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Extrait de livre
Nous connaissons une vague de chaleur, une vague de chaleur tropicale
Par Robert S. Desowitz

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" Heureux de vous revoir ", " Heureux de vous rencontrer après toutes ces années ", " Quels sujets allons-nous aborder au cours de cette réunion ? ", tels sont les échanges qui ont généralement lieu avant une session. C'est dans l'élégant hôtel Lausanne Palace and Spa que les participants se sont retrouvés en mai 2000, au cours d'un petit-déjeuner proposant muesli et champagne Pol Roger. Les quinze participants à un atelier, appelé " Les déterminants contextuels du paludisme ", ont été réunis par les organisateurs, Elizabeth Casman et Hadi Dowlatabadi du Service de génie et de politique d'intérêt général de Carnegie Mellon University (un amalgame curieux mais intéressant). Nous avions pour tâche d'évaluer les effets du réchauffement de la planète sur l'épidémiologie du paludisme — leur répartition dans le monde, leur intensité et les vecteurs de la maladie, les anophèles. Ce groupe réunissait divers experts du paludisme venant d'Inde, d'Amérique du Sud, d'Europe, d'Asie du Sud-Est, des États-Unis et, par procuration, d'Afrique : des paludologues, des entomologistes médicaux ainsi que des paludologues et des administrateurs du Bureau central de l'Organisation mondiale de la santé, établi à Genève, et de bureaux satellites régionaux; des modélisateurs chargés de travaux de recherche en épidémiologie mathématique, qui n'ont peut-être jamais vu un parasite du paludisme au microscope ou un patient atteint de cette maladie mais qui possèdent les données et les chiffres; des experts en changements climatiques et également trois représentants d'Exxon Mobil, commanditaire de l'atelier. Parmi les sponsors mentionnés figuraient l'American Petroleum Institute, l'Electric Power Institute, la National Science Foundation et la National Oceanographic et Atmospheric Administration. À la question qui leur était posée concernant leur financement de l'événement, les représentants d'ExxonMobil ont répondu que le paludisme était un problème de santé pour les employés travaillant dans les régions tropicales. Et ils ont ajouté de manière candide et énigmatique : " Il y a, bien sûr, le problème des émissions. " L'atelier était-il une sorte d'action légale préventive, posant la bonne question en espérant recevoir la bonne réponse ? Nous étions ici, en Suisse, les prophètes du paludisme des temps modernes qui, tels les anciens oracles, étaient réunis pour prévoir une catastrophe imminente.

Nous avons lancé les osselets, tiré les cartes de tarot et examiné les notions acceptées. Le verdict était sans appel : les moustiques proliféreraient dans le nouvel environnement chaud et humide, le nombre de piqûres serait plus élevé et la durée de vie des moustiques plus longue. Ces conditions favoriseraient donc le développement du paludisme, la maladie tropicale par excellence.

Le nombre d'infections dues au dangereux parasite du paludisme, le Plasmodium falciparum, qui nécessite des températures minimum de 18 °C (65 °F) pour se développer, augmenteraient, le Plasmodium vivax, moins nocif, s'accommodant de températures avoisinant 16 °C (61 °F). Si les zones tempérées devenaient tropicales, elles pourraient être plus sujettes au paludisme — une maladie mortelle. L'oracle a parlé. Déposez vos offrandes au pied de l'autel.

Puis les oracles iconoclastes avec, à leur tête, Paul Reiter, l'historien entomologiste de l'unité chargée du virus de la dengue dans les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CCPM) à Porto Rico, ont présenté des points de vue différents, plus proches de la réalité (voir son étude complète : Climate Change and mosquito-borne disease in Environmental Health Perspectives, mars 2001, 109;141-61). S'il est vrai que parmi les 3 500 espèces de moustiques, y compris les anophèles qui transmettent le paludisme, la plupart sont tropicales et sous-tropicales, elles ne le sont pas toutes. Les moustiques sont presque partout; ils s'adaptent pratiquement à tous les habitats, pourvu qu'il ne fasse pas froid en permanence. D'ailleurs, ce n'est pas au Congo qu'ils sont les plus nombreux mais dans la zone sous-arctique, après la fonte des neiges. Il est donc évident que le paludisme n'est pas une maladie tropicale. Il y a cent ans, cette maladie était endémique en Suède, à l'isotherme de 15oC (58 °F). Jusqu'en 1955, la Pologne a été ravagée par de graves flambées saisonnières. Au début du XXe siècle, des cas de paludisme ont apparu en Amérique dans presque tous les États situés à l'est du Mississipi. Le DDT, des logements plus salubres, l'amélioration des soins de santé et de la gestion de l'eau ont éliminé le paludisme endémique aux États-Unis et en Europe.

