Actualités/Droit Labolition des frontières
Par Zahra Sethna, pour la Chronique
 | Photo/UN |
Selon larticle 13 de la Déclaration universelle des droits de lhomme, " toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à lintérieur dun État ainsi que le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. " Tout le monde devrait donc pouvoir circuler comme bon lui semble.
Pourtant, la réalité est tout autre. Des restrictions et des limitations sont imposées sur la circulation des personnes, leur destination et leurs motifs de voyage. Outre les restrictions juridiques et gouvernementales, le droit de circuler librement est limité par des raisons financières et culturelles. Souvent, les personnes sont forcées de quitter leur résidence contre leur gré ou y sont amenées pour échapper à la guerre, à la pauvreté, au chômage, à la migration forcée ou à la persécution.
Malgré les idéaux de lArticle 13, tout le monde nest pas en mesure de quitter son pays ou dentrer légalement dans un autre. Certains sont des réfugiés alors que dautres sont des immigrés ou des " clandestins ". La Convention de lONU de 1951 relative au statut des réfugiés indique clairement quelles personnes sont considérées comme des réfugiés ainsi que les droits et la protection dont elles bénéficient. Les migrants économiques, ceux qui " quittent leur pays de plein gré pour chercher une vie meilleure autre part ", et les personnes déplacées dans leur pays ne sont pas protégées de manière spécifique par la Convention. Selon Robert Barsky, fondateur du Centre Article treize à lUniversité du Québec à Montréal (UQAM), les demandeurs dasile sappuient sur la Déclaration universelle des droits de lhomme pour défendre leurs droits mais leur demande est souvent " dûment rejetée ".
" Le droit de circuler librement nest pas évident comme il peut lêtre pour les oiseaux, les poissons ou les animaux. Il est réglementé par lÉtat ", a précisé M. Barsky, qui a commencé à sintéresser à la question des réfugiés quand il préparait son doctorat à Montréal et quil transcrivait les auditions de réfugiés pour gagner sa vie, et qui est actuellement professeur invité à Yale University. " Je mintéresse depuis longtemps à la relation entre les organes internationaux, comme lONU ou le HCR, ainsi quà tous les traités quils produisent et aux actions menées dans la population locale ", a-t-il expliqué.
Le premier événement organisé par le Centre fut une conférence consacrée aux études sur la migration et les frontières, qui sest déroulée à lUQAM. Les participants de divers pays dont lAfrique du Sud, les Pays-Bas, les États-Unis, le Canada, le Rwanda et le Burundi se sont réunis pour discuter de concepts tels que " le droit de retour après la guerre entre lÉthiopie et lÉrythrée ", " la sécurité des frontières " et " le droit de migration et les inégalités ".
M. Barsky a ouvert la discussion par une déclaration au cours de laquelle il a introduit le concept de société sans frontières. " Jai pris comme point de départ lidée de frontières ouvertes, sans me préoccuper si cela était possible ou non, sans considérer le rôle de lÉtat ni le statut quo ", a-t-il expliqué. " Je suis parti de lhypothèse selon laquelle les personnes voyagent, quil en a toujours été ainsi, quil est normal de voyager. " Il a convenu que cétait un point de vue utopique mais que cétait un point de départ plus intéressant que de souligner simplement le problème et de rechercher des solutions possibles.
 | Une plage interdite aux Noirs en Afrique du Sud, 1982 (Photo/UN) |
Parmi les participants à la conférence figuraient des personnalités telles que Julius Grey, un avocat canadien de renom en matière de droit constitutionnel et des droits de lhomme, qui a examiné les questions liées à la définition du statut de réfugié, Debbie Anker, un professeur à Harvard, qui a abordé les droits des réfugiés, de la femme et de lhomme et Thomas Spijkeboer, un professeur de droit néerlandais, qui sest entretenu sur les effets de la migration sur le marché du travail et la structure familiale aux Pays-Bas.
Discutant de la définition des réfugiés - toute personne vivant en dehors de son pays par " crainte dêtre lobjet de persécutions fondées sur la race, la religion, la nationalité, lappartenance à un groupe social ou à un groupe dopinion politique particulier " - M. Grey a fait remarquer que cette définition excluait de nombreux cas. Il faut inclure dautres cas, a-t-il poursuivi, tels que la peur de mourir lors du retour dans le pays dorigine. " Le droit à la vie signifie ne pas être en danger de mort ", a-t-il expliqué, avançant largument que si, une fois expulsé, un demandeur dasile au Canada ou aux États-Unis risquait de mourir, soit à cause de la faim, du manque daccès au traitements médicaux tels que les traitements contre le sida ou, dans dautres circonstances, à cause de la peine de mort, cette personne devrait alors pouvoir bénéficier du statut de réfugié. " Envoyer quelquun à la mort relève de linconscience. "
Après plusieurs présentations sur les problèmes auxquels sont confrontés les réfugiés, le débat a changé de ton lorsque Howard Foster, un avocat de Chicago, a présenté ce quil a appelé une " opinion dissidente ".
Selon lui, limmigration, du moins aux États-Unis, devrait être davantage limitée et soumise à des contrôles plus stricts. Il a expliqué quil nétait pas dans lintérêt des immigrants de venir aux États-Unis où ils seraient exploités comme main-dœuvre bon marché et où, très souvent, " les conditions de vie ne sont pas meilleures que celles auxquelles ils sont confrontés. "
Une meilleure approche, a poursuivi M. Foster, serait dadmettre les migrants et les réfugiés " seulement sils peuvent sintégrer à la vie américaine ". Les jugements devraient être fondés sur le niveau détudes et laptitude à occuper des emplois bien rémunérés. Le système dimmigration actuel, a-t-il commenté, a un effet néfaste sur le pays entier, particulièrement sur la structure salariale.
Depuis le 11 septembre, la sécurité des frontières, la mise en place de mesures plus strictes en matière dimmigration et les " menaces " à la sécurité américaine ont été largement débattus. Bon nombre de personnes, y compris celles dotées du pouvoir législatif, sont favorables aux idées de M. Foster, parfois même à des restrictions plus strictes.
Coïncidence, cest le 11 septembre que M. Barsky a envoyé des invitations aux participants de cette conférence. Il a pris connaissance des tragiques nouvelles en se rendant au travail. " Il ma semblé quil était dautant plus urgent de faire quelque chose. Jai tout de suite pensé que la circulation des personnes allait en pâtir. "
Pour lui, le renforcement du contrôle des frontières na aucun sens. " Si vous avez une carte American Express et un passeport, vous pouvez vous rendre pratiquement nimporte où. Mais affirmer que [les gouvernements] ont renforcé les contrôles aux frontières [...] est faux. La sécurité nest pas plus stricte. Vous dites : " Nous allons limiter le flux dimmigrants et mieux le contrôler " mais, en fait, vous continuez daccepter ceux qui ont les moyens financiers de venir dans le pays. "
Sil ny a eu aucune conclusion sur la question des frontières, la conférence a permis dengager un débat sur les structures existantes, de se poser la question de savoir si elles sont suffisantes pour protéger les droits et les intérêts de tous et si les idéaux énoncés dans lArticle 13 peuvent être défendus dans le monde moderne.
Liens:
Article Treize
Déclaration universelle des droits de l'homme
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