Action 21: Chapitre 10
CONCEPTION INTEGREE DE LA PLANIFICATION ET DE LA GESTION DES TERRES
INTRODUCTION
10.1. Les terres sont, en règle générale, définies comme une entité
physique, pour autant qu'il s'agisse de leur topographie et de leurs
caractéristiques spatiales. Selon un point de vue intégré et plus général,
elles comprennent aussi les ressources naturelles : les sols, les minéraux,
les eaux et les biotes qui leur sont inhérents. Ces composantes sont
organisées en écosystèmes qui assurent une variété de services
essentiels pour maintenir l'intégrité des systèmes d'entretien de la
vie et de la capacité productive de l'environnement. Les terres sont
utilisées de manière à tirer parti de toutes ces caractéristiques.
Elles ne sont pas extensibles, contrairement aux ressources naturelles qui
peuvent varier dans le temps et selon les conditions de gestion et les
utilisations. L'expansion des besoins de l'homme et de ses activités économiques
exerce des pressions toujours croissantes sur les terres, et engendre une
concurrence et des conflits qui aboutissent à une utilisation infra-optimale
du sol et des terres. Pour pouvoir satisfaire ces besoins à l'avenir de
manière durable, il faut dès maintenant éliminer ces conflits et
progresser vers une exploitation plus efficace et plus rationnelle de la
terre et de ses ressources naturelles. L'intégration de l'aménagement du
territoire et de la planification et de la gestion de l'utilisation des
sols est un moyen éminemment pratique d'atteindre ce but. L'examen intégré
de toutes les utilisations du sol permet d'atténuer les conflits, d'établir
les équilibres les plus rentables et de lier le développement économique
et social à la protection et à l'assainissement de l'environnement, ce
qui contribue à atteindre les objectifs d'un développement durable.
L'esprit de cette approche intégrée trouve son expression dans la
coordination des activités de planification et de gestion sectorielles
intéressant les divers aspects de l'utilisation des sols et de la terre.
10.2. Le présent chapitre comprend un seul secteur de programme, intitulé
"Approche de la planification et de la gestion intégrées des terres",
qui porte sur la réorganisation et, le cas échéant, un certain
renforcement de la structure de prise de décisions, notamment en ce qui
concerne les politiques et procédures et méthodes de planification et de
gestion permettant de faciliter la mise en place d'une approche intégrée
des terres. Il ne traite pas des aspects pratiques de la planification et
de la gestion, qui ont davantage leur place dans les programmes sectoriels
correspondants. Comme le domaine d'activité porte sur un important aspect
intersectoriel de la prise de décisions en vue d'un développement
durable, il est étroitement lié à divers autres programmes qui visent
directement cette question.
DOMAINE D'ACTIVITE
10 A. Conception intégrée de la planification et de la gestion des
terres
Principes d'action
10.3. Les terres sont exploitées aux fins les plus diverses, qui influent
les unes sur les autres et peuvent même s'opposer; aussi est- il
souhaitable d'aborder comme un tout la planification et la gestion de
l'ensemble des utilisations. L'intégration doit se réaliser sur deux
plans, en tenant compte, d'une part, de tous les facteurs écologiques, économiques
et sociaux (dont, par exemple, l'incidence des activités des divers
secteurs économiques et sociaux sur l'environnement et les ressources
naturelles) et, d'autre part, de tous les autres éléments de
l'environnement et des ressources (air, eau, biotes, terres, ressources géologiques
et naturelles) considérés simultanément. En se prêtant à des choix
plus judicieux et mieux équilibrés, une telle démarche coordonnée
permet de porter à leur plus haut point la productivité durable et les
utilisations. La possibilité de diversifier l'affectation des terres se
présente à l'occasion de grands projets d'établissement ou de développement,
et aussi au fur et à mesure que les terres changent de main. Ces projets
offrent également la possibilité d'entretenir les modes traditionnels de
gestion durable des terres ou de classer certaines terres aux fins de la
conservation de la diversité biologique ou de fonctions écologiques
vitales.
10.4. Un certain nombre de techniques, de cadres et de processus peuvent
être combinés pour faciliter cette démarche coordonnée. Ils sont le
soutien indispensable du processus de planification et de gestion aux
niveaux national et local, de l'écosystème ou de la zone, ainsi que de
la mise au point de plans d'action spécifiques. Nombre de ses éléments
existent déjà, mais il reste à les appliquer plus largement, à les développer
et à les renforcer. Comme ce secteur de programme vise principalement à
mettre en place le cadre nécessaire pour coordonner le processus de prise
de décisions, son contenu et ses fonctions pratiques ne sont pas traités
ici; ils figurent dans les programmes sectoriels pertinents du programme
Action 21.