C'est-à-dire que le parasite a été éliminé. Mais les vecteurs, les anophèles, sont toujours là, ils ne font qu'attendre. Ces vecteurs potentiels n'ont pas besoin du réchauffement climatique pour remonter vers le nord, et il est possible qu'aux États-Unis et en Europe, où le climat sera plus chaud, leurs cousins tropicaux les rejoignent. Dans un pays industrialisé, toute flambée de faible ampleur serait rapidement maîtrisée. La réunion de Carnegie Mellon s'est conclue sur une note positive. ExxonMobil n'a pas à s'inquiéter : personne ne lui intentera de procès parce que le paludisme aura fait son apparition à Détroit, ville devenue tropicale à cause des émissions des 4x4 qui y sont fabriqués.

Alors que le réchauffement climatique n'a pas fait de la Finlande ni du Maine des zones impaludées, il a, en fait, favoriser le développement de cette maladie dans des régions épargnées jusque-là. Actuellement, le paludisme est présent dans des régions montagneuses qui connaissent des températures plus élevées et dans des régions semi-désertiques en Afrique et en Nouvelle-Guinée, où la transmission était rendue impossible par des températures trop basses (cycle extrinsèque). Prenez le cas de Wajir, une ville située dans le semi-désert au nord du Kenya, où les conditions climatiques limitent la reproduction des anophèles. En novembre et en décembre 1997, apparaît El Niño, phénomène qui, selon certains experts, est directement lié au réchauffement de la planète. Wajir a été inondée par des pluies torrentielles. Les anophèles ont proliféré et le paludisme a fait son apparition très peu de temps après. Parmi les 60 000 habitants, 40 % ont été infectés. N'étant pas immunisés comme le sont les personnes qui sont exposées en permanence au paludisme, le bilan a été lourd : 1 500 victimes, dont 108 enfants de moins de cinq ans. Des exemples similaires de paludisme se rencontrent dans les régions montagneuses du Burundi, du Zimbabwe, de Madagascar, de Nouvelle-Guinée et du Kenya. Nous avons conclu que le réchauffement de la planète n'aurait qu'un effet " marginal " sur l'endémicité du paludisme. Des niches telles que les montagnes et leurs environnements pourraient être affectées. Cette situation pourrait avoir un effet en cascade mais les faits actuellement connus ne sont pas suffisants pour confirmer un tel scénario. La formation de nouveaux semi-déserts dans les zones tropicales pourrait, en fait, réduire le paludisme, mais engendrerait le déplacement de la population et créerait de nouveaux habitats pour les moustiques responsables du paludisme.

Une mare infestée de larves de moustiques près d'Alem Kitmama, au nord-est de Addis Ababa, en Éthiopie. Photo OMS/P. Virot
S'il est difficile de lier directement le paludisme au réchauffement climatique, qu'en est-il donc des autres maladies causées par les arthropodes, celles transmises par les tiques et les puces ? Pour ces maladies, nous possédons des preuves plus solides de l'impact du réchauffement de la planète sur la santé publique, dans des régions aussi tempérées que Togliatti-Stavropol, en Russie, ou le comté de Stockholm, en Suède.

Par une belle journée de mars 1998, Ivan Doervitch, résidant à Togliatti (Russie), est allé rendre visite à son frère, un fermier vivant de la culture du blé et de l'élevage de chèvres. Il avait chaud. Il avait passé son enfance dans une ferme coopérative mais, depuis qu'il vivait à la ville, il était moins résistant. Il transpirait après avoir fait une courte promenade dans les champs. Ce n'était pas seulement dû au manque d'exercice, pensait-il. Ces dernières années, les saisons ont changé — les hivers ont été très doux, sans neige. Son frère lui a dit qu'il allait devoir abandonner la culture du blé et en choisir une autre adaptée à des températures plus élevées. Il avait lu dans le journal que même à Mourmansk, les températures étaient supérieures à la normale, que les bateaux pouvaient atteindre l'Amérique par le nord. Encore l'Amérique ! Selon le journal, l'augmentation des températures venait des émissions de gaz à effet de serre des États-Unis. Et dire que les Américains se plaignaient de ce petit incident survenu à Tchernobyl. Il s'aperçut soudain que des tics grimpaient dans la jambe de son pantalon. Ah ! cette année, il y a des insectes partout, se dit-il, et il les chassa d'un revers de la main.

