Document de séance
Briser le silence
Par Cathy Shepherd
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Enregistrement dune vidéo dinformation sur la prévention du sida. (Photo ONU) |
Il y a plusieurs mois, jai commencé à compiler et à réviser la documentation consacrée aux femmes et au VIH/sida pour un numéro spécial de CAFRA
News, le magazine semestriel de lAssociation antillaise pour la recherche et laction féministes (CAFRA), où je travaille comme documentaliste. Je voulais présenter
une anthologie de lépidémie dans la région (deuxième épidémie après celle qui sévit en Afrique subsaharienne) et ses conséquences
sur les femmes et les filles. Cest donc avec grand plaisir que jai accepté de représenter la CAFRA lors des sessions de la société civile organisées
parallèlement à la deuxième consultation informelle, en préparation à la session extraordinaire de lAssemblée générale des Nations Unies
(UNGASS) qui a eu lieu à New York en mai 2001.
Lobjectif de la CAFRA, lun des vingt groupes internationaux appuyés par le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) à avoir participé aux
réunions, était danalyser et de commenter le projet de Déclaration dengagement, de préparer des exposés pour une session de dialogue avec les
États Membres, de discuter avec les délégations gouvernementales du contenu et du processus ainsi que dexaminer les initiatives proposées pour la session
extraordinaire. Jai dabord suivi la discussion en ligne « Briser le silence » et lu tous les documents importants que je pouvais trouver. Cétait la
première fois que je participais à une conférence mondiale des Nations Unies et, bien quayant participé à dautres conférences (la
Quatrième Conférence mondiale de 1995 sur les femmes, à Beijing, par exemple), ce travail de préparation allait savérer bien différent de
lexpérience qui mattendait.
Les participants de la société civile internationale ont assisté à trois présentations qui se sont déroulées sur vingt-quatre heures. Le groupe a pris
une telle importance que dès le premier jour de la consultation, un grand nombre dentre nous avions entendu les mêmes informations quatre fois dans la journée. Nous avons
également été informés que la session de dialogue avec les États membres avait été avancée à la dernière minute. Non seulement
nous navions que très peu de temps pour la préparer mais la date prévue ne nous convenait pas, de nombreux délégués devant assister ce jour-là
à des réceptions et à des réunions. Un groupe plus important étant réuni, nous avons identifié les questions que nous voulions souligner dans la
Déclaration et les avons répertoriées pour quelles soient discutées en petits groupes comme suit :
- renforcement du point de vue général de la Déclaration;
- inscription de la réponse globale au VIH/sida dans le cadre dune approche fondée sur les droits de lhomme;
- terminologie adéquate pour nommer les groupes vulnérables;
- renforcement du langage ayant trait aux sexes;
- buts, ressources et suivi et
- participation complète et efficace de la société civile et des personnes atteintes du VIH/sida.
Tenter de redéfinir les idées et les priorités de nombreux groupes concernés à travers le monde et de les résumer en trois ou quatre points essentiels en vue
dun dialogue ne fut pas une tâche aisée. Une heure à peine avant le début de la session de dialogue, nous avons élu cinq orateurs chargés de
présenter notre cause :
Nos représentants étaient O.C. Lin (Fondation SIDA Hong Kong); Edgar Carrasco (Conseil des organisations de soins pour la lutte contre le sida en Amérique latine et dans la
région des Caraïbes); le docteur Jacqueline Bataringaya; Julien Hussey (Global Business Council) et Yolanda Simon (réseau régional des Caraïbes pour les personnes
atteintes du VIH/sida). Bien quétant prévenus, nous avons été déçus par le manque de participation. Le public était principalement
composé de délégués dorganisations non gouvernementales (ONG), de participants de la société civile et denviron vingt États Membres, dont
la plupart étaient déjà favorables à la participation de la société civile à un tel processus. La promesse dune autre session de dialogue, le
mercredi après-midi, était une piètre consolation car, une fois de plus, elle était prévue à un moment peu opportun : lheure du déjeuner !