Objectifs
10.5. L'objectif général est de faciliter l'affectation des terres à
des utilisations offrant les plus grands avantages durables et le passage
à une gestion intégrée et durable des terres. Ce faisant, il convient
de tenir compte des questions écologiques, sociales et économiques. Il
faudrait également tenir compte, entre autres, des zones protégées, du
droit à la propriété privée, des droits des populations et collectivités
autochtones et autres collectivités locales et du rôle économique des
femmes dans le secteur agricole et le développement rural.
Plus concrètement, il s'agit :
a) D'examiner et de définir des politiques propres à assurer la
meilleure utilisation possible des sols et la gestion durable des terres,
et ce, avant 1996 au plus tard;
b) D'améliorer et de renforcer les systèmes de planification, d'évaluation
et de gestion des terres, et ce, avant l'an 2000 au plus tard;
c) De renforcer les institutions et les mécanismes de coordination
concernant les terres, et ce, avant 1998 au plus tard;
d) De créer des mécanismes pour faciliter la participation active de
tous les intéressés, en particulier les collectivités et les
populations locales, au processus de prise de décisions en matière
d'occupation et de gestion des sols, et ce, avant 1996 au plus tard.
Activités
A) Activités liées à la gestion
Elaboration de politiques de soutien et d'instruments d'intervention
10.6. Les gouvernements, intervenant à un niveau suffisamment élevé et
avec l'appui des organisations régionales et internationales, doivent
veiller à ce que les politiques et les instruments d'intervention
permettent d'assurer la meilleure utilisation possible des sols et la
gestion durable des terres. Ils doivent accorder une attention particulière
au rôle des terres agricoles, et à cette fin :
a) Elaborer, aux niveaux national, régional et local, un système intégré
de fixation des objectifs et de formulation de politiques qui tienne
compte des questions écologiques, économiques, démographiques et
sociales;
b) Elaborer des politiques propres à encourager l'utilisation durable des
sols et la gestion durable des terres, en tenant compte des terres
disponibles, des questions démographiques et des intérêts des
populations locales;
c) Réviser le cadre réglementaire, soit les lois, règlements et procédures
d'application, de manière à déterminer les modifications à y apporter
pour assurer l'utilisation durable des sols et la gestion durable des
terres et limiter l'utilisation, à des fins autres qu'agricoles, des
terres arables;
d) Appliquer des instruments économiques, mettre en place des mécanismes
institutionnels et prendre des mesures d'encouragement pour promouvoir la
meilleure utilisation possible des sols et la gestion durable des terres;
e) Promouvoir le principe de la délégation des pouvoirs dans le sens
d'une décentralisation plus poussée, dans la mesure où les impératifs
d'efficacité le permettent.
Renforcement des systèmes de planification et de gestion
10.7. Les gouvernements, intervenant à un niveau suffisamment élevé et
avec l'appui des organisations régionales et internationales, doivent
examiner et revoir, le cas échéant, les systèmes de planification et de
gestion pour faciliter une approche intégrée, et à cette fin :
a) Adopter des systèmes de planification et de gestion qui facilitent
l'intégration des éléments écologiques, tels que l'air, l'eau, les
terres et d'autres ressources naturelles, en recourant à l'aménagement
écologique des territoires et à d'autres approches axées sur un écosystème
ou un bassin hydrographique, par exemple;
b) Adopter des cadres stratégiques qui permettent l'intégration des
objectifs de développement et d'environnement, par exemple les systèmes
de subsistance et le développement rural durables, la Stratégie mondiale
de la conservation/Caring for the Earth ("Prenons soin de notre
Terre"), la protection primaire de l'environnement et d'autres
encore;
c) Instituer un cadre général pour l'utilisation des sols et l'aménagement
du territoire permettant d'élaborer des projets sectoriels spéciaux et détaillés
(pour les zones protégées, l'agriculture, les forêts, les établissements
humains, l'aménagement rural, par exemple), et créer des organes
consultatifs intersectoriels chargés de rationaliser la planification et
l'exécution des projets;
d) Renforcer les systèmes de gestion des terres et des ressources
naturelles en tenant compte des méthodes traditionnelles et indigènes
appropriées; par exemple, le pastoralisme, les réserves dites "Hema"
(réserves de terre traditionnelles en Islam) et les cultures en terrasse;
e) Examiner et, le cas échéant, établir des approches nouvelles et
souples du financement des programmes;
f) Etablir des inventaires agronométriques détaillés pour sous- tendre
l'allocation, la gestion et l'utilisation durables des terres aux niveaux
national et local.
