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Energie : 2000


Par Ingvar B. Fridleifsson
Autorité nationale de l'énergie, Reykjavik, Islande

L'énergie affecte tous les aspects de la vie moderne. Il existe une corrélation claire entre l'utilisation d'énergie par habitant dans un pays et les questions auxquelles nous attachons beaucoup d'importance, telles que l'espérance de vie, l'alphabétisation, ainsi que la productivité par habitant. Avant la fin du siècle prochain, près des trois-quarts de la population mondiale vraisemblablement vivront en milieu urbain, ce qui créera de graves problèmes de logement, d'hygiène, de qualité de l'air et de l'eau, de soins de santé et d'encombrements. Pourtant, au moment où nous changeons de millénaire, 2 milliards de personnes — soit le tiers de la population mondiale — n'ont toujours pas accès aux services modernes qu'offre l'énergie.

Au cours des années 90, les dépenses d'équipement concernant l'énergie au niveau mondial ont dépassé 200 milliards de dollars par an. Il semble que le développement économique au cours du siècle prochain ne sera pas limité par les ressources géologiques. Les problèmes d'environnement, les limites financières et technologiques, imposeront, semble-t-il, davantage de contraintes à l'avenir.

L'un des principaux obstacles à surmonter pour améliorer le niveau de vie des pauvres consiste à mettre à leur disposition de l'énergie propre à des prix abordables. C'est là un problème d'autant plus urgent que la population mondiale devrait doubler d'ici à la fin du XXIe siècle, passant de 6 à 10,4 milliards de personnes avant 2100 — et la quasi totalité de cette explosion démographique surviendra dans le Sud.

D'ici à 2100, d'après des études de la Banque mondiale et des Nations Unies, la population des pays développés passera à moins de 10% du total et les pays en développement représenteront environ 80% des besoins en énergie. La quantité d'énergie disponible par habitant dans les pays en développement sera certainement nettement inférieure à celle du reste du monde — représentant peut-être 50 à 60% seulement de celle de la région de l'Organisation pour le développement et la coopération économiques.

Les questions d'énergie devraient être considérées dans leur perspective globale, c'est-à -dire sociale et institutionnelle ainsi qu'économique et écologique. Il faut souligner en particulier que les gens ne demandent pas de l'énergie en tant que telle mais les services que l'énergie peut fournir : chauffage, climatisation, cuisine, éclairage, mobilité et force motrice. En 1990, l'énergie primaire du monde était assurée par le pétrole (34%) le charbon (24%), le gaz (19%), les énergies renouvelables (19%) et le nucléaire (5%).

En 1993, la Commission du Conseil de l'énergie mondiale (CEM) a présenté trois cas possibles concernant l'évolution de l'énergie à l'avenir (élargis plus tard en six scénarios). Chaque cas représentait différentes suppositions en termes de dévéloppement économique, de rendement énergétique, de transfert de technologies, et de financement du développement dans le monde. La période sur laquelle la Commission insistait était les années 2020-2050.

Dans tous les scénarios, on note une augmentation significative des énergies renouvelables. L'apogée de l'ère des combustibles fossiles est passée. La consommation de l'énergie à base de combustibles fossiles augmente plus lentement que l'ensemble des besoins d'énergie primaire.

Le pétrole, le gaz et le charbon restent des sources d'énergie de transition importantes mais leur part diminue progressivement tout au long du siècle prochain. En quantités absolues, toutefois, les besoins futurs en pétrole et gaz sont énormes comparés aux niveaux actuels.

L'utilisation traditionnelle des sources d'énergie renouvelables (bois de chauffage) devrait s'effacer progressivement devant des conducteurs d'énergie de bonne qualité, notamment ceux des sources "nouvelles" renouvelables comme la biomasse, l'énergie solaire, éolienne et géothermique. L'énergie hydrolique et la biomasse traditionnelle sont déjà des éléments importants des diverses sources d'énergie du monde (environ 18% du total), alors que les énergies renouvelables "nouvelles" ne représentent que 2% environ de l'énergie primaire utilisée dans le monde. La période allant jusqu'à 2020 est considérée comme une période de transition capitale pour les sources d'énergie renouvelables sur le marché de l'énergie, d'autant plus que l'un des éléments les plus importants des "nouvelles" sources d'énergie renouvelables, à savoir l'énergie solaire pour la production électrique, n'est pas encore compétitive, sur un plan commercial, avec les sources d'énergie conventionnelles. La biomasse moderne, l'énergie éolienne et géothermique, le sont, elles, et leurs progrès sont relativement rapides. La Commission du CEM a estimé que la contribution des "nouvelles" sources d'énergie renouvelables pourrait, en 2020, contribuer de 3 à 4% de la demande d'énergie totale avec un appui politique minimum et de 8 à 12% avec un appui politique important.

