À voix haute
Le Conseil de sécurité, les droits de lhomme
et les questions humanitaires
Par Bertrand G. Ramcharan
Le rôle actuel et potentiel du Conseil de sécurité dans les situations humanitaires durgence et les situations de violations massives des droits de lhomme
a fait lobjet de nombreuses discussions. Cet essai résume les principes qui ont influencé le Conseil lors de lexamen de ces questions. |
Daprès la pratique du Conseil, ces principes sont les suivants :
La menace à la paix et à la sécurité internationales.
- Le 9 novembre 1996, le Conseil a déterminé que lampleur de la crise humanitaire actuelle au Zaïre oriental constitue une menace à la paix et à la
sécurité internationales dans la région.
Lintégration des droits de lhomme dans la résolution des conflits.
- Dans une déclaration présidentielle sur la Géorgie, le Conseil a exprimé son soutien aux efforts déployés par le Secrétaire général
pour trouver les moyens daméliorer le respect des droits de lhomme dans la région comme partie intégrante des travaux vers un accord complet. Dans une déclaration
similaire, il a souligné limportance du respect des droits de lhomme au Liberia. Dans une résolution sur le Liberia, il a exhorté tous les partis du pays à
coopérer au processus de paix, particulièrement pendant la période qui précède les élections, et a souligné laspect du mandat de la Mission
dobservation des Nations Unies au Liberia (MONUL) en matière de droits de lhomme.
Dans la résolution 1217 (1998) du 22 décembre 1998, le Conseil a réaffirmé sa position selon laquelle le règlement du problème de Chypre devait être
fondé sur un État de Chypre doté dune souveraineté, dune personnalité internationale et dune citoyenneté uniques, son indépendance et son
intégrité territoriale étant garanties, et composé de deux communautés politiquement égales, telles quelles sont décrites dans les résolutions
pertinentes du Conseil de sécurité, au sein dune fédération bicommunautaire et bizonale, et selon laquelle un tel règlement doit exclure lunion, en
totalité ou en partie, avec un autre pays, ou toute autre forme de partition ou de sécession.
La légitimité démocratique
- Dans une déclaration présidentielle, le Conseil sest déclaré préoccupé par les récentes informations sur les développements politiques au
Burundi. Il condamne fermement toute tentative de renversement du gouvernement légitime actuel par la force ou par un coup dÉtat. De même, dans une résolution, le Conseil
a exprimé son soutien à la décision des Ministres de la Communauté économique des pays de lAfrique de lOuest (CEDEAO) de ne reconnaître aucun gouvernement
qui aurait pris le pouvoir par la force au Liberia. Dans la même veine, il a souligné que la tenue délections libres et démocratiques telle quelle est prévue est
une étape essentielle au processus de paix au Libéria. Dans le cas de la Sierra Leone, il a affirmé quil continuerait dapporter son appui au développement de la paix
et de la démocratie dans ce pays.
Les normes les plus élevées en matière de droits de lhomme.
- En diverses occasions, le Conseil sest exprimé en faveur des normes les plus élevées en matière de droits de lhomme.
Dans une résolution de 1996 sur la Croatie, il a réaffirmé quil importait que les parties sacquittent pleinement des engagements quelles ont pris, conformément à
lAccord fondamental de respecter les normes les plus élevées en matière de droits de lhomme et de libertés fondamentales, et de favoriser un climat de confiance entre
tous les résidents locaux, quelle que soit leur origine ethnique et, dans ce contexte, demande instamment au Gouvernement de la République de Croatie dassurer le respect des droits de
tous les groupes ethniques nationaux.
Les droits des femmes.
- Le 28 août 1998, le Conseil, profondément préoccupé par la discrimination persistante envers les filles et les femmes ainsi que par dautres violations des droits de
lhomme et du droit humanitaire international en Afghanistan, a réaffirmé que toutes les parties impliquées dans le conflit étaient tenues de respecter leurs obligations
en vertu du droit humanitaire international et, en particulier, des Conventions de Genève du 12 août 1949, et que les personnes qui commettaient ou ordonnaient de commettre de graves
violations des Conventions en étaient individuellement responsables. Il a exhorté les factions afghanes à mettre fin à la discrimination envers les filles et les femmes,
à toute autre violation des droits de lhomme ainsi quaux violations de droit humanitaire international et à adhérer aux normes acceptées à léchelle
internationale.
Le droit humanitaire international.
- À maintes occasions, le Conseil a souligné lobligation de toutes les personnes concernées de respecter les dispositions du droit humanitaire international. Il a
appelé sans relâche toutes les parties impliqués dans le conflit et toutes les personnes concernées à respecter les dispositions du droit humanitaire international.
Par exemple, il a souligné limportance de respecter les droits de lhomme au Liberia ainsi que la nécessité de réhabiliter rapidement le système
pénitentiaire dans ce pays.
