ALGERIE

Discours

Du

Abdelaziz Bouteflika
Président du Algérie

Conference internationale sur le Financement du Developpment 

Monterrey, Mexico 
le 21 mars 2002

Monsieur le Président,
La tenue de notre importante Conférence en terre mexicaine est, incontestablement, une marque de reconnaissance pour le rôle actif de votre grand pays dans les principaux débats sur les thèmes qui façonnent notre monde. Elle est aussi un hommage aux illustres dirigeants mexicains dont la vision aura marqué la riche histoire du Mexique et trouvé son prolongement naturel dans l'action constante et persévérante de votre pays en faveur de la paix et de la prospérité universelles.

Je tiens à vous exprimer mes sentiments de sincère gratitude pour l'accueil chaleureux et l'hospitalité généreuse que vous nous avez réservés, ainsi que pour les conditions organisationnelles excellentes assurées pour nos travaux.

Monsieur le Président,
Messieurs les Chefs d'Etat et de Gouvernement, 
Mesdames et Messieurs,

Le financement du développement constitue, aujourd'hui, un enjeu majeur. Il est l'un des vecteurs essentiels pour l'expansion de la prospérité et de la réduction de la pauvreté. C'est dire la dimension éminemment politique de cet enjeu. Son traitement, assuré pour la première fois, et au plus haut niveau dans le cadre universel qui est celui de notre conférence, est en cela porteur de réelles perspectives pour des actions concertées et novatrices.

Notre conférence s'intègre opportunément au processus global que nous avons collectivement tracé lors du Sommet du Millénaire en vue du renforcement de la coopération internationale et de la réunion des conditions de stabilité et de prévisibilité qui restent nécessaires à un développement mondial plus rationnel et équitable et auquel aspirent tous les peuples.

Elle nous offre assurément l'occasion tout d'abord d'approfondir la dynamique ouverte par les accords réalisés lors de la conférence de l'OMC à Doha en vue d'atteindre l'objectif d'un système commercial multilatéral plus ouvert, transparent et expurgé des pratiques restrictives qui font obstacle à une plus grande participation des pays en développement à l'expansion des échanges internationaux.

Nos travaux doivent aussi marquer une étape importante pour contribuer à assurer l'assise indispensable pour garantir le succès de notre prochain rendez-vous de Johannesburg visant à promouvoir un développement durable qui permette de satisfaire les besoins des générations actuelles et futures, tout en veillant à la préservation des écosystèmes planétaires.

Ces dernières années nous ont permis de prendre l'exacte mesure des problèmes pratiques qui se posent dans de nombreux domaines à l'économie mondiale et de l'importance et la sensibilité des enjeux qu'ils revêtent. Les domaines monétaire et financier, trop souvent marqués par l'instabilité, voire la volatilité, sont au centre de tels enjeux en raison de la portée de leurs incidences qui ne peuvent plus être circonscrites à l'échelle d'un pays ou d'une région.

La persistance du problème de l'endettement, mais aussi des phénomènes tels que les mouvements spéculatifs massifs de capitaux, le blanchiment d'argent provenant d'activités illicites ou le financement du terrorisme se présentent, à leur tour, comme autant de révélateurs incontestables des dysfonctionnements du système monétaire et financier international.

Les réponses ad-hoc et les mesures ponctuelles qui ne pouvaient naturellement prendre en charge que les aspects immédiats de gestion de crise ont toutes montré leurs limites comme l'attestent la succession des crises et leur récurrence.

C'est dire la nécessité de prendre en compte le caractère global et interdépendant des enjeux monétaires, financiers et économiques. Il convient, dès lors, d'appréhender la problématique d'une adéquation appropriée du cadre et des moyens d'action nationaux et internationaux pour que l'architecture monétaire et financière soit mise au service d'une croissance saine et durable. Ceci postule une démarche prenant en charge de manière intégrée l'ensemble des facteurs entravant un développement continu des relations économiques internationales et, partant, de l'économie mondiale.