Réalisant que le meilleur moyen davoir une influence sur les procédures était par le biais des délégations nationales, pendant les deux jours suivants, nous
avons fait appel aux États Membres favorables à notre cause pour quils intègrent nos préoccupations durant les négociations en préparant des
suggestions spécifiques pour les amendements à la Déclaration. Jai préparé, avec laide de trois autres collègues, une présentation sur
« Les éléments clés de la Déclaration ». Au nombre des intervenants figuraient : Michaela Figueira (Unité juridique pour le sida, Namibie); Elizabeth
Franklin (Conseil national des Églises aux États-Unis) et Javier Bellocq (Réseau régional de lAmérique latine et des Caraïbes pour les personnes
atteintes du VIH/sida, Argentine). Bien préparées, les remarquables présentations appuyant notre démarche ont été faites devant les mêmes
habitués : une poignée de délégations gouvernementales, pour la plupart favorables à notre cause, qui avaient bien voulu se déranger. Comme le faisait
remarquer un participant anonyme sur « Briser le silence », « il est regrettable que les présentations, dont la préparation a nécessité tant
dénergie et de temps, aient attiré si peu de monde ».
À la réunion internationale organisée par la Campagne mondiale en matière doptions de prévention pour les femmes, jai décidé de me
concentrer sur les exposés des ONG ainsi que sur les événements parallèles ayant lieu au Secrétariat de lONU, maventurant une seule fois dans la galerie
publique de lAssemblée générale pour observer la séance plénière finale. La plupart des discussions du groupe étaient intéressantes et
étayées par une excellente documentation. Parmi les groupes les plus intéressants, je citerai les suivants : « Sexes et VIH/sida », « Développement
dun vaccin contre le sida », « Microbicides » ainsi que le groupe commun du réseau global commun de personnes atteintes du VIH/sida et de la Croix-Rouge sur la «
Création de partenariats au niveau national ». La présentation « Une double protection et le préservatif féminin » a connu un tel succès que je
nai pas pu mavancer plus loin que la porte !
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(Photo ONU)
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Une analyse préliminaire des discours présentés par seize gouvernements de la région des Caraïbes lors de la session extraordinaire a révélé des
points communs et des différences marquées. Laccès aux médicaments à des prix abordables fut la question la urgente pour la région ainsi que la
nécessité daborder les questions liées au commerce ayant un impact sur la fourniture de médicaments essentiels. Plusieurs pays ont identifié le besoin en
ressources financières supplémentaires pour faire face à lépidémie. Pour un grand nombre, laccès aux fonds de santé pour lutter contre le
VIH/sida constituait un problème. Il sest avéré que dans sept pays, les jeunes et les femmes étaient les plus touchés. Plusieurs pays ont lancé des
initiatives nationales quil est important de signaler. Cuba fournit des soins complets, un traitement antirétroviral gratuit et apporte son aide à toutes les personnes
infectées. Les Bahamas et la République dominicaine fournissent ou prévoient de fournir une trithérapie à toutes les femmes enceintes séropositives et la
République dominicaine offre un traitement de durée indéterminée aux mères après laccouchement. Les Bahamas fournissent actuellement à
dautres pays de la région une assistance en matière de formation sur le VIH/sida et Cuba a mis à la disposition des pays les plus pauvres présentant des taux de
VIH/sida élevés du personnel médical, du matériel et des kits de diagnostics. Enfin, Haïti et Trinité-et-Tobago ont tous deux participé à des
essais de vaccins anti-VIH. Jai été cependant sidérée dapprendre que la République dominicaine a été le seul pays des Caraïbes
à voter en faveur de lamendement pour accueillir à la table ronde sur les droits de lhomme les délégués de la société civile de la
Commission internationale des droits de lhomme des homosexuels et des lesbiennes.
