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Promouvoir le role civique des entreprises


Par Paul M. Ostergard

Les entreprises les mieux gérées, dans cette économie mondiale qui tourne aujourd'hui à plein régime, ne se contentent pas de fournir de bons rendements à leurs investisseurs. Elles enrichissent la valeur des communautés qu'elles servent avec efficacité.

Les entreprises d'envergure mondiale sont celles qui vont au-delà de la livraison de biens et services d'une qualité consistante partout dans le monde. Ce sont aussi celles que le public, les investisseurs et les voisins préfèrent partout où elles opèrent. Soucieuses d'atteindre leurs objectifs non financiers, nombre d'entre elles ont adopté des principes d'entreprise ou des déclarations éthiques qui régissent leur comportement. Lors du bilan de leur performance, elles tiennent compte de leur engagement dans les communautés qu'elles servent. Elles savent toutes qu'en débarquant sur de nouveaux marchés, on les jugera en fonction de l'attitude dont elles ont fait preuve auparavant ailleurs. Ainsi, elles contribuent à veiller à ce que des considérations sur le rôle civique des entreprises soient systématiquement prises en compte lors des décisions de l'entreprise.

La plupart des entreprises mondiales sont habituées à se battre pour attirer les consommateurs, les investissements et les meilleurs employés, mais l'étiquette de "bon citoyen" est en train de devenir pour elles une des priorités les plus importantes. Pour pouvoir être considérée comme un "voisin préféré" dans des communautés très différentes aux quatre coins de la planète, il faut que l'entreprise pense à l'échelle mondiale tout en agissant sur le plan local. La gestion traditionnelle des rapports avec la communauté, qui privilégiait le soutien aux organismes de charité locaux, ne suffit plus. Cela est particulièrement vrai pour des compagnies qui ont délégué les décisions concernant l'octroi d'aides à des dirigeants d'entreprises locales sans les assortir de principes directeurs. Il peut donc arriver dans ces cas-là que la même entreprise se retrouve en train de soutenir une marche contre le sida en tel endroit, le nettoyage d'une plage ailleurs et un concert de jazz encore ailleurs. Ces activités, si louables soient-elles chacune isolément, ne donnent pas ensemble une image claire des convictions de l'entreprise, ou de ce qu'elle peut le mieux réussir dans les communautés du monde entier. De plus, il est rare que des aides financières permettent à elles toutes seules d'établir des différences entre les activités des entreprises. En revanche, le recours à d'autres ressources de l'entreprise, en particulier celles qui sont liées à ce qui fait la force de l'entreprise, le permet. Une stratégie d'entreprise peut faire intervenir les employés, les encourager à participer à la recherche de solutions aux problèmes de la communauté et à se sentir fiers des succès obtenus. En s'appuyant sur ce qui fait sa force dans un secteur, une société peut également renforcer la confiance de ses actionnaires dans les investissements qu'elle réalise dans la communauté en montrant que la prospérité des communautés et celle des entreprises vont main dans la main.

Il n'est pas surprenant que les principales entreprises du monde revoient dans cette perspective leur engagement dans la communauté et deviennent bien plus stratégiques. Elles regroupent les questions de communautés communes aux marchés où elles sont présentes et évaluent la façon dont les atouts de l'entreprise peuvent être utilisés pour avoir des effets notables sur ces communautés. Ce faisant, elles cherchent souvent à forger des partenariats avec les gouvernements pour veiller à ce que la stratégie qu'elles ont adoptée s'inscrive dans le cadre des initiatives publiques.

