Les effets de l'évolution de la sécurité
en Europe sur les Nations Unies
Comment est-ce que tout cela peut affecter les Nations Unies? En premier lieu, l'union de plusieurs institutions européennes non militaires et solidement établies renforce la sécurité de l'Europe de bien des façons, souvent peu remarquées. Ces institutions encouragent le bien-être économique, les institutions et méthodes démocratiques; elles favorisent les mécanismes de coopération, encouragent des rapports de confiance mutuelle, améliorent la situation des minorités et surveillent les questions de droits de l'homme. Des organisations telles que le Conseil de l'Europe par exemple et l'OSCE ont été très actives depuis l'ouverture de l'Europe de l'Est. Ces dernières années par exemple le nombre de missions spéciales mises sur pied par l'OSCE a quadruplé, bien que ses ressources financières et humaines restent sévèrement limitées. L'élargissement et l'amélioration de ces activités, associés à l'amélioration des capacités de défense de l'Europe, devraient permettre aux Nations Unies d'éviter d'augmenter leurs ressources en Europe, ce qui permettra de les mettre en oeuvre ailleurs. On peut également supposer que cette capacité européenne plus forte, plus indépendante, serait également mise à la disposition des Nations Unies. Les dirigeants européens et plusieurs de ses principaux partis politiques nationaux sont en faveur d'une coopération étroite avec les Nations Unies. Même s'ils ne tiennent pas vraiment à intervenir en dehors de la "sphère de l'OTAN", ils pourraient être plus disposés à le faire avec un mandat de l'ONU. Pour les Nations Unies, une Europe dotée de sa propre capacité de défense pourrait encourager une coopération plus étroite entre les Etats-Unis et l'ONU. Les Européens accordent un rang de priorité élevé à une telle coopération. De nombreux gouvernements et partis politiques veulent absolument éviter que la campagne de bombardements aériens au Kosovo, déclenchée sans l'autorisation spécifique de l'ONU, ne constitue un précédent. Leurs vues dans ce qui va certainement devenir un débat permanent sur les droits d'intervention et les contraintes d'un mandat de l'ONU seront importantes au moment où la communauté internationale s'efforce de définir les règles de base de la mise en oeuvre d'opérations de maintien de la paix. Enfin, il y a la meilleure synergie qui devrait naître entre les Nations Unies et plusieurs institutions européennes chargées de la sécurité. En s'efforçant de trouver de meilleurs moyens d'éviter les crises, de régler les conflits et de soutenir de nouveaux Etats ou des Etats en crise, les Nations Unies et ces organismes européens pourront partager leurs leçons et s'inspirer de leurs exemples de "meilleures pratiques", pour le bénéfice de tous. Les opérations de police, la surveillance des élections, la séparation entre voisins hostiles, sont autant de domaines où les Nations Unies ont des décennies d'expérience. Les Européens, de leur côté, ont beaucoup travaillé à la mise sur pied d'institutions stables à long terme, à la promotion de la démocratie et du respect des droits de l'homme dans les nouveaux Etats, à l'élaboration de mesures propres à renforcer la confiance dans le domaine militaire et à l'amélioration de l'intégration économique et politique. L'ONU, en tant qu'organisation mondiale et l'Europe, en tant qu'organisation régionale, ont tout à gagner d'une coopération plus étroite dans la prévention des crises. Pour obtenir de meilleurs résultats, elles doivent toutefois toutes les deux s'améliorer dans un certain nombre de domaines et c'est là que les Etats-Unis pourraient jouer un rôle positif, un rôle de catalyseur. L'Europe ne parviendra pas facilement à bâtir une défense indépendante commune ni à parler d'une seule voix en matière de politique étrangère, si elle y parvient un jour. Cet objectif exigera une volonté politique et la mobilisation de ressources publiques à long terme et beaucoup d'ingéniosité. La coopération entre les Européens doit être améliorée dans la production militaire, par exemple, et il faudra que ces pays, qui veulent coopérer mais craignent de céder toute parcelle de leur souveraineté, mettent au point des moyens ingénieux de comparer leurs avantages respectifs. Les Etats-Unis pourraient aider à la tâche en mettant fin à leur ambivalence envers le rôle d'une Europe autonome en matière de défense. Washington pourrait appuyer ses nombreuses déclarations de soutien de manière concrète pour progresser vers cet objectif. L'une des mesures à prendre consisterait à assouplir la règlementation qui entrave la coopération militaire entre les Etats-Unis et l'Europe. Les Etats-Unis devraient également poursuivre leurs efforts visant à améliorer la compatibilité des équipements, technologies et tactiques militaires. En outre, les Etats-Unis pourraient encourager les Européens à créer des instruments de prévention des crises plus imaginatifs dans le cadre de ce qu'on a appelé les "Tâches de Petersberg". L'expression est tirée d'une déclaration de l'UEO de juin 1992, qui présente l'engagement à développer les moyens d'intervention, dans le domaine des opérations humanitaires et de secours comme dans les fonctions plus traditionnelles de maintien de la paix et d'instauration de la paix par des moyens militaires. Les "Tâches de Petersberg" ont été adoptées par l'UE dans le Traité d'Amsterdam. Les moyens pratiques d'exécuter ces tâches sont toujours en cours de développement.
Les Etats-Unis devraient également adopter une attitude de coopération plus directe avec les Nations Unies. La première chose que doit faire Washington, bien entendu, c'est de s'acquitter de ses arriérés. Le gouvernement et le Congrès devraient aussi s'abstenir de critiquer les Nations Unies en tant qu'institution. Les échecs de l'ONU sont bien souvent provoqués par des circonstances sur lesquelles elles n'a aucun pouvoir - obstruction politique ou limitations financières par exemple. Création de la communauté internationale, l'ONU ne sera efficace et forte que dans la mesure des moyens qu'on lui accordera. La personnalisation des désaccords risque de mettre en danger le respect pour l'institution dans son ensemble. Prenons un exemple : le Secrétaire général des Nations Unies de l'époque a été vivement critiqué dans certains cercles des Etats-Unis alors qu'il s'efforçait de trouver une solution au conflit en Bosnie lors de l'opération de la Force de protection de l'ONU (avant les accords de Dayton). Il avait demandé aux membres des Nations Unies de renforcer le contingent en Bosnie, pour le faire passer de 15 000 hommes à 40 000. Il n'obtint jamais ces renforts de la part des Etats Membres - et on l'a accusé, avec les Nations Unies, "de ne pas être à la hauteur" de la tâche. Et pourtant, lorsque la Force d'intervention emmenée par l'OTAN a débarqué en Bosnie pour y prendre la relève du petit contingent de l'ONU, elle comptait pas moins de 60 000 hommes!
Bien sûr, il fallait que les Nations Unies s'améliorent pour répondre de manière plus efficace à l'évolution rapide de la crise en Bosnie et il est certain que l'on peut encore progresser pour rendre plus efficaces leurs efforts de gestion des crises. Mais un climat de coopération et d'efforts communs est indispensable au succès. Un succès qui bénéficiera à l'Europe, aux Nations Unies, aux Etats-Unis et à la communauté mondiale.
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