Depuis mon retour, jai relu la Déclaration, noté les changements significatifs apportés au texte ainsi que la formulation de nombreux sujets de préoccupation de la
société civile comme, par exemple :
- les références tout au long du texte à dautres régions dans le monde gravement touchées (les Caraïbes, par exemple) et aux initiatives
régionales/sous-régionales sur le VIH/sida;
- la reconnaissance que la prévention, les soins, le soutien et le traitement sont étroitement liés;
- la reconnaissance de la vulnérabilité particulière des femmes et des filles au VIH/sida et que légalité entre les sexes et lautonomie des femmes
sont essentielles pour réduire leur vulnérabilité et
- laccent mis sur laccès aux meilleurs traitements disponibles et la nécessité de coopérer de manière constructive au renforcement des politiques et
des pratiques pharmaceutiques.
Même si, dans lensemble du document, les groupes prêtant à controverses nétaient pas nommés, il était noté que les « groupes
vulnérables » comprenaient les « personnes atteintes du VIH/sida » et étaient définis dans le paragraphe 64 comme suit :
« ... des groupes identifiables qui présentent actuellement des taux dinfection élevés ou qui, selon les informations de santé publique, présentent les
plus grands risques dinfection et sont les plus vulnérables à de nouvelles infections tel quindiqué par des facteurs comme lhistoire locale de
lépidémie, la pauvreté, les comportements sexuels, lusage de la drogue, les moyens dexistence, le lieu de recherche institutionnalisée, labsence de
structures sociales et les mouvements de population forcés ou autre. »
Néanmoins, il me paraît complètement absurde que vingt ans après lidentification des premiers cas de « défaillances inhabituelles du système
immunitaire » parmi les homosexuels aux États-Unis, la Déclaration dengagement sur le VIH/sida ignore leur existence.
LAccès aux soins de qualité
Les institutions de lONU unissent leurs efforts
LOrganisation mondiale de la santé (OMS) a publié sa première liste de médicaments contre le sida ayant satisfait aux normes recommandées. Cette
initiative est le fruit dun effort commun des programmes de lONU visant à évaluer la qualité des médicaments contre le VIH afin de faciliter
laccès des pays pauvres aux services de traitement. Quarante produits sous marque et génériques, de huit fabricants, sont inclus dans la phase initiale du projet
géré par lOMS et soutenu par le Fonds de lONU pour lenfance, le Programme commun de lONU contre le VIH-sida (ONUSIDA), le Fonds de lONU pour la population
et la Banque mondiale. La liste inclut onze antirétroviraux, qui permettent lutilisation de trithérapies, ainsi que cinq produits pour les infections opportunistes.
Selon une déclaration commune des institutions de lONU, le projet Accès aux médicaments contre le virus VIH/sida et aux diagnostics de qualité fait partie
dune vaste stratégie de lONU visant à améliorer laccès au traitement et a pour but de promouvoir lutilisation rationnelle des médicaments,
le recours à des prix et à des diagnostics abordables, un financement à long terme, ainsi que des systèmes de santé et dapprovisionnement fiables. Les
produits pharmaceutiques sont évalués en fonction de normes de qualité, conformes aux pratiques de fabrication recommandées par lOMS. Dautres
médicaments et fournisseurs seront ajoutés à la liste dès quils auront satisfait aux normes établies. Jusquà présent, huit laboratoires
ont été évalués, mais treize autres, ainsi que 100 autres produits, sont actuellement à létude. La liste est disponible sur les sites web de lOMS
et des autres institutions participantes.
Selon celles-ci, le VIH/sida est devenu la principale cause de mortalité en Afrique. Sur 40 millions de personnes infectées par le virus, 28 millions vivent en Afrique, alors que la
maladie progresse rapidement en Asie et Pacifique. En effet, on estime à 7,1 millions le nombre de personnes contaminées dans cette région.
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Links:
Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA)
Association Antillaise pour la Recherche et LAction Feministes (CAFRA)
WHO: Access to HIV/AIDS Drugs of Acceptable Quality
Cathy Shepherd est spécialiste de linformation et militante de longue date dans le mouvement des femmes à
Trinité-et-Tobago. Au moment où elle a écrit cet article, elle était documentaliste au Secrétariat de la CAFRA.
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