Mme Williams de faciliter le dialogue. Il a aussi appuyé les efforts de médiation de cette dernière entre la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’État en vue d’établir une base constitutionnelle pour la tenue d’élections.  Les aspirations des Libyens à de telles élections sont claires, a dit le délégué.  Il a aussi invité les parties à protéger l’indépendance, l’intégrité et la réunification des institutions publiques.  Les tentatives visant à interrompre la production de pétrole sont préoccupantes et portent préjudice aux Libyens, a-t-il aussi noté.  « La Libye est à la croisée des chemins », a conclu le délégué, en pointant une nouvelle fois le risque d’escalade. 

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a jugé très inquiétante la détérioration de la situation générale sur le terrain en Libye, depuis le report des élections de décembre dernier.  Elle a estimé que la fragile unité et le calme durement acquis depuis la signature de l’accord de cessez-le-feu en octobre 2020 sont désormais en danger.  Les informations faisant état de la mobilisation des forces à Tripoli et dans ses environs sont profondément troublantes, a ajouté la représentante en s’inquiétant aussi de la grave polarisation politique.  Elle s’est félicitée de la récente proposition de la Conseillère spéciale Stéphanie Williams de convoquer une commission mixte de la Chambre des représentants et du Haut Conseil d’État, en espérant que la base constitutionnelle consensuelle envisagée par cette commission tracera une voie pour sortir de l’impasse.  Souhaitant des élections crédibles, transparentes et inclusives, elle a noté que le peuple libyen a clairement démontré qu’il est prêt à choisir ses propres dirigeants et demandé de ne pas les faire attendre indéfiniment.  Des scrutins auxquels les femmes libyennes ont parfaitement le droit de participer pleinement et en toute sécurité, à la fois en tant que candidates et en tant qu’électrices, a souligné Mme Byrne Nason. 

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a relevé qu’une fois de plus, la Libye se retrouve divisée entre des autorités rivales, dont aucune ne peut prétendre la légitimité du vote.  Il a encouragé les acteurs politiques libyens à s’abstenir de recourir à la violence et à renouveler leur attachement à la réconciliation nationale.  Il a relevé que la MANUL a joué un rôle clef pour assurer la préservation du cessez-le-feu et la continuité d’une paix dirigée et contrôlée par les Libyens, sans ingérence extérieure.  Si, selon lui, des élections et un dialogue politique sont nécessaires pour assurer la confiance de la population dans la réconciliation, il faut que le Conseil aille plus loin et exprime sa ferme condamnation des perturbateurs de la paix.  Le délégué a aussi plaidé pour que les personnes impliquées dans la violence et les violations des droits de l’homme ne restent pas impunies.  Il a condamné le meurtre de centaines de personnes retrouvées dans des charniers à Tarhuna.  Il a également condamné les traitements indignes réservés aux réfugiés détenus.  La stabilité de la Libye dépend en fin de compte du fait que le pays puisse reprendre son développement, a-t-il dit avant d’affirmer que les avoirs libyens se trouvant hors du pays appartiennent au peuple libyen et doivent être utilisés à leur avantage. 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a souligné la volonté des Libyens de régler eux-mêmes leurs difficultés, en estimant que le vote de confiance de la Chambre des représentants est un pas important.  Il a pointé le risque de confrontation armée dans le pays, en appelant au compromis et à un dialogue constructif, avant de souligner la nécessité d’une réunification des institutions publiques.  Si la Commission militaire conjointe 5+5 se réunit, il y a peu de progrès sur le plan militaire, a relevé le délégué.  Il a regretté l’absence de mesures concrètes pour éviter un risque d’escalade militaire.  Le retrait des armes lourdes n’a pas commencé, a-t-il aussi noté avant de se prononcer pour un retrait équilibré et progressif de tous les groupes militaires non-libyens.  Le représentant a demandé la désignation d’un Envoyé spécial acceptable pour la Libye et les pays de la région et regretté le manque d’informations du Secrétariat sur les activités de la Conseillère spéciale, Mme Stéphanie Williams.  Il est clair que la Libye ne s’est toujours pas remise de la destruction de son État à la suite de l’intervention militaire de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) il y a 11 ans, a conclu le délégué. 

