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Seule, elle n'y parviendra pas ...
LE MOMENT EST VENU POUR L'ONU DE TRAVAILLER AVEC LES POPULATIONS


Par Roy Culpeper

Qu'attend le monde de ses Nations Unies au siècle nouveau ? Il est assez facile d'offrir les réponses classiques - paix universelle, fin de la pauvreté dans le monde, égalité entre les sexes, respect des droits de l'homme partout dans le monde, et développement durable. Mais la famille des Nations Unies, quels que soient son efficacité et ses moyens financiers, ne peut pas atteindre ces ambitieux objectifs toute seule. Si ses Etats Membres et les citoyens du monde ne font pas preuve de la volonté politique nécessaire, il y a peu de chances que les innombrables déclarations des conférences de l'Organisation des Nations Unies ou leurs rapports, si lucides fussent-ils, accomplissent grand-chose à eux seuls.

Les Nations Unies sont cependant dans une position unique qui leur permet de contribuer à créer la volonté politique nécessaire pour élaborer un programme d'équité, de justice et de paix à l'échelle mondiale. Compte tenu des profondes différences qui existent entre les Etats Membres de l'ONU sur des questions fondamentales, la création de cette volonté au service de ce programme est en elle-même un défi formidable, un défi qui exigera une direction expérimentée et une diplomatie sagace.

En ce qui concerne la sécurité, par exemple, les expériences menées récemment en Afrique, dans l'ex-République de Yougoslavie et ailleurs ont mis en lumière la tension croissance entre le principe de non-agression entre les Etats et l'application de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Les interventions armées décidées par d'autres Etats, comme celle menée par l'Organisation du Traité Atlantique Nord (OTAN) en Yougoslavie (bien que son objectif déclaré eût été de prévenir ou arrêter les violations colossales des droits fondamentaux commis par un Etat Membre à l'encontre de ses propres citoyens) sont clairement incompatibles avec la Charte de l'ONU. Mais diverses initiatives prises par l'ONU pour traiter des violations de droits de l'homme ont été également bloquées par certains membres parce qu'elles portaient atteinte à la souveraineté d'un Etat.

Pour ce qui est du développement durable, le débat sur le changement climatique est édifiant. D'un côté on trouve les partisans de la Convention des Nations Unies de 1992 qui privilégie la limitation des émissions de dioxyde de carbone. De l'autre, il y a une alliance d'Etats et d'entreprises dont les intérêts vitaux sont liés à la production des combustibles fossiles. Aucun des deux camps n'a complètement raison ou complètement tort. La solution de questions aussi complexes et qui sèment le désaccord exigera toute l'ingénuité et tout le dévouement que le monde peut mobiliser.

Les Nations Unies sont le seul organe doté de la légitimité et de l'universalité requises pour cette tâche. Sur la question du conflit entre souveraineté et droits de l'homme, par exemple, les Nations Unies devront forger un consensus sur la notion selon laquelle le principe de la souveraineté d'Etat, tout en restant le fondement de la paix entre les nations, ne peut être utilisé comme un bouclier alors que sont piétinés les droits de l'homme de ses citoyens. Autrement dit, les droits de l'homme sont prépondérants et l'emportent sur les droits de l'Etat lorsqu'ils sont en conflit. Pour ce qui est du changement climatique, les Nations Unies doivent encourager le dialogue et chercher des solutions favorables à tous les intéressés sans compromettre l'objectif fondamental de réduction des émissions de gaz à effets de serre à l'échelle mondiale en dessous d'un seuil acceptable.

Les problèmes les plus difficiles qu'affronte la famille des Nations Unies, toutefois, n'ont pas l'urgence dramatique des catastrophes naturelles ou humaines, qui ont tendance à galvaniser les dirigeants du monde. L'élimination de la pauvreté et l'égalité entre les sexes font partie de ces problèmes complexes. Ils comprennent également l'encouragement à la création de "biens publics mondiaux", tels que le patrimoine écologique et culturel, la santé et l'accès aux connaissances. Tout ceci a tendance à passer au second plan dans une économie mondiale de plus en plus intégrée.

Quels sont les instruments que les Nations Unies ont à leur disposition pour prendre la direction des efforts à fournir et forger la volonté politique internationale qui permettra de fixer les objectifs d'un programme de paix, justice et durabilité à l'échelle mondiale ? D'abord et surtout, elles ont le pouvoir inégalé de réunir toutes les parties à une dispute ou pour une cause commune. Les Nations Unies ont de plus en plus souvent recours à ce pouvoir pour amener les citoyens de la société civile à la table de négociations. Comme l'a dit le Président tchèque Vaclav Havel récemment, "nous devons veiller à ce que tous les citoyens du monde considèrent les Nations Unies comme leur organisation, une organisation qui leur appartient vraiment. (É) Ce que fait cette Organisation pour les habitants de notre planète est plus important que ce qu'elle fait pour les pays en tant qu'Etats".

Deuxièmement, les Nations Unies ont le pouvoir de persuasion - un pouvoir entretenu avec soin au cours des cinq dernières décennies. En dépit de ses nombreux défauts, la famille des Nations Unies, y compris toutes ses institutions spécialisées, a formé un personnel compétent et dévoué : ses conférences publiques et ses publications régulières témoignent de ses capacités.

Son pouvoir de persuasion sera particulièrement nécessaire pour convaincre les dirigeants politiques et les citoyens des pays les plus grands et les plus puissants qu'eux aussi peuvent profiter de l'ordre du jour mondial. Et ce pouvoir de persuasion est indispensable pour obtenir l'appui que les nations les plus riches du monde peuvent, et doivent, fournir pour permettre aux Nations Unies de relever ces immenses défis.

Mais il ne sera pas facile à l'ONU de jouer ce rôle plus actif car les obstacles abondent. Il faut noter en particulier le pouvoir de veto des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, qu'il faut abolir. Ce veto a été utilisé à plusieurs reprises pour bloquer l'action des Nations Unies : le monde ne peut plus se permettre d'accorder un tel pouvoir à ces quelques pays.

On s'est toujours attendu à ce que les Nations Unies, en tant que principale organisation intergouvernementale du monde, jouent un rôle d'exécutant plutôt que de décideur. Autrement dit, on escomptait qu'elle adopterait la volonté politique de ses membres, pour le meilleur et pour le pire, et qu'elle ne tenterait pas de la modifier. Le moment est venu pour les Nations Unies de travailler avec les citoyens du monde pour créer la volonté politique nécessaire pour veiller à ce que la paix, la justice et le développement durable ne soient pas seulement des principes, mais soient mis en pratique par tous les pays membres.


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Né à Karachi, M. Roy Culpeper vit au Canada depuis 1959. Il a travaillé dans les gouvernements du Manitoba et du Canada. Il est le Président de l'Institut Nord-Sud et il a dirigé le plus grand projet de cet Institut, une étude détaillée de quatre banques régionales de développement. Il a écrit de nombreux ouvrages, dont "Global Development: Fifty Years After Bretton Woods", publié sous sa direction.






"Les problèmes les plus difficiles qu'affronte la famille des Nations Unies, toutefois, n'ont pas l'urgence dramatique des catastrophes naturelles ou humaines, qui ont tendance à galvaniser les dirigeants du monde. L'élimination de la pauvreté et l'égalité entre les sexes font partie de ces problèmes complexes. Ils comprennent également l'encouragement à la création de "biens publics mondiaux", tels que le patrimoine écologique et culturel, la santé et l'accès aux connaissances - tout ceci a tendance à passer au second plan dans une économie mondiale de plus en plus intégrée".



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