Regard sur lAsie
En Inde, le projet Nashta
En Thaïlande, les besoins de base minimaux
Par K. Tontisirin, G. Nantel & L. Bhattacharjee
Le projet Nashta en Inde
1981. Samadhan nest encore quune idée. À Delhi, les colonies de relogement des familles à revenus bas sont un mélange
hétérogène de cultures, de religions, de langues et même de cuisines. Ne disposant daucune ressource dinformation, de programmes de sensibilisation ou de
services disponibles, les familles ont, depuis longtemps, capitulé devant le besoin daider leurs enfants handicapés. Certains blâment Karma, le mauvais œil, le sang
impur transmis par la bru (jamais par le fils), la pleine lune et dautres événements. Telle était la situation quand Samadhan a été lancé. Notre
travail initial dans la communauté ciblée était centré sur un enfant souffrant dun handicap intellectuel, sa mère et sa famille. Vingt ans après, nous
sommes contents des progrès accomplis, non seulement en ce qui concerne les enfants handicapés mais aussi les femmes de la communauté.
Notre objectif initial était de traiter le handicap intellectuel mais, au fur et à mesure, nous avons étendu nos services à toutes les formes de handicap. Avec le soutien
du centre nodal, une unité dintervention immédiate pour les nourrissons et les enfants dâge préscolaire a été en mesure deffectuer des
visites dans les familles. Durant ces visites, nous nous sommes aperçus que les mères privées déducation avaient instinctivement développé des
mécanismes dadaptation innovateurs. Quil sagisse de mobiles aux couleurs vives fabriqués à partir de morceaux de bracelets en verre ou de cordelettes
confectionnées à partir des chutes de tissu recueillies dans la boutique du tailleur du coin, ces mères faisaient preuve dingéniosité et de
créativité. Elles développaient chez leurs enfants des aptitudes cognitives que lon associe généralement aux personnes éduquées. Cette
expérience a donné naissance au concept du Groupe des mères. Cétait une occasion pour les mères de se réunir afin de partager leurs
expériences et den tirer les leçons. Cette initiative serait un lieu de catharsis, éloigné de la famille et des critiques, qui pourrait créer un sentiment de
solidarité entre les femmes.
Dans un effort visant à encourager les mères des enfants handicapés à participer aux activités du centre, nous leur avons demandé daider
lunité de formation professionnelle dans la fabrication de produits artisanaux en papier mâché - paons, perroquets, éléphants caparaçonnés et
décorations murales aux couleurs vives - tous fabriqués avec soin. Jusquici, le processus a été laborieux, les élèves étant à
différents stades de développement et présentant des capacités intellectuelles variées. Avec laide des mères, la qualité, le rythme et la
réalisation des articles se sont améliorés au point de pouvoir les commercialiser. Notre premier acheteur fut une branche du gouvernement central. Peu de temps après, nous
les avons vendus pour les fêtes de Diwali et de Noël, ce qui nous a permis de rétribuer les femmes et les élèves. Bien que modeste, le succès financier de cette
initiative a fait naître la volonté denvisager dautres moyens de générer de revenus. À lune des réunions, les femmes ont exprimé
leurs inquiétudes concernant la malnutrition de leurs enfants. Cest alors que le projet Nashta est né.
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Nashta est un supplément nutritionnel bon marché. En hindi, cela veut dire petit-déjeuner. Spécialement
préparé par un nutritionniste, ce supplément nutritionnel hyperprotéiné est destiné non seulement aux enfants sous-alimentés de notre
communauté ciblée mais aussi à tous les enfants qui souffrent de carences. Un mélange de moong (cacahuètes), de channa dal (lentilles), de germes de blé et
de shakkar (un genre de mélasse), utilisé comme liant. Les femmes ont également conseillé de modifier la présentation sous forme de poudre, qui nétait
pas pratique, pour adopter celle des ladoos (petits gâteaux ronds, voir la photo ci-dessous). Il va sans dire que cette initiative, qui a permis daméliorer le bien-être des
familles en général, a, peu à peu, donné naissance à un processus organisé permettant de générer des revenus.
Désormais, les mères se réunissent chaque matin (nombreuses sont celles qui doivent obtenir la permission de leur mari et de leur belle-mère), un changement de
paradigme permettant aux femmes de participer à des activités extérieures à la maison et à leur famille, réorganisent les responsabilités, telles que
le remplissage des conteneurs, leau distribuée par la Municipal Corporation nétant disponible quà certaines heures. Elles discutent de lemballage et du
prix du Nashta en fonction de ce quelles ont dépensé pour acheter les ingrédients, apprenant ainsi les complexités de loffre et de la demande. Dès le
début, elles ont compris quelles avaient lentière responsabilité du projet. Cétaient elles qui étaient chargées de lachat, de la
torréfaction, du broyage des ingrédients bruts, puis de la préparation des ladoos, qui doit se faire lorsque le sirop est encore chaud, en formant de petites boules à la
main. Les femmes ont également appris limportance de la propreté et de lhygiène. Un résultat positif a été de se rendre compte que la discipline
et la ponctualité étaient indispensables pour travailler en équipe. La plupart des femmes ont appris à écrire leur nom. Actuellement, pas encore entièrement
convaincues du bien-fondé des programmes de microcrédit, elles recherchent dautres options. Le Groupe dentraide des mères leur a donné une plus grande
dignité et confiance. Elles ont maintenant le sentiment de contribuer au bien-être de leur famille et de leur communauté, et celle-ci les considèrent avec plus de respect.
