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Pauvres ou exclus?
Les leçons de l’Amérique latine et des Caraïbes

Par Yves Cabannes

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Photo/Horst Rutsch
Les villes se développent et, parallèlement la pauvreté augmente. Cependant, les tendances régionales émergentes indiquent que le profil de pauvreté est différent de celui d’il y a dix ou vingt ans. Il est donc nécessaire de prendre en compte ces nouvelles tendances lorsque les politiques de développement des établissements humains et des programmes d’éradication de la pauvreté sont adaptées aux diverses régions. L’une des questions centrales pour les pauvres qui vivent dans les villes d’Amérique latine et des Caraïbes est la notion d’exclusion. En octobre 2000, 300 représentants de 33 pays, principalement d’Amérique latine, se sont réunis à Mexico lors de l’Assemblée mondiale des citadins afin de “repenser la ville à partir de notre point de vue et faire entendre notre voix”. Ponctuée d’échanges chaleureux, de visites dans les quartiers, de danses et d’éclats de rire spontanés, la réunion s’est déroulée d’une manière différente des conférences traditionnelles dans le sens où elle fournissait aux leaders d’organisations de pauvres dans les villes un forum international pour présenter leurs idées fondées sur leur expérience.

Lors de cette Assemblée, il est apparu clairement que la plupart des représentants des mouvements sociaux de la région rejetaient le terme pauvreté et préféraient parler d’exclusion. Selon Martin Longoria, membre du Front continental des organisations communautaires et du Cri des exclus, la différence est tout à fait claire : “Pour nous, la pauvreté fait référence à un certain niveau d’accès aux biens, alors que l’exclusion fait référence au niveau d’accès aux droits.” La première priorité n’est pas la lutte pour l’accès à la terre ou au logement mais pour “les droits civiques” dans leur ensemble. Pourtant les membres du mouvement sont généralement actifs dans les divers aspects de l’exclusion. Ils se battent pour que les exclus puissent se faire entendre, spécialement lors de la formulation des politiques aux niveaux local ou national. “Savez-vous quel est, pour nous, le contraire de l’exclusion ? Ce n’est pas l’inclusion mais la participation. La participation active est ce qui fait d’une personne un citoyen à part entière”, a-t-il jouté.

L’expérience montre clairement que pour éradiquer la pauvreté, il faut d’abord être à l’écoute des pauvres, leur donner une chance et soutenir leurs initiatives. Le Bureau régional du Programme de gestion urbaine, réalisé par le Programme des Nations Unies pour le développement et le CNUEH (Habitat), a développé une série d’activités destinées à renforcer la participation active des exclus.

Participation au Forum consultatif régional.
Des groupes représentant les intérêts des exclus et des pauvres des villes participent au Forum consultatif régional du Programme de gestion urbaine, dans lequel ils sont des partenaires au même titre que les institutions spécialisées de l’ONU, les organisations internationales, telles l’Union internationale des autorités locales et la Confédération des caisses populaires, ainsi que les réseaux régionaux d’universités les plus actifs, les organisations non gouvernementales (ONG) et les chercheurs. Le programme de gestion urbaine relève du Forum consultatif qui dirige ses activités. Tous les partenaires ont souligné l’importance de ce forum unique en raison de la diversité des points de vue exprimés.

Le pacte urbain.
Dans chacune des 40 consultations urbaines et dans de nombreux autres projets, la représentation des pauvres des villes fait partie des accords entre partenaires. Ce type de “pacte urbain” définit les objectifs, les activités et les engagements des gouvernements locaux ainsi que ceux des organisations communautaires et des autres partenaires qui peuvent varier d’une ville à l’autre.

Des partenariats utiles.
L’objectif commun de tous les partenaires est d’explorer, de légitimer et de renforcer les formes de gouvernance urbaine participative comme moyen de formuler les politiques et de mener des projets pour combattre la pauvreté et l’exclusion. Jusqu’à présent, les dialogues engagés aux niveau régional et municipal ont conduit à la constitution de quelques partenariats concrets :

  • établissement d’une carte d’indicateurs d’inclusion et d’exclusion à Santo André (Brésil) comme outil de gestion permettant de réduire les inégalités sociales et physiques;
  • cogestion de fonds de microfinancement en Équateur, développement des efforts pour augmenter les ressources municipales à Quito, Belem et Maracaibo;
  • amélioration de la gestion des terres et régularisation du statut des immigrants ou des personnes déplacées dans les villes, à Leon et Belize, où ils sont nombreux;
  • développement de plans d’actions multiculturels et pluralistes qui incluent les peuples autochtones - à Quetzaltenango (Guatemala) - ou les jeunes - à Cotacachi (Équateur) et à Barra Mansa (Brésil).
Institutions de service comme partenaires régionaux.
Diverses ONG, telles que FEDEVIVIENDA en Colombie, participent activement aux organisations de citoyens et communautaires afin de s’attaquer au problème de la pauvreté et sont désormais les partenaires régionaux du Programme de gestion urbaine dans la région. Leur rôle est de renforcer leurs capacités, légitimer leurs pratiques communes et élargir le dialogue avec les gouvernements locaux de sorte que les programmes de développement de la région soient soutenus, finalement, par les activités des pauvres eux-mêmes.

Qui sont les pauvres en Amérique latine?

En Amérique latine et aux Caraïbes, de nouvelles tendances indiquent que le profil des pauvres des villes change:

  • Une majorité de pauvres des villes de la région sont d’origine africaine. Le Brésil, par exemple, compte environ 70 millions d’Afro-Brésiliens - dont la plupart sont pauvres et vivent dans les villes. Moins de 2% d’entre eux ont un niveau d’études universitaires.
  • Les populations autochtones constituent 25% des pauvres, en dépit du fait qu’elles représentent seulement environ 8% de la population de la région. Celles qui vivent dans les villes ne sont pas représentées dans les statistiques ni dans les politiques officielles. Mexico, la plus grande ville de la région, abrite un million de personnes autochtones qui parlent plus de 50 langues différentes. Au Chili, sur un million de Mapuches, 400 000 vivent dans la ville de Santiago.
  • Une classe émergente de “nouveaux pauvres” se constitue - des personnes qui avaient un emploi, faisaient partie de la classe moyenne et qui sont aujourd’hui en dehors des systèmes structurés et d’aide sociale. Cette exclusion massive est le résultat des processus de modernisation et de privatisation qui ont causé la disparition dans les villes des réseaux de solidarité qui aidaient les “nouveaux pauvres” à survivre et à se nourrir. De récents rapports indiquent que l’Argentine, autrefois modèle de l’État providence, compte actuellement au moins 10 millions de pauvres.



Yves Cabannes est coordonnateur du Bureau régional du Programme de gestion urbaine pour l’Amérique et les Caraïbes dont le siège est situé à Quito (Équateur).

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