S.E. M. Jan Eliasson, Président de la soixantième session de l'Assemblée générale


S.E. M. Jan Eliasson
Président de la soixantième session de l'Assemblée générale des Nations Unies

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DISCOURS D'INVESTITURE LORS DE SON ÉLECTION AU POSTE DE PRÉSIDENT

Monsieur le Président, collègues et amis,

Je suis touché et honoré d’avoir été élu Président de l’Assemblée générale pour sa soixantième session.

Je suis profondément reconnaissant à l’appui apporté à la candidature suédoise par les Etats Membres de notre groupe régional et par tous les Membres de l’Assemblée aujourd’hui. Leur appui revêt une signification particulière pour mon pays car le légendaire secrétaire général Dag Hammarskjöld naquit à Jönköping (Suède) en juillet il y a 100 ans.

D’emblée, je voudrais rendre hommage au secrétaire général Kofi Annan pour son travail inlassable et dévoué et pour le courage et la vision dont il a fait montre en nous présentant, à nous les Etats Membres, son rapport intitulé « Dans une liberté plus grande » (A/59/2005), la proposition la plus complète et la plus cohérente depuis la fondation de l’ONU en vue de renforcer l’Organisation.
Le Président de l’Assemblée générale a, à présent, après consultations avec les Etats Membres, transformé cette proposition en un projet de déclaration dont nous serons saisis et qui sera adopté par nos chefs d’Etat et de gouvernement à la Réunion plénière de haut niveau de l’Assemblée générale qui se tiendra du 14 au 16 septembre. Il nous incombe à tous d’examiner ce projet de déclaration de manière approfondie et novatrice en étant déterminés à accepter une responsabilité mondiale. La direction sage et résolue du président Ping — à la croisée de multiples chemins et face à de nombreux choix difficiles, comme nous le savons — a été et sera la clef du succès de cette très importante réunion de septembre, qui sera suivie avec un vif intérêt par tous les peuples du monde.
Aujourd’hui, nous sommes confrontés à l’épreuve du multilatéralisme. Elaborerons-nous les concepts et les méthodes nécessaires pour s’attaquer aux problèmes mondiaux en cette ère de rapide mondialisation ? Serons-nous en mesure de faire du système des Nations Unies un acteur plus efficace sur la scène mondiale ? Ce sont là des tâches majeures, voire historiques, pour nos peuples, nos sociétés et nos gouvernements, ainsi que pour nous tous ici à l’ONU : nous, les praticiens de la diplomatie multilatérale.

Notre tâche principale est désormais d’accepter et de relever le triple défi du développement, de la sécurité et des droits de l’homme. Les trois sont interdépendants, s’influent et se renforcent mutuellement.

Souvenons-nous des appels du Préambule de la Charte « à pratiquer la tolérance, à vivre en paix l’un avec l’autre dans un esprit de bon voisinage », « à unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales » et « à recourir aux institutions internationales pour favoriser le progrès économique et social de tous les peuples ». Je continue d’être impressionné par la sagesse et la clairvoyance des auteurs de la Charte. Engageons-nous à travailler dans l’esprit qui les a mus et à nous inspirer de ce grand document.

Mais travaillons également en fixant notre regard sur les réalités de ce monde. Plaçons les êtres humains et les véritables problèmes au centre et organisons-nous en conséquence. Gardons toujours à l’esprit les mots qui apparaissent dans le Préambule de la Charte : « Nous, les peuples ».
L’épreuve de vérité et l’aune à laquelle seront évaluées les réformes des Nations Unies devront être les effets réels qu’elles auront pour les populations et les crises dans le monde : pour l’enfant affamé, la mère atteinte du sida, le pays dévasté par la guerre, le réfugié désespéré, l’opprimé et le délaissé, et la rivière polluée. J’ajouterai qu’il est inacceptable que des milliards de gens dans le monde manquent d’eau potable et que ce problème doit être sérieusement et rapidement traité : un verre d’eau potable est un luxe pour bien trop de gens dans le monde. Nous devons travailler sur ce problème très concret. Et puis n’oublions pas les travailleurs humanitaires dévoués et courageux de l’ONU et des organisations non gouvernementales, ainsi que les soldats de la paix régionaux et des Nations Unies. Ce que j’appellerais les épreuves de terrain — épreuves de réalité — doivent s’appliquer à toutes les propositions de réforme.

