Actualités/Système
Le séminaire régional des Caraïbes
Par Bernard Tanoh-Boutchoué
Le Comité spécial sur la décolonisation - appelé auparavant le Comité spécial chargé détudier
la situation en ce qui concerne la Déclaration sur loctroi de lindépendance des pays et des peuples coloniaux - sest tenu entre le 23 et le 25 mai à La Havane
(Cuba) en vue dévaluer la situation politique, économique et sociale dans les petits territoires insulaires non autonomes, suite à la décision, en vigueur depuis
1990, dorganiser des séminaires annuels alternativement dans la région du Pacifique et celle des Caraïbes. Événement unique à plusieurs titres, il le fut
surtout en tant que premier séminaire du millénaire et de la Deuxième Décennie pour léradication du colonialisme. En ce sens, il se rapprochait de
lobjectif consistant à éradiquer toutes les formes de colonialisme dans le monde.
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Photo ONU/John Isaac |
Le Comité est chargé daider les 17 Territoires non autonomes à accéder à lautonomie ou à
lindépendance - les Samoa américaines, Anguilla, les Bermudes, les îles Vierges britanniques, les îles Caïmanes, le Timor oriental, les îles
Falkland/Malvinas, Gibraltar, Guam, Montserrat, la Nouvelle-Calédonie, Pitcairn, Sainte-Hélène, les îles de Tokélaou, les îles Turques et Caïques, les
îles Vierges américaines et le Sahara occidental - la majorité étant de petits États insulaires. Ces Territoires sont les seuls qui restent de la liste des 72
Territoires soumise volontairement par les États Membres de lONU comme étant des Territoires non autonomes en vertu de larticle 73 de la Charte de lONU. De ce fait,
les Puissances administrantes ont accepté comme une mission sacrée de permettre à ces territoires de sadministrer; en retour, ceux-ci ont accepté, en
vertu de lArticle 73e, que les Nations Unies surveillent le processus.
Plus de 80 États indépendants ont figuré sur cette liste, y compris une grande majorité dÉtats africains subsahariens. Donnant une forme officielle et
élargissant la fonction de contrôle de lONU, le Comité spécial, faisant souvent face à une résistance considérable de la part des régimes
coloniaux, est parvenu à ce quils renoncent un par un à leurs droits pour quun nouvel ordre politique international plus juste puisse naître des cendres du
colonialisme. Après ces périodes difficiles, la tâche actuelle du Comité - sa responsabilité envers les 17 Territoires restants - est parfois jugée, à
tort, négligeable et anachronique. Même sil est vrai que la situation actuelle est différente de celle des années 60 et 70, qui avaient été
marquées par des combats de libération acharnés, il nen est pas moins vrai que de nombreux défis demeurent, et la tâche du Comité est tout
aussi pertinente que par le passé.
Organisés généralement en mai, dans la région du Pacifique ou celle des Caraïbes, pendant la Semaine de solidarité avec les peuples des tous les Territoires
coloniaux qui luttent pour la liberté, lindépendance et légalité des droits de lhomme, les séminaires régionaux annuels constituent
lun des instruments les plus importants qui permet au Comité de remplir son mandat. Le fait quils aient lieu dans les régions géographiques et culturelles où
se trouvent les Territoires ajoute une dimension importante aux discussions. Les séminaires accueillent les membres du Comité spécial ainsi que les autres États Membres
intéressés, les Puissances administrantes (la France, le Portugal, le Royaume-Uni, les États-Unis), les représentants des Territoires autonomes, les organisations non
gouvernementales et régionales ainsi que les institutions spécialisées. Lieu de débat sur des sujets précis, ils sont aussi un lieu déchange sur un
certain nombre de questions et de préoccupations des peuples des Territoires.
Premier séminaire de la Deuxième Décennie pour léradication du colonialisme, le séminaire de la Havane a été particulièrement important.
Par cette Déclaration, contenue dans la résolution 55/146 de lAssemblée générale, la communauté internationale renouvelle son engagement à
résoudre la question des Territoires non autonomes restants. Ce premier séminaire du nouveau millénaire a eu lieu dans le cadre dune nouvelle approche adoptée par le
Comité afin de formuler un programme de travail constructif, au cas par cas, pour la décolonisation des Territoires. Les Puissances administrantes ont accepté de coopérer
pleinement avec le Comité.
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Photo ONU
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Cet engagement et une vision plus claire du travail qui restait à accomplir ont été les points forts du séminaire. Il nest donc
pas surprenant quil ait regroupé le plus grand nombre de participants de lhistoire du Comité spécial, soit 38 États Membres, 22 participants de sept
Territoires, neuf experts et 14 organisations non gouvernementales. Parmi les Puissances administrantes figuraient la France et, pour la première fois, le Royaume-Uni.
Le Président du Comité spécial, Julian R. Hunte, Ministre des Affaires étrangères et du commerce international de Sainte-Lucie, a été élu pour
présider le séminaire. Le séminaire sest articulé autour de cinq questions : les stratégies de la Deuxième Décennie internationale pour
léradication du colonialisme; le rôle du Comité spécial visant à faciliter la décolonisation des Territoires non autonomes; les stratégies de
développement destinées à renforcer laide du système de lONU aux Territoires; les récents développements politiques, économiques et
sociaux dans les Territoires, particulièrement dans la région des Caraïbes ainsi que les conditions socio-économiques dans les Territoires non autonomes et leurs effets sur
la décolonisation. Six réunions ont été organisées au terme desquelles ont été adoptées 55 conclusions et recommandations réaffirmant
les principes généraux qui guident le processus de décolonisation et prenant en compte les questions spécifiques de certains Territoires.
