Encourager une
bonne gouvernance :
L'approche décentralisée du FIDA
Président adjoint, Département de la gestion des projets, FIDA ![]() Pays donateurs et bénéficiaires se sont mis d'accord sur un consensus de base : réaliser un développement soutenu dans l'intérêt des pauvres exigera davantage que la croissance et la mise en œuvre résolue de réformes économiques ; ce développement doit être lié à un processus qui permettra aux pauvres de se prendre en charge. L'aide au développement a donc pour objectif de combattre la pauvreté ; pour le faire de manière efficace, elle doit demander un environnement propice à ce processus et contribuer à l'instaurer. L'évolution de la mission du Fonds international du développement agricole (FIDA) au cours des 20 dernières années anticipait d'une certaine manière sur cette réorientation fondamentale de la politique du développement. Dans ses politiques et critères, le Fonds a établi des principes directeurs d'ensemble liés à la gouvernance qui restent, semble-t-il, encore valides. Les principes affirment que "l'engagement du pays bénéficiaire en faveur d'une stratégie de développement orientée sur les pauvres en milieu rural, tel qu'il est manifesté dans les politiques et institutions appropriées, est un facteur important" et que "les critères de performance devraient tenir compte de l'efficacité de l'usage des flux des ressources vers l'agriculture". Ces critères mettent en évidence la caractéristique frappante qui distingue le FIDA des institutions de Bretton Woods par exemple : le Fonds n'intervient pas au niveau macroéconomique mais au niveau local, en se servant des collectivités de base comme point de départ et point de référence. Les projets du FIDA fournissent toutefois non seulement les moyens d'améliorer directement les moyens de subsistance des pauvres, par exemple en réalisant des projets d'irrigation à petite échelle, en augmentant les surfaces cultivées ou en favorisant le micro-crédit, mais encore ils visent à améliorer le cadre institutionnel qui permet aux pauvres d'améliorer leur condition en ayant recours à des instruments qui veillent à ce que l'on tienne compte de manière satisfaisante de leurs intérêts et préoccupations. Ces instruments peuvent être l'aide fournie aux organisations au niveau de base et le renforcement des institutions locales qui les assistent. Le fait que le FIDA privilégie les interventions au niveau local ne signifie pas du tout qu'il ne prévoit pas de changements structurels aux niveaux intermédiaire et macroéconomique. Ces changements sont certainement prévus, mais en partant de la base. En fait, les activités du FIDA en de nombreux pays complètent celles de la Banque mondiale et des autres institutions financières multilatérales qui axent leurs interventions sur le niveau macroéconomique et avaient donc tendance, jusqu'à une période relativement récente, à adopter une démarche de "haut en bas". En El Salvador et au Paraguay, par exemple, le dialogue de politique avec le gouvernement national a commencé avec la mise en œuvre de projets dans certains districts ruraux. Cela a entraîné la promulgation de lois spécifiques relatives au crédit rural et la création de fonds d'affectation qui ont donné aux pauvres des régions rurales l'accès aux services financiers. Au Chili, suite à la coopération avec le FIDA, des conseils de développement locaux, qui comprennent des représentants des pauvres ruraux et des gouvernements régionaux et centraux, ont été créés en vue de sélectionner et coordonner les investissements publics à faire dans les campagnes. En Syrie, les politiques de développement agricoles ont longtemps préféré les démarches "de bas en haut". Le Projet de développement des pâturages extensifs de Badia adopte pour la première fois en Syrie une véritable stratégie de participation. Des groupes de bénéficiaires, coopératives et associations traditionnelles interviennent à toutes les étapes et pour tous les aspects de la mise en œuvre du projet.
Dans de nombreux pays, c'est la corruption qui représente le plus gros obstacle à l'amélioration des performances et de la gouvernance. Je le répète, il n'incombe pas au FIDA d'aborder ce problème au niveau national, c'est-à-dire en aidant les pays à mettre en place des institutions et règlements pour améliorer la transparence et la responsabilité de l'administration. Mais l'approche décentralisée du FIDA et les efforts croissants qu'il entreprend pour aider les gouvernements à mettre en œuvre des politiques de décentralisation pour les pauvres des régions rurales contribuent en fait beaucoup à une amélioration de l'efficacité et de la transparence des services gouvernementaux au niveau local. Si les gens ont leur mot à dire dans la conception et le contrôle des projets, les ressources publiques prévues pour améliorer la productivité ne sont en général pas détournées dans un but "non productif". C'est là une des raisons pour lesquelles le FIDA réclame que les associations des communautés locales soient un élément constituant de la vaste majorité de ses projets et que leurs capacités soient renforcées. Voilà pourquoi le FIDA a convaincu ses partenaires au Ghana, Sénégal et en Guinée, c'est-à-dire les gouvernements et la Banque mondiale, d'élargir les programmes de décentralisation au-delà du niveau des districts, jusque dans les villages et les organisations communautaires. Au Soudan, les projets du FIDA privilégient le renforcement des capacités des communautés villageoises à planifier et mettre en œuvre des sous-projets qui augmentent les revenus agricoles et non agricoles et donnent accès aux services financiers ruraux. Cela n'a peut-être pas un rapport immédiat avec le problème de base de légitimité et équité democratiques au niveau national mais cela encourage certainement, de façon exemplaire, la gouvernance et la transparence démocratique au niveau local, pour commencer. Les pauvres, qui sont la catégorie la plus vulnérable de la population, sont aussi ceux qui souffrent le plus des troubles politiques et des guerres civiles. De plus, le cycle perpétuel de pauvreté, qui peut provenir de l'instabilité politique, peut devenir une source de nouveaux conflits internes. Dans ce contexte, le FIDA a récemment approuvé un certain nombre de projets qui lui permettent de jouer un rôle important dans le processus de relèvement dans plusieurs pays d'Amérique centrale, ainsi qu'au Rwanda et au Burundi. Le succès de ces projets vient en partie du fait que le FIDA n'a pas attendu que soit mise en place une administration efficace au niveau national; il est intervenu au moment opportun pour remettre sur pied l'infrastructure physique et institutionnelle de base nécessaire pour générer des revenus orientés sur la production et viables dans les régions rurales durement touchées. Au Rwanda et au Burundi, le FIDA a été le seul donateur international à maintenir ses activités, même au cours du conflit armé. Au Cambodge, il joue un rôle distinctif dans le relèvement, en s'efforçant en particulier d'empêcher que de nouveaux conflits n'éclatent.