J’ai des souvenirs personnels forts de l’époque où j’étais secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et des nombreuses catastrophes naturelles et causées par l’homme aux quatre coins du monde. Le cauchemar de la Somalie en 1992 et 1993 me rappellera toujours combien il est urgent de prévenir les guerres civiles et les conflits ethniques et religieux nuisibles, d’agir rapidement contre eux et de s’y attaquer efficacement. Après le Cambodge, après le Rwanda, après Srebrenica et après le Darfour, nous ne saurions tout simplement pas dire « plus jamais » sans gravement compromettre l’autorité morale de l’ONU et de la Charte des Nations Unies.

Tout au long de ma présidence, je serai également guidé par les valeurs et les principes qui sont les piliers de la politique étrangère de la Suède : la foi en la coopération multilatérale, l’impératif de la prévention, le respect de l’état de droit et des droits de l’homme, la solidarité envers les pauvres et les persécutés, et le souci du respect des droits de la femme, la prise en compte des enfants du monde et de leur avenir et, en fait, de la santé de la planète Terre. Les peuples et les nations dans toutes les régions du monde, je le sais, partagent ces aspirations.

Je suis fermement convaincu qu’en raison des efforts de réforme de l’ONU les organisations régionales et la coopération régionale doivent être renforcées et dynamisées. Nous savons que les accords régionaux font partie intégrante de la Charte et ceux-ci doivent être des éléments importants dans une division du travail nécessaire au niveau international en cette époque qui connaît de nombreuses crises et a de nombreux besoins.

L’ONU n’est pas la panacée ni un remède universel. Elle reflète la volonté politique collective des Etats Membres et leur intérêt dans le renforcement du système multilatéral. Des normes et des structures internationales efficaces doivent être considérées comme étant dans l’intérêt national de toute nation. Tel est l’objectif auquel nous devons tendre.

A cette fin, nous devons offrir des solutions et des méthodes internationales qui correspondent aux besoins du monde d’aujourd’hui : lutter contre la pauvreté, les maladies, le crime organisé, le trafic, le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive et la dégradation de l’environnement, ainsi que prévenir et régler les conflits et mettre un terme aux massacres, aux tortures et aux sévices. Nous devons pour cela aiguiser les instruments de l’ONU et élaborer des concepts qui reflètent notre aptitude à faire face à ces problèmes fondamentaux et, j’insiste, à agir.

Tel est l’objet du projet de réforme de l’ONU : construire une ONU qui réponde efficacement et légitimement aux besoins urgents aux quatre coins du monde et ajoute de la valeur à notre travail en faveur de la sécurité, de la prospérité et d’une vie digne pour tous. C’est en faisant de véritables progrès vers la réalisation de cet objectif que nous apporterons la contribution la plus importante au défi historique du multilatéralisme que nous devons relever.

Si l’ONU passe cette épreuve avec succès, non seulement nous renforcerons les perspectives d’une meilleure coopération internationale, mais nous pourrons également mieux faire face aux écarts grandissants et aux déséquilibres dangereux qui existent dans le monde. Et, à un niveau plus profond, j’irai jusqu’à dire que nous pourrions susciter l’espoir et la foi en l’avenir dans un monde où la peur et la suspicion sont de plus en plus grandes. Nous devons mobiliser la volonté politique pour changer ces tendances négatives et empêcher la polarisation et le pessimisme. Et nous devons réaliser que nous en avons l’occasion et la capacité en ce moment de l’histoire.

Dans un esprit de dialogue et de transparence, j’œuvrerai, en tant que président de la soixantième session, de concert avec tous les membres dans cette entreprise commune. Faisons ressortir le plein potentiel de l’organe central qu’est l’Assemblée générale, et construisons ensemble une ONU renforcée.

Enfin, dans notre travail quotidien, mettons-nous tous — les membres de l’Assemblée en particulier — à l’ouvrage sur la réforme de l’ONU au sein des comités, des groupes de travail, à l’intérieur des salles de réunion et des bureaux du Secrétariat, et inspirons-nous des paroles de Dag Hammarskjöld dans son ouvrage Markings — ou, dans une traduction directe et plus exacte du suédois, Waymarks — sur la nécessité d’une vision et d’une perspective à long terme : « Ne regardez jamais là où vous mettez les pieds avant d’avoir fait le prochain pas : seul celui qui garde les yeux fixés au loin trouvera sa route. »

Je remercie l’Assemblée de la confiance qu’elle m’a témoignée en m’élisant président de sa prochaine session.

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