FONDS INTERNATIONAL DE DÉVELOPMENT AGRICOLE

Allocution prononcée 

par 

M. Lennart Båge 

Président du FIDA

Conférence internacional sur le financement du développement

Monterrey, Mexique
18 mars 2002

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, 

C'est pour moi un honneur que d'avoir la possibilité de prendre la parole devant cette session ministérielle de la Conférence internationale sur le financement du développement. 

La vision qui inspire la Conférence sur le financement du développement a été définie par les dirigeants mondiaux réunis lors du Sommet du Millénaire, qui ont proclamé leur engagement de réduire la pauvreté de moitié d'ici à 2015 et d'atteindre les autres objectifs de développement précisés lors du Sommet. 

Aujourd'hui, plus de 1,2 milliard d'êtres humains continuent de vivre dans une pauvreté extrême et tentent de subsister avec moins de un dollar par jour. Les trois quarts environ d'entre eux, soit quelque 900 millions de personnes, vivent en milieu rural et, en 2025, les ruraux continueront de 
représenter la majorité des pauvres. La coopération pour le développement, si l'on veut qu'elle tende principalement à atténuer la pauvreté, doit par conséquent être ciblée sur les régions rurales, car c'est là que vivent effectivement les pauvres. 

Cependant, la substance de l'aide au développement est un aspect tout aussi critique que son orientation. Certes, les investissements dans la santé et dans l'éducation revêtent une importance capitale, eu égard en particulier aux ravages que causent la pandémie du sida et d'autres maladies. transmissibles extrêmement répandues. Cependant, comme l'immense majorité des populations pauvres et vulnérables vivent en milieu rural, les dépenses consacrées au secteur social doivent elles aussi, pour l'essentiel, être affectées aux régions rurales, principalement pour le renforcement des systèmes de soins de santé primaire et d'éducation. 

Or, il est peu probable que les investissements dans le secteur social soient durables s'ils ne vont pas de pair avec une augmentation de la production et des revenus. C'est ainsi, par exemple, que pendant les années 70 et le début des années 80, la Tanzanie a enregistré des progrès impressionnants dans les domaines des investissements sociaux et des indicateurs sociaux, mais ces progrès se sont avérés éphémères lorsqu'il n'a pas été possible d'accroître la production et les revenus au même rythme. Il faut par conséquent trouver un juste milieu entre les investissements dans le secteur social et les investissements tendant à appuyer les activités productives des pauvres. 

Les 900 millions de ruraux pauvres vivent en majorité de l'agriculture et des métiers et services connexes. Le moyen le plus efficace de réduire la pauvreté consiste donc à créer des conditions telles que les petits exploitants, et surtout les femmes qui, dans de nombreux pays, sont celles qui produisentla majeure partie des cultures vivrières, ainsi que les autres groupes de ruraux pauvres, puissent améliorer leur productivité et accroître leur revenu. Or, il faut pour cela des politiques qui encouragent la croissance dans le secteur rural et agricole. 

Regrettablement, l'aide publique au développement, ces dernières années, a suivi une orientation tout à fait opposée. En fait, entre 1988 et 1999, la part de l'APD allouée au secteur rural a beaucoup diminué et le volume de l'APD affectée à l'agriculture a reculé de près de 50%. Selon les estimations de l'OCDE, l'apport d'APD à l'agriculture ne représente aujourd'hui que 8% du total environ. Huit pour cent de l'APD pour soutenir les moyens de subsistance des trois quarts des pauvres. Il y a-t-il quelque logique à cela? 

Hormis quelques pays riches en minéraux, l'expansion et le développement économique ont toujours eu comme moteur l'augmentation de la productivité et de la production agricoles. Cela vaut aussi bien pour l'Angleterre du dix-huitième siècle que pour les tigres d'Asie du vingtième. Aujourd'hui, dans nombre de pays à faible revenu, la petite agriculture et l'emploi rural connexe représentent une forte proportion de l'emploi total et une partie substantielle des exportations. Dans ces pays, on voit difficilement comment l'on pourrait soutenir l'expansion économique en l'absence d'une amélioration de la productivité et d'une augmentation de la production agricoles. 