Promotion de l'emploi d'outils adaptés à la planification et à la
gestion
10.8. Les gouvernements, intervenant à un niveau suffisamment élevé et
avec l'appui des organisations nationales et internationales, doivent
favoriser l'amélioration, le développement et la généralisation
d'outils de planification et de gestion propres à faciliter une approche
durable et intégrée des terres et des ressources, et à cette fin :
a) Améliorer les systèmes d'interprétation et d'analyse intégrée des
données sur les terres et les ressources;
b) Appliquer systématiquement les techniques et procédures nécessaires
pour évaluer les atteintes à l'environnement et les effets économiques
et sociaux, ainsi que les risques et les coûts et avantages de certaines
mesures;
c) Analyser et expérimenter des méthodes pour introduire des fonctions
relatives aux terres et aux écosystèmes et les valeurs des sols dans la
comptabilité nationale.
Sensibilisation
10.9. Les gouvernements, intervenant à un niveau suffisamment élevé, et
ce, en collaboration avec les institutions nationales et les groupes d'intérêts
du pays et en coopération avec les organisations régionales et
internationales, doivent lancer des campagnes pour faire prendre
conscience au public de l'importance d'une gestion intégrée des terres
et des ressources et du rôle que les particuliers et les groupes sociaux
peuvent jouer dans ce domaine. Ils doivent en outre prévoir les moyens
d'adopter des pratiques plus rationnelles en matière d'utilisation des
sols et de gestion durable des terres.
Promotion de la participation du public
10.10. Les gouvernements, intervenant à un niveau suffisamment élevé,
et ce, en collaboration avec les organisations nationales et avec l'appui
des organisations régionales et internationales, doivent établir des
procédures, programmes, projets et services nouveaux pour encourager et
aider tous les intéressés à participer activement à la prise de décisions
et à leur mise en oeuvre, en particulier les groupes qui ont été
jusqu'ici exclus de ce processus, tels que les femmes, les jeunes, les
populations et collectivités autochtones et autres collectivités
locales.
B) Données et informations
Renforcement des systèmes d'information
10.11. Les gouvernements, intervenant à un niveau suffisamment élevé,
et ce, en collaboration avec les institutions nationales et le secteur
privé et avec l'appui des organisations régionales et internationales,
doivent renforcer les systèmes d'information nécessaires pour prendre
des décisions et faire des projections concernant l'utilisation des sols
et leur gestion. Ils doivent également tenir compte et des besoins des
femmes et des besoins des hommes, et à cette fin :
a) Renforcer les systèmes d'information, d'observation systématique et
d'évaluation applicables aux données écologiques, économiques et
sociales relatives aux terres, de portée mondiale, régionale, nationale
et locale; ainsi qu'à la capacité des terres et aux modes d'utilisation
et de gestion des sols;
b) Améliorer la coordination entre les systèmes de données sectorielles
sur les terres et renforcer la capacité nationale de rassemblement et d'évaluation
des données;
c) Fournir une information technique appropriée et compréhensible à
tous les secteurs de la population, en particulier aux collectivités
locales et aux femmes, afin de leur permettre de prendre des décisions en
connaissance de cause concernant la gestion et l'utilisation des terres;
d) Soutenir des systèmes peu coûteux, gérés par la collectivité, pour
la collecte d'informations comparables sur l'état et les processus de
changement des ressources foncières, comprenant les sols, le couvert
forestier, la faune sauvage, le climat et d'autres éléments.
C) Coordination et coopération internationales et régionales
Etablissement de mécanismes régionaux
10.12. Les gouvernements, intervenant à un niveau suffisamment élevé et
avec l'appui des organisations régionales et internationales, doivent
renforcer la coopération régionale et l'échange d'informations sur les
terres, et à cette fin :
a) Etudier et formuler des politiques régionales destinées à soutenir
les programmes d'utilisation des sols et d'aménagement du territoire;
b) Encourager l'élaboration de plans d'occupation des sols et d'aménagement
du territoire dans les pays de la région;
c) Concevoir des systèmes d'information et favoriser la formation;
d) Echanger, par des réseaux et d'autres moyens appropriés, des
renseignements sur l'expérience acquise en matière de fonctionnement et
de résultats de la planification et de la gestion intégrées et
participatives des terres aux niveaux national et local. Moyens d'exécution
A) Financement et évaluation des coûts
10.13. Le secrétariat de la Conférence a estimé que le montant total
des dépenses afférentes à la mise en oeuvre des activités relevant du
présent domaine pour la période 1993-2000 se chiffrerait en moyenne à
environ 50 millions de dollars par an, montant qui serait financé par la
communauté internationale sous forme de dons ou à des conditions
concessionnelles. Il ne s'agit que d'estimations approximatives données
à titre indicatif, qui n'ont pas été examinées par les gouvernements.