Le groupe Citigroup, par exemple, s'est aperçu que l'amélioration de l'éducation publique et la stimulation du développement de la communauté sont des objectifs partagés par quasiment toutes les communautés où il opère. Le groupe a intérêt à accélérer le développement économique fondé sur l'information et à bâtir un fonds de clients qui seront à l'aise avec l'évolution des technologies dans la prestation de services financiers. Dans cette perspective, Citigroup aimerait lier les technologies utilisées en classe avec une connaissance de la finance pour inciter les élèves à apprendre et les aider à acquérir un savoir qui leur sera utile dans leur carrière et dans l'enseignement supérieur. En ce qui concerne le développement de la communauté, Citigroup a une riche expérience dans le domaine des prêts pour des logements à des coûts abordables et la création d'emplois, deux atouts importants pour le relèvement des communautés. Cette jonction des besoins de la communauté et des atouts des entreprises l'a incité à créer deux initiatives courant sur plusieurs années. L'une, appelée "Parier sur l'éducation", est un effort de 10 ans et de 25 millions de dollars en vue d'augmenter le nombre d'élèves issus de familles démunies prêts à poursuivre des études à l'université ou à travailler. L'autre est "Parier sur l'entreprise", un programme de 5 ans et d'une valeur de 10 millions de dollars pour accroître les prêts accordés aux micro-entreprises du monde entier en vue de donner des capitaux d'entreprise à quelques-unes des personnes les plus pauvres du monde. L'entreprise et sa fondation consacrent 70 pour cent des ressources qu'elles attribuent chaque année à leurs activités dans les communautés à ces deux priorités. Les 30 pour cent restants sont assignés à une deuxième série de priorités qui comprend l'éducation en matière d'art et les services de santé et sociaux.

Pour atteindre ses objectifs dans chaque secteur, Citigroup recherche des partenaires chez des organisations non gouvernementales (ONG) qui ont fait leur preuve et ont la capacité d'opérer au-delà de leurs frontières sur de multiples marchés. Classroom, Inc., une organisation newyorkaise qui établit des simulations informatisées par industrie, est un de ces partenaires. Elle a par exemple réalisé une simulation informatisée sur les services bancaires pour les écoles élementaires et une simulation plus sophistiquée de services financiers pour les collèges. Dans le cadre d'un accord passé avec les écoles de Sioux Falls (Dakota), Classroom, Inc. forme des enseignants à l'utilisation de ses simulations dans ces écoles, avec le financement de Citigroup.

L'un des deux présidents directeurs généraux (PDG) de Citigroup est le fondateur de l'Academy of Finance, qui était au départ un programme scolaire de formation professionelle qui s'adressait aux enfants issus de milieux urbains défavorisés. L'Academy joue maintenant un rôle influent sur ces enfants : elle les a exposés à des connaissances qui sont indispensables sur le marché du travail d'aujourd'hui, ce dont ils se rendent compte, et elle les incite donc à poursuivre leurs études. Le parent de l'Academy - la National Academy Foundation (NAF) - lancera l'année prochaine une Academy of Technology en partenariat avec des compagnies telles que Lucent. La NAF compte maintenant des académies dans plus de 300 écoles. Citigroup soutient également les programmes Junior Achievement (JA) et Young Enterprise dans beaucoup de ses marchés aux Etats-Unis et dans le monde, s'assurant le concours de ses employés comme instructeurs bénévoles. Récemment, l'autre PDG a rencontré un des organismes JA à Tokyo pour débattre de l'impact de la situation bancaire dans ce pays sur l'économie japonaise. Des programmes internationaux offrent à Citigroup l'occasion de "greffer" avec succès les innovations réalisées par une des antennes de Citigroup sur les organismes JA d'autres pays grâce aux réseaux, officiels ou non, de l'entreprise. Le JA d'Argentine a par exemple mis au point une simulation sur la fixation des taux d'intérêt appelée "Banks in Action". Cette simulation est devenue depuis la base d'une compétition internationale par équipes parrainées par Citigroup dans les pays voisins d'Amérique du Sud. Cette simulation a également été adaptée pour pouvoir être utilisée en Pologne, en Slovaquie, en Hongrie et dans la République tchèque, ainsi que dans la Fédération de Russie.