S’exprimant au nom des A3, à savoir le Gabon, le Ghana et le Kenya, M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) s’est déclaré préoccupé par l’impasse politique actuelle en Libye, ainsi que par l’augmentation des mouvements de groupes armés autour de Tripoli, qui menacent d’éroder les gains laborieusement obtenus jusqu’à présent.  Après avoir appelé toutes les parties au calme et à exploiter tous les moyens de médiation à leur disposition, le délégué a appuyé le désir du peuple libyen d’organiser des élections.  Cependant, a-t-il dit, il importe que les élections soient fondées sur un cadre constitutionnel qui bénéficie du plus large consensus possible.  Aussi le représentant a-t-il proposé de faire une priorité du dialogue national et de la réconciliation.  M. Biang a également plaidé en faveur d’un renforcement du mandat de la MANUL et la mise en place de garanties contre les retombées de l’instabilité dans la région.  En effet, a-t-il observé, la présence de mercenaires et de combattants étrangers sur le territoire libyen sapent la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays et constitue une menace pour la région du Sahel.  Leur retrait nécessitera donc un suivi des processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration de ces éléments dans leurs pays d’origine, a précisé le représentant. 

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a déploré le fait que le différend actuel sur le pouvoir en Libye hypothèque l’espoir de paix dans le pays. Il a appelé les acteurs libyens à se comporter de manière responsable en invitant les acteurs internationaux à les appuyer, tout en respectant la souveraineté du pays.  L’inscription de près de 3 millions d’électeurs sur les listes électorales illustre la volonté de la population de prendre part aux élections et de se tourner résolument vers la démocratie, a-t-il salué.  Il a estimé qu’une base juridique acceptée par tous est essentielle pour que les élections puissent permettre de résoudre les divisons.  Enfin, le représentant a déploré les violations des droits humains affectant les groupes les plus vulnérables en Libye, notamment les migrants. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a reconnu que la tenue d’élections législatives et présidentielle reste la seule solution pérenne pour la stabilisation.  Il a plaidé pour que ces élections soient libres, transparentes et inclusives, avec la pleine participation des femmes, sur l’ensemble du territoire libyen, afin de pouvoir achever le processus de transition, de réunifier les institutions politiques, économiques, sécuritaires et militaires et de lutter contre l’impunité des violations des droits humains en Libye.  Il a donc encouragé les acteurs libyens à travailler à la mise en œuvre d’une feuille de route crédible pour la tenue des élections. 

M. de Rivière a souhaité un dialogue entre Libyens qui aboutisse à la présence à Tripoli d’un seul exécutif à même de gouverner sur l’ensemble du territoire et de réaliser la promesse de démocratie faite aux Libyens.  « Notre position reste constante sur ce point. »  Dans ce contexte décisif pour l’avenir de la Libye, la France appelle tous les acteurs libyens à préserver les acquis obtenus depuis un an et à mener à son terme le processus de transition politique, a-t-il dit.  Enfin, il a appelé les acteurs internationaux à œuvrer pour que les Nations Unies disposent de tous les outils nécessaires pour accompagner le processus de transition interlibyen, notamment en vue du renouvellement du mandat de la MANUL fin avril et de la nomination d’un Envoyé Spécial. 

M. BING DAI (Chine) a déclaré que « la guerre » a entraîné des conséquences catastrophiques pour la population libyenne et des retombées sur le Sahel et la région méditerranéenne.  Il a noté que les incertitudes autour du processus politique s’étaient accrues, alors que le cessez-le-feu en Libye a été acquis difficilement.  Le représentant a donc invité toutes les parties à jouer un rôle constructif et la MANUL à continuer de travailler avec la Commission militaire conjointe 5+5 pour assurer la surveillance du cessez-le-feu, aider à la démobilisation, au désarmement et à la réintégration des combattants étrangers et des mercenaires, qui doivent se retirer du pays.  Dans le cadre des consultations portant sur le calendrier et la feuille de route de la transition politique, le délégué a espéré que l’on s’attaquera aux causes profondes du report des élections et que celles-ci se tiendront dans les plus brefs délais.  Il a rappelé que la Chine avait déclaré qu’elle appuyait en principe la reconduction du mandat de la MANUL.  Enfin, le représentant a souhaité que la production pétrolière puisse revenir au niveau d’avant le conflit, dans la mesure où il s’agit du principal produit d’exportation de la Libye. 

