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Pour une vraie réforme aux Nations Unies


"Lorsque les Etats-Unis ont assumé la présidence du Conseil de sécurité en janvier, on a eu un bon aperçu de ce qui pourrait se passer si la dernière superpuissance du monde exerçait un "leadership" vigoureux et consistant. Le Représentant permanent des Etats-Unis auprès des Nations Unies, Richard Holbrooke, mérite d'être félicité pour la façon dont il a dirigé les débats. On reste pourtant sur l'image d'un gouvernement Clinton soucieux de faire ce que l'on attend de lui mais restant entravé par des restrictions législatives et un manque de ressources," écrit J. Brian Atwood, Vice-Président exécutif de la Citizens Energy Corporation.


L'ambassadeur des Etats Unis Richard Holbrooke s'adresse au Conseil de sécurité.
Les Etats-Unis ne peuvent plus dire, comme ils l'ont fait tout au long de la décennie avec d'énormes déficits fiscaux, que leur économie traverse une période "d'ajustement structurel". Aujourd'hui, alors que le débat intérieur porte sur la manière de dépenser l'énorme surplus actuel, la question est de savoir si et comment le pays lancera un dialogue créatif avec la communauté internationale dans le dessein de préserver ses intérêts tout en encourageant la paix, la prospérité et la démocratie. Le rôle des Etats-Unis au sein des Nations Unies devrait être au centre de ce débat.

Une partie de l'électorat américain partage l'opinion exprimée par le Sénateur Jesse Helms devant le Conseil en janvier. Les sondages indiquent toutefois que la vaste majorité se prononce en faveur de la coopération internationale, de l'engagement et des Nations Unies. Cette majorité ne se préoccupe pas de la perte de prérogative en matière de souveraineté. On peut se féliciter que les deux principaux candidats à la Maison-Blanche partagent l'opinion de la majorité. Leur démarche de politique étrangère est peut-être différente, mais ni l'un ni l'autre ne retirerait aux Nations Unies leur rôle d'outil indispensable à la solution des différends, au dialogue et au développement.

Le problème de la réforme est d'une importance cruciale. Le consensus est limité sur cette question et personne ne se sent prêt à lancer un débat en profondeur pour trouver une politique commune, au moins pas pendant une campagne électorale. Toutes les organisations doivent évoluer pour rester utiles et efficaces en cette période de mondialisation et l'ONU n'échappe pas à cette règle.


"Ce qu'on appelait réforme à l'époque consistait à céder à des pressions budgétaires qui n'avaient quasiment rien à voir avec la capacité de l'USAID à s'acquitter de sa mission. En fait, il devint extraordinairement difficile de relever les défis et profiter des possibilités dans les secteurs du développement et des secours humanitaires. Et cependant on attendait encore beaucoup plus de notre personnel surmené. Cela ne vous rappelle rien ?"
Le Secrétaire général a reconnu la nécessité de s'adapter. Des mesures impressionnantes ont été prises pour diminuer le gaspillage et améliorer la responsabilité, la coordination et l'efficacité des prestations de services. Des partenariats entre secteurs public et privé ont été mis sur pied et l'on s'efforce en ce moment de trouver de nouvelles façons de mettre la technologie de l'information au service du monde en développement. Mais les problèmes demeurent et le défi de la réforme subsiste.

J'ai moi-même quelque expérience de la réforme d'une grande institution. L'Agence des Etats-Unis pour l'aide au développement (USAID), qui était loin d'être aussi développée que les Nations Unies, n'en était pas moins controversée dans certains milieux. Notre programme de réforme permit au cours des deux premières années de réorganiser l'institution, d'améliorer la proportion entre les effectifs et les missions, de privilégier les résultats et de mieux orienter nos objectifs vers les principaux éléments du développement. Si nous n'avions pas pris ces mesures, peut-être n'aurions-nous pas été en mesure de survivre à cette ambition frénétique d'équilibre du budget qui déferla sur Washington après les élections de 1994. J'ai passé les quatre années et plus du reste de mon mandat à licencier bien au-delà de ce qu'aurait demandé n'importe quel plan sensé de réformes et à défendre l'USAID contre ceux qui souhaitaient la faire disparaître ou la fondre dans le département d'Etat. Ce qu'on appelait réforme à l'époque consistait à céder à des pressions budgétaires qui n'avaient quasiment rien à voir avec la capacité de l'USAID à s'acquitter de sa mission.

En fait, il devint extraordinairement difficile de relever les défis et profiter des possibilités dans les secteurs du développement et des secours humanitaires. Et cependant on attendait encore beaucoup plus de notre personnel surmené. Cela ne vous rappelle rien ?


"Les instructions que les Nations Unies reçoivent de leur Etat Membre le plus puissant mettent en danger leurs membres les moins puissants. Je me refuse à croire que c'est ce que souhaitent les candidats actuels à la présidence. Ce n'est certainement pas ce que veut la majorité des Américains."