Au niveau universitaire, Citigroup finance des études internationales pour encourager l'éclosion de talents et d'idées et renforcer l'image mondiale de la société. A l'Université Charles de Prague, par exemple, Citigroup finance le Centre de recherche et d'études du troisième cycle, un programme d'économie du niveau du doctorat inspiré des programmes Ph.D des Etats-Unis et qui s'adresse aux étudiants de pays à économie de transition d'Europe centrale et orientale et des anciennes républiques soviétiques. Les diplômés retournent dans leur pays pour travailler dans les ministères des finances, les banques centrales, les organismes de contrôle et des sociétés privées. Citigroup finance également des programmes internationaux d'échanges d'étudiants par le biais des échanges Fullbright et Eisenhower, ainsi que des bourses d'internat en collaboration avec l'Association internationale des étudiants en sciences (AIESEC).

L'entreprise estime que ces investissements dans la formation et les études contribuent également à ses initiatives de développement économique.

Les compétences qu'une société de services financiers affûte tous les jours sont utiles à la relance économique des communautés. Animées par le souci de leur propre intérêt, les banques américaines possédant d'importants investissements dans les centres urbains se sont lancées dans la reconstruction des communautés, bien avant l'adoption de la Loi sur le réinvestissement dans les communautés (Community Re-investment Act) de 1970. Les entreprises de Citigroup et de la Fondation se sont associées à des organismes gouvernementaux et des ONG pour développer des programmes immobiliers de logements abordables, des programmes générateurs de revenus et garantir une gamme de services d'appui à la réhabilitation des communautés à faibles revenus. Le soutien apporté à l'Enterprise Foundation Daycare Development Fund, pour financer des programmes de garde d'enfants au coût abordable et former les femmes de ces communautés à des postes dans cette branche, en est un exemple.

Dans le combat contre la pauvreté, il est plus difficile de stimuler les économies locales pour créer des emplois et des revenus. Les institutions financières de développement des communautés (CDFI), qui jouent le rôle de banque dans ces quartiers, ont réalisé des progrès dans le financement non seulement de logements abordables mais également dans la création et l'agrandissement d'entreprises dans ces quartiers touchés par la pauvreté. Citigroup offre des prêts aux CDFI, dont des micro-crédits, sur les marchés où il est présent. Ce qui est plus important, c'est que la banque a développé toute une gamme de relations d'affaires avec les CDFI, dont des prêts, gestion des liquidités et lettres de crédit. A court terme, la banque et les CDFI apprennent l'une de l'autre. A long terme, la société prévoit d'utiliser ses relations d'affaires pour rapprocher les CDFI des marchés de capitaux. Dans cette optique, Citigroup a contribué à accueillir le premier Sommet du micro-crédit, organisé à Washington en 1997. Il a aussi établi des relations de travail avec la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement et le Programme des Nations Unies pour le développement en vue de faire progresser le mouvement de micro-crédit.

Les expériences vécues par les entreprises d'envergure mondiale dans le domaine de l'engagement stratégique au niveau de la communauté peuvent servir d'exemple à des entreprises plus petites. En Europe centrale par exemple, la Fondation pour une société civile et ses groupes affiliés ont créé, avec Citigroup, des prix pour récompenser le rôle civique des entreprises dans la République tchèque, en Pologne et en Slovaquie. Ces initiatives encouragent les responsables des communautés à contribuer à la définition du rôle civique des entreprises dans chaque pays, à concevoir des compétitions qui cadrent avec le rôle que les entreprises locales peuvent le mieux jouer et à présenter les gagnants comme des modèles de bon comportement d'entreprise.

Alors que l'économie mondiale s'accèlere et devient de plus en plus interdépendante, les entreprises bien gérées joueront un rôle utile dans l'établissement de normes pour l'engagement au sein des communautés. Elles axeront de plus en plus leurs efforts dans les secteurs où elles peuvent utiliser le plus efficacement leurs forces, cibler leurs ressources et offrir leur meilleur rendement à leurs communautés, à leurs employés et à leurs investisseurs.


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Paul M. Ostergard est le Président-Directeur général de la Citigroup Foundation. Il siège dans les conseils de nombreux organismes chargés de l'éducation et du développement, partout dans le monde, et s'exprime fréquemment sur l'évolution de la philanthropie des entreprises. M. Ostergard a participé en juin à un débat sur "Relations publiques et Nations Unies : le secteur privé et la responsabilité sociale".

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