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Action humanitaire et protection de l'environnement
Un équilibre difficile à atteindre
Par Rustem Ertegun, pour la Chronique

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Dans le parc national de Virunga, au Congo, un site inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture depuis 1979, on estime que 7 000 à 10 000 m3 de bois et d'herbe ont été ramassés chaque jour par les réfugiés pendant une période de cinq mois. Quelque 71 km2 du parc ont été entièrement déboisés. Même si la survie des réfugiés signifie une augmentation de l'érosion du sol et une perte de la biodiversité, deux des sous-produits quintessenciels du déboisement, les mesures préventives reposent sur une base morale implacable.

Trouver le juste équilibre entre la gestion des ressources et le droit à la vie pendant les interventions humanitaires d'urgence complexes relève d'un exercice de haute voltige. De par la nature spontanée des déplacements massifs des populations, les organisations doivent agir rapidement et élaborer des politiques dans des délais limités.

Dans les processus de prises de décision accélérés, il faut s'assurer que les besoins humanitaires immédiats, spécialement à l'étape initiale des secours aux réfugiés, sont satisfaits aussi rapidement que possible. En ce qui concerne les questions environnementales, l'objectif est d'accroître la prise de conscience des réfugiés et de s'assurer que les pratiques humanitaires reflètent les politiques environnementales. Ces mesures peuvent permettre d'éliminer les coûts de nettoyage et de réduire la dégradation de l'environnement. Or, souvent, les dégâts causés aux écosystèmes locaux sont constatés après coup. L'impact des établissements humains sur l'environnement semble être relégué au second plan. Même les projets de protection de l'environnement rentables sont parfois considérés comme un luxe, compte tenu du nombre de crises dans le monde qui nécessitent une assistance humanitaire.

Les crises de réfugiés surviennent le plus souvent dans des nations désavantagées, dépourvues de ressources. Étant donné que les migrations de réfugiés sont des phénomènes transitoires, les personnes déplacées ne prennent pas autant soin des ressources naturelles que les communautés locales. En fait, bien souvent, l'arrivée soudaine de réfugiés vient perturber la relation étroite que la population locale a établie avec l'environnement.

Les crises qui ont éclaté au milieu des années 90 dans la région des Grands Lacs, au Congo, ont mis en évidence le lien entre les déplacements de réfugiés et la dégradation de l'environnement. La frénésie médiatique, pendant la guerre civile au Rwanda, a fait prendre conscience à la communauté internationale de l'impact écologique en jeu. Les dommages causés à l'environnement ont été considérables et l'ampleur sans précédent de l'exode a révélé la force destructrice des déplacements massifs de réfugiés et des crises.

Les forêts, source de combustible et de bois de construction, peuvent être rapidement saccagées. Parallèlement à l'utilisation des combustibles, tels que le bois, les résidus des cultures et les excréments d'animaux, on a démontré que ces pratiques causent des infections respiratoires aiguës, spécialement chez les enfants. Selon le Fonds des Nations Unies pour l'enfance pour 2000, 2 millions d'enfants de moins de cinq ans en meurent dans les pays en développement. Toutefois, le lien entre les maladies respiratoires aiguës, les décès des enfants mal nourris et le déboisement est rarement établi.

Pendant la crise rwandaise, plus d'un million de personnes ont franchi en masse la frontière en trois jours pour se réfugier à Goma. Ce flux massif était comme une ville surgissant soudain, dépourvue de l'infrastructure de base nécessaire pour assurer les besoins humains. Dans les camps surpeuplés, les sources d'eau contaminées et le manque d'évacuation des eaux dû à un sol volcanique extrêmement dur ont entraîné une épidémie de choléra qui a tué 10 % des réfugiés. Sans une gestion efficace, les excréments et autres déchets mettent en danger les terres et les nappes phréatiques. Un approvisionnement en eau potable non contaminée, ainsi que des systèmes sanitaires adéquats, sont essentiels pour prévenir les épidémies.(Ci-contre: le camp de Kibeho destinè aux personnes deplacèes au Rwanda en 1994. Les grandes quantités de bois coupées pour faire la cuisine et construire des abris ont entrainé la destruction rapide de la végétation dans les abords immédiats du camp.)