Il rentra chez lui, prit un bain chaud et, alors qu'il s'essuyait, remarqua la présence de deux tiques dans l'aine. Il les brûla à l'aide d'une cigarette, mis quelques gouttes de vodka sur les plaies en guise d'antiseptique et, pour améliorer les effets, se servit une rasade du remède.

Cinq jours après, il avait tous les symptômes de la grippe : fièvre, frissons, maux de tête intenses et douleurs musculaires. Il avait des nausées, la diarrhée et vomissait. Lorsqu'il s'est regardé dans la glace, il a vu que son visage était écarlate. Le jour suivant, son état avait empiré. Une éruption cutanée recouvrait son torse. Il saignait beaucoup du nez et des gencives. Ce ne pouvait pas être la grippe. Il était inquiet et, avec l'aide de son voisin, réussit à se rendre à l'hôpital central de Togliatti. Admis dans l'unité des maladies infectieuses, il a été examiné et a subi une prise de sang. Le médecin en chef, Olga Balaban, était sûre du diagnostic avant même que l'échantillon sérique n'ait été analysé par le laboratoire épidémiologique pour rechercher un anticorps spécifique. Il s'agissait de la fièvre hémorragique de Crimée et du Congo. Elle avait dans son service 37 autres patients qui présentaient les mêmes symptômes que ceux de Ivan Doervitch. Un quart d'entre eux avait succombé à la maladie. Trois jours plus tard, le rapport du laboratoire confirmait ses impressions. Heureusement, Ivan Doervitch s'est rétabli. Il est rentré chez lui une semaine plus tard. Le docteur Balaban lui a expliqué qu'il avait eu une maladie virale intraitable transmise par les tiques. Normalement, le virus " vit " sans danger sur les animaux domestiques — moutons, chevaux, bétail et chèvres, ainsi que sur certains animaux comme le hérisson. Il était également probable que des oiseaux soient infectés. Elle avait lu qu'il y avait eu une flambée de fièvre hémorragique de Crimée et du Congo parmi des travailleurs d'un abattoir d'autruches en Afrique du Sud. Elle s'était déclarée dans de nombreuses régions en Afrique, au Moyen-Orient et en Europe centrale, toutefois cette infection était relativement rare chez les êtres humains. Cependant, les hivers doux avaient favorisé la prolifération des tiques. Les forêts et les prés avoisinants en étaient infestés.

Un an plus tard, Ivan Doervirch était toujours en convalescence et incapable de travailler. Il était constamment fatigué, avait perdu tous ses cheveux et souffrait de surdité partielle. Au diable les Américains et leurs gaz !

Un peu plus au nord, la Suède a également connu une flambée d'une infection virale causée par le changement climatique, transmise par les tiques — l'encéphalite à tiques.

C'est également dans les forêts ou les prés qu'on y est le plus exposé. Il faut compter une semaine d'incubation après avoir été piqué. Les symptômes sont similaires à ceux de la grippe : fièvre, frissons, maux de tête et douleurs musculaires. Dans la phase aiguë qui suit, les deux virus diffèrent dans leurs manifestations cliniques. Tandis que le virus de Crimée et du Congo est hémorragique et se manifeste par des éruptions cutanées ainsi que par des saignements de nez et des gencives, le virus de l'encéphalite à tiques s'attaque au cerveau et à la membrane qui le recouvre — entraînant une méningo-encéphalite. L'encéphalite à tiques est une maladie neurologique se traduisant par une inflammation du cerveau, dont les signes et les symptômes sont des tremblements, de violents maux de tête et des modifications du comportement. La plupart des patients se rétablissent sans souffrir d'effets secondaires importants, mais l'évolution neurologique qui survient dans certains cas peut être fatale. Dans son histoire épidémiologique, le virus de l'encéphalite à tiques est principalement transmis par la tique brune " graine de ricin ", à huit pattes, l'ixones ricinus. Semblable à la maladie de Crimée et du Congo, elle est une zoonose dont le réservoir naturel est constitué par les animaux sauvages et domestiques — cerfs, petits mammifères vivant dans les taillis, le bétail et les moutons.

