UN Chronicle Online

Déclaration de mission
Inventer l'avenir des télécommunications internationales
Par Yoshio Utsumi

Page d'accueil | Dans ce numéro | Archives | Anglais | Contactez-nous | Abonnez-vous | Liens
Article
Photo ONU
Plus d'un siècle s'est écoulé depuis que les travaux de Guglielmo Marcomi et Alexander Graham Bell ont créé l'ère des communications modernes. Alors que leurs inventions ont apporté au siècle dernier de nombreux changements dans les domaines scientifique, social et économique, leur inspiration touche à la fois le cour de l'humanité et la mission de l'Union internationale des télécommunications (UIT). Marconi avait certes pour vision de trouver le moyen de transmettre des signaux électriques de l'autre côté de l'Atlantique, mais il était surtout animé par l'espoir que le télégramme permettrait de rapprocher les hommes et d'apporter la paix dans le monde. Quant à Graham Bell, son objectif était même plus simple. Il voulait vaincre un handicap humain : la surdité de sa femme et celle de ses élèves.

Au début de mon deuxième mandat en qualité de secrétaire général de l'UIT, l'organisation intergouvernementale la plus ancienne au monde, je ne peux affirmer avec certitude quels seront les changements révolutionnaires qui marqueront ce siècle. Je suis néanmoins sûr d'une chose : les technologies de l'information et des communications (TIC) sont au cour de l'évolution actuelle de la société mondiale.

L'information a le pouvoir de faire reculer l'ignorance et de d'émanciper les opprimés. Elle a le pouvoir de faire de la communauté mondiale une fraternité soudée, qui a en commun des idéaux de paix et de tolérance, de croissance et de développement. Si les besoins de base de l'humanité ont pendant longtemps été de se nourrir, de se vêtir et d'avoir un toit, l'heure est venue d'ajouter à la liste " l'information ".

Un effort mondial concerté est nécessaire pour éliminer l'écart entre les riches et les pauvres dans l'accès à l'information. Malheureusement, nous avons encore de nombreux obstacles à surmonter. La frénésie qui a marqué l'essor des points.com a ouvert de nouvelles portes et nous avons parfois perdu l'horizon de vue. Un trop grand empressement à " se mettre sur le rail électronique " a engendré une disparité entre l'offre et la demande qui a entraîné une surcapacité dans de nombreux secteurs des pays développés. En 2000 seulement, l'industrie a investi plus de 200 milliards de dollars dans le monde. Mais les dividendes financiers et sociaux n'ont pas été optimaux, loin s'en faut, car nous avons inondé de services un petit nombre de riches sans offrir les services de base au plus grand nombre.

Malgré l'importante capacité des télécommunications, bon nombre de villages des pays en développement ne sont pas connectés au réseau téléphonique de base, alors que la demande dépasse l'offre. Le problème n'est pas un problème de ressources mais de distribution et de manque de perspective. Dans la nouvelle société où l'information est la clé du développement économique, social et culturel, l'Union doit jouer un rôle central afin d'aider nos membres à développer des politiques. Cela va au-delà de ce que les fondateurs de l'Union avaient imaginé en 1865 mais, comme Marconi et Bell, je suis animé par des aspirations humaines.

Je veux faire en sorte que dans les régions éloignées d'Afrique et d'Asie, un fermier puisse avoir un accès immédiat à l'information sur le marche mondial qui a un effet direct sur sa vie — l'information qui lui permettra d'améliorer sa capacité à choisir les cultures qu'il veut produire ou choisir le jour de vente de ses produits sur le marché. Je veux faire en sorte que l'information et les technologies de l'information et des communications puissent apporter des techniques simples de purification de l'eau et les connaissances dans les villages où les taux de mortalité infantile sont toujours aussi élevés qu'en 1901, où le premier message télégraphique a été transmis de l'autre côté de l'Atlantique.

Le fait que l'Union doive s'inscrire dans une perspective mondiale ne signifie pas que je tournerai le dos au secteur des télécommunications. En fait, c'est sur cette industrie que mes espoirs reposent. Mais nous devons reconnaître que les vastes objectifs de l'humanité, tels que ceux qui figurent dans la Déclaration du millénaire des Nations Unies, seront plus faciles à réaliser une fois que les pays en développement auront accès aux mêmes technologies de l'information et des communications que celles des pays développés.

Les opérateurs de télécommunications et les fabricants qui ont le plus souffert depuis le début de l'effondrement du secteur, en 2001, sont ceux qui n'ont investi que dans des pays développés. La concurrence mise en ouvre pour atteindre les 5 % restants des clients potentiels dans les pays développés est plus rude que pour les 50 % qui ne sont toujours pas desservis dans les pays en développement.

Malgré le fait que les activités basées autour de la création, le traitement et la propagation de l'information représentent déjà plus de 80 % des emplois dans les pays développés, les questions concernant les TIC ne font pas encore partie des priorités figurant sur l'ordre du jour politique d'un grand nombre de nos leaders. Les hommes politiques avisés savent déjà comment utiliser les médias pour gagner les élections mais un grand nombre ne sait pas comment exploiter les TIC pour diriger un gouvernement ou étendre la portée des programmes d'éducation ou des services médicaux.

Pour les pays en développement, la société de l'information offre l'occasion de réaliser un bond technologique, de se libérer des contraintes imposées par la distribution des ressources naturelles ou des conditions commerciales. Les TIC peuvent directement aider les pays sortant de conflits.

