Regard sur la planète:
Nous pouvons assurer une alimentation suffisante
Par Salleh Mohd Nor
Certains pays sont fréquemment victimes de catas-trophes naturelles causées non seulement par des facteurs naturels mais
aussi par les activités humaines qui ont pour conséquence des taux de famine élevés.
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Une personne na besoin que de 3 500 calories par jour pour vivre décemment; or, dans les pays développés, la consommation
moyenne dépasse 35 000 calories par jour. La faim nest pas un phénomène naturel. Elle est engendrée par les activités humaines, les forces économiques,
les soulèvements politiques et des circonstances aux effets dévastateurs qui échappent au contrôle des êtres humains. Elle nest pas incurable et peut être
surmontée. En tant que race humaine, nous devrions combattre la tyrannie de la faim. Les questions de la faim dans le monde ont fait lobjet dun grand nombre danalyses mais la
préoccupation fondamentale est de savoir pourquoi elle continue dexister.
Larticle 25 de la Déclaration universelle des droits de lhomme déclare que toute personne a droit à un niveau de vie
suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour lalimentation, lhabillement, le logement, les soins médicaux. Pourtant,
presque 53 ans après son adoption, des millions de personnes se couchent chaque jour le ventre vide. La production alimentaire mondiale est plus que suffisante pour nourrir tous les habitants
de la planète, pourtant, la faim persiste dans un grand nombre de pays et demeure une menace pour lhumanité. Même les pays développés ne peuvent se vanter
dêtre totalement à labri de la faim et de la pauvreté. Au total, 41 pays sont touchés par la faim, dont 33 se trouvent en Afrique subsaharienne où 186
millions de personnes sont sous-alimentées, 80 % des enfants sont atteints du virus de limmunodéficience humaine (VIH), 70 % des adultes ont le sida (syndrome
dimmunodéficience acquise) et trois quarts des décès dans le monde dus au sida réduisent lespérance de vie de dix à vingt ans.
Alors que dans un grand nombre de pays lobésité est un problème, que parmi les jeunes, le nombre de maladies liées aux habitudes alimentaires augmente, et que le
gaspillage sévit, dautres nont pas suffisamment de nourriture pour assurer leur survie. Alors que la technologie se développe à une vitesse vertigineuse pour faire
du monde un meilleur endroit pour vivre, une grande partie de lhumanité est dépourvue des produits de base. Malgré la fin de la guerre froide, les
dépenses consacrées à larmement sont toujours considérables. Alors que nous avons réussi à envoyer un homme sur la lune, un grand nombre de personnes
nont pas un niveau de vie décent. Alors que le nombre de millionnaires et de milliardaires ne cesse daugmenter malgré le ralentissement économique dans de nombreux
pays du monde, nombreux sont ceux qui vivent avec moins dun dollar par jour. Alors que nous vivons dans un monde dabondance, nombreux sont ceux à qui sont niés les produits
de base, y compris lalimentation, lhabillement et labri.
En dépit des efforts du système de lONU et des nombreux programmes consacrés à la faim et à lagriculture dans le monde, la faim persiste. Alors que la
médecine a permis daugmenter lespérance de vie, de bénéficier dune meilleure santé et dun plus grand confort, les maladies continuent de
faire des ravages. Les efforts héroïques de nombreuses personnes et des organisations non gouvernementales (ONG), menés en vue de mettre fin au problème de la faim dans le
monde, changent peu de choses au tableau. On a permis à ce monde de paradoxes - un monde injuste, de contrastes, dinégalités et dopposés - de se
développer.
Le moment nest-il pas venu de faire face à ce problème ?
Au bout du compte, le proverbe suivant est tellement vrai : Donne un poisson à un homme, et il mangera pendant une
journée. Apprends-lui à pécher, et il ne connaîtra jamais la faim. Mais jaimerais ajouter : Apprends-lui laquaculture et il sera un
entrepreneur. Si le commerce est le moteur du monde, il faut que chaque homme et chaque femme soient des entrepreneurs.
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La poussée démographique a souvent été considérée comme une cause majeure de laugmentation de la faim, mais
est-ce réellement le cas ? La faim sévit là où les populations sont privées du droit à la terre, de laccès à lemploi, à
léducation, aux soins de santé et à la sécurité. Tandis que le taux de natalité dans le monde diminue, la faim continue daugmenter. Certains pays
en développement, qui disposent de la moitié des terres fertiles des pays voisins et comptent une population plus importante, sont plus prospères et ont réussi à
diminuer la faim et à augmenter lespérance de vie. Dans dautres, au contraire, où est mise en place une politique de régulation des naissances, la faim
sévit toujours. La relation entre la taille de la population et la faim nest donc pas claire mais lhypothèse que la surpopulation engendre la faim est un mythe.
On a dit que le commerce est le moteur du monde et il est certain que dans le monde moderne, le commerce est un élément fondamental de lactivité mondiale. Aucun pays ne
peut produire tout ce dont il a besoin. Cette relation synergique entre pays, où lun produit des biens bon marché pour les exporter, peut être un arrangement sain dont
chacun tire profit. Pourtant, dans certains pays, de nombreuses barrières ont été mises en place pour protéger le producteur local.
Bien que ces mesures soient souvent nécessaires, en raison des différentes règles du jeu appliquées par les systèmes mondiaux de production, les efforts
menés pour éliminer les diverses barrières commerciales nont pas été constructifs.
Les pays en développement, qui augmentent leur production afin daccroître les échanges commerciaux et les opérations de change, développent souvent les
exportations au détriment des besoins locaux. Par exemple, laugmentation de la production de soja dans certains pays en développement a permis de renforcer lindustrie du
bétail dans des pays développés mais a engendré au niveau local une situation catastrophique qui risque de saggraver à cause du manque de terres disponibles
et dautres problèmes institutionnels.