En 2001, le docteur Elizabeth Lindren, de l'Université de Stockholm, et Rolf Gustafson de Huddinge University Hospital de Stockholm, ont rapporté qu'au cours des vingt dernières années, l'incidence (nombre de cas par an) de l'encéphalite à tiques en Suède s'était multipliée. Dans leur tentative d'expliquer pourquoi cette infection, jusque-là rare chez les humains, était devenue relativement prévalente, ils ont montré du doigt le nouveau phénomène épidémiologique — le réchauffement de la planète. Les données météorologiques de 1960 à 1998 ont révélé qu'en Suède, ainsi que dans le nord de l'Europe, les températures avaient progressivement augmenté de façon nette depuis 1980. Ils ont écrit : " Une tendance au réchauffement de la planète a été constatée au cours des deux dernières décennies du XXe siècle, les années 1990, 1995 et 1997 ayant enregistré des températures moyennes les plus hautes jamais connues dans l'hémisphère Nord. Par ailleurs, entre 1960 et le milieu des années 90, la saison de végétation au printemps a débuté avec 12 jours d'avance en moyenne. " Pour eux, l'encéphalite à tiques est liée à ces changements climatiques. " Les résultats indiquent que l'augmentation de l'incidence de la maladie depuis le milieu des 1980 est liée au changement de climat durant cette période, caractérisé par des hivers plus doux et l'arrivée précoce du printemps. "

Les étés plus chauds et les automnes plus longs, suivis d'hivers plus courts et doux, ont favorisé la prolifération de la population de tiques. En outre, le réchauffement des régions du Nord leur a permis de remonter vers des latitudes plus élevées. Les températures plus élevées favorisent la croissance de la végétation, source de nutrition des ruminants, spécialement des cerfs. Avec une telle abondance de nourriture, leur population a augmenté. Chaque étape de la chaîne alimentaire a donc été affectée par le soleil — un plus grand nombre de tiques se nourrissant du sang d'un plus grand nombre de cerfs, l'augmentation du nombre de cervidés tant que celui des mammifères constituant un terrain favorable au développement du virus.

Par ailleurs, le climat chaud et humide a permis le développement d'un autre virus aux États-Unis. De l'autre côté de l'Atlantique, dans une région appelée " Four Corners ", là où les quatre coins des États de l'Utah, du Colorado, du Nouveau Mexique et du Nevada se rencontrent, ces mêmes variations climatiques ont engendré la floraison du désert, au plus grand bonheur d'un habitant du désert — la souris sylvestre (Peromyscus maniculatus). Ayant accès à une source alimentaire abondante, ces souris se sont reproduites à la vitesse grand V. En 1993, on estimait que leur population s'était multipliée par vingt. Cette année-là, dans la région des Four Corners, les résidents locaux, principalement les Indiens Navajos, ont d'abord présenté des symptômes s'apparentant à ceux de la grippe, puis ont souffert de troubles respiratoires graves entraînant la suffocation. Au total, 40 % ont perdu la vie. Cette maladie sera par la suite baptisée le syndrome pulmonaire à hantavirus.

La famille des hantavirus a retenu l'attention des Américains pendant la guerre de Corée où, de 1951 à 1953, plus de 2 000 casques bleus américains ont été atteints de la fièvre hémorragique. Des prélèvements sanguins et d'urine inoculés à quelques volontaires courageux et/ou ignorants ont révélé que la maladie était due à un virus pathogène. Les virologues l'ont appelé le virus Hantaan, tirant son nom de la rivière Hantaan, en Corée, un foyer endémique. Il faudra attendre 25 ans pour expliquer ses particularités. Il s'agit d'un virus transmis par les rongeurs — une étude ultérieure sur le séquençage du génome amplifié a révélé que les rats et les souris étaient porteurs de ce virus depuis 20 millions d'années. Il est transmis aux êtres humains par leurs excréments ou leur urine. C'est un virus à ARN que les virologues chargés de la classification ont inclus dans la famille des Bunyaviridae. La recherche sérologique a mis en évidence que plus de vingt espèces/ variétés de virus Hantaan, responsables de la maladie à fièvre hémorragique à complications rénales, se sont propagées en Asie et en Afrique. À la fin 1993, les Américains pensaient s'être débarrassés de ce virus.

