Développer un système financier ouvert: La volatilité du marché financier international Par Roma Rana, pour la Chronique
" Depuis le 11 septembre, de nombreux pays se sont engagés à rechercher des solutions multilatérales pour lutter contre le terrorisme. Mais il reste encore beaucoup à faire pour assurer une meilleure gouvernance économique mondiale ", a déclaré Stephany Griffith-Jones, Professeur de l'Institut des études de développement à Sussex University, lors de la publication du rapport intitulé " Capital Flow to Developing countries since the Asian Crises : How to manage their volatility ", l'un des douze projets entrepris par l'Institut mondial de la recherche économique sur le développement (WIDER).
Fondé par l'Université des Nations Unies à Tokyo et établi à Helsinki, en Finlande, WIDER est le premier institut de recherches consacré à l'économie du développement. Il fournit un forum d'interaction professionnelle rassemblant les économistes de l'ONU, les représentants gouvernementaux, les chercheurs ainsi que des organisations internationales. Ses activités sont réalisées par des chercheurs employés et des invités par le biais de réseaux de programmes de recherche et d'institutions associées de par le monde.
L'Institut a récemment organisé une conférence à New York au cours de laquelle les participants ont débattu de la volatilité croissante du marché financier international et des divers aspects de la réforme financière internationale. WIDER, en collaboration avec la Commission économique de l'ONU pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) et la stratégie internationale pour le développement (IDS), a tenté de fournir une approche constructive visant à réduire les effets de la réduction du flux de capitaux dans les pays en développement.
Dans son article intitulé " Capital flows to developing countries ", Mme Griffith-Jones a analysé comment les flux de capitaux vers les pays en développement ont changé depuis les crises en Asie. Les années 1990 ont été marquées par un vaste mouvement de libéralisation du marché des capitaux, ce qui a engendré une augmentation des flux de capitaux privés vers les pays en développement. Les apports ont pris la forme d'actions et d'obligations, ce qui élargit le groupe d'investisseurs mondiaux en dehors des banques et des corporations multinationales, pour inclure les investisseurs individuels et les gestionnaires de fonds de placement ainsi que les investisseurs institutionnels tels que les fonds de pension, les compagnies d'assurance, les fonds de dotation et les fondations universitaires. La participation accrue des investisseurs a engendré un accroissement des flux de capitaux qui, à leur tour, ont entraîné une plus grande vulnérabilité à la volatilité des cours des actions et des obligations dans les pays en développement et les marchés des capitaux. L'article analyse en détail comment les investisseurs, les prêteurs et les autres acteurs financiers prennent les décisions pour fournir des capitaux aux pays en développement et comment ces décisions influencent ou déterminent leurs principales caractéristiques, en particulier leur tendance à la procyclicité et au rendement à cour terme.
Son article souligne deux aspects problématiques des flux de capitaux vers les pays en développement : leurs niveaux actuels très bas et leur réversibilité.
Concernant la baisse importante de ce nouveau modèle de flux privés, l'article indique : " Selon les données 2002 du FMI (Fonds monétaire international), les flux nets de capitaux privés vers les économies de marché émergentes, qui ont atteint un niveau élevé en 1995, et un niveau record de 240 milliards de dollars en 1996, ont augmenté régulièrement durant la première moitié des années 1990, sont ensuite tombés à 120 milliards en 1997, chutant de près de 40 % pour représenter moins de 70 milliards en 1998 et 1999, puis se sont effondrés à moins de 10 milliards en 2000 pour se redresser légèrement pour atteindre 31 milliards de dollars en 2001. "
Dans les pays en développement, le flux de capitaux actuels est une cause majeure des crises récentes de grande ampleur, coûteuses sur le plan du développement. Les flux privés très bas ou négatifs inhibent la croissance dans la plupart des pays en développement, spécialement en Amérique latine. Dans son article " Financial Crises and National Policy Issues ", Ricardo French Davis indique que ces problèmes sont, dans une grande mesure, causés par un cycle d'expansion et de ralentissement dans les marchés des capitaux et du crédit à New York et à Londres. Selon lui, les marchés internationaux des capitaux sont les principaux responsables de ces bouleversements, à la fois positifs et négatifs, auxquels sont confrontées les économies de marché émergentes. Les flux de capitaux ont été en grande partie réalisés entre les créanciers et les emprunteurs privés sans véritable réglementation ou supervision financières. L'auteur explique pourquoi les fonds ont continué d'être dirigés vers les économies émergentes alors que les principes fondamentaux, tels que les comptes fiscaux en ordre, les exportations dynamiques, les déficits et les dettes nettes externes fiables, les taux d'échange réels acceptables dans les pays hôtes, s'étaient détériorés avant les crises en Asie et pourquoi le financement est à un niveau si bas depuis 1998.
M. Davis poursuit sa démonstration en donnant une leçon politique préconisant, en autres, le maintien d'un volume et d'une structure des passifs externes fiables, la pratique de taux de change non aberrants, l'adoption d'une réglementation macro-économique souple et prudente, la réforme de l'architecture financière internationale et la recherche de politiques de prévention des crises.
Les auteurs ont également montré que les banques ont un rôle important à jouer dans ce processus de volatilité du marché financier international. Comme l'indique David Lubin dans son article, " Bank lending of emerging markets :cross border lending ", la probabilité et la gravité des crises dans un pays en développement dépendent en grande partie de la fragilité de son propre système bancaire. Il souligne l'importance de la propriété étrangère des systèmes bancaires des pays en développement qui peut permettre de diversifier leur base de capitaux, améliorer l'évaluation des risques, la réglementation, la comptabilité, les technologies de l'information et le niveau de transparence.
