SC/14881

Déclaration publique de la Présidente du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés

Le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés a décidé, à l’occasion de l’examen du cinquième rapport du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé au Yémen (S/2021/761), d’adresser, sous la forme d’une déclaration publique de sa présidente, les messages suivants:

À toutes les parties au conflit armé qui sont citées dans le rapport du Secrétaire général, et en particulier aux groupes armés non étatiques, tels que les houthistes (qui se font appeler Ansar Allah), ainsi que Al-Qaida dans la péninsule arabique et l’État islamique d’Iraq et du Levant-Yémen:

  • Condamne vigoureusement toutes les violations et les exactions qui continuent d’être commises contre des enfants au Yémen, note avec inquiétude l’augmentation du nombre de violations, ainsi que l’effet négatif disproportionné de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) sur les enfants, qui a davantage accentué les problèmes existants, demande instamment à toutes les parties au conflit d’éliminer et de prévenir immédiatement les violences et les exactions contre les enfants, notamment les meurtres ou atteintes à l’intégrité physique d’enfants, le recrutement et l’utilisation d’enfants, le viol et d’autres formes de violence sexuelle, les attaques contre les écoles et les hôpitaux, les enlèvements et le refus d’accès humanitaire, et de s’acquitter de leurs obligations au regard du droit international;
  • Prie toutes les parties de continuer de donner suite aux conclusions précédentes du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur le sort des enfants en temps de conflit armé au Yémen (S/AC.51/2013/3 et S/AC.51/2020/1);
  • Souligne qu’il importe d’établir les responsabilités concernant toutes les violations et exactions commises contre des enfants en temps de conflit armé et de faire traduire en justice tous les responsables et de les amener à répondre de leurs actes sans délai, notamment de procéder à des enquêtes systématiques et diligentes et, s’il y a lieu, d’engager des poursuites judiciaires et de prononcer des condamnations;
  • Insiste sur le fait qu’il faut principalement tenir compte, lors de la planification et de l’application des mesures prises en faveur des enfants dans les situations de conflit armé, de l’intérêt supérieur de l’enfant ainsi que des vulnérabilités et des besoins particuliers des filles et des garçons;
  • Condamne vigoureusement le recrutement et l’utilisation d’enfants par les parties au conflit citées dans le rapport, dont la majorité ont été recrutés et utilisés par les houthistes, note que deux tiers environ des enfants ont été recrutés et utilisés au cours des combats et un tiers environ dans d’autres rôles, ayant notamment été affectés à la surveillance de postes de contrôle militaires et au placement ou au déminage, constate que le recrutement et l’utilisation d’enfants ont souvent été liés aux autres six violations graves commises contre les enfants touchés par les conflits armés, en particulier les meurtres ou les atteintes à l’intégrité physique, demande instamment à l’ensemble des forces ou des groupes armés de libérer immédiatement et sans conditions préalables tous les enfants qui leur sont associés et de prévenir et d’éliminer tout nouveau cas d’enrôlement ou d’utilisation d’enfants, conformément aux obligations que leur impose le droit international, en particulier celles découlant du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, et à la déclaration faite par le Yémen au moment de son adhésion en 2007;
  • Se dit préoccupé par la privation de liberté à laquelle sont soumis des enfants par des parties au conflit armé, au motif de leur association supposée avec des forces ou des groupes armés, et exhorte toutes les parties au conflit à relâcher ces enfants et à veiller à leur pleine réintégration au moyen de programmes de protection de l’enfance, demande instamment que les enfants qui auraient été associés à des parties au conflit soient traités avant tout comme des victimes, notamment ceux qui sont accusés d’avoir commis des crimes, et que la détention ne soit utilisée qu’en mesure de dernier recours et de la durée la plus brève possible, conformément au droit international et en s’inspirant des Principes directeurs relatifs aux enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés (Principes de Paris) approuvés par le Gouvernement yéménite en décembre 2012;
  • Demande à toutes les parties qui ne l’ont pas encore fait de renforcer leur dialogue avec l’Organisation des Nations Unies en vue d’élaborer et d’adopter des instructions permanentes en faveur de la libération et de la réintégration des enfants associés aux parties au conflit, et d’accorder un accès immédiat aux acteurs civils de la protection de l’enfance pour faciliter la libération et la réintégration de ces enfants dans leur communauté, souligne que la réintégration familiale et locale des enfants qui étaient associés à des parties au conflit est essentielle pour leur garantir un avenir et pour prévenir les risques de réenrôlement en violation du droit international et se félicite à cet égard de l’action menée par le Gouvernement yéménite et la Coalition en appui à la légitimité au Yémen pour réunir les enfants anciennement associés à des groupes armés avec leur famille;
  • Condamne vigoureusement le nombre élevé d’enfants tués et grièvement blessés, notamment au cours de tirs de mortier et d’artillerie et de combats au sol: tirs d’armes de petit calibre et de tireurs isolés, mines et restes explosifs de guerre, ainsi que de frappes et d’autres attaques aériennes, et constate la tendance à la hausse du nombre de victimes parmi les enfants, à la suite de collisions de véhicules militaires, exhorte toutes les parties à respecter les obligations que leur impose le droit international humanitaire, en particulier les principes de discrimination et de proportionnalité et l’obligation de prendre toutes les précautions possibles pour éviter ou, en tout état de cause, réduire autant que faire se peut les dommages causés aux civils ou aux biens de caractère civil et, dans ce contexte, se déclare vivement inquiet de la fréquence des pilonnages à proximité immédiate de zones résidentielles;
