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Donner aux enfants les moyens d'achever un cycle complet d'études primaires: Protéger les langues du monde
Par Alfred Capelle

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De nombreuses langues disparaissent et beaucoup sont menacées. Elles meurent lorsque leurs locuteurs les plus âgés disparaissent.

Où sont leurs enfants et leurs petits-enfants ? Généralement, ils sont vivants mais parlent une langue qu'ils ont appris à parler, à lire et à écrire à l'école où leurs parents les ont envoyés, estimant qu'elle leur ouvrirait des portes pour trouver un emploi et mieux gagner leur vie. Dans la hâte d'adopter cette langue représentant un monde de possibilités, ils ont négligé la langue de leur communauté d'origine et n'ont jamais appris à la parler. Ils ont également négligé d'apprendre à pêcher et à chasser, à cultiver, à chanter et à danser, en somme, tout un monde leur échappait. En prenant part au monde moderne, ils avaient laissé l'ancien derrière eux, incapables de revenir en arrière même s'ils l'avaient voulu.

Photo UNESCO
C'est l'aspect négatif de l'occidentalisation et de la modernisation. Mais est-ce inévitable ? Je ne le pense pas. Il existe des moyens d'atténuer leurs effets et de faire en sorte que nos enfants puissent vivre harmonieusement dans les deux mondes à la fois. Dans ce bref exposé, je mentionnerai trois moyens qui sont étroitement liés entre eux. Le premier est l'éducation bilingue—une éducation qui permet aux élèves d'apprendre à lire et à écrire leur langue maternelle, la langue de leur communauté, tout en apprenant la langue mondiale qui offre de plus grandes opportunités. L'apprentissage de leur langue maternelle et leur habilité à jongler avec les mots et les sons les aident à lire et à écrire la langue mondiale apprise à l'école. Ils ont la capacité de devenir des " ambidextres " en langues, des " ambi-lingues " pourrait-on dire.

Il existe un autre élément de l'éducation bilingue qui va au-delà de l'enseignement de la lecture et de l'écriture dans deux langues. Les élèves doivent apprendre à s'exprimer dans leur langue maternelle pour utiliser les concepts et les idées occidentales et à s'exprimer dans la langue universelle pour parler des activités de la vie quotidienne dans leurs communautés, des anciennes manières de vivre de la terre ou de la mer. Ils devraient également apprendre à s'exprimer dans les deux langues, quelle que soit la situation, afin de se sentir aussi à l'aise dans leur communauté qu'en dehors, et d'être à même d'offrir quelque chose dans les deux.

Cela semble relativement facile. Pourquoi ce phénomène n'est-il donc pas plus répandu ? Il existe une certaine attitude négative à l'égard de l'éducation bilingue et du multilinguisme en général : l'idée—ou plutôt l'illusion—que le cerveau humain peut seulement traiter une seule langue de manière efficace et que l'apprentissage d'une autre langue limiterait sa capacité à traiter la première, ou que les deux langues interféreraient entre elles.

Or, de nos jours, cette idée n'a aucun fondement. En fait, la majorité des personnes dans le monde connaissent et maîtrisent au moins deux langues. Prenez les membres de l'ONU. Seule une minorité d'orateurs ne connaissent qu'une langue. Et ils sont désavantagés lorsqu'il s'agit de traiter des questions mondiales puisqu'ils ont besoin de l'assistance de traducteurs dans de nombreuses situations qu'ils pourraient mieux gérer s'ils connaissaient eux-mêmes les deux langues. Toute personne dûment éduquée parle plusieurs langues, et les études modernes montrent que le cerveau humain est capable de mémoriser le vocabulaire de plusieurs langues sans les mélanger d'aucune façon. À cet égard, ses limites sont encore inconnues. Ce qu'il faut, ce sont les conditions adéquates pour apprendre chaque langue.

Le troisième facteur de préservation des langues parlées dans le monde est l'accès aux ressources. Pour mettre en place des programmes d'éducation bilingue, une formation adéquate des enseignants ainsi qu'un financement suffisant des écoles sont nécessaires. Et là l'ONU peut apporter une importante contribution.

