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Réflexions
Le Sommet mondial des lauréats du prix Nobel
Par le sénateur Douglas Roche, officier de l'Ordre du Canada

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La vue du balcon sur le Campidoglio, surplombant les ruines du Forum romain, donne un bon aperçu de la culture de la guerre des temps modernes. Pas même la puissance de l'Empire romain n'a pu le protéger. Pourtant, l'esprit humain s'est réveillé au cours des âges pour créer la ville pleine de vie qu'est Rome aujourd'hui.

Un rassemblement remarquable de lauréats du prix Nobel s'est tenu au Campidoglio du 18 au 20 octobre dans le but d'examiner le défi majeur de notre époque : les guerres, la violence, le terrorisme, la pauvreté, l'eau et la crise écologique. Les lauréats ont cherché des solutions visant à créer un nouvel ordre mondial mettant l'accent sur la paix, l'humanité et l'équité.

Au pied du monument " Manforpeace ", de Franco Scepi (symbole des Sommets des lauréats du prix Nobel), et en présence de 18 lauréats du prix Nobel participant au troisième Sommet mondial des lauréats du prix Nobel de la paix, l'acteur et réalisateur italien, Roberto Benigni (qui a remporté un oscar) reçoit une sculpture reproduisant le monument comme témoignage du message de la paix transmis dans son film. De gauche à droite : Walter Veltroni, maire de Rome; Cristiano Grandi, secrétaire général de la Fondation Gorbatchev, Mikhaïl Gorbatchev, Franco Scepi, artiste et auteur, Roberto Benigni, Rigoberta Menchù, Marzio Dallagiovanna, président de la Fondation Gorbatchev et Rita Levi Montalcini, lauréate du prix Nobel de médecine.
Ce troisième sommet a été organisé par Mikhaïl Gorbatchev, lauréat du prix Nobel de la paix 1990, qui dirige aujourd'hui la Fondation Gorbatchev, et Walter Veltroni, le maire de Rome. Parmi les autres participants figuraient : Adolfo Perez Esquivel (1980), Lech Walesa (1983), Rigoberta Menchù (1992), Joseph Rotblat (1995), Betty Williams (1976) ainsi que des représentants des organisations lauréates du prix Nobel : l'Institut de droit international, Ie Bureau international de la paix, la Croix-Rouge internationale, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), l'Organisation mondiale du travail, Amnesty International, l'Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre, les Forces du maintien de la paix de l'ONU, les Conférences Pugwash sur la science et les problèmes internationaux, la campagne internationale pour l'interdiction des mines terrestres, Médecins sans frontières et les Nations Unies. Des messages ont été envoyés par le Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan (2001), Yasser Arafat (1994) et Aung San Suu Kyi (1991).

Malgré la complexité des sujets abordés, la réunion s'est ouverte sur une note de légèreté avec la présentation du prix " Homme de la paix " à l'acteur et réalisateur italien, Roberto Benigni qui, prenant la baguette, a dirigé un chour d'enfants au plus grand bonheur des chanteurs étonnés. Ce moment a probablement le mieux représenté l'espoir qui animait la réunion.

Les lauréats du prix Nobel ont affirmé que, malgré les menaces d'une guerre, ils refusaient d'accepter le cynisme et le désespoir qui détruisent l'espoir et toute vision. En fait, leur déclaration finale a débuté en affirmant " notre capacité commune à travailler ensemble, nourrie par la compassion et inspirée par l'amour du prochain. Nous ne pouvons attendre moins de l'humanité. "

Dans une déclaration éloquente et ferme, M. Gorbatchev a souligné la crise de notre civilisation engendrée par les guerres, la violence et l'instabilité due à la pauvreté, affirmant que la domination actuelle exercée par quelques-uns ne pouvait plus continuer. Il a mis en garde contre le pouvoir de plus en plus marqué de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), qui détient 70 % des capacités militaires dans le monde. Citant le fameux discours du Président John F. Kennedy à l'Université américaine le 10 juin 1963, M. Gorbatchev a déclaré que la Pax Americana n'était pas ce dont on avait besoin aujourd'hui, mais qu'il fallait plutôt empêcher les tentatives de domination unilatérale en renforçant la coopération. Aujourd'hui, 31 pays ont la capacité de développer l'arme nucléaire. C'est une situation effrayante.

Il a vivement critiqué les gouvernements qui disent ne pas avoir suffisamment d'argent pour réduire la pauvreté mais qui dépensent des sommes astronomiques en armement. Il a particulièrement critiqué le développement des armes nucléaires. Cela continuera tant que la communauté internationale ne fera rien pour y remédier. De toute évidence, de nouvelles armes ne sont pas nécessaires pour combattre le terrorisme.