Cependant, un plus grand accès aux TIC peut comporter des risques, du fait que les citoyens sont investis d'un plus grand pouvoir qui leur permet de contrôler leur destin économique et politique.

Nous devons aider nos dirigeants politiques, de chaque côté du " fossé numérique ", à élaborer une vision commune pour transformer les défis créés par la société de l'information en opportunités. À cet égard, le Sommet mondial sur la société de l'information constitue une occasion unique. La structure du Sommet " en deux parties " fournit une occasion d'établir l'ordre du jour politique pour les années à venir. La première partie aura lieu à Genève, du 10 au 12 décembre 2003, et la deuxième en Tunisie en 2005. Nous devons veiller à attirer un haut niveau de participation lors des deux événements. Pour ce faire, le projet d'action que nous élaborons doit être axé sur l'avenir et traiter les problèmes de demain.

Ces dernières années, de nombreuses initiatives ont été conçues pour combler le fossé numérique, dont celles de l'UIT et d'autres institutions de l'ONU. Certaines ont porté des fruits, d'autres moins. Mais l'heure est venue de trouver de nouveaux moyens innovants de mobiliser et de coordonner notre investissement en cherchant à élaborer une perspective mondiale qui nous permette de travailler ensemble, d'optimiser nos forces, nos ressources et notre savoir-faire communs.

Même si le cyberespace est un nouveau monde sans frontières, ce n'est pas un univers parallèle. Il est aussi réel, même plus complexe que le monde dans lequel nous vivons. Ses habitants ne sont pas seulement des individus mais des sociétés, des gouvernements et même des États souverains qui nécessitent de nouveaux mécanismes d'accès et de coordination. L'interaction qui existe entre le cyberespace et notre monde pose de nouveaux défis aux responsables. Par exemple : Alors que nous dépendons de plus en plus du cyberespace, comment pouvons-nous nous protéger contre le cyberterrorisme international ? Qui doit ou devrait assurer la sécurité dans le cyberespace et comment ? Faut-il payer les transactions effectuées dans le cyberespace comme nous payons des impôts ? À qui ? Comment ? Comment pouvons-nous contrôler les crimes commis dans le cyberespace ? Quelle juridiction devrait prévaloir ?

Comment la liberté d'expression ou les droits de l'homme fondamentaux peuvent-ils y être garantis ? Existe-t-il un danger que certains cherchent à contrôler son contenu ? Comment pouvons-nous construire la confiance des utilisateurs ?

Les politiques et les lois nationales traitant ces questions existent mais leur efficacité est limitée par le fait qu'elles ne s'appliquent qu'à l'intérieur d'un pays. Pourtant, de plus en plus de nos transactions économiques et de nos activités intellectuelles s'effectuent déjà dans le cyberespace sans que des règles et des réglementations n'aient été clairement définies. Et alors que le secteur des télécommunications apporte inévitablement plus de technologies innovantes sur le marché mondial, les questions de politiques entourant ce nouveau territoire n'en seront que plus complexes.

Nous sommes à l'aube d'une nouvelle ère où nous devons faire des choix fondamentaux concernant l'avenir de la société de l'information. Nous ne pourrons probablement pas prévoir entièrement comment il se présentera mais nous n'avons pas d'autre choix que de l'embrasser si nous souhaitons faire en sorte que les principes de base inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et repris dans les Objectifs du millénaire pour le développement soient respectés.

Cette réalité m'est apparue clairement pendant la récente Conférence des plénipotentiaires de l'UIT, qui s'est déroulée à Marrakech, où j'ai été réélu. Plus de 70 ministres, venant de plus de 150 États Membres, étaient présents et la majorité a clairement exprimé la nécessité pour l'UIT de continuer à proposer des initiatives afin de veiller à ce que la société de l'information ne marginalise ni n'exclue davantage les citoyens.

L'heure est venue de faire du " village mondial " une réalité et de s'assurer que tous ses citoyens bénéficient des outils d'information et de communications qui l'ont créé. Les quelque 1,5 million de villages qui ne sont encore connectés pourraient l'être pour un coût moins élevé que le prix payé pour l'obtention d'une licence d'un système mobile de la troisième génération dans les pays développés qui sont, eux, déjà bien desservis. Pour réunir des capitaux, il faudra adopter des stratégies innovantes et présenter des suggestions audacieuses en matière de politique mondiale. Le Sommet mondial sur la société de l'information sera l'occasion de le faire.

On dit que le meilleur moyen de prédire l'avenir est de l'inventer. Au vu des quatre prochaines années à l'UIT, je demande que vous vous joigniez à nous pour inventer un avenir où les outils de communication rendront le monde plus équitable, pacifique et durable pour tous, pas seulement pour quelques privilégiés.


La Biographie
Photo UIT/A. de Ferron
Yoshio Utsumi a été réélu en octobre pour assumer un deuxième mandat de quatre ans en qualité de secrétaire général de l'UIT. Lorsqu'il était vice-ministre au ministère de la Poste et des Télécommunications du Japon, il s'est distingué pour avoir introduit la concurrence et la libéralisation au Japon, initiative qui a débouché sur la première réforme du marché japonais des télécommunications.
Page d'accueil | Dans ce numéro | Archives | Anglais | Contactez-nous | Abonnez-vous | Liens
Copyright © Nations Unies
Retour  Haut