Visite à Ground Zero
Par Gillian Martin Sorensen
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Photo ONU/E. Debebe
Visite du Secrétaire général de lONU à Ground Zero. De gauche à droite : Mme Sorensen, le maire de New York Rudolph Giuliani, le Secrétaire
général Kofi Annan et le gouverneur de New York George Pataki. |
Les nombreuses photos du désastre causé par les attaques du World Trade Center ne nous préparent pas à affronter la
réalité. Le 18 septembre, souhaitant exprimer ses condoléances et rappeler que cette attaque était dirigée contre le monde entier, le Secrétaire
général a visité Ground Zero. Venu à bord dun patrouilleur de police, il a accosté sur les berges de lHudson River où lont
accueilli le gouverneur George Pataki et le maire Rudolph Giuliani. Après une longue accolade avec le maire, témoignage de la peine et de la solidarité qui les unissaient, il fut
conduit vers le site en empruntant des rues recouvertes de poussière.
Jai alors été frappée de stupeur, incapable de prononcer un mot. Les deux tours jumelles avaient disparu, perdues dans un enfer de feu et de fumée. À leur
place sélevait une petite montagne de décombres et de poussière, de la hauteur dun immeuble de sept étages, des squelettes de poutres en acier qui pointaient
vers le ciel.
Une fumée âcre surplombait le site. Deux mille pompiers et secouristes épuisés travaillaient - quand les uns prenaient une pause, les autres emplissaient des seaux de
poussière, fine comme de la poudre. Un peu plus loin, dimmenses grues, des pelleteuses et des pelles géantes stationnaient, prêtes à lemploi.
Les équipes de secours cherchaient en vain des survivants ou des corps - 6 600 personnes étaient enfouies sous les décombres, poussière retournant en poussière.
Jétais consternée par la préparation diabolique et méticuleuse qui avait causé un si grand nombre de victimes et un désastre dune telle ampleur.
Sur le site, lordre et non le chaos prévalait tandis que les recherches se poursuivaient. Lémotion et lépuisement étaient présents sur tous les
visages. Beaucoup ont regardé passer le maire, le gouverneur et le Secrétaire général, certains les remerciant en leur serrant la main.
Le maire a décrit au Secrétaire général les immeubles qui sétaient effondrés, les personnes disparues ou présumées disparues, les efforts
de secours et de sauvetage, les 70 nationalités quabritait le World Trade Center.
Parmi les nombreuses vies perdues, il y avait des cadres et des stagiaires, des chefs de cuisine et des avocats, des employés de bureau et des courtiers et, bien sûr, des policiers et
des pompiers qui sétaient précipités pour apporter leur aide et sétaient retrouvés prisonniers à lintérieur des tours. Les derniers
moments ont été évoqués lorsque les personnes réalisant quelles ne sen sortiraient pas ont appelé leurs proches pour laisser leurs derniers
messages désespérés. Le Secrétaire a écouté, témoigné sa sympathie, offert laide de lONU puis a résumé les mesures
prises par lOrganisation et sest entretenu de la sécurité future. La visite, brève mais bouleversante, restera gravée dans nos mémoires.
Ensuite, le Secrétaire sest rendu au centre daccueil des familles où étaient interviewés ceux qui cherchaient à localiser ou à identifier leurs
proches. Le centre offrait aussi des services dinterprétation dans de nombreuses langues, des conseils spirituels et de soutien, une crèche, de la nourriture, laccès
à des ordinateurs et à des télévisions, une aire de repos avec massage et un lieu dhébergement qui offrait aux familles affligées les informations et
le soutien dont elles avaient besoin.
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Photo ONU/E. Debebe
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Puis il sest rendu au centre de commandement en cas durgence où la ville de New York coordonnait ses interventions durgence en transit,
énergie/électricité, communications, services médicaux et volontaires. Ce centre reliait les efforts des autorités locales, dÉtat et
fédérales de villes aussi éloignées que Miami (Floride) et Wichita (Kansas). Tout près était installée une immense aire de repos où les
pompiers et les volontaires pouvaient dormir, prendre une douche et se nourrir avant de retourner à leur triste besogne.
Le premier centre de commandement ayant été détruit par lattaque, un nouveau a été installé en 24 heures, relié par des centaines
dordinateurs. Ici aussi, lordre prévalait tandis que les experts mettaient en commun leur savoir, leur énergie et leur expérience. Le centre de commandement et le
centre daccueil des familles ont été des modèles daction qui pourraient être appliqués à dautres situations durgence de
différents types et dampleur, dans dautres parties du monde. Cette intervention en cas durgence, utilisée partout dans tous les États-Unis, est revue et
répétée, mais on était loin dimaginer une catastrophe dune telle ampleur. Le chef du centre de commandement a dit quil serait heureux de partager avec le
personnel de lONU le plan qui a été suivi ainsi que les leçons tirées.
Parmi le réseau de connaissances qui existe à New York, presque tout le monde connaît une personne disparue le 11 septembre et le sentiment daisance, de confiance et de
sécurité dont nous étions animés a été profondément ébranlé. Nous partageons la douleur, nous pleurons la perte de vies humaines et nous
nous posons des questions. Nous revivons dans nos rêves ou dans nos conversations les scènes horribles de cette journée denfer. Nous admirons lamour et
lhéroïsme des gens. Nous pleurons pour les veufs, les veuves et les enfants qui se retrouvent seuls. Nous resserrons les liens qui unissent la famille des Nations Unies et essayons
de partager notre sentiment de perte, notre respect de la vie et notre engagement à la paix. Encouragés par le leadership du Secrétaire, nous réaffirmons notre engagement
à atteindre les objectifs des Nations Unies.
Gillian Martin Sorensen est sous-Secrétaire général de lONU aux relations internationales.
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