Même ma belle-mère me respecte maintenant, commente une femme.
Les besoins de base minimaux en Thaïlande
Avec une population de 61 millions de personnes, la Thaïlande a réussi à réduire rapidement la prévalence de la malnutrition, un cas relativement rare dans les pays
en développement. Ce progrès important a pu être réalisé rapidement grâce au cinquième programme de développement (1982-1986), qui sest
concentré activement sur la participation des gens, plutôt que de laisser le gouvernement supporter seul ce lourd fardeau. La mise en place des soins de santé de base a
été considérée comme un mécanisme communautaire et participatif permettant daborder les problèmes de santé persistants tels que la malnutrition.
Ceci a débouché sur la formation de communicateurs et de volontaires en matière de santé qui sont pratiquement présents dans chaque village (un volontaire pour dix
ménages) et ce, dans un pays dont la population rurale est de plus de 500 000 personnes.
On savait alors que la malnutrition avait des effets négatifs sur la croissance de lenfant, le développement de ses aptitudes cognitives, sa performance de travail et sa
productivité. Il est devenu de plus en plus apparent que la malnutrition avait des causes multiples et que sa prévention nécessiterait la collaboration des secteurs de la
santé, de lagriculture, de léducation ainsi que le développement de la communauté. Le défi consistait à orchestrer des programmes dans tous ces
secteurs.
Un premier Programme national de lalimentation et de la nutrition (1977-1981) a été élaboré. Il était multisectoriel en ce sens quil
regroupait les ministères de la Santé publique, de lAgriculture et des Coopératives, de lÉducation et de lIntérieur, qui partageaient la
responsabilité de mettre en œuvre les programmes. Si le programme na pas donné de résultats notables en matière de réduction de la malnutrition, il
permis de sensibiliser la nation, délaborer et délargir un nombre de programmes axés sur un secteur spécifique afin daborder les problèmes de la
malnutrition à un niveau communautaire. Mais une trop grande hiérarchie entre les ministères et le manque de communication horizontale ont entravé la collaboration
multisectorielle. Après une évaluation de son impact, il est apparu que :
- les efforts menés pour réduire la malnutrition reposaient seulement sur les services gouvernementaux, de sorte que relativement peu de personnes avaient pu en
bénéficier;
- les communautés nétaient pas suffisamment préparées et leur participation était trop insuffisante. Des conflits dintérêt entre le
gouvernement et le personnel local étaient apparus;
- le personnel manquait pour répondre aux besoins des ménages;
- la connaissance et la compréhension de limportance de la malnutrition dans la communauté étaient limitées.
En conséquence, les planificateurs ont reconnu que la malnutrition était un symptôme de la pauvreté et que les politiques devaient donc viser à atténuer
celle-ci. Une Politique et un Programme pour lélimination de la pauvreté ont été créés avec, pour objectif, léradication de la
pauvreté et, comme critère, la nécessité daméliorer la situation de la nutrition. Le Programme a été mis en œuvre en 1982 dans des
régions du pays où la pauvreté était importante. Cette initiative a été couronnée de succès et, deux ans plus tard, le Programme était
étendu au reste du pays.
Dans chaque village et dans chaque communauté, les mères et le personnel de soins de santé, à laide de simples échelles et de tableaux de croissance, ont
été amenés à mesurer et à comprendre limportance de la malnutrition sur la base du poids selon lâge. Pour répondre aux besoins urgents, des
mélanges daliments, riches en nutriments et utilisant des ingrédients locaux, ont été mis au point, produits, distribués et donnés aux enfants
gravement et modérément sous-alimentés. Grâce à cette approche, une amélioration de la nutrition et de la vitalité des enfants a été
constatée en lespace de trois à quatre mois.
Dans le Programme délimination de la pauvreté, il a été clairement énoncé quune nutrition saine et équilibrée nétait
pas un but en soi mais plutôt un moyen de promouvoir le développement. À cette époque, le concept dindicateurs de qualité de la vie des Besoins de base
minimaux avait été introduit. Ces indicateurs étaient utilisés pour des raisons dévaluation afin didentifier les situations qui devaient
être améliorées, de fixer des objectifs et de surveiller les progrès. Cétait la première fois que létat nutritionnel était reconnu
comme un indicateur social clé. En conséquence, il a été ajouté à la liste des indicateurs des besoins de base minimaux.
Cet article a été rédigé avec la collaboration de K. Tontisirin, G. Nantel et L. Bhattacharjee, membres de la Division
Alimentation et nutrition de la FAO, présidée par M. Tontisirin, ancien Directeur de lInstitut de nutrition à Mahidol University, en Thaïlande.
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