Tirant les leçons des expériences passées, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a publié en 1996 ses premières Directives environnementales qui mettaient en relief l'interdépendance entre les besoins des réfugiés et la dégradation écologique autour des camps de réfugiés. Le HCR a soutenu les projets de démonstration en matière d'environnement qui répondent aux besoins locaux à un moment et dans un lieu donnés. Ces projets développés pour la communauté ont pour but de faire participer les réfugiés et les communautés locales à la gestion des ressources naturelles afin de les responsabiliser. En Ouganda, un projet de démonstration a permis d'améliorer la qualité et la conservation du sol en appliquant des techniques d'agroforesterie pour le compostage et le recyclage des déchets organiques et a établi des parcelles de terre de démonstration. De plus, ces projets encouragent les pratiques écologiques lorsque les réfugiés sont de retour chez eux.

Les exodes massifs peuvent perturber de manière irrévocable l'équilibre fragile entre la préservation de l'environnement et la nécessité d'assurer les besoins vitaux, avec des conséquences désastreuses sur les écosystèmes locaux. Mis à part la question de l'aide, les réfugiés comme les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays exercent des contraintes supplémentaires sur des ressources naturelles qui sont à peine suffisantes pour répondre aux besoins de la communauté locale.

Photo HCR
La rivalité constante entre les communautés locales et les personnes déplacées de force pour accéder aux ressources naturelles entachent involontairement les relations sociales dans les zones où sont installés les camps de réfugiés. C'est surtout le cas dans les camps surpeuplés où les pratiques et les normes communautaires établies sont transgressées. Lorsque les communautés locales sont envahies par un raz-de-marée humain, l'exploitation des ressources naturelles devient de plus en plus difficile à surveiller et à contrôler, tandis que les abus tendent à se multiplier. Ce type de conflit peut peser sur la décision d'un pays hôte d'accorder l'asile et empêcher la mise en ouvre des politiques d'intégration pour les réfugiés qui cherchent un asile à long terme. Si l'intégration locale dispersée n'est pas une option, il est toutefois possible de gérer avec efficacité des camps de moins de 20 000 réfugiés. Ils devraient être situés à moins de 15 km des zones protégées ou importantes sur le plan écologique et être suffisamment éloignés les uns des autres pour réduire la surexploitation. Les forêts autour du camp ne devraient être jamais coupées à blanc et les groupes d'habitations devraient être agencés de manière à ce que les réfugiés puissent partager entre deux ou trois foyers les ressources nécessaires pour faire la cuisine. Satisfaire les besoins humains même les plus élémentaires peut menacer l'environnement. Pourtant, les gens dépendent des mêmes ressources naturelles pour assurer la vie et, si possible, pour créer de la richesse. Même si la détérioration écologique éclipse le lien entre réfugiés et environnement, il ne faut pas pour autant sous-estimer les considérations environnementales dans l'élaboration des politiques concernant les réfugiés. La synergie entre les déplacements massifs et l'utilisation des ressources non réglementée s'est avérée une force nuisible pour la durabilité des ressources naturelles. Évaluer et comprendre l'interrelation entre les besoins humains et les besoins environnementaux contradictoires est crucial pour assurer aux réfugiés une assistance fiable dans un siècle qui est confronté à un défi écologique.

Dommages environnementaux en Afghanistan
Le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) a mis sur pied cinq équipes d'experts chargées d'évaluer l'impact des années de guerre en Afghanistan sur l'environnement. On estime que l'Afghanistan a perdu jusqu'à 30 % de ses forêts depuis 1979, laissant moins de 2 % de régions boisées dans le pays. Les terrains de parcours, les bassins hydrographiques et les zones agricoles ont été également gravement endommagés. Le pays est fier de son patrimoine de biodiversité biologique mais ses six zones protégées couvrent moins de 1 % du territoire.

Pendant presque trente ans de conflits, l'environnement a été fortement endommagé par les activités militaires, les déplacements des réfugiés, la surexploitation des ressources naturelles et le manque de gestion et de capacités institutionnelles.

Les tâches des équipes d'évaluation sont les suivantes:
  • identifier les zones urbaines les plus polluées ainsi que les autres menaces pour l'environnement urbain et pour la santé;
  • déterminer le statut juridique et écologique, l'état et l'étendue des zones protégées existantes et potentielles ainsi que les menaces immédiates à long terme auxquels ces sites font face;
  • déterminer les stratégies de gestion et correctives afin d'améliorer, de protéger et de conserver les ressources naturelles;
  • réunir les données des conditions de base sur les conditions environnementales, la biodiversité et autres paramètres pertinents et
  • faire part des conclusions, fournir des recommandations et des propositions de projet.
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