Mais en 1993, dans la région des Four Corners, la maladie frappait de nouveau. Cinquante-quatre résidents locaux, principalement des Indiens Navajos, présentaient les symptômes de ceux s'apparentant à la grippe — ces symptômes généraux qui sont à la fois ceux de la grippe et, trop souvent, ceux avant-coureurs d'autres maladies infectieuses. Tous étaient auparavant en bonne santé. Ils avaient en moyenne 34 ans. Les examens radiographiques ont montré une quantité importante de fluide dans les poumons. Les plaquettes (trombocytes), les cellules sanguines responsables du processus de coagulation du sang, avaient sensiblement diminué. Le cour et les poumons ont lâché, entraînant la mort de 40 % d'entre eux.

Un virus de type hantaan a été isolé à partir de prélèvements faits chez les patients vivant dans la région des Four Corners mais sa séquence ARN ne correspondait à aucune des trente espèces connues en Europe et en Asie. Ce nouveau virus a été appelé le virus Four Corners. Mais, selon Michael B. A. Oldstone, de l'Institut de recherche Scripps, un tel nom n'était pas favorable au commerce, l'économie de cette région dépendant largement du tourisme. Il était peu judicieux que cette région touristique soit associée à un virus et à une maladie mortelle.

Donc, selon M. Oldstone, après quelques pressions, le virus a été rebaptisé le virus Sin Nombre, ce qui, en espagnol, veut dire le virus sans nom. Qui osera dire que les scientifiques n'ont pas le sens de l'humour !

Contrairement aux maladies à fièvre hémorragique causées par le virus hantaan en Europe et en Asie, le virus Sin Nombre s'attaque principalement aux poumons, bien que des observations cliniques ultérieures aient révélé que des hémorragies et une insuffisance rénale pouvaient accompagner la maladie pulmonaire, le syndrome pulmonaire à hantavirus. Mais pour tous les virus Hantaan, les principaux réservoirs zoonotiques sont les rongeurs. Des études portant sur les souris sylvestres dans la région des Four Corners ont révélé que près de 10 % étaient porteuses du virus. L'hiver suivant ayant été particulièrement rigoureux, un grand nombre de souris se sont réfugiées dans les habitations, les garages et les hangars. La maladie se transmet par contact de l'homme avec les excréments des souris infectées.

Depuis que le syndrome pulmonaire à hantavirus a été répertorié, 300 cas ont été rapportés dans 31 États. Toutefois, c'est dans le sud-ouest que la maladie est le plus concentrée, 73 % des infections étant enregistrés de cette région.

Nous avons fait le tour de la plupart des maladies infectieuses qui sont ou pourraient être affectées par le réchauffement de la planète — infections transmises par des vecteurs, les moustiques (paludisme et fièvre du Nil occidental), tiques (encéphalite à tiques et infections zoonotiques (hantavirus, les rongeurs étant les réservoirs). Il reste une dernière catégorie, les infections transmises par l'eau, principalement le choléra — peut-être la plus potentiellement dangereuse et la plus dévastatrice des maladies favorisées par le réchauffement de la planète. Au cours des siècles, ses épidémies, caractérisées par de violentes diarrhées à l'issue fatale, sont redoutées dans le monde entier.

Le père de la bactériologie, Robert Koch (Allemagne), a lié la cause et les effets du choléra avec sa découverte, en 1883, d'une bactérie ayant la forme d'une virgule, qu'il a appelé Vibrio comma, rebaptisé depuis Vibrio cholerae. Après une courte période d'incubation, moins d'une semaine, la fièvre et des diarrhées apparaissent qui, si elles ne sont pas traitées, deviennent abondantes, avec des selles ayant un aspect d'" eau de riz ". La recherche moderne a mis en évidence que la bactérie adhère aux parois intestinales au moyen de molécules spécifiques. Elle produit ensuite une toxine très puissante qui affecte la perméabilité des cellules intestinales. Une excrétion massive d'eau se produit dans les intestins et le corps, perdant une grande quantité de fluide, est en état de choc. Environ 50 % des malades infectés par les souches les plus virulentes meurent en l'absence de traitement. Les gènes de ces souches transmettent la toxine la plus puissante et ainsi que d'autres facteurs de pathogénicité. Il existe, bien entendu, d'autres souches, telles que la souche El Tor (qui tire son nom du poste de quarantaine El Tor établi en Arabie saoudite) qui, bien qu'étant responsable de la fièvre et des diarrhées, est rarement fatale.

