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Message du Secrétaire général
' Ce qui fait défaut, de part et d'autre, c'est la confiance mutuelle '

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Dans une semaine exactement ce sera le vingt-cinquième anniversaire de la visite d'Anouar Sadate à Jérusalem, en 1977. Rarement geste politique n'a autant mérité d'être qualifié d'" historique ". L'événement a captivé les esprits. Il a transformé le paysage politique du Moyen-Orient et fait d'Anouar Sadate un personnage historique.

Le Président Sadate a montré du courage, un esprit de décision et une remarquable intuition politique lorsqu'il a fait ce qui jusque-là eut été impensable pour n'importe quel dirigeant arabe : il est allé à Jérusalem et, s'adressant directement au Parlement et au peuple israéliens, il leur a dit " nous vous accueillons parmi nous dans des conditions de sécurité et de sûreté absolues ". Cette visite était un extraordinaire acte de foi et d'imagination.

Le malheur a voulu que cette voie sur laquelle Sadate s'était engagé le conduise aussi à sa disparition prématurée, ou du moins y contribue. Il avait certainement conscience lui-même du risque qu'il prenait, et cette conscience donne la mesure de son courage. Comme Itzhak Rabin 14 ans plus tard, il a payé de sa vie la paix.

Considérant le processus de paix au Moyen-Orient aujourd'hui, je voudrais pouvoir dire que ces deux sacrifices suprêmes ont apporté au Moyen-Orient une paix juste, durable et globale, ou que les dirigeants d'aujourd'hui font preuve des mêmes qualités de courage, d'imagination et de sagesse politique. Hélas, il n'en est rien. À l'heure où nous parlons, Israéliens et Palestiniens sont toujours enfermés dans un conflit meurtrier.

De part et d'autre, chez les Palestiniens et chez les Israéliens, seuls ceux qui pensent que leur ennemi pourra être vaincu par la force et la violence croient avec une cynique certitude au succès ultime de la méthode qu'ils ont choisie. Pourtant, dans les deux cas, cette certitude est dépourvue de fondement.

Pourtant, tous les sondages d'opinion sont d'accord. La majorité des Palestiniens acceptent qu'Israël continue d'exister et sont prêts à vivre à ses côtés dans leur propre État. Par ailleurs, la majorité des Israéliens admettent que la paix requiert l'établissement d'un État palestinien couvrant presque entièrement le territoire occupé en 1967.

Ce qui fait défaut de part et d'autre, c'est la confiance mutuelle et, sans cette confiance, il devient difficile de conserver l'espoir de parvenir à la paix.

D'une manière ou d'une autre, nous devons rendre l'espoir aux deux peuples, en renforçant patiemment leur confiance mutuelle. C'est précisément ce que cherche à faire le Quatuor de parties externes intéressées - l'Organisation des Nations Unies, les États-Unis, l'Union européenne et la Fédération de Russie - en établissant un plan de campagne crédible comprenant des mesures synchronisées susceptibles, dans un délai de trois ans, de nous faire passer de la situation sombre dans laquelle nous nous trouvons actuellement à la solution pacifique fondée sur l'existence de deux États, à laquelle aspire la majorité de part et d'autre. Ce plan de campagne est dressé avec le plus grand soin et est actuellement presque au point.

Les membres du Quatuor ont parfaitement conscience que la crédibilité de ce plan de campagne dépendra des résultats obtenus. Cependant, les résultats eux-mêmes ne sont possibles que si l'espoir existe. En l'absence d'une promesse claire et nette quant au résultat final et de progrès politiques visibles sur cette voie, aucune des deux parties n'aura sans doute le courage de prendre les risques que chacune d'elles doit prendre, dès le départ, pour améliorer la sécurité et les conditions de vie de l'autre partie. C'est pourquoi nous disons que ce processus a pour moteur l'espoir, tout autant que l'obtention de résultats.

Et c'est là certainement que toutes les parties peuvent s'inspirer de l'exemple d'Anouar Sadate. Avec une grande imagination, Sadate a compris que si les Arabes se sentaient opprimés par la force apparemment toute puissante d'Israël, Israël pour sa part se sentait menacé par l'hostilité générale du monde arabe qui l'entoure. Plus que tout, le peuple israélien avait besoin - et a toujours besoin - de se sentir accepté par ses voisins, pour trouver le courage de reprendre les négociations de bonne foi malgré les événements traumatisants des deux dernières années et de faire les concessions nécessaires. Au stade actuel du conflit, je suis convaincu que l'une et l'autre parties aspirent profondément à ressentir ce sentiment d'acceptation.

De nombreux Palestiniens, voyant les ravages qu'Israël est capable d'infliger à leur société, ont de la difficulté à imaginer que les Israéliens, eux aussi, vivent dans la peur et que ce n'est qu'en éliminant cette peur qu'ils peuvent espérer parvenir à une relation nouvelle et plus équilibrée. Et pourtant, il en est ainsi.

De nombreux Israéliens, pour leur part, considèrent qu'ils ont déjà assez fait pour prouver qu'ils sont prêts à accepter les Palestiniens comme voisins et à leur laisser la place nécessaire pour vivre en tant que nation.

Malheureusement, l'expérience concrète de nombreux Palestiniens a été très différente et Israël doit faire beaucoup plus pour gagner leur confiance. Tant que l'établissement de colonies et la confiscation de terrains se poursuivent, tant qu'il n'existe pas d'horizon politique et tant qu'il n'y a pas d'engagement réel pour la négociation des dernières questions de statut restant à régler, les Palestiniens ne seront jamais persuadés qu'Israël désire la paix. Les Israéliens auront peut-être du mal à le croire. Et pourtant, il en est ainsi.

La communauté internationale est prête à apporter son aide. En fait, nous nous devons d'aider les Israéliens et les Palestiniens à faire tomber la barrière dont parlait Sadate : " une barrière faite de méfiance, de rejet et de peur, de mauvaise foi et d'illusion, d'interprétations tendancieuses de chaque événement et de chaque déclaration ".

Mais nous ne pouvons aider que ceux qui veulent bien qu'on les aide.

Ce dont ont besoin les deux parties, c'est de se doter de dirigeants aussi éclairés que le fut Anouar Sadate en son temps. Formons des voeux pour qu'elles y parviennent avant qu'il ne soit trop tard.
Cet article est tiré de l'allocution du Secrétaire général à la "Conférence commémorative Anouar Sadate", qui a eu lieu le 13 novembre 2002 à l'Université du Maryland. Le texte intégral est disponible.

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