M. MADHU SUDAN RAVINDRAN (Inde) a insisté sur l’impératif de la tenue au plus tôt des élections présidentielle et parlementaires.  Selon lui, ces élections sont nécessaires pour poursuivre l’élan donné par la signature de l’accord de cessez-le-feu d’octobre 2020.  À cet égard, il a salué les efforts de l’ONU pour former un comité mixte avec des membres de la Chambre des représentants et du Haut Conseil d’État pour décider de la base constitutionnelle pour la tenue d’élections.  Il a jugé alarmant la recrudescence d’activités terroristes et les violations continues de l’embargo sur les armes. I l a dit espérer que toutes les parties en Libye pourront s’unir autour de l’objectif de la tenue des élections. La souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale de la Libye doivent être sauvegardées, a-t-il plaidé en demandant aussi que le processus politique soit entièrement dirigé et contrôlé par les Libyens, sans imposition ni ingérence extérieure.  Il a de ce fait appelé au retrait total et complet des militaires et mercenaires, avant d’appeler à la planification du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration des groupes armés et acteurs armés non étatiques.  Il importe également que la communauté internationale concentre ses efforts sur la menace terroriste en Afrique, notamment au Sahel, a suggéré le délégué. 

Mme MONA JUUL (Norvège) a reconnu que la Libye est dans une situation fragile, en mettant en garde contre les risques d’escalade.  Elle a souligné la nécessité de préserver les gains obtenus et exhorté les acteurs à s’abstenir de toute provocation.  « Les divergences ne doivent être surmontées que par des moyens diplomatiques et politiques. »  Mme Juul a appuyé les efforts de Mme Stéphanie Williams pour la création d’une commission réunissant des membres de la Chambre des représentants et du Haut Conseil d’État en vue d’établir une base constitutionnelle pour la tenue d’élections.  Le but doit être une transition pacifique vers des institutions démocratiquement élues, a dit la déléguée, en rappelant que 2, 8 millions de Libyens sont inscrits sur les listes électorales. Elle a aussi rappelé l’obligation pour la Libye de protéger les droits humains, avant de se féliciter de l’amélioration de la situation humanitaire.  Les violations des droits des migrants et des réfugiés sont inacceptables, a tenu à rappeler la déléguée de la Norvège. 

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a jugé préoccupante la volonté de nombreux acteurs dont la légitimité politique a été mise en cause de contrôler le gouvernement libyen, avec pour risque de conduire à une escalade de la violence et à des retards dans la tenue des élections.  Des élections libres et régulières sont la seule façon de parvenir à la stabilité du pays et à la prospérité pour la population libyenne, a assuré le représentant, qui a fait part de la détermination de son pays à appuyer la volonté de la population de participer à des élections.  Il a dit soutenir les efforts entrepris par la Conseillère spéciale du Secrétaire général pour organiser un dialogue entre les principaux acteurs politiques en vue de parvenir à un accord sur une base constitutionnelle consensuelle permettant la tenue d’élection présidentielle.  Le délégué a également salué les efforts consentis par la MANUL pour appuyer le travail « remarquable » de la Commission électorale nationale libyenne pour organiser des élections régulières.  Il a condamné ceux qui veulent saper la transition politique, se disant préoccupé par les conclusions du Groupe d’experts sur la Libye, selon lequel des individus visés par des sanctions s’apprêtent à être candidats. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a dit qu’en ce moment critique, où la priorité est de préserver la stabilité sur le terrain, tous les acteurs libyens doivent s’abstenir de mesures unilatérales pouvant exacerber les divisions politiques et institutionnelles.  Inquiet aussi des menaces et tentatives actuelles de perturber la production de pétrole et de le vendre en dehors des voies officielles, il a demandé de ne pas les tolérer.  Il a ensuite exprimé ses préoccupations face au rétrécissement de l’espace civique en Libye, qui se manifeste par des attaques contre des militants politiques, des défenseurs des droits humains, y compris des femmes, et tous les acteurs de la société civile essayant de faire entendre leur voix.  À cet égard, il a plaidé pour que les auteurs du meurtre de Taili El Shariri, blogueur et militant de la société civile, soient traduits en justice, de même que tous ceux qui compromettent la paix et la stabilité en Libye. 

