L'évolution du climat Les phénomènes météorologiques extrêmes Sont-ils un signe du changement climatique mondial ?
Par Rajendra K. Pachauri
Plusieurs événements météorologiques extrêmes qui ont eu récemment lieu dans différentes parties du monde ont remis le sujet du changement climatique sur le tapis. Les médias et les autorités politiques ont posé la question de savoir dans quelle mesure ces événements sont liés aux problèmes du changement climatique mondial. Même s'il est difficile d'être catégorique sur le rapport qui existe entre eux, il apparaît, par association, que la fréquence plus élevée de ces événements est un signe du changement climatique, fait qui a été souligné dans les travaux du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).
Le changement climatique aggraverait d'autres circonstances environnementales existantes, ce qui pourrait entraîner une destruction rapide des écosystèmes existants, notamment une diminution de l'éntendue de la toundra, des forêts boréalis et tropicales ainsi qu'une augmentation des risques d'incendie.
|
Les changements de températures et de pluviométrie qui ont été observés dans le monde semblent indiquer des tendances qui suscitent des inquiétudes, particulièrement dans certaines parties du monde. L'Organisation météorologique mondiale a constaté qu'au cours des dix dernières années, le nombre d'événements extrêmes a doublé. Il est également important de noter que les années 1990 ont été la décennie la plus chaude dans le monde depuis que les données de température ont été enregistrées. En fait, 1998 a été l'année la plus chaude.
Le Troisième rapport d'évaluation examine les effets de l'augmentation de la concentration des gaz à effet de serre dans l'atmosphère et des aérosols sur le climat et établit des projections des changements causés par les activités humaines aux niveaux régional et mondial. Il couvre les questions liées à la fréquence et à l'ampleur des variations climatiques, notamment la variabilité quotidienne, saisonnière, inter-annuelle et décennale. Il examine aussi la durée, le lieu, la fréquence et l'intensité des événements extrêmes. Toujours selon le rapport, il est probable que l'on assiste à une élévation des températures maximales ainsi que du nombre de jours chauds et de vagues de chaleur presque partout accompagnée d'une hausse des températures minimales, d'une réduction du nombre de jours froids, des jours de gel et de vagues de froid.
Le Rapport a également conclu que les précipitations seront plus intenses dans de nombreuses régions, ce qui multipliera la fréquence des inondations, des glissements de terrain, des avalanches et des coulées de boue ainsi que les risques d'érosion du sol. Ces problèmes seront particulièrement graves dans les régions montagneuses, comme dans la chaîne de l'Himalaya, où le déboisement a été pratiqué à grande échelle. Du point de vue économique, cela augmentera le coût des assurances, si elles sont fournies par le secteur privé, ainsi que les dépenses du gouvernement si elles sont couvertes par celui-ci.
Pour l'Asie, le Rapport d'évaluation indique une augmentation des précipitations de la mousson d'été, phénomène que l'on peut déjà observer aujourd'hui. Selon les projections, les précipitations dans les zones qui enregistrent d'importantes chutes de neige peuvent connaître une augmentation de la pluviosité et une quantité moindre de neige. Le résultat pourrait se traduire par une augmentation importante du ruissellement hivernal ainsi que par une réduction du flux printanier et estival lorsque la neige fond et alimente les rivières et autres nappes d'eau.
Le Rapport souligne que le système climatique comprend de nombreux processus qui sont liés entre eux de manière complexe, non linéaire, ce qui pourrait entraîner des changements brusques si le système était suffisamment perturbé. Il ne fait aucun doute que de nombreuses incertitudes existent quant aux mécanismes impliqués dans le phénomène, tels que le ralentissement de la circulation thermohaline et la fonte de la calotte glaciaire au Groenland et dans l'Antarctique. [Le moteur de la " circulation thermohaline " ou la circulation thermique des eaux marines, est la variation de densité des eaux qui est contrôlée par la température (thermale) et la salinité (haline).]
|
Entre les 4 et 13 novembre 2001, un immense iceberg tabulaire (42 km x 17 km) s'est détaché du glacier Pine Island, dans l'Antarctique continental (75° de latitude Sud, 102° de longitude Ouest). Ces images représentent trois vues du glacier prises par une caméra spectro-radiomètre à imagerie à angles multiples avec photographie aérienne verticale (nadir). La première a été prise à la fin de 2000, lorsque la fracture commençait à se former. La deuxième et la troisième vue datent de novembre 2001, juste avant et après que le nouvel iceberg se soit cassé. L'existence de cette fracture a surpris la communauté qui n'a d'ailleurs pas anticipé la rapidité avec laquelle elle s'est développée. Les glaciologues avaient prédit que cette faille atteindrait l'autre extrémité du glacier en 2002. Mais l'iceberg s'est détaché plus rapidement que prévu et le dernier segment de 10 km qui était encore fixé au glacier s'est détaché en quelques jours. NASA/GSFC/LaRC/JPL. MISR Team.
|
La fonte rapide des champs de glace non polaire pose également un problème sérieux. On a observé que les glaciers dans le monde rétrécissaient rapidement, ce qui aura des répercussions importantes sur l'écologie locale de ces régions ainsi que sur les flux d'eau qu'ils ont alimentés relativement régulièrement pendant des centaines, voire des milliers d'années. Le changement climatique pourrait entraîner une destruction rapide des éco-systèmes existants, notamment une diminution de l'étendue de la toundra, des forêts boréales et tropicales ainsi qu'une augmentation des risques d'incendie. Ces dernières années, de très graves incendies ont éclaté dans différentes parties du monde.
Il est indiscutable qu'il faut développer la recherche sur tous ces sujets, non seulement sur la nature des changements qui ont lieu actuellement et sur les facteurs qui les produisent mais aussi sur les relations entre les différentes variables qui affectent le système climatique dans différentes parties du monde et qui risquent d'entraîner l'apparition de ces événements extrêmes. La recherche menée sur les divers aspects du changement climatique devrait fournir au Quatrième Rapport d'évaluation du GIEC des estimations plus précises sur ces phénomènes et leur apparition.
|
Source: Les variations climatiques 1995, "La science de l'évolution du climat", contribution du groupe de travail 1 au duexième rapport d'évaluation du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat, PNUE et OMM. Cambridge University Press, 1996; élévation du niveau de la mer au siècle dernier adapté des travaux de Gormitz et Lebedeff, 1987.
|
|
Rajendra K. Pachauri est Directeur général de Tata Energy Institute (New Delhi, en Inde) et Président du GIEC. Il était Président et Directeur de l'International Association for Energy Economics et, depuis 1992, il est Président de l'Asian Energy Institute. M. Pachauri s'est vu récemment attribuer le prix Padma Bhushan, l'une des distinctions les plus prestigieuses en Inde qui récompense les services rendus à la nation, pour sa contribution dans le domaine de l'environnement. |
Retour Haut
|