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Pour éteindre les « incendies » qui consument le monde, l’ONU doit prendre la parole et agir, affirme le Secrétaire général devant la presse

Dans la foulée de son rapport sans concession à l’Assemblée générale sur l’état du monde, ravagé, selon lui, par « cinq foyers d’incendie » qui sont autant d’« accélérateurs de l’enfer », le Secrétaire général de l’ONU a lancé, cet après-midi, lors d’une conférence de presse au Siège des Nations Unies à New York, un nouvel appel à l’action et à la solidarité pour répondre de toute urgence à ces problèmes « créés par l’humanité ».  Face à un tel sinistre planétaire, les Nations Unies, nées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, « à la suite d’un génocide sans précédent », ont « l’obligation de prendre la parole et d’agir pour éteindre le feu », a soutenu M. António Guterres. 

Ces « incendies », a-t-il répété, ce sont les inégalités et l’injustice dans la lutte contre la pandémie de COVID-19, un système économique mondial « truqué » aux dépens des pauvres, une action insuffisante face à la menace climatique « existentielle », un espace numérique « digne du Far West » et des conflits partout alimentés par la crise socioéconomique.  Des défis qui ont un impact direct sur la vie de chacun et qui, loin d’être isolés, se nourrissent les uns des autres. 

Pour le Chef de l’ONU, résoudre ces problèmes « exige de la solidarité » car « quand l’égoïsme gagne, tout le monde perd ».  Constatant que ces « incendies » suscitent la méfiance et entraînent une perte de confiance dans les institutions, il a dit craindre l’émergence du « crépuscule des valeurs partagées ».  Aux quatre coins du monde, a-t-il observé avec gravité, « nous voyons l’érosion des valeurs fondamentales » que sont l’égalité, la justice, la coopération, le dialogue et le respect mutuel.  De fait, « l’injustice, les inégalités, la méfiance, le racisme et la discrimination jettent une ombre noire sur toutes les sociétés ».

Dans ce contexte, « nous devons restaurer la dignité et la décence humaines », a poursuivi le Secrétaire général.  « Nous devons empêcher la mort de la vérité et nous élever à nouveau contre le mensonge », a-t-il martelé en conclusion de son plaidoyer, à la suite duquel il a répondu aux questions des journalistes. 

Interrogé sur l’« incendie potentiel » que représente la menace d’une invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie, M. Guterres s’est voulu clair quant à la position de l’ONU: « il faut éviter toute intervention militaire et la diplomatie est le meilleur moyen d’y parvenir ».  Refusant d’établir une « distinction sémantique » entre les termes « incursion » et « invasion », il a prévenu que ces deux éventualités seraient contraires au droit international.  Sans faire de commentaire sur le fond, il a souhaité que le dialogue entamé à Genève par le Ministre russe des affaires étrangères et son homologue américain conduise à une désescalade des tensions.  « J’espère que la diplomatie prévaudra », a-t-il insisté, ajoutant que, bien que l’ONU ne soit pas impliquée dans ces discussions, ses bons offices « restent disponibles à tout moment ». 

Le Secrétaire général a d’autre part estimé que cette crise n’est pas vraiment comparable à la guerre froide de la seconde moitié du XXe siècle, puisque cette dernière faisait s’affronter « deux blocs constitués », avec des règles claires de prévention du conflit.  Il y avait une forme de « prévisibilité » qui n’est plus de mise aujourd’hui, la situation actuelle étant « plus chaotique et moins lisible ».  Quant à savoir si l’ONU prépare un retrait de son personnel en Ukraine, M. Guterres a répondu que la priorité du moment n’est pas d’élaborer des « plans d’urgence » mais d’éviter une confrontation qui serait extrêmement négative pour tous. 

S’agissant du Yémen, où le conflit gagne en intensité, le Secrétaire général a qualifié de « grande erreur » l’attaque perpétrée par les milices houthistes contre Abou Dhabi, la capitale des Émirats arabes unis, y voyant une « escalade regrettable » alors que « ce dont nous avons besoin, c’est d’avoir, comme nous le proposons depuis longtemps, un cessez-le-feu, ainsi que l’ouverture des ports et des aéroports, puis le début d’un dialogue sérieux entre les parties ».  Il a également dénoncé le bombardement « inacceptable » de civils par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et regretté que les houthistes refusent de recevoir son Envoyé spécial, jugeant qu’il serait dans leur intérêt de dialoguer avec lui.  

Au moment où les États-Unis envisagent de réinscrire les houthistes sur leur liste noire des organisations terroristes, M. Guterres n’a pas souhaité prendre position sur la question des sanctions, qui, a-t-il rappelé, relève des prérogatives du Conseil de sécurité et non du Secrétariat de l’ONU.  Il a toutefois averti que ces mesures peuvent créer des difficultés supplémentaires pour la population yéménite.  « Nous devons faire en sorte qu’aucune décision n’affecte négativement l’aide humanitaire », a-t-il dit. 

En ce qui concerne l’Afghanistan, le Chef de l’ONU a reconnu que la situation des droits humains y reste préoccupante, en particulier pour les femmes et les filles.  Bien que des jeunes filles puissent retourner à l’école dans certaines régions et que quelques entités gouvernementales autorisent les femmes à travailler, « c’est encore trop peu », a constaté M. Guterres.  D’après lui, l’ONU ne cesse de faire valoir aux Taliban que des progrès sur ce point sont indispensables s’ils veulent bénéficier d’une reconnaissance et d’un soutien financier de la communauté internationale.  Il a cependant souligné que tout doit être fait pour éviter un effondrement économique du pays qui représenterait une « punition collective » pour le peuple afghan.

Le Secrétaire général a par ailleurs appelé de ses vœux la tenue d’élections en Libye au premier semestre de cette année, avant de préciser que sa récente discussion avec le colonel Assimi Goïta, chef de la junte au pouvoir au Mali, visait à créer les conditions d’un dialogue pouvant conduire à un calendrier électoral « acceptable ».  Toujours à propos du Mali, il a démenti toute discussion sur le groupe Wagner, société militaire privée russe, cette question relevant, selon lui, des prérogatives souveraines du Mali.  « Ce que nous voulons, c’est une coopération effective entre la Mission des Nations Unies (MINUSMA) et l’armée nationale ainsi que le respect du droit international. » 

Enfin, après avoir plaidé en faveur d’un dialogue et de négociations constructives entre les États-Unis et la Chine sur les « questions technologiques », M. Guterres a assuré que sa prochaine visite à Beijing, à l’occasion des Jeux olympique d’hiver, n’aurait aucune dimension politique.  « Elle répond à l’invitation du Comité international olympique (CIO), avec lequel l’ONU entretient un partenariat fort », a-t-il affirmé, ajoutant qu’il s’agit surtout de promouvoir cette « possibilité de respect mutuel », à une époque où des fléaux comme le racisme, l’intolérance et l’antisémitisme s’amplifient dans le monde. 

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