  • Se déclare profondément préoccupé par les cas de viol et d’autres formes de violence sexuelle perpétrés contre des enfants et par l’absence de services appropriés pour les victimes; exhorte toutes les parties au conflit armé à prendre immédiatement des mesures concrètes pour prévenir et éliminer les viols et d’autres formes de violence sexuelle perpétrés sur la personne d’enfants, souligne qu’il importe que les responsables de violence sexuelle et fondée sur le genre commises contre des enfants répondent de leurs actes, note avec préoccupation que le viol et d’autres formes de violence sexuelle continuent d’être sous-estimés du fait de la crainte de la stigmatisation, des normes culturelles, du défaut de sensibilisation, de la peur des représailles, des menaces ainsi que de l’inadéquation des services d’accompagnement, et souligne qu’il importe de fournir aux personnes rescapées de violence sexuelle liée au conflit des services spécialisés, intégrés et sans distinction, dans les domaines psychosocial et sanitaire, y compris de santé sexuelle et reproductive, ainsi qu’une assistance juridictionnelle et des aides à des moyens de subsistance ;
  • Condamne vivement les attaques contre les écoles et les hôpitaux, notamment les personnes protégées, commises en contravention du droit international et qui menacent le droit des enfants à l’éducation, note avec préoccupation que des écoles ont servi à la diffusion de propagande et à des fins de recrutement, ce qui a empêché dans certains cas des écoliers d’assister aux cours, demande à toutes les parties au conflit armé de se conformer aux dispositions applicables du droit international et de respecter le caractère civil des écoles et des hôpitaux et de leur personnel et d’éliminer et de prévenir les attaques ou menaces d’attaques contre ces établissements et leur personnel, en violation du droit international, se déclare vivement inquiet du nombre de détournements d’écoles et d’hôpitaux à des fins militaires, ce qui perturbe l’éducation de milliers d’enfants au Yémen;
  • Condamne fermement l’enlèvement d’enfants, notamment aux fins de leur recrutement et de leur utilisation par les parties au conflit, ainsi que les autres formes d’exploitation et le recours aux rançons, et exhorte toutes les parties concernées à cesser d’enlever des enfants et à libérer immédiatement tous les enfants enlevés;
  • Se déclare profondément préoccupé par la crise humanitaire au Yémen, condamne fermement le nombre inédit de refus d’accès humanitaire aux enfants, notamment les attaques contre le personnel, les installations et les biens humanitaires, note en particulier les signalements de retards et de retenues d’agents humanitaires à des points de contrôle et demande à toutes les parties au conflit armé et en particulier aux houthistes, de permettre et de faciliter, conformément aux obligations que leur impose le droit international, y compris le droit international humanitaire, un accès sûr, rapide et sans entrave aux enfants, et rappelle également les principes directeurs de l’Organisation des Nations Unies relatifs à l’aide humanitaire d’urgence adoptés par l’Assemblée générale dans sa résolution 46/182 ainsi que les principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance régissant l’action humanitaire, de respecter la nature exclusivement humanitaire et l’impartialité de l’aide humanitaire, ainsi que les travaux de tous les organismes des Nations Unies et de leurs partenaires humanitaires, sans aucune distinction défavorable;
  • Encourage ceux qui sont ou seront engagés dans des pourparlers et des accords de paix à veiller à ce que des dispositions relatives à la protection de l’enfance, notamment à la libération et à la réintégration d’enfants précédemment associés à des forces ou à des groupes armés, ainsi qu’aux droits et au bien-être des enfants, soient incorporées, le cas échéant, dans toutes les négociations de paix, tous les accords de cessez-le-feu et de paix et les arrangements relatifs au contrôle du cessez-le-feu, et à ce que l’avis des enfants soit pris en compte à cette occasion, dans la mesure du possible;
  • Se déclare gravement préoccupé par les problèmes de sécurité, d’accès et d’autres problèmes auxquels font face les membres du personnel des Nations Unies chargés du mécanisme de surveillance et de communication de l’information sur les six violations graves commises contre des enfants en situation de conflit armé, et demande instamment aux parties au conflit qu’elles fassent le nécessaire pour aider ce personnel à accéder en sûreté et sans entrave aux territoires à des fins de surveillance et d’information et cessent immédiatement de menacer le personnel du mécanisme et notamment les observateurs, ainsi que la population locale dans les lieux où les allégations de violations et d’atteintes sont examinées;
  • Demande à toutes les parties au conflit citées dans les annexes au rapport annuel du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé, si elles ne l’ont pas encore fait, de signer et d’appliquer, en collaboration avec l’Organisation des Nations Unies, un plan d’action visant à éliminer et à prévenir les six violations graves commises contre des enfants, et d’engager à cet effet un dialogue avec l’Organisation, et leur demande de donner suite aux conclusions précédentes du Groupe de travail sur le sort des enfants en temps de conflit armé au Yémen;