En outre, le représentant a demandé que les Libyens soient encouragés à rester concentrés sur les élections, sur des bases constitutionnelles et juridiques partagées, dans un cadre limité dans le temps.  Tout en réaffirmant le respect pour la souveraineté libyenne, il a dit soutenir pleinement la médiation de la Conseillère spéciale Stéphanie Williams, y compris les efforts pour convenir de la base constitutionnelle requise pour garantir la tenue d’élections libres, équitables et inclusives.  Le délégué a souligné que l’instabilité politique peut avoir des répercussions négatives sur le volet militaire. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a souligné la retenue des parties libyennes, malgré les incertitudes qui demeurent sur le processus politique.  Tous les efforts doivent se poursuivre pour promouvoir le processus politique en vue de la tenue d’élections crédibles, transparentes et inclusives, a poursuivi le délégué. Il a invité les parties à s’abstenir de toute mesure susceptible de saper les progrès obtenus et à mener un dialogue franc et transparent, dans le respect de l’unité du pays.  Les jeunes et les femmes doivent participer à chaque étape dudit processus, a-t-il rappelé.  Il a souligné l’importance d’appliquer le Plan d’action en vue du retrait des forces étrangères du pays.  Le délégué a aussi appelé à la réunification des institutions publiques afin de prévenir toute résurgence terroriste.  Enfin, il s’est félicité de l’amélioration de la situation humanitaire en Libye et réitéré son appui à la MANUL. 

M. TAHER M. T. ELSONNI (Libye) a commencé par déclarer que, de certaines déclarations aujourd’hui, transparaissaient une incapacité à décrire clairement ce qui se passe dans son pays, et peut-être même à le comprendre, non pas par manque de connaissances, mais à cause de la complexité de la situation.  « En effet, le spectre de la division politique et institutionnelle plane à nouveau sur nous, un an après l’accord de Genève, et ce blocage politique intervient alors que s’amorçait le début d’un consensus collectif et la fin du conflit armé. »  Tous les efforts doivent maintenant porter sur la désescalade et l’organisation des élections qui n’ont pas pu se tenir en décembre dernier, a exhorté le représentant.  Dès que des signes de détente se font jour dans la crise libyenne et que nous faisons un pas en avant, certains tentent de nous faire reculer, a-t-il déploré, en insistant sur le fait que la mésentente et l’absence de consensus véritable restent la principale caractéristique de la scène politique actuelle en Libye.  Il a dénoncé les interventions internationales négatives, les interventions de pays qui ont exporté leurs conflits, les présences étrangères illégales. «  Notre stabilité est devenue l’otage de leurs intérêts », s’est élevé le délégué

Par conséquent, la tenue d’élections transparentes et équitables, avec des lois consensuelles et une base constitutionnelle solide, est le seul vrai garant d’un rétablissement de la légitimité du peuple, d’une fin du conflit et de la résolution de la crise, a-t-il expliqué.  Il a indiqué que le Premier Ministre du Gouvernement d’unité nationale avait récemment annoncé une initiative pour sortir de l’impasse politique, avancer vers les élections et créer les conditions politiques nécessaires à leur tenue dans les meilleurs délais.  La Commission électorale nationale a dépêché ses équipes pour évaluer les besoins, afin de préparer les scrutins suffisamment à l’avance. 

Le Conseil présidentiel, a poursuivi le représentant, a initié plusieurs réunions et dialogues avec les forces nationales à travers tout le pays, pour trouver des dénominateurs communs à travers lesquels résoudre l’impasse politique actuelle.  En outre, a-t-il précisé, un Comité a été mis en place, composé d’experts juridiques, pour préparer le projet de loi de réconciliation qui sera soumis à l’autorité législative pour approbation.  « Et puisque nous parlons de réconciliation, ne manquons pas de rappeler l’importance de soutenir les efforts de la Commission militaire conjointe 5+5, dont le soutien sera indispensable pour assurer la levée des obstacles qui empêchent la pleine application des dispositions du cessez-le-feu, au premier rang desquelles figurent la fin de toute forme de présence étrangère sur le territoire libyen. » 

La Libye n’est pas isolée du cycle malheureux de conflits internationaux auquel le monde assiste ces jours-ci, qui a sans aucun doute un impact direct et indirect sur la situation en Libye et dans la région, a aussi fait remarquer le représentant.   Des parties internationales s’immiscent et s’affrontent sur nos terres, a-t-il affirmé.  « Nous mettons donc en garde contre certaines tentatives d’instrumentalisation de la Libye pour y transférer des conflits et y régler des comptes régionaux », a prévenu le représentant, en citant notamment la « tentative de manipulation du dossier énergétique ».  Il a prévenu que tout préjudice dans ce domaine et son utilisation comme moyen de pression dans le conflit international en cours « est inacceptable et aura des conséquences locales ».

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