Il n'y a aucune raison pour que le cholera soit une maladie mortelle puisqu'il peut être traité par des antibiotiques, tels que la ciprofloxine et l'ampicilline, et même éradiqué.

Un des moyens les plus simples de sauver les malades souffrant de diarrhées consiste à administrer par voie orale une solution composée de sucre et de sels qui restaure les fluides et les électrolytes essentiels.

Pourtant, pendant chaque saison de la mousson, lorsque le fleuve Brahmapoutra, dans la baie du delta du Bengale, inonde les villages côtiers, les plus pauvres parmi les pauvres, spécialement les Bangladais, sont exposés à des risques majeurs de choléra, à l'issue fatale. Les quelques égouts sont saturés et l'eau des latrines contamine les puits d'eau potable. Le choléra est la malédiction saisonnière récurrente. Mais la générosité du Brahmapoutra est telle que lorsque la pluie cesse, les villageois retournent aussitôt travailler à leurs terres régénérées, même celles des îles du fleuve. Une période de mousson plus longue signifie une saison du choléra plus longue, comme cela s'est produit en 1991 et 1992 lorsque El Niño a prolongé et intensifié la saison des pluies.

La relation entre le climat et le choléra semblait relativement simple — les excréments humains contaminent le système d'égouts/puits saturé par la pluie. Rita Colwell, Directrice de la National Science Foundation, et son équipe ont fait une découverte complexe et déconcertante — le choléra est, en un sens, une maladie transmise par des vecteurs qui sont influencés par le climat, les vecteurs étant les copécodes-planctons, les algues et les larves de milliers d'espèces invertébrées. Le Vibrio cholerae possède des molécules de surface adhérentes qui le " colle " au plancton et survit pendant de longues périodes. Lorsque les eaux océaniques se réchauffent à cause des changements climatiques, les eaux côtières deviennent une " soupe " de plancton et de bactéries Vibrio cholerae. Les travaux actuels, menés par la National Aeronautics and Space Administration, indiquent que cette prolifération de planctons peut être détectée par satellite et permettre de prévoir les régions où les flambées de choléra risquent de survenir.

Il est indiscutable que les changements climatiques temporaires ont des effets sur l'épidémiologie du choléra et les autres infections transmises par l'eau. En revanche, nous sommes beaucoup moins sûrs des effets du réchauffement de la planète. Certains experts prévoient que la fonte de la calotte polaire entraînera une élévation du niveau de la mer avec, comme conséquence, une saturation des égouts dans les régions côtières inondées, la contamination de l'eau potable qui entraînera très probablement la propagation de maladies diarrhéiques transmises par l'eau telles que le choléra. D'autres estiment que cette prévision est alarmiste, que, certes, le réchauffement de la planète se produira mais lentement. Les habitants du Minnesota ne se réveilleront pas un beau matin pour se retrouver sous les tropiques. Il y aura largement le temps pour appliquer nos connaissances et nos technologies et créer une infrastructure afin de répondre aux nouveaux besoins. Mais le sort des paysans pauvres vivant sous les tropiques, tels que les Bangladais, est imprévisible. Quant à l'organisation Physicians for Social Responsability, elle prédit la " mort par degrés ". D'autres encore jugent que la responsabilité sociale et scientifique répondra aux défis médicaux du réchauffement de la planète — on ne peut pas faire cuire un homard petit à petit, sans qu'il réagisse et ne tente, à la première occasion, de sortir de la marmite.

La Biographie
Robert S. Desowitz, une épidémiologue de renom, est professeur émérite de l'université d'Hawaï où il enseigne la médecine tropicale et la microbiologie médicale. Ces extraits sont tirés de son livre, Federal Bodysnatchers and the New Guinea Virus/Tales of Parasites, People, and Politics, avec la permission de l'éditeur W.W. Norton & Company, Inc.
©2002 par Robert S. Desowitz.
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