Monsieur le Président, 
Réduire la pauvreté de moitié au cours des 25 prochaines années n'est pas un objectif hors de portée. En fait, plusieurs pays d'Asie de l'est et même certaines provinces de l'Inde, qui sont plus vastes que bien des pays, ont réussi à réduire la pauvreté de 50% ou plus entre 1975 et 2000. Il ne s'agit donc pas d'un objectif irréalisable. Ce qu'il faut, c'est adopter des politiques appropriées et mobiliser les ressources nécessaires. 

Il ressort des rapports établis pour cette Conférence et pour le Comité du développement que, si l'on veut atteindre les objectifs fixés lors du Sommet du Millénaire, l'APD devra augmenter de 50 à 54 milliards de USD par an, soit pratiquement doubler par rapport à son niveau actuel. Comme les trois quarts des pauvres vivent en milieu rural, il serait raisonnable d'escompter qu'une proportion comparable de ces ressources sera également destinée au secteur rural, le tout dans le cadre d'un meilleur équilibre entre les investissements dans le secteur social et les investissements dans les activités productives et l'infrastructure. 

Doubler l'APD est incontestablement un objectif ambitieux, mais ce qui importe surtout, c'est que la Conférence de Monterrey trace la marche à suivre pour accroître l'aide au développement. 

Monsieur le Président, 

Le Fonds international de développement agricole (FIDA) est une institution qui, au cours de ses vingt-cinq années d'existence, a axé ses activités exclusivement sur la lutte contre la pauvreté, en particulier contre la pauvreté rurale. Cette année, pour sa session annuelle, le Conseil des gouverneurs du FIDA a adopté pour thème Le financement du développement - La dimension rurale. 

Lors de la session du Conseil des gouverneurs, dont le ton a été donné par l'allocution du Président Obasanjo, du Nigéria, les gouverneurs représentant les 162 États membres du Fonds ont évoqué ces idées dans leurs déclarations ainsi que lors des échanges de vues qui ont eu lieu pendant la session du Conseil. Je voudrais à ce propos citer un passage de la déclaration de clôture dans laquelle le Président a résumé les débats au nom du Conseil. 

"Les gouverneurs ont relevé qu'il faudra, si l'on veut atteindre l'objectif fixé, accélérer considérablement le rythme actuel des efforts de réduction de la pauvreté. Notant en outre que la grande majorité des pauvres vivent en milieu rural, où l'agriculture et les activités connexes constituent le principal moyen de subsistance, les gouverneurs ont également mis en relief la nécessité d'avancer plus vite sur la voie du développement rural et agricole. Cela est indispensable si l'on veut accroître les taux de croissance des économies nationales en général et créer des conditions telles que les ruraux pauvres, par leur travail, puissent sortir de l'ornière de la pauvreté. 

Dans ce contexte, Son Excellence le Président Obasanjo a souligné que "l'atténuation de la pauvreté en milieu rural doit demeurer au centre de l'ordre du jour du développement de la communauté mondiale." 

Ou, pour reprendre les termes employés dans le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, "l'amélioration du bilan de l'activité agricole est une condition préalable indispensable du développement économique." 

Monsieur le Président, 

En 2000, le Sommet du Millénaire a créé des aspirations à un nouveau partenariat dans lequel. les pays en développement entreprendraient de profondes réformes tandis que les pays développés accroitraient leur aide au développement et adopteraient des politiques commerciales et autres plus favorables à l'égard des pays moins avancés. Pour cela, il faudra que, de part et d'autre, l'on fasse preuve d'initiative et d'une volonté politique ferme et soutenue. Les centaines de millions de pauvres qui, depuis si longtemps, ne peuvent faire entendre leur voix ne méritent pas moins. 



Déclarations faites durant la Conférence
Nouvelles de la Conférence