Elle peut également permettre de créer une situation dans laquelle les banques étrangères continuent de prêter de l'argent lors du déclin de l'économie, étant donné qu'elles disposent d'une base de fonds plus diversifiée. En ce qui concerne l'effondrement spectaculaire des prêts transfrontières vers les pays en développement, on ne peut pas simplement s'en prendre aux banques pour s'être retirées du marché émergent au cours des dernières années. Cependant, on constate une nouvelle répartition de leurs investissements de portefeuille vers les marchés émergents axée sur les prêts aux entreprises nationales plutôt que transfrontières.
Dans son article intitulé " Derivatives and Capital Flow ", Randall Dodd, Directeur de Derivatives Study Center, analyse les tendances à la titralisation et son lien avec l'usage de plus en plus fréquent de transactions dérivées dans les pays en développement. Il expose également une série de recommandations sous forme de règles commerciales de prudence destinées à réduire la vulnérabilité du système financier et atténuer les effets des remous du secteur financier sur l'ensemble de l'économie.
Ce projet comprend de nombreux autres articles qui viennent compléter ce rapport imposant et de grande portée, bientôt publié sous forme de livre. Il fournit une analyse détaillée des nouvelles tendances des flux de capitaux et de leurs facteurs déterminants ainsi qu'une évaluation des politiques nationales destinées à réduire la volatilité qui, en fait, reflète les carences dans le processus de développement des pays et la faiblesse de leurs mécanismes mis en place pour réglementer les transactions qui ont ouvert la voie à des crises financières inhabituelles dans ces systèmes. Afin de restructurer la situation économique mondiale actuelle et de mettre en place des réformes financières internationales, l'ONU et ses institutions spécialisées, telles que WIDER et CEPALC, ainsi que les organisations non gouvernementales, les économistes, les financiers et les responsables, ont un rôle considérable à jouer. Non seulement ils doivent encourager la recherche dans ce domaine mais ils devraient également fournir aux responsables nationaux les mécanismes adéquats pour qu'ils puissent renforcer leurs systèmes financiers. |
Au cours du débat de la 57e Assemblée générale, les pays en développement ont souvent mentionné le sujet de la mondialisation, particulièrement le libre-échange et la libéralisation des marchés. Ce sont les pays de l'Amérique latine qui se sont fait le plus entendre, exprimant leurs frustrations concernant la structure des marchés et de l'économie mondiale. La mondialisation économique et politique offre des avantages mais elle nécessite une bonne gouvernance et un effort systématique commun de la communauté internationale afin d'établir les règles du nouveau système mondial, a déclaré Maria Soledad Alvear, Ministre des affaires étrangères du Chili. " Nous sommes convaincus que la participation active au commerce international est un moyen positif d'assurer la croissance, de favoriser l'emploi, de créer de nouvelles technologies et d'être efficace dans l'allocation des ressources ", a-t-elle dit. La mondialisation pourrait offrir des opportunités pour les pays, qui sont éloignés des grands centres de consommation et des flux internationaux. Le Chili a ouvert ses marchés et les citoyens sont satisfaits des résultats.
Le Président de l'Équateur, Gustavo Noboa Bejarano, a dit que les pays industrialisés demandent aux États en développement de mettre en place des mesures d'austérité et une discipline fiscale, de respecter les règles commerciales et, en retour, " leur ferment la porte au nez " lorsqu'ils tentent d'accéder aux marchés mondiaux. " Les pays développés ne comprennent pas toujours que nos citoyens ont du mal à voir les avantages d'un processus de mondialisation qui menace de ne jamais frapper à leur porte ", a-t-il ajouté. Pour sa part, Celso Lafer, Ministre des affaires étrangères du Brésil, a déclaré que les " attaques spéculatives " contre les devises nationales pouvaient avoir un impact négatif sur la capacité des pays à maintenir leur balance des paiements et à mener à bien les politiques gouvernementales.
Les barrières protectionnistes étouffent les économies en développement et la libéralisation du secteur agricole " n'est rien d'autre qu'une promesse maintes fois renvoyée à un avenir incertain ". Il a ajouté que la mondialisation nécessitait une réforme des institutions économiques et financières et devait " ne pas être limitée au triomphe du marché ".
En Uruguay, les produits d'exportation ne peuvent pas concurrencer ceux des autres pays car, soumis aux lois internationales concernant le travail des enfants, les salaires minimaux, les avantages sociaux et les conditions de travail, le pays a dû pratiquer des coûts plus élevés, a déclaré le Ministre des affaires étrangères Didier Opertti. Les pays développés se font les champions des droits de l'homme et du renforcement de la sécurité sociale mais achètent des produits à des prix réduits qui sont fabriqués en violation des lois internationales. Un meilleur cadre est nécessaire pour gérer la mondialisation de l'économie, l'ONU étant l'" organe naturel " pour réaliser cette tâche.
La mondialisation porte atteinte à la souveraineté de l'État, le " plus faible et le plus démuni étant les grands perdants ", a estimé Patrick Albert Lewis, Ministre des affaires étrangères d'Antigua-et-Barbuda. Les arguments en faveur de la mondialisation ne prennent pas en considération les besoins individuels des pays dans le processus de libéralisation du commerce en fonction de leurs différents niveaux de développement ou la nécessité de construire des capacités nationales. Les pays industrialisés imposent le libre-échange aux pays en développement et en même temps les en exclut. Les pays riches mettent en place des mesures de protection pour leurs industries, en particulier dans le secteur agricole. On sait, dit-il que " dans les temps modernes, il n'y a jamais eu de marché libre ".
Jonas Hagen, pour la Chronique |
Retour Haut
|