REPUBLIQUE DU SENEGAL

UN PEUPLE - UN BUT - UNE FOI

Discours 
de

Son Excellence Maître Abdoulaye WADE 

Président de la République du Sénégal

CONFERENCE INTERNATIONALE SUR LE FINANCEMENT DU DEVELOPPEMENT

Monterrey, Mexico
le 22 mars 2002



Monsieur le Président Mesdames, Messieurs,

Je voudrais en mon nom personnel et au nom de la délégation qui m'accompagne, remercier d'abord le Secrétaire général des Nations Unies, ensuite le Président des Etats Unis du Mexique, son gouvernement et le peuple mexicain, pour leur hospitalité, et aussi pour avoir eu l'idée d'accueillir cette importante conférence des Nations Unies sur le financement du développement.

Pour aller droit au cœur du sujet, je rappelle que depuis l'admission des pays sous-développés au fonctionnement du système du financement international du développement, institutions financières, Fonds européen de développement et autres, le développement international repose sur le binôme aide-crédit.

L'aide publique dont l'objectif fixé dans les années 70 était de transférer 0,70% des PIB des pays develóppés aux pays en voie de développement, n'en est qu'à la moitié. Je ne voudrais pas rentrer dans les détails des contributions des différents pays, mais j e me pose la question de savoir, à supposer qu'aujourd'hui même, ici et maintenant, le taux de 0,7% soit atteint, qu'est-ce qu'on aura résolu dans les problèmes du développement ? Aucun modèle d'analyse n'a tenté de répondre à cette question. Au surplus, au rythme où l'aide publique évolue depuis 1970, pour n'être aujourd'hui qu'à la moitié de l'objectif, elle n'aura atteint cet objectif que dans 30 ans, sans qu'on sache très
3 souhaite pas, pour ma part, que nous sortions d'ici avec, comme seul résultat, d'annoncer triomphalement que le taux de l'aide publique est porté à x%, car nous soulèverions dangereusement dans nos masses des espoirs, tout en sachant parfaitement que nous sommes loin du compte.

Il faut cependant remercier très sincèrement les pays développés, quel que soit leur taux de contribution pour l'effort d'aide publique, car l'aide est toujours un sacrifice des populations qui la donnent. Même s'il faut reconnaître que ce n'est pas par elle que l'on résoudra les problèmes de l'Afrique. L'aide ne saurait, à mon avis, qu'être un appoint à un système qui fonctionne déjà et non pas constituer l'essentiel qui fait fonctionner le système.
 
 

D'un autre coté, la dette a abouti à la situation insoluble de l'endettement. Force est donc, malgré la bonne volonté des uns et des autres, de constater, face aux problèmes de l'Afrique, l'échec du système crédit-aide conçu pour le financement du développement international.

Au reste, ce qui est paradoxal, c'est de corréler les besoins de développement de l'Afrique avec la générosité des pays développés. L'Afrique, paradoxalement, a voulu se développer par une voie qui n'a jamais fait ses preuves, car on ne connaît nulle part dans le monde, un pays qui se soit développé par l'aide et la dette. Cela signifie qu'il faut rechercher autre chose, qu'il faut faire preuve d'imagination. C'est ce que l'Afrique a essayé dans le plan NEPAD, Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique qui comporte un large pan de développement par un partenariat avec le secteur prové et un autre avec le secteur public. Au mois d'avril précisément se tiendra à Dakar, dans mon pays le Sénégal, un Sommet des chefs d'Etat africains sur le théme : Partenariat avec le secteur privé pour le financement du NEPAD. Des sociétés et hommes d'affaires du secteur privé de tous les pays sont invites: USA, Canada, Europe, Asie, pays arabes et, bien sûr, le secteur privé africain.

Pour ce qui me concerne, j'estime que c'est le secteur privé qui a développé l'Europe, les USA, le Japon et certains pays asiatiques lesquels d'ailleurs sont sans ressources naturelles, mais ont utilisé largement le facteur éducation-formation. L'Afrique doit s'orienter vers cette voie et je dois confesser qu'à mon avis, l'essentiel des ressources propres et des ressources de l'aide publique devrait aller d'abord vers l'éducation et la formation, en créant des milliers d'écoles d'enseignement général et de formation professionnelle, dans tous les villages, et en reconvertissant tous les cadres qui chôment en enseignants et formateurs. On devra même recruter à l'extérieur l'appoint d'encadrement.

S'agissant de la dette, je ne m'étendrai pas là dessus puisque je me suis largement exprimé sur cette question ailleurs. Je dois dire simplement que je soutiens l'idée du président G. W. Bush de faire désormais l'allocation de ressources au développement à raison de 50% de prêt et 50% de don, car il ne sert à rien de prêter tout en sachant que le débiteur ne saura pas payer.

Deuxième grande étape du NEPAD : en juin, nous aurons la rencontre au Canada avec le G8.

Sur ce point, je voudrais simplement ajouter aux différentes sources de financement déjà énoncées, celles que constituent les droits de tirages spéciaux que j'évoque encore une fois, après ma proposition de 19721, reprise en 19892 et ensuite en l'An 20003

La deuxième observation que j e voudrais faire, c'est qu'une conférence comme celle-ci, peut être utile dans la mesure où elle se borne aux principes généraux sans aller dans les détails, car l'Afrique n'est pas dans la même situation que l'Amérique du Sud ou l'Asie qui sont relativement plus développées. Vouloir traiter tous les pays en voie développement avec les même concepts et la même stratégie nous fait penser à un médecin qui voudrait guérir tous les malades de sa clinique avec le même médicament.

La présente conférence doit renvoyer à des conférences continentales comme celle que le NEPAD organise à Dakar, du 15 au 17 avril sur le thème partenariat avec le secteur privé pour le financement du NEPAD. Nous comptons y recevoir les membres du secteur privé ici présents pour poursuivre Monterrey. Nous leur 'parlerons concret.

En effet, pour nous, les flux de capitaux privés s'orienteront vers l'Afrique, si nous créons de véritables démocraties, établissons des régimes de transparence, instaurons la sécurité, créons les conditions de profitabilité avec libre rapatriement, de stabilité à long terme. Le' problème que se pose à  l'Afrique n'est pas en réalité un problème de ressources de financement car elles existent, mais celui des conditions d'accueil des flux de capitaux. Ce sont nos systèmes politiques qui exercent un effet de répulsion sur le capital international, lequel se dirige alors ailleurs, vers l'Asie par exemple.

En conclusion, exprimant encore notre gratitude aux pays du Nord et à leurs peuples pour les sacrifices qu'ils font en faveur des populations du Sud à travers l'aide publique, nous disons quand même que le développement de l'Afrique se fera par le secteur privé et pas autrement. L'aide sous toutes ses formes ainsi que les financements des institutions internationales, ne peuvent être qu'un appoint à une machine qui marche par ses propres moyens, le supplément qui lui manque. Une vision contraire serait une grave erreur et ne pourrait que conduire à de graves désillusions.

Mesdames, Messieurs, je vous remercie.

1 L'Afrique et la réforme du système monétaire international, Conférence monétaire de l'OUA, Abidjan, 1972
2 Un destin pour l'Afrique, Ed. Karthala, 1989
3  Plan Omega



Déclarations faites durant la Conférence
Nouvelles de la Conférence