Chronique ONU
ESSAI
Les organisations d'aide et la presse
Par Steven S. Ross

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L'article
« En règle générale, l'argent devrait aller en priorité à l'approvisionement en nourriture. Avant, notre travail était marqué par la modestie et nous étions contents ainsi, le groupe n'avait pas besoin de faire la une des journaux, chacun voulait simplement faire son travail. Cela a changé durant les années 1990 avec le conflit dans les Balkans. [Nous] sommes devenus un acteur important. [...] Nous n'avions pas alors de site Internet, seulement un rapport annuel de cinq pages », a commenté un attaché de presse auprès d'une grande organisation non gouvernementale (ONG) établie aux États-Unis.

Steven Ross (portant la chemise rayée) observe une groupe de journalistes et d'ONG faisant un exercice avec les systèmes d'information géographiques à l'université des Antilles à Trinité. Photo/J. Thomas Johnson. Institut de journalisme analytique

Il est vrai que les groupes d'aide consacrent autant d'argent que possible à l'aide, et c'est d'ailleurs ce qu'attendent les donateurs. Mais on s'est également rendu compte que les relations avec la presse étaient un domaine à ne pas négliger et qui portait ses fruits. Une bonne image permet également d'établir des relations amicales avec les gouvernements hôtes et d'améliorer le moral du personnel. Peut-on faire mieux ?

Fritz Institute et Reuters AlertNet ont étudié la relation entre les organisations d'aide humanitaire et la presse dans l'espoir que les résultats aideront les ONG à bénéficier de la corrélation entre la couverture, les opérations et le financement de la presse. Jusqu'ici, personne n'avait interrogé de manière systématique les journalistes et les attachés de presse qui couvrent les activités des ONG sur les questions qui les lient et qui les divisent. En automne 2003, nous avons réalisé un sondage auprès de responsables d'ONG et mis au point à partir des réponses un questionnaire qui a été envoyé à des journalistes dans le courant de décembre.

Cet article présente principalement les résultats du sondage, qui a été réalisé en personne, par téléphone et par e-mail auprès de 54 ONG, dont la majorité était en dehors des États-Unis. L'étude a montré que les groupes d'aide croyaient à tort que les journalistes n'étaient pas au courant des problèmes chroniques. En fait, ceux-ci ont conscience de l'existence de ces problèmes et tout effort pour les éduquer sera peine perdue : ils considèrent simplement que ces problèmes ne nécessitent pas une couverture immédiate. Peu de journalistes couvrent systématiquement les efforts de secours humanitaire. Ils appliquent à l'aide la même approche que pour les autres sujets qui font la une. En gros, ils disent ceci : « Nous savons que vous avez un problème mais donnez-nous une raison pour couvrir ce sujet. Sinon, cela attendra. »

Les responsables des relations presse dans les ONG avec qui nous avons pris contact, ainsi que leurs organisations, se sont adaptés au nouvel environnement. Ils ont amélioré leurs méthodes de travail et leur budgétisation, ont revu leurs priorités et ont adopté l'internet. Mais insuffisamment et pas assez rapidement.

Généralement, les grandes ONG demandent aux responsables des relations avec la presse locale de transmettre les communiqués au bureau principal. Mais le processus est souvent ignoré, surtout si un journaliste a écrit des articles dans la région ou avec le bureau régional d'une organisation humanitaire. Les attachés de presse des ONG et les journalistes s'accordent pour dire que l'exécution - fournir l'information et les visites sur le terrain - n'est pas toujours fiable. Selon de nombreuses personnes interrogées, des erreurs ont donné ou auraient pu donner une idée défavorable de leur travail.

Les responsables des relations avec la presse régionale sont souvent de jeunes recrues internationales ou ne sont pas familiers avec la presse occidentale. Ils ont besoin d'une formation plus formelle. Or, en dehors de CARE et du Comité international de la Croix-Rouge, il n'a pas été fait mention d'un budget pour la formation au-delà de quelques centaines de dollars par employé. En raison des déplacements impliqués et de la rotation assez importante du personnel, nous conseillons de standardiser autant que possible la formation afin de répartir les frais entre les ONG et fournir cette formation sur disque compact et en ligne, selon les besoins.

Certaines ONG considèrent en bloc les relations avec la presse, le marketing, la collecte de fonds et la création d'un site Internet, mais c'est sur la collecte de fonds, dont les résultats se mesurent plus facilement, que le personnel polyvalent se concentrera. D'autre part, les connaissances spécialisées et les compétences requises pour traiter avec les médias sont très peu reconnues.
L'internet apporte aux organisations d'aide humanitaire une plus grande visibilité. Cependant, les journalistes pensent à tort qu'avec Google, ils trouveront toutes les informations dont ils ont besoin. Or, moins de 20 % des personnes interrogées connaissaient des organisations telles qu'AlertNet et ReliefWeb ou les sites de l'ONU. Pour remédier à cette situation, il est donc important de résoudre certains problèmes :