La satisfaction des futurs besoins d'énergie du monde fait apparaître de nombreuses zones de conflit à l'horizon. Prenons, par exemple, l'augmentation de l'utilisation de la boomasse pour la production d'énergie. Tant la production alimentaire agricole que la production de biomasse à des fins d'énergie exigent des terres, ce qui crée un conflit potentiel sur l'utilisation des terres. En Asie, par exemple, l'augmentation de la production agricole et l'utilisation de biomasse maximum exigeraient la totalité des terres arables d'ici à 2100. Le futur de la biomasse sera, en toute probabilité, limité.

Augmenter l'utilisation de l'énergie nucléaire pose des conflits d'intérêt similaires. Les problèmes associés à la sécurité des centrales nucléaires et au stockage des déchets nucléaires préoccupent vivement le public, ce qui a incité un grand nombre de pays industrialisés à cesser de construire des centrales nucléaires. La Suède, par exemple, a décidé d'éliminer d'ici à 2010 les centrales nucléaires qui fournissaient pourtant plus de 40% de son électricité depuis le milieu des années 80. A côté des problèmes de sécurité nucléaire et d'élimination des déchets, la préoccupation de la communauté internationale face à la prolifération des matières fissiles susceptibles d'être utilisées à des fins d'armement augmentera à mesure que de plus en plus de nations comptent sur les centrales nucléaires.

Il est clair qu'aucune source d'énergie ne remplacera toute seule les combustibles fossiles pollueurs. L'intégration des sources d'énergie locale des pays dans des réseaux qui utilisent la meilleure énergie locale ou importée est capitale si l'on veut trouver des solutions aux problèmes d'énergie régionaux et mondiaux. Dans les pays en développement en particulier, le développement du secteur de l'énergie doit aller de pair avec les progrès de l'infrastructure, le développement social et la croissance économique.

Les institutions des Nations Unies telles que le Programme des Nations Unies pour le développement ont joué un rôle important dans le développement du secteur de l'énergie dans un grand nombre de pays en développement, en particulier dans le développement des sources d'énergie renouvelables telles que l'énergie hydrolique et l'énergie thermique. La Banque mondiale a contribué au financement et à l'organisation des contrôles de la qualité d'importants projets en matière d'énergie partout dans le monde. Mais c'est dans la mise en œuvre des accords internationaux sur l'utilisation durable des sources d'énergie que les institutions de l'ONU ont un rôle capital à jouer.

—Extraits d'un document présenté à la Conférence de l'UNU sur le millénaire organisée à Tokyo (japon).


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DÉSÉQUILIBRES RÉGIONAUX DANS LA CONSOMMATION D'ÉNERGIE

La priorité numéro un pour la majorité de la population mondiale est d'avoir accès à une énergie d'un coût abordable et en quantité suffisante. Quelque 70% de la population mondiale vit à un niveau de consommation d'énergie par tête qui n'est que le quart de celui de l'Europe occidentale et le sixième de celui des Etats-Unis. En 1990, avec 5% seulement de la population mondiale, le Canada et les Etats-Unis représentaient 29% de la production mondiale brute (PMB), 24% de l'utilisation d'énergie primaire et 25% des émissions de dioxyde de carbone nettes liées à l'énergie. L'Afrique subsaharienne, où vit 9% de la population mondiale, représente 1% du PMB, 24% de l'utilisation d'énergie primaire (dont les 2/3 provenant du bois de chauffage) et 2% des émissions de dioxyde de carbone nettes liées à l'énergie. Pour l'Asie du Sud, où vit 20% de la population mondiale, les chiffres sont respectivement de 2%, 5% et 3%.

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