Tandis que les exportations peuvent apporter des devises étrangères dans le pays et assurer des revenus lucratifs à certains groupes de la population, elles
naméliorent pas nécessairement le niveau de vie de la région. Une guerre des prix causée par une baisse des coûts de production, de bas salaires,
de mauvaises conditions de travail, des mesures de sécurité pour la santé et des normes environnementales insuffisantes passant au second plan, a souvent pour effet
daugmenter la famine. Alors que, de par le monde, le commerce tend à se mondialiser, il est nécessaire détudier son impact potentiel sur la pauvreté et la faim
dans le monde.
La nature ou lenvironnement peut offrir une nourriture suffisante pour tous les habitants de la planète. Même dans les pays pauvres, on estime que le sol peut produire plus de 2 kg
daliments - la moyenne quotidienne pour couvrir les besoins alimentaires de base dun adulte. Mais un grand nombre de pays font toujours face à des limitations telles que
loccupation des terres, la disponibilité de leau pour les cultures et laugmentation de la production pour lexportation. Certains pays sont fréquemment victimes
de catastrophes naturelles causées non seulement par des facteurs naturels mais aussi par les activités humaines qui ont pour conséquence des taux de famine élevés.
Même dans les pays développés, des phénomènes naturels tels que les vagues de froid peuvent faire des milliers de victimes chaque année. Les malchanceux sont
ceux qui sont laissés à lécart, sans accès aux opportunités régies par léconomie, cette force massive intangible.
Les avancées technologiques dans la production alimentaire, spécialement le recours à la biotechnologie, ont été souvent présentées comme la
panacée permettant de répondre aux besoins alimentaires mondiaux mais les inquiétudes concernant les effets négatifs que peuvent avoir les organismes
génétiquement modifiés sur la santé ont ébranlé lenthousiasme initial. Certains pays en développement ont réussi à augmenter la
production de riz en utilisant du matériel génétique ainsi que des pesticides et des engrais améliorés mis au point par la recherche moderne. Or, non seulement cela
na pas permis de réduire la faim dans ces pays, mais cela a détérioré les terres. Si lutilisation de pesticides et dengrais est
déconseillée, et lutilisation de cultures génétiquement modifiées interdite, il faut chercher une autre solution. Elle existe.
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Photo FAO |
Certains pays ont produit des aliments de culture biologique et un pays en particulier serait parvenu à lautosuffisance en ayant recours à ce
type dagriculture. Cependant, les facteurs économiques annulent tous les autres, y compris la production, la technologie et la distribution. Avec lutilisation des outils
biotechnologiques dans la recherche et lamélioration de la production alimentaire, il est à craindre une inégalité dans la distribution des ressources qui risque, en
définitive, daggraver le problème de la faim dans le monde. Comme dans le cas du fossé numérique, un écart biotechnologique de plus en plus
prononcé risque de créer des disparités dans le domaine de lalimentation mondiale.
Laide fournie par les pays développés peut être considérée comme une alternative pour réduire la faim en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne.
Malheureusement, on estime que les pauvres ne reçoivent que seulement 5 % de laide. Lobjectif dune aide de ce type est de permettre aux pays de surmonter les
difficultés économiques et de leur donner le temps de trouver la manière et les moyens de subvenir à leurs propres besoins. Laide ne devrait pas, et ne devrait
jamais, être la solution finale dun problème.
Cependant, dans un grand nombre de cas, laide est devenue une composante presque permanente de léconomie nationale. La dette a mis de nombreux pays à la merci des
systèmes économiques mondiaux, leur laissant peu de choix. Une grande partie de leur production est engloutie pour la régler. Les gouvernements non démocratiques
accentuent souvent la faim comme politique de laide internationale.
Selon une ONG engagée à lutter contre la faim, la faim dans le monde pourrait être réduite de 50 % dici à 2015. Cela pourrait être obtenu par un
financement annuel de tous les pays donateurs de lordre de 4 milliards de dollars. De surcroît, les investissements des secteurs publics et privés dans les pays
bénéficiaires seraient également nécessaires pour soutenir le programme.
Les pays de lAfrique subsaharienne sont les plus touchés. Cest là où tous les programmes de secours doivent débuter. La faim nest pas la faute des
malchanceux mais la conséquence de nombreux facteurs sur lesquels ils nont aucun contrôle, qui engendre la privation et la répartition non équitable des
opportunités. Des gens perdent leur droit à la vie, leur liberté, ne peuvent jouir du bonheur, sont menacés par la faim et sur le point de mourir. Le lendemain nest
pas garanti, le prochain repas non plus. Pourtant, ce sont nos frères humains. Ont-ils une lueur despoir quun jour le monde viendra les sauver de cette vie de misère ?
Nous, en tant que race humaine, avons une responsabilité collective de faire en sorte que chaque homme, chaque femme et chaque enfant dans ce monde puissent bénéficier des
mêmes facilités, des mêmes opportunités et des mêmes niveaux de vie. Mais cela ne sera quun rêve si les systèmes mondiaux actuels ne changent pas.
Alors que les gens doivent faire des efforts concertés pour saméliorer, lenvironnement où ils vivent doit leur fournir les occasions de le faire. Les solutions ne
sont, ni ne seront, pas faciles mais il est indispensable de répondre aux questions difficiles et de résoudre les problèmes ardus. Avec la technologie et les richesses mondiales
actuelles, le monde détient les ressources nécessaires pour répondre à tous les problèmes. Mais avons-nous la volonté et la détermination de le faire
?
Salleh Mohd Nor, qui travaille à Kuala Lumpur (Malaisie), est membre du Groupe dexperts éminents sur léthique
alimentaire et agricole.
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