Dans une déclaration générale de principe, le séminaire a mis en avant que, dans le processus de colonisation, il ny avait pas dalternative au principe
dautodétermination, qui constitue un droit humain fondamental. Toutes les options disponibles étaient valables tant quelles étaient conformes aux points de vue des
peuples concernés exprimés librement ainsi quaux principes énoncés dans la Charte de lONU et à ses résolutions sur la décolonisation. En
outre, il a affirmé que toute tentative visant à porter atteinte partiellement ou intégralement à lunité nationale et à lintégrité
territoriale dun pays était incompatible avec les objectifs et les principes de la Charte de lONU. Le séminaire a également réitéré le rôle
crucial de lONU dans le processus de décolonisation. Il a demandé au Comité spécial de continuer son travail de surveillance et dobservation pour
laccession des Territoires non autonomes à lautodétermination, précisant que les points de vue des peuples des territoires, en ce qui concerne leur droit à
lautodétermination, devaient être établis sous le contrôle des Nations Unies.
Le séminaire a approuvé létablissement dun nouveau programme de travail pour la décolonisation de chaque Territoire et a pris note des discussions entre le
Comité spécial et les Puissances administrantes des îles Samoa américaines et celle de Pitcairn (respectivement les États-Unis et le Royaume-Uni) afin
délaborer des programmes de travail pour ces Territoires. Dautre part, il a demandé daccélérer le déroulement des négociations informelles
et dinclure la participation active des représentations des Territoires. Il a également invité les Puissances administrantes à coopérer avec le Comité
afin de mettre en œuvre les programmes de travail. Conscient que, dans certains Territoires, il existait un différend au sujet de la souveraineté, mettant sur le même plan
les droits à lautodétermination et à lintégrité territoriale, le séminaire a fait observer que lors de lélaboration des programmes
de travail destinés à chaque Territoire, il était important de mettre laccent sur la participation des Territoires où aucun différend nexistait au sujet
de la souveraineté.
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Photo ONU/Milton Grant |
La présence du représentant du Royaume-Uni, en tant quobservateur, a été remarquée, ainsi que sa déclaration
encourageante concernant la nouvelle approche adoptée par le Comité et lintention de son gouvernement de continuer à coopérer pleinement avec le Comité. En ce
qui concerne certains Territoires, le Séminaire a reconnu les développements importants qui avaient eu lieu en Nouvelle-Calédonie. Les représentants du gouvernement de la
Nouvelle-Calédonie et le Front de libération national socialiste Kanak se sont adressés à lassemblée présente, prenant note des différents
points de vue exprimés sur le respect des dispositions de lAccord de Nouméa.
Le séminaire a considéré quil était important que lONU contrôle de près le processus se déroulant sur le Territoire. Il a également
demandé aux États-Unis de collaborer à la Commission sur la décolonisation, de continuer à reconnaître et à respecter les droits politiques et
lidentité culturelle et ethnique du peuple Chamarro de Guam et de promouvoir son éducation politique sur son droit à lautodétermination. Il a demandé au
Comité dengager les Puissances administrantes et les représentants du Territoire à formuler un programme de travail spécifique pour le Guam. Le séminaire a
noté avec satisfaction les activités importantes entreprises par le gouvernement de la Nouvelle-Zélande et les représentants de Tokélaou afin de mettre en place une
structure de gouvernance qui permettrait au Territoire de maintenir son identité unique et de répondre aux défis qui se présentent à laube de ce nouveau
siècle, et a reconnu la coopération entre Tokélaou et la Puissance administrante.
Le séminaire sest également penché sur la question relative aux manœuvres militaires qui sont actuellement menées dans lîle de Viecques, à
Porto Rico, pas très loin de lendroit où se tenait le séminaire. Bien que Porto Rico ne figure plus sur la liste de Territoires non autonomes depuis 1953 et que ce pays ne
soit plus inscrit à lordre du jour de lAssemblée générale, cette question est traitée comme un article spécial depuis le début des
années 70, dans le cadre dune décision qui est prise tous les ans.
Le séminaire a noté limpact que ces manœuvres militaires avaient sur la population locale et a exhorté les États-Unis, conformément à la garantie
du droit à lautodétermination, à y mettre fin.
De toute évidence, le séminaire a réussi à obtenir un consensus important sur un grand nombre de questions. Ceci indique, alors que débute la Deuxième
Décennie internationale pour léradication du colonialisme, que la communauté internationale est très unie en ce qui concerne les principes essentiels de la
décolonisation et quelle examine les mesures qui doivent être prises dans chaque Territoire en tenant compte des spécificités de chacun. Cependant, en dépit de
cet important consensus, les discussions ont été animées. Un grand nombre de points de vue et de désaccords ont été exprimés, parfois de
manière passionnée, et certains ont défendu leurs positions. Tel devrait être le rôle dune tribune de ce genre. Le Comité spécial se
réjouit que les travaux de décolonisation encouragent la coopération plutôt que la confrontation. Durant le séminaire, laccent a été mis sur les
nombreux défis qui se présenteront, défis auxquels la communauté internationale fera face de manière innovatrice et pratique.
Bernard Tanoh-Boutchoué, Vice-Président, assume les fonctions de Président du Comité spécial sur la
décolonisation, au nom du Ministre des Affaires étrangères de Sainte-Lucie, Julian R. Hunte (TYPO).
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