L'ONU devrait centrer davantage ses efforts sur la création de capacités en matière d'institutions humaines et financières. Elle devrait promouvoir le soutien financier des organisations de l'ONU, telles que le Programme des Nations Unies pour le développement, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, pour développer les systèmes d'éducation nationale locaux destinés aux langues les plus vulnérables, en particulier celles des petits États insulaires en développement.

L'objectif est d'améliorer les systèmes d'éducation en mettant en ouvre une éducation bilingue et de développer ainsi que de préserver la langue maternelle tout en améliorant l'enseignement de la langue mondiale. À mon avis, cela contribuerait à résoudre tous les problèmes sociaux que l'ONU tente d'éradiquer par le biais d'événements tels que le Sommet mondial du développement durable à Johannesburg.

Ces organisations de l'ONU concernées devraient également utiliser leurs ressources pour mettre sur pied une campagne de relations publiques concertées afin de promouvoir des attitudes positives envers le bilinguisme. L'éducation bilingue ne peut pas se développer sans le soutien des parents dans chaque communauté. Et l'ONU peut, et doit, apporter son appui.

Des études réalisées à l'aide des technologies de scintigraphie cérébrale, appelées imagerie de résonnance magnétique fonctionnelle, IRMf, ont révélé certaines caractéristiques intéressantes dans la façon dont notre cerveau traite la première et la seconde langue.

Les langues maternelles et les secondes langues sont séparées dans l'aire de Broca, qui correspond à la région du lobe frontal du cerveau responsable du mouvement de la bouche, de la langue et du palais. En revanche, les deux langues occupent un espace commun dans l'aire de Wernicke—une région du cerveau située dans la partie postérieure du lobe temporal—responsable de la compréhension du langage.
Source: How the Brain Learns a Second Language, www.brainconnection.com

La Biographie
L'Ambassadeur Alfred Capelle est le Représentant permanent de la République des îles Marshall auprès des Nations Unies. Avant sa nomination, il était Président du College of Marshall Islands et conseiller en langue marshallaise.

Pénurie d'enseignants est causée par la dégradation des conditions de travail
La croissance de la population et la dégradation des conditions de travail provoquent actuellement une grave pénurie d'enseignants, ce qui pourrait entraîner une baisse de la qualité de l'éducation dans le monde, indique une nouvelle étude mondiale menée par le Bureau international du Travail et l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture.

Au cours des années 90, le nombre d'enfants en âge d'être scolarisés a augmenté plus rapidement que celui du nombre d'enseignants, à tel point que certains pays en développement comptent plus de cent élèves par enseignant, indique ce rapport.

D'autre part, l'étude révèle que dans les pays industrialisés, la dégradation des conditions de travail et des salaires, peu attractifs, engendre une crise des vocations, contribuant à la pénurie d'enseignants et menaçant d'entraîner une baisse de la qualité de l'éducation à un moment où les pays ont un besoin urgent de nouvelles recrues compétentes.




Le rapport note que depuis dix ans, le nombre de femmes enseignantes n'a cessé d'augmenter, même si elles représentent toujours moins de la moitié de la profession dans de nombreux pays où la présence de femmes dans l'enseignement pourrait améliorer l'accès des filles à l'instruction primaire. De plus, les femmes continuent d'être sous-représentées, souvent de manière marquée, aux postes de gestion de l'éducation, montrant avec évidence que le " plafond de verre " persiste dans le domaine de l'éducation.

Les pays développés font également face à un avenir difficile. Le corps enseignant vieillit et les gouvernements cherchent à attirer les jeunes vers cette profession. L'étude indique que les salaires bas sont en partie responsables du manque de nouvelles recrues : dans les pays de l'OCDE, par exemple, un enseignant ayant quinze ans d'expérience gagne en moyenne 27 525 dollars par an—salaire très inférieur à celui d'autres secteurs avec le même niveau de qualification.
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