Aujourd'hui, l'Etat Membre le plus puissant enjoint l'ONU à se réformer tout en lui demandant de faire davantage avec moins de ressources. Les Etats-Unis ont accepté de payer une partie de leurs arriérés si les Nations Unies font baisser de 25 à 20 % leur contribution au budget, si elles réforment encore leurs procédures et procèdent à de nouveaux licenciements. En même temps, les missions de l'ONU et les tâches de ses institutions ne cessent de s'alourdir. Cet état de choses ne produira pas une organisation plus efficace, mieux coordonnée ou plus responsable. Ces pressions n'aboutiront pas à une réforme. Elles produiront plutôt une organisation de moins en moins capable de relever les défis et de tirer parti des possibilités du monde contemporain. En outre, les instructions que les Nations Unies reçoivent de leur Etat Membre le plus puissant mettent en danger leurs membres les moins puissants.

Je me refuse à croire que c'est ce que souhaitent les candidats actuels à la présidence. Ce n'est certainement pas ce que veut la majorité des Américains. La presse suit de près l'alourdissement de l'ordre du jour des Nations Unies en matière de diplomatie et de maintien de la paix. Jamais le Conseil de sécurité n'a été aussi actif. Ces derniers mois, il s'est occupé des inspections en Iraq, du relèvement du Kosovo, de la surveillance des élections puis du maintien de la paix au Timor oriental, et du conflit dans la République démocratique du Congo.

La diplomatie multilatérale, avec toutes les difficultés qu'elle comporte, est devenue un des principaux outils des ministères des affaires étrangères. Le fardeau repose en grande partie sur les Nations Unies. L'opinion publique s'intéresse moins aux défis du développement -- ces facteurs souvent à l'origine des crises ou conflits. Pourtant, le système des Nations Unies plie sous la pression de problèmes de développement trop nombreux pour être examinés en profondeur ici. Cinq questions revêtent à mes yeux une importance cruciale et leurs conséquences humanitaires sont en train de submerger les Nations Unies et leurs institutions spécialisées.

  • Réchauffement climatique : alors que les émissions de gaz à effet de serre augmentent et provoquent l'effet de serre, les marées s'amplifient, les températures s'élèvent et les catastrophes climatiques font périr plus de personnes, provoquent plus de destructions et augmentent les besoins en matière de secours humanitaires.
  • La pandémie du VIH/sida : 14 millions de personnes sont déjà mortes dans l'Afrique subsaharienne et 30 millions de plus au moins mourront dans les 20 ans à venir, 11 000 infections de plus se produisant tous les jours (si l'on ajoute l'Asie du Sud et du Sud-Est, ces statistiques sont encore plus alarmantes).
  • Insécurité alimentaire : bien que les réserves alimentaires à l'échelle mondiale soient suffisantes, de graves pénuries alimentaires et des problèmes d'accès à la nourriture ont fait passer le nombre de personnes qui souffrent de malnutrition bien au-delà des 800 millions mentionnés lors du Sommet alimentaire mondial de 1998.
  • L'explosion du nombre de jeunes : bien plus de 50 % des habitants des pays en développement ont moins de 21 ans ; la vaste majorité de ceux qui vivent dans des conditions de pauvreté extrême sont des jeunes.
  • Pauvreté extrême : alors que la mondialisation enrichit encore davantage nombre d'habitants des pays occidentaux, 1,3 milliard de personnes au moins vit dans des conditions de pauvreté extrême.
Ces cinq problèmes de développement revêtent une importance majeure pour la communauté internationale et pour le système des Nations Unies. Aucun d'entre eux ne peut être résolu par les seules institutions de donateurs bilatérales. La coopération internationale entre donateurs bilatéraux et multilatéraux est absolument essentielle.

L'augmentation du nombre de personnes de ces catégories -- les victimes des catastrophes naturelles, les séropositifs, les personnes qui souffrent de la pauvreté extrême, celles qui sont mal nourries, et les jeunes pauvres -- se traduit par un plus grand nombre de conflits, de réfugiés et une instabilité croissante. En conséquence, on demande davantage l'intervention les Nations Unies pour les secours humanitaires, les efforts diplomatiques et le maintien de la paix.

J'espère que le "leadership" exemplaire dont ont fait preuve les Américains aux Nations Unies en janvier deviendra aux Etats-Unis une position de consensus, soutenue par les deux partis politiques, par le Congrès et par la branche exécutive.

Winston Churchill a dit un jour qu'il avait une grande confiance dans le peuple américain : "Ils font invariablement ce qu'il faut faire, après avoir examiné tous les choix possibles".

Nous avons essayé de ne pas tenir compte des Nations Unies. Nous avons essayé de les critiquer. Nous avons essayé de faire pression sur elles. Nous avons essayé de les réformer en diminuant leur budget. Peut-être essaierons-nous maintenant d'améliorer leur efficacité en coopérant avec leurs autres Etats Membres et en payant nos factures.

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