Il va sans dire que le FIDA est déterminé, comme les autres, à orienter ses fonds vers les "auteurs des meilleurs performances". Mais ce qui compte pour le FIDA, c'est la performance et la gouvernance au niveau local, c'est-à-dire dans l'environnement immédiat des pauvres des régions rurales. L'application de critères de performance et de gouvernance au niveau "micro" a fréquemment amené le FIDA à tirer des enseignements très similaires à ceux qu'ont tirés d'autres donateurs. La Somalie, la Sierra Leone, la République démocratique du Congo et le Nigéria avant les récentes élections offrent à cet égard un exemple frappant. Et au Kenya, le FIDA a dû réduire sa coopération parce qu'il ne pouvait y maintenir une gestion financière saine -- un problème que l'on est en train de surmonter en explorant des systèmes acceptables et viables de décentralisation financière transparente. Mais il est arrivé que le FIDA, en appliquant ses critères de performance, décide de poursuivre ou même de lancer des projets de coopération, offrant ainsi un contraste saisissant avec d'autres institutions financières multilatérales et la plupart des donateurs bilatéraux. Cela est arrivé récemment par exemple au Soudan, au Rwanda, au Burundi et en République populaire démocratique de Corée. Cela se justifie, il est bon de le rappeler, parce que la mission et le rôle distincts du FIDA consistent à aider les pauvres en milieu rural avec des projets qui interviennent essentiellement au niveau de base. C'est précisément cette démarche face à la réduction de la pauvreté qui a permis au FIDA de se rendre compte de ce qui, à mon avis, va devenir un gros problème politique dans l'application des résolutions du Sommet mondial pour l'alimentation de 1996 et de l'OCDE/ECC ("Façonner le XXIe siècle") en 1997 : orienter les ressources vers les pays les plus performants risque d'être en contradiction avec l'objectif d'ensemble de reduction de la pauvreté. Les pauvres habitent souvent dans des pays dont les performances ne sont pas bonnes et qui peuvent rarement satisfaire des normes élevées en termes de bonne gouvernance. La communauté des donateurs doit donc relever le défi posé par cette tension inhérente, un défi qui est encore renforcé par la prise de conscience croissante de la nécessité de renforcer l'aide au développement dans la prévention des conflits et les situations de relèvement d'après les crises. Si les donateurs souhaitent s'acquitter correctement de cette tâche, ils doivent collaborer avec des pays qui se caractérisent par un environnement de macro-politique qui ne favorise pas un développement durable et participatoire, ce qui aggrave les risques de conflit. Les responsables politiques des institutions de développement commencent à se rendre compte qu'ils doivent se déciders:
Bien sûr, il peut arriver et il arrivera qu'il ne soit pas raisonnable de coopérer avec un gouvernement au niveau national. Mais avant de mettre fin à toute coopération avec un "mauvais gouvernement", infligeant ainsi une double punition aux pauvres, une politique de développement axée sur la lutte contre la pauvreté exige que l'on cherche toutes les formes et tous les instruments de coopération possibles pour aider les pauvres sans contribuer à renforcer les conditions générales qui les maintiennent dans leur situation. Orienter les fonds vers les organisations non gouvernementales (ONG), ou par leur intermédiaire, peut apporter une solution à ce dilemme. Malheureusement, un Etat faible correspond dans la plupart des cas à une société civile faible.
Les membres peuvent envisager de se servir davantage de cette spécificité. Finalement, quand le FIDA applique ses critères spécifiques de performance fixés par ses organes directeurs, il ne sape pas les conditionnalités de bonne gouvernance décidées par les autres donateurs. En fait, il les soutient. La coopération entre le Groupe de la Banque mondiale et/ou les donateurs bilatéraux d'un côté, et le FIDA de l'autre, a prouvé qu'elle renforçait l'efficacité et l'impact de leurs contributions. La raison en est que ces approches différentes se complètent.
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