Il faut adopter une position de principe contre les armes nucléaires, a-t-il affirmé. Le monde pourrait contribuer à la lutte contre le terrorisme en mettant en ouvre de nouveaux modèles de développement. Farouchement opposé à la guerre nucléaire, il a estimé que nous devrions passer à la prochaine étape de la civilisation. Son discours a été vivement applaudi.

Étant donné la crise actuelle opposant les États-Unis et l'Irak, une " réunion extraordinaire " de deux heures a été consacrée au thème " Au-delà d'une action militaire unilatérale : répondre aux menaces à la sécurité humaine ". J'ai eu l'honneur d'animer le débat avec Jonathan Granoff, Président de Global Security Institute. Réunis autour d'une table, les lauréats et les représentants des organisations lauréates du prix Nobel ont débattu de sujets divers, tels que l'importance de la crise actuelle, la nécessité de préserver les valeurs des droits de l'homme tout en combattant le terrorisme ainsi que la nécessité d'établir un code éthique pour les scientifiques.

Douglas Roche (à gauche) et Jonathan Granoff, membre du Global Security Institute, animent la session extraordinaire du Sommet du prix Nobel. À droite, Georges Van Hecke, président de l'Institut de droit international.
Dans leur déclaration finale, ils ont mentionné clairement la situation irakienne : " Les problèmes concernant l'Irak doivent être résolus conformément aux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. Une action unilatérale est inacceptable. La communauté mondiale doit veiller à ce que les résolutions du Conseil soient respectées. Cela permettra de normaliser la situation au Moyen-Orient et d'apporter la stabilité et la sécurité à la région. En particulier, ceci implique le respect des droits du peuple irakien, de la souveraineté irakienne et de l'intégrité du territoire. "

Les lauréats ont également souligné que la lutte contre le terrorisme ne devait pas devenir un prétexte pour bafouer les droits de l'homme. Ils ont vivement critiqué les doctrines militaires qui cherchent à légitimer une attaque préventive. Appelant à l'abolition des armes nucléaires et des autres armes de destruction massive, ils ont déclaré que " les armes nucléaires étaient immorales et que tout usage de ces armes était illégal ". En conclusion, ils ont déclaré qu'" une culture de la paix devait remplacer la culture de la guerre actuelle ".

Sur la question de l'eau, les lauréats ont déclaré que la résolution de la crise de l'eau était une étape essentielle vers le développement durable. Ils ont donc donné leur appui à l'initiative " Eau pour la paix " lancé par la Croix-Rouge internationale et ont exhorté les gouvernements, les scientifiques, les entreprises et les sociétés civiles à contribuer activement à sa mise en ouvre. Ils ont exprimé le regret que le Sommet de Johannesburg n'ait pas débouché sur des décisions contraignantes concernant les problèmes fondamentaux tels que la pauvreté, la détérioration de l'environnement et la crise de l'énergie.

" Les participants ont été unanimes pour dire que les problèmes de la pauvreté, les souffrances, les humiliations de millions de personnes, ainsi que le fossé de plus en plus grand qui se creuse entre le Nord et le Sud, sont une bombe à retardement. Ces problèmes sont une source de conflits et constituent un terreau pour le terrorisme. "

Ils ont approuvé la Déclaration commune des lauréats du prix Nobel de la paix et des maires des grandes villes, faite à Johannesburg, — " La bataille pour la planète " — qui ont déploré les dépenses massives pour les budgets militaires au détriment des besoins économiques et sociaux d'un très grand nombre de personnes pauvres et vulnérables dans le monde.

Bien que les problèmes de la sécurité humaine paraissent parfois insurmontables, les lauréats du prix Nobel n'ont pas perdu espoir. Quelquefois, il faut redonner au présent la fraîcheur de la vie. C'est ce qu'a fait M. Gorbatchev. À la fin du dîner de clôture, dans un élan spontané, il a entonné des chansons russes. Il était visiblement joyeux et son enthousiasme a gagné la salle.
"Les participants ont été unanimes pour dire que les problèmes de la pauvreté, les souffrances, les humiliations de millions de personnes, ainsi que le fossé de plus en plus grand qui se creuse entre le Nord et le Sud, sont une bombe à retardement. Ces problèmes sont une source de conflits et constituent un terreau pour le terrorisme. "

La Biographie
Le sénateur canadien Douglas Roche, officier de l'Ordre du Canada, est l'auteur de " Bread Not Bombs: A Political Agenda for Social Justice " et Président de Middle Powers Initiative. Au Sommet des lauréats du prix Nobel, il représentait le Bureau international de la paix (lauréat du Nobel en 1910).
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