Les dépenses effectives et les conditions financières, y compris les
conditions non concessionnelles, dépendront notamment des stratégies et
programmes spécifiques que les gouvernements décideront de mettre en
oeuvre.
B) Moyens scientifiques et techniques
Amélioration de la connaissance scientifique du système des
ressources foncières
10.14. Les gouvernements, intervenant à un niveau suffisamment élevé,
en collaboration avec la communauté scientifique nationale et
internationale, et avec l'appui des organisations nationales et
internationales compétentes, doivent favoriser et appuyer la recherche
adaptée au milieu local sur le système des ressources foncières et ses
incidences sur un développement et des pratiques de gestion durables. Ils
doivent donner priorité, selon qu'il conviendra, aux points suivants :
a) Evaluation des fonctions relatives au potentiel et à la capacité des
terres et aux écosystèmes;
b) Interactions écosystémiques et interactions entre les terres et les
systèmes économiques, sociaux et écologiques;
c) Mise au point d'indicateurs de durabilité des sols, compte tenu des
facteurs écologiques, économiques, sociaux, démographiques, culturels
et politiques.
Mise à l'épreuve des résultats des recherches par l'exécution de
projets pilotes
10.15. Les gouvernements, intervenant à un niveau suffisamment élevé,
et ce, en collaboration avec la communauté scientifique nationale et
internationale et avec l'appui des organisations internationales compétentes,
doivent réaliser des recherches et des essais, par l'exécution de
projets pilotes, sur l'applicabilité d'approches améliorées de la
planification et de la gestion intégrées des terres, y compris les
facteurs techniques, sociaux et institutionnels.
C) Mise en valeur des ressources humaines
Amélioration de l'enseignement et de la formation
10.16. Les gouvernements, intervenant à un niveau suffisamment élevé,
et ce, en collaboration avec les autorités locales, les organisations non
gouvernementales et les institutions internationales compétentes, doivent
favoriser la mise en valeur des ressources humaines nécessaires pour
planifier et gérer les terres et les ressources foncières de manière
durable, et ce, en encourageant les initiatives locales et en renforçant
les capacités de gestion locale, des femmes notamment, en :
a) Mettant l'accent sur les approches interdisciplinaires et intégrées
dans les programmes des écoles et dans la formation technique,
professionnelle et universitaire;
b) Assurant, dans tous les secteurs intéressés, la formation nécessaire
pour gérer les terres de manière intégrée et durable;
c) Assurer, à l'intention des collectivités, des services de
vulgarisation compétents, des groupes communautaires et des organisations
non gouvernementales, une formation aux techniques et méthodes de gestion
des terres qui sont appliquées av
10.17. Les gouvernements, intervenant à un niveau suffisamment élevé,
et ce, en coopération avec d'autres gouvernements et avec l'appui des
organisations internationales compétentes, doivent favoriser les efforts
concentrés et concertés d'enseignement et de formation, ainsi que le
transfert de techniques et de technologies pour soutenir les divers
aspects du processus de planification et de gestion durables au niveau des
pays, des Etats, des provinces et au niveau local.
Renforcement des institutions
10.18. Les gouvernements, intervenant à un niveau suffisamment élevé et
avec l'appui des organisations internationales compétentes, doivent :
a) Réexaminer et, au besoin, réviser les mandats des institutions qui
s'occupent des terres et des ressources naturelles de manière à y
inclure explicitement l'intégration interdisciplinaire des questions écologiques,
sociales et économiques;
b) Renforcer les mécanismes de coordination entre les institutions
s'occupant de la gestion de l'utilisation des sols et des ressources pour
faciliter l'intégration des préoccupations et des stratégies
sectorielles;
c) Renforcer la capacité de prise de décisions à l'échelon local et améliorer
la coordination avec les niveaux supérieurs.
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