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" La science au service des droits de l'homme "

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La revue de livre
La science et les droits de l'homme sont des domaines que Richard Claude* connaît bien. En les reliant, il apporte une contribution aux deux. Son analyse est fondée sur ce qu'il appelle " la théorie binaire des droits de la science " selon laquelle, d'un côté, les scientifiques revendiquent les droits à la propriété intellectuelle et les droits connexes et, de l'autre, le public revendique les bénéfices de la science. " Une approche équilibrée, et non dominante, est la clé de cet équilibre. " L'auteur détermine quatre éléments fondamentaux : un environnement de liberté, pour s'assurer que les scientifiques peuvent travailler sans être soumis aux pressions du gouvernement ou autres; la protection contre les applications nuisibles de la science; l'égalité entre les bénéficiaires, au sens où chacun a le droit de profiter des avantages des progrès de la science et de ses applications; et la coopération internationale, afin que tous les pays puissent profiter de ces bénéfices, particulièrement les pays en développement.

R. Claude explique ces principes en examinant diverses violations, telles que celles des médecins nazis et de l'étude Tuskegee, aux États-Unis, où des chercheurs du Service de la santé publique avaient refusé de fournir un traitement contre la syphilis à des Noirs afin de pouvoir étudier l'évolution de la maladie. Les exemples qu'il donne nous permettent de comprendre les principes mais il laisse de côté un grand nombre de cas qui demeurent problématiques. Par exemple aux États-Unis, le budget de la recherche et du développement (R&D) lié à la défense pour l'exercice financier 2003 est d'environ 58 milliards de dollars, ce qui est supérieur au budget de la recherche et du développement, tous secteurs confondus. Vu la répartition asymétrique du budget de la recherche, que signifient la liberté et la neutralité de la science ? Et comment l'important budget de la recherche militaire nous protège-t-il contre des applications néfastes de la science ?

Face au défi d'assurer aux personnes le droit de bénéficier des avantages offerts par la science, R. Claude soulève la question de l'accès aux médicaments des personnes atteintes du VIH/sida. Par exemple, les mères séropositives font face au grave dilemme de décider comment nourrir leur enfant. L'allaitement maternel comporte le risque de transmettre le virus à l'enfant, mais l'allaitement artificiel n'est pas sans risque non plus, spécialement dans les environnements pauvres en ressources. Selon les institutions internationales traitant du VIH/sida, la décision finale revient à la mère sur la base d'un " choix informé ". Il faut leur offrir un accès aux conseils et aux tests sur une base volontaire et les informer des risques que présentent les différentes options en matière d'allaitement des nourrissons. Le problème est qu'il n'y a pas eu de véritable recherche pour évaluer ces risques. Si les femmes, spécialement dans les pays à faible revenu, doivent faire des choix informés, il faut qu'elles aient droit à l'information, et les gouvernements ont l'obligation de s'assurer que la recherche est menée à cette fin. De manière plus générale, il reste à déterminer les obligations des gouvernements en matière de recherche, l'objectivité étant, bien entendu, un aspect important.

Aux États-Unis, les nutritionnistes officiels recommandent le lait et les produits laitiers comme base d'une alimentation équilibrée. Cela serait-il possible si le secteur agricole n'avait pas autant d'influence ?

Un autre thème qui doit être traité concerne la science utilisée comme instrument de coercition par les responsables gouvernementaux. Par exemple, sur quelles preuves médicales les gouvernements peuvent-ils s'appuyer pour imposer des traitements particuliers, tels que les vaccins et la quarantaine ? Dans l'État d'Oregon, l'État a empêché une femme séropositive d'allaiter son enfant. Lorsque l'affaire a été présentée devant le tribunal, il s'est avéré que la " preuve " concernant les risques était basée en grande partie sur une étude menée au Kenya, qui n'était pas encore publiée ! Sous leurs juridictions, les gouvernements peuvent, dans certains cas, exercer des contraintes sur les citoyens, tels que dans le cas de prévention des épidémies, encore faut-il que les preuves soient suffisamment fondées et que les principes en vertu desquels la coercition est requise soient établis.

L'auteur reconnaît que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels fournit une base solide en vue de la reconnaissance de la santé comme droit de l'homme. Cependant, certains points restent vagues. Par exemple, selon l'article 7, " toute personne a le droit de ne pas être soumise sans son consentement à un traitement ou à une expérience médicale ". Mais rien n'est dit sur le principe largement accepté selon lequel les soins de santé en général devraient être basés sur le consentement informé du patient. Il faut que les droits de l'homme évoluent et reconnaissent que le consentement informé n'est pas limité au contexte de l'expérience médicale.

Le livre illustre les nombreuses manières dont les abus de la science peuvent contribuer à la violation des droits de l'homme et montre, de manière plus positive, comment la science contribue aux progrès des droits de l'homme. Mais une vue d'ensemble complète est nécessaire. Peut-être est-il temps que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU formule des " Commentaires généraux " sur le rôle de la science, comparable à celui fourni sur d'autres questions traitées par le Pacte.

Il est devenu de plus en plus urgent de fournir des directives sur les utilisations de la science et sur sa relation avec les droits de l'homme. R. Claude aurait pu traiter de nombreux thèmes de manière plus approfondie. Mais son objectif n'était pas de couvrir le sujet de manière exhaustive. Nous devons toutefois reconnaître qu'il s'agit d'un travail novateur qui fournit une plate-forme pour l'étude de ces questions. Sans Science in the Service of Human Rights, nous ne nous les serions probablement jamais posées.

*Science in the Service of Human Rights
Par Richard Pierre Claude
Philadelphia: University of Pennsylvania Press, 2002; 263 pages
Par George Kent, University of Hawai'i
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