Éradiquer la pauvreté extrême et la faim Comment nous définissons la pauvreté Par Ramon Osiris Blanco
Parler de la pauvreté et la définir de manière empirique semble être une tâche aisée lorsqu'elle est abordée du point de vue privilégié des personnes cultivées ou au moyen de capacités permettant de déterminer les paramètres qui l'identifient.
D'ici à 2003, deux milliards de pauvres dans le monde devront lutter pour survivre. En se fondant sur leurs propres expériences, mes collègues et connaissances dominicaines se sont mis d'accord pour définir la pauvreté comme une absence totale d'opportunités, à laquelle s'ajoutent la malnutrition, la faim, l'illétrisme, le manque d'éducation, les maladies physiques et mentales, l'instabilité émotionnelle et sociale, la misère morale et l'absence de tout espoir dans l'avenir. La pauvreté est également caractérisée par un manque chronique de participation économique, sociale et politique, qui relègue les individus au rang des exclus, les privant de l'accès aux avantages du développement économique et social, limitant de ce fait leur développement culturel.
L'ONU a établi que la pauvreté et les exclus existent dans toutes les régions du monde; il existe donc de nombreuses raisons pour lesquelles les personnes ne peuvent pas satisfaire à leurs besoins de base. À cet égard, elle a aussi conclu que deux conditionssociale et individuellelimitaient la possibilité d'accès aux ressources, au savoir et aux avantages.
La condition sociale est intrinsèquement liée au domaine politique et économique puisque ce sont les administrateurs du pouvoir qui réglementent la répartition des ressources et des services, établissant des paramètres qui engendrent des inégalités souvent constatées dans des domaines tels que la distribution des terres, l'infrastructure, les capitaux, les marchés, les crédits, l'éducation et l'information ou bien les services consultatifs ou dans d'autres domaines importants pour le développement humain.
Pour ce qui est de la condition individuelle, l'inégalité se traduit par un accès limité aux services tels que l'éducation, la santé, les loisirs, l'eau potable et l'hygiène publique. Dans les pays en développement, les zones rurales, où vivent 77 % des pauvres, sont les plus affectées. L'ONU a établi que, parmi les régions en développement, celle de l'Amérique latine et des Caraïbes est la plus urbanisée, en raison d'une importante migration qui a eu lieu au cours des vingt dernières années. Trois-quarts de la population vivent dans les villes, où 40 % de la population totale est pauvre, ayant un accès limité à l'eau potable, vivant dans de mauvaises conditions d'hygiène et souffrant de graves problèmes de santé.
En analysant les causes des conflits armés et des guerres civiles, nous nous sommes rendu compte que, dans la plupart des cas, la limitation économique était toujours présente, la richesse étant répartie de manière inégale dans ces régions. Il est d'ailleurs courant d'y trou-ver des systèmes totalitaires qui protègent les privilèges économiques de la minorité dirigeante au détriment de la majorité, par la répression, la militarisation, la discrimination ainsi que par la violation des droits de l'homme. D'autre part, lorsqu'une crise macro-économique survient, les pauvres sont les plus touchés. Les résultats des études comparatives réalisées entre les pays montrent que l'inflation représente l'une des plus importantes préoccupations dans le monde.
C'est pourquoi les économistes modernes essaient de déterminer comment les niveaux de bien-être sont liés aux indicateurs économiques : produit national brut, emploi et salaires. Cependant, lorsque la manne économique est accompagnée d'un accroissement de la pauvreté, comme cela s'est souvent produit dans les pays en développement, c'était parce que la croissance économique était basée sur une répartition inégale des opportunités et de l'emploi entre les villes et les zones rurales, ainsi qu'entre leurs habitants. Il ne fait aucun doute que la répartition de l'emploi est inégale lorsque les pauvres n'ont pas accès aux emplois intéressants offrant de bons salaires et de bonnes conditions de travail, ainsi qu'à la stabilité, la sécurité et à d'autres avantages. Au contraire, ils sont souvent soumis à de mauvaises conditions de travail et à une discipline arbitraire et n'ont accès qu'aux emplois à bas salaires.
Comparée à la croissance démographique, la réduction de la pauvreté en Amérique latine est minime. Même lorsque les taux de réduction de la pauvreté ont atteint 36,7 % et ceux de la pauvreté extrême 15,1 %, cela représente 179 millions de pauvres et 78 millions de démunis, chiffres qui dépassent ceux de 1986 indiquant 40 millions de défavorisés et 20 millions personnes vivant dans la misère.
Enfin, nous jugeons qu'il est important de souligner que la déclaration sur "le droit à l'alimentation" (approuvée par consensus par la Commission des droits de l'Homme et ratifiée pendant la réunion de fond du Conseil économique et social de l'ONU en 2002) affirme que la faim constitue une violation de la dignité humaine. On ne pourra l'éradiquer que si l'on adopte des mesures urgentes aux niveaux national, régional et international, y compris la mobilisation et l'utilisation de ressources financières et techniques, dont l'allégement de la dette extérieure des pays en développement. Ces mesures viseraient à renforcer les activités nationales en mettant en ouvre des politiques de développement durable. Un effort commun est nécessaire pour garantir une répartition des richesses plus équitable en vue de réaliser le progrès et le bonheur humains.
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Ramon O. Blanco est Ambassadeur à la Mission permanente de la République dominicaine auprès des Nations Unies. Ingénieur agronome, spécialisé dans le domaine de l'extension et du développement rural, il mène des recherches et écrit des articles sur les questions publiques actuelles. Les points de vues présentés dans cet article sont ceux de l'auteur et ne reflètent pas la position du gouvernement de la République dominicaine. |
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