Aux houthistes:

  • Se déclare vivement préoccupé par toutes les violations et les exactions qui continuent d’être commises par les houthistes contre des enfants au Yémen, note que les houthistes sont les principaux auteurs des six graves violations contre les enfants touchés par le conflit armé au Yémen, constate les mesures prises par les houthistes concernant la formalisation d’un dialogue consacré à la protection des enfants avec l’Organisation des Nations Unies en juillet 2019, l’élaboration d’un plan d’action conjoint, ainsi que la signature en avril 2020 d’un protocole en vue du transfert des enfants capturés durant les opérations militaires, exhorte les houthistes à prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour s’acquitter des obligations découlant du droit international, de renforcer le dialogue en cours avec l’Organisation des Nations Unies au Yémen, d’appliquer le plan d’action et de mettre en place le protocole existant relatif au transfert, et leur demande d’appliquer les conclusions précédentes du Groupe de travail sur les enfants dans les conflits armés;

Aux notables locaux et aux chefs religieux:

  • Souligne la contribution importante des notables locaux et des chefs religieux au renforcement de la protection des enfants touchés par le conflit armé;
  • Les exhorte à renforcer la protection à l’échelle locale et à condamner publiquement les violations et les exactions commises contre des enfants, en particulier le recrutement et l’utilisation d’enfants, les meurtres ou atteintes à l’intégrité physique, le viol et les autres formes de violence sexuelle, les attaques et les menaces d’attaques visant des écoles et des hôpitaux, les enlèvements et le refus de l’accès humanitaire, tout en continuant de se mobiliser pour prévenir et éliminer ces violations et exactions, et à se concerter avec le Gouvernement yéménite, l’Organisation des Nations Unies et les autres parties prenantes compétentes pour favoriser la réintégration et la réadaptation, au sein de leur communauté, des enfants touchés par le conflit armé, notamment par des activités de sensibilisation visant à prévenir toute stigmatisation de ces enfants.
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