Dans la résolution 1216 (1998) du 21 décembre 1998 sur la Guinée-Bissau, le Conseil a demandé à toutes les parties concernées, y compris le gouvernement et
la junte militaire, de respecter strictement les dispositions pertinentes du droit international, ainsi que le droit humanitaire et le droit relatif aux droits de lhomme, et dassurer aux
organisations humanitaires internationales un accès sûr et libre aux personnes touchées par le conflit et qui ont besoin daide.
Le devoir de lÉtat.
- Dans une déclaration présidentielle sur la protection du personnel de lONU, le Conseil a souligné que le pays hôte et les autres parties concernées doivent
prendre des mesures adéquates pour assurer la sûreté et la sécurité du personnel et des locaux de lONU.
Le devoir de toutes les parties concernées.
- Le Conseil, dans une déclaration sur lAlbanie, a appelé toutes les parties concernées à ne pas avoir recours à la violence, à respecter les instituions
légitimes et à trouver une solution pacifique à la crise en se fondant sur les principes démocratiques. Il a demandé aux parties impliquées de poursuivre
le dialogue politique [] et dhonorer leurs engagements, et a exhorté les partis politiques à coopérer de manière responsable, en vue de diminuer les tensions et
daméliorer la stabilité du pays.
Le non-recours à la violence.
- Dans une déclaration présidentielle sur le Zaïre, le Conseil sest déclaré profondément préoccupé par la situation qui se dégradait
dans la région des Grands Lacs, particulièrement au Zaïre oriental, et les effets dévastateurs des combats sur les habitants de la région, et condamné tous les
actes de violence. Il souligne le besoin urgent dune réponse complète et coordonnée de la communauté internationale afin déviter une escalade de la crise. Dans
une résolution, il a réitéré sa condamnation de tous les actes de violence et son appel à un cessez-le-feu immédiat ainsi quà la fin de toutes les
hostilités dans la région. Dans une résolution sur lAlbanie, il a condamné tous les actes de violence et a demandé dy mettre fin immédiatement. De
même, dans une autre résolution, il a condamné tous les actes de violence et a demandé un cessez-le-feu immédiat ainsi que la fin de toutes les hostilités
dans la région.
Limpunité.
- Dans une communication au Secrétaire général, les membres du Conseil de sécurité se sont déclarés convaincus quil était vital que les
mesures destinées à traiter le problème de limpunité soient examinées dans le cadre dun accord politique négocié au Burundi.
Les droits des minorités.
- Dans une déclaration présidentielle du 3 juillet 1996, le Conseil a exprimé ses inquiétudes devant léchec du gouvernement de la Croatie à prendre les
mesures nécessaires pour assurer les droits et le bien-être de la population serbe locale. Il sest dit profondément préoccupé par léchec du gouvernement
à promouvoir les conditions nécessaires, y compris les procédures satisfaisantes, pour assurer le retour de tous les Croates qui le souhaitent et a déploré un tel
immobilisme.
Le conseil a noté que le gouvernement croate a commencé à appliquer les mécanismes internationaux des droits de lhomme et quil a envisagé de prendre diverses
initiatives en matière de protection des droits des minorités. Toutefois, le Conseil souligne que le gouvernement croate doit entreprendre des efforts déterminés et
soutenus pour assurer le respect de la protection des droits des Serbes croates et leur assurer des garanties dans le cadre juridique et constitutionnel de la République de Croatie, y compris
par le rétablissement des articles pertinents de sa loi constitutionnelle.
Le Conseil rappelle au gouvernement croate que son obligation à promouvoir le respect et la protection de ces droits ne pouvaient pas dépendre dautres facteurs, y compris des
négociations politiques avec la République fédérale de Yougoslavie.
La pratique du Conseil indique quil est habilité à examiner nimporte quelle situation et à mener des enquêtes si le maintien de la paix et de la sécurité
internationales est menacé. Il peut intervenir dans les cas suivants :
La situation concerne une violation de la paix et de la sécurité internationales (ses pouvoirs conformément à la Charte).
- Dans la situation du Zaïre, il a déterminé que lampleur de la crise humanitaire au Zaïre oriental constitue une menace à paix et à la sécurité
dans la région.
La situation humanitaire est telle quune intervention simpose.
- En ce qui concerne la situation en Somalie, le représentant indien a exprimé clairement que lampleur et la persistance du problème constituent une menace pour la paix et la
sécurité dans la région. La situation étant donc particulière [], elle nécessite des solutions exceptionnelles.
Le gouvernement en fait la demande.
Il est clair que si le gouvernement concerné demande au Conseil dintervenir, celui-ci le fera. La situation concerne une violation de lautorité du gouvernement. Dans le cas dun
effondrement total du gouvernement, comme en Somalie, le Conseil peut intervenir.
La situation concerne un crime international, comme lapartheid.