A cet effet, il s'agit, en premier lieu, de faciliter l'articulation nécessaire entre l'économie financière et l'économie réelle. Il est établi que la déconnexion entre ces deux sphères a été plus d'une fois génératrice de désordres, de déséquilibres et de crises.

Il s'agit, ensuite, de favoriser la mobilisation de ressources financières pour le développement à long terme, sur une base continue, sûre et prévisible, en renforçant les institutions financières nationales, régionales et internationales. Il s'agit, enfin, de préparer avec pragmatisme la transition d'une économie mondiale reposant sur le surendettement à une économie mondiale entretenue par l'exploitation optimale du vaste potentiel de croissance des flux d'investissements directs internationaux productifs.

Ce sont là les trois directions. dans lesquelles il importe de s'engager résolument et simultanément si nous voulons assurer des fondements solides au développement économique mondial.

A la base de cette démarche se situe la définition des politiques et mesures à mettre en oeuvre tant au niveau national, régional que global.
Au niveau national, les exigences d'un cadre macro-économique assaini et stable, d'un renforcement des capacités institutionnelles, de réformes des systèmes fiscal, financier et bancaire constituent les soubassements indispensables à des politiques de génération et de mobilisation optimale de l'épargne et de stimulation de l'investissement. L'Etat, qui ne peut, certes, se substituer au marché, se doit de veiller à ce que celui-ci réponde aux impératifs de croissance continue de l'économie, de création d'emplois et de réduction de la pauvreté dans des conditions générales de stabilité.
Au plan régional, des efforts déterminés de convergence et d'harmonisation des politiques monétaires, financières et fiscales, ainsi que le renforcement des institutions et des instruments de coopération s'imposent également pour aménager un environnement qui soit de nature à favoriser un essor des flux financiers et d'investissement pour assurer à la fois le développement national, l'intégration sous-régionale et régionale et l'insertion active dans le processus de mondialisation.

Au plan mondial, il s'agit de poursuivre et d'intensifier le processus évolutif d'adaptation des institutions existantes aux exigences induites par la mondialisation de l'économie, des finances et des échanges.

Dans une économie mondiale dont la croissance est désormais liée à des interactions appropriées entre les politiques économiques générales et sectorielles, l'exigence d'un élargissement de la coopération multilatérale s'avère incontournable.

C'est dire le rôle crucial qui revient aux institutions internationales dans la poursuite de l'objectif d'une croissance économique mondiale soutenue et équilibrée. Une telle croissance est du domaine du possible pour peu que des solutions constructives soient dégagées pour traiter les problèmes majeurs qui affectent l'économie mondiale dans son ensemble.

Ceci suppose, d'abord, une coordination plus efficace des politiques en vue d'assurer leur compatibilité et une plus grande symétrie dans le processus d'ajustement qui doit davantage être orienté vers la valorisation du potentiel productif des pays en développement. Ceci requiert, ensuite, une rationalisation de l'offre et de la gestion des liquidités internationales en rapport avec les besoins de développement et d'une plus grande participation des pays en développement à l'économie mondiale.

Ceci postule, enfin, la mobilisation optimale des flux d'investissements étrangers directs, un accroissement significatif de l'aide publique au développement, et un traitement adéquat du problème de l'endettement de manière à lever l'hypothèque qu'il fait peser sur les perspectives de développement mondial.

Monsieur le Président,
Le présent Sommet sur le financement du développement revêt une importance toute particulière pour l'Afrique du fait qu'il se tient à un moment ou le continent est engagé dans une entreprise de redressement de vaste portée à travers l'initiative de Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique.

Toutefois, et quelque soit leur degré de pertinence, les efforts africains ne pourraient produire pleinement leurs effets escomptés que s'ils bénéficient d'un environnement économique mondial favorable et d'un soutien consistant de la communauté internationale.

Il me plaît, à cet égard, de relever que le Sommet du G8 de Gênes a pris en compte cette donnée à travers la préparation d'un Plan d'Action concret pour l'Afrique destiné à accompagner le processus de redressement du continent. De même, les autres partenaires au développement de l'Afrique ont manifesté leur adhésion et soutien à cette entreprise africaine.

Ces engagements d'envergure confortent le continent dans sa résolution à aller de l'avant pour forger son devenir et occuper la place qui doit être la sienne dans le monde et contribuer, à son tour, à l'expansion de l'économie mondiale et au progrès universel.

Monsieur le Président,
Les objectifs communs qui nous rassemblent ici nous interpellent dans notre capacité collective à promouvoir des partenariats opérationnels en vue de favoriser un développement accéléré et bénéfique à la prospérité et la paix mondiales.

Aussi, nos présentes assises devraient-elles déboucher sur des engagements fermes d'oeuvrer ensemble à une meilleure organisation et gestion de la coopération financière et monétaire internationale aux fins d'une unification économique plus effective de notre monde.

Notre conférence, qui reflète une nette prise de conscience de la nécessité de mettre la mondialisation au service de la croissance et du bien-être pour tous, augure de l'ouverture d'une nouvelle ère où il s'agit de replacer le développement au centre de l'entreprise d'entente, de coopération et de solidarité entre tous les peuples et les nations que nous avons solennellement engagées lors du Sommet du Millénaire. Les membres de la communauté internationale se doivent d'apporter individuellement et collectivement leur pleine contribution à cette oeuvre d'envergure.
Nous saluons, à ce titre, la décision du Président Bush d'augmenter sensiblement le niveau de l'aide publique américaine au développement et formons le voeu qu'une initiative aussi généreuse soit suivie d'autres actions aussi concrètes, qui ne peuvent que donner toute leur signification aux efforts que nous déployons collectivement.

Monsieur le President,
Les enjeux vitaux du financement du développement au bénéfice des générations présentes et futures rejoignent et amplifient les autres défis majeurs de l'époque contemporaine qui ressortissent de la problématique de la sécurité humaine. Les événements tragiques du 11 septembre ont scellé d'une marque indélébile la première année du troisième millénaire en l'apparentant au paroxysme des égarements meurtriers qui ont ponctué le parcours tourmenté de l'humanité vers l'accomplissement d'un destin forcément solidaire.

En cela, l'année 2001 est celle de la survenance d'une fracture profonde de l'ordre international. A l'instar de tous les événements à forte charge émotionnelle et à haute valeur symbolique, la tragédie du 11 septembre que la communauté internationale a vécue dans une intense et rare communion avec le peuple et le gouvernement des Etats Unis peut être génératrice du meilleur comme du pire pour la gestation de l'ordre mondial de demain.

D'évidence, l'attention de tous doit se porter en priorité vers tout ce qu'il est nécessaire de faire, ou d'éviter de faire, pour rendre objectivement impossible la réédition, en quelque lieu que ce soit, d'irruptions de violence d'une telle ampleur, quelles que puissent en être les causes.

Dans cette perspective, s'impose une rupture définitive avec les instincts, les calculs et les schémas de pensée qui ont trop souvent fourvoyé l'humanité sur des chemins côtoyant l'abîme.

Le moment est venu d'œuvrer, ensemble, à bâtir la « mondialisation politique » pour ne pas avoir à la subir séparément. Pour ce faire, il importe de valoriser la diversité de la société internationale dans des cadres multilatéraux authentiquement représentatifs.

Une telle mondialisation politique que façonnent imperceptiblement l'instantanéité des communications et l'omniprésence à travers le monde des germes de risques majeurs de tous genres et qui se manifeste par la montée des angoisses, voire d'accès de violence, de segments d'une société civile internationale en cours de formation doit être prise pour ce qu'elle est : un nouvel horizon et un nouveau défi pour la conscience de tous les hommes.

Je vous remercie de votre attention



Déclarations faites durant la Conférence
Nouvelles de la Conférence