- Le Conseil a, à maintes occasions, vivement condamné le système de lapartheid. La situation concerne le terrorisme. Le Conseil a condamné le terrorisme en
général et dans des situations particulières.
La situation concerne les violations du droit humanitaire international et des droits de lhomme.
Le 15 septembre 1999, dans la résolution 1264 (1999), le Conseil sest déclaré préoccupé par les informations faisant état de violations
systématiques, générales et flagrantes du droit humanitaire international et des droits de lhomme commises au Timor oriental, et a souligné que les auteurs de ces
violations en sont personnellement responsables.
La situation concerne la protection des convois humanitaires.
Dans le conflit en Bosnie-Herzégovine, le Conseil est intervenu à maintes reprises pour assurer la protection des convois humanitaires.
La situation concerne la protection des civils dans les conflits armés.
Le 19 février 1992, le Conseil a exprimé sa profonde inquiétude devant la reprise des violences au Liban du Sud ainsi que dans les autres régions du Moyen-Orient. Sa
déclaration est la suivante : Les Membres du Conseil sinquiètent de la reprise des violences au Liban du Sud et dans les autres régions du Moyen-Orient. Il déplore, en
particulier, les récents massacres et la persistance de la violence qui risquent de faire des victimes supplémentaires et de déstabiliser davantage la région. Ses membres
demandent à toutes les parties impliquées darrêter les hostilités afin de mettre fin à la violence. Dans une déclaration présidentielle de 1998, le
Conseil a exprimé sa profonde inquiétude devant la détérioration humanitaire en Angola et a souligné la responsabilité du gouvernement angolais et des
dirigeants de lUnion nationale pour lindépendance totale de lAngola (UNITA) à faciliter les efforts des secours humanitaires, à garantir la sécurité et la
liberté de mouvement du personnel humanitaire et à permettre une évaluation indépendante des besoins de la population civile, qui sera réalisée rapidement
dans nimporte quelle partie du pays, si cela était nécessaire. Le Conseil sest aussi déclaré préoccupé par la situation des groupes les plus
vulnérables, tels que les enfants, les femmes, les personnes âgées et les populations déplacées dans leur pays, qui sont particulièrement en danger et qui
nécessitent une protection spéciale. Il a exhorté le gouvernement angolais et les leaders de lUNITA de garantir intégralement le respect du droit humanitaire
international, le droit des réfugiés et les droits de lhomme.
Dans une déclaration présidentielle de 1999, le Conseil a exprimé sa profonde inquiétude devant limpact humanitaire du conflit sur le peuple angolais. Il a exhorté
la communauté internationale à aider le gouvernement à sacquitter de ses responsabilités principales en matière de besoins humanitaires de la population, et
à cet égard, a exhorté les États Membres à participer généreusement au financement de lAppel humanitaire consolidé pour lAngola de 1999. Il a
demandé à toutes les parties concernées de coopérer aux activités de laide humanitaire de lONU, sur la base des principes de neutralité et de
non-discrimination, afin de garantir la sécurité et la liberté de mouvement du personnel humanitaire et dassurer laccès et la logistique nécessaires,
adéquats et sûrs par terre et par air. Il a invité toutes les parties concernées à coopérer avec les activités concernant les droits de lhomme de
lONU qui permettent de poser les bases de la paix durable et de la réconciliation nationale.
Le 17 septembre 1999, examinant la protection des civils dans les confits armés, le Conseil a exprimé sa volonté de répondre aux situations de conflits armés
où les civils sont des cibles et où laide humanitaire destinée aux civils est bloquée de manière délibérée, y compris en appliquant les
mesures adéquates dont il dispose en vertu de la Charte des Nations Unies, et note, à cet égard, les recommandations pertinentes contenues dans le rapport du Secrétaire
général.
La pratique du Conseil évolue considérablement en ce qui concerne, par exemple, sa condamnation catégorique du terrorisme et la création de tribunaux internationaux
chargés dexaminer les violations graves du droit humanitaire international et des droits de lhomme. Le concept de sécurité a également considérablement
évolué alors que le Conseil sest penché sur des questions telles que le VIH/sida, la protection des civils et les droits des femmes. Au cours des dernières années,
il a cherché à intégrer les droits de lhomme dans la prévention des conflits et les opérations du rétablissement, du maintien et de la consolidation de la
paix. Tout cela démontre que les travaux du Conseil menés dans le cadre de ses responsabilités en matière de maintien de la paix et de la sécurité
internationales, conformément à la Charte des Nations Unies, revêtent une dimension humaine considérable.
Bertrand G. Ramcharan est, depuis 1998, Sous-secrétaire et Directeur adjoint du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de lhomme. Il a
été Professeur adjoint de droit humanitaire international à luniversité de Columbia. Il est Commissaire des juristes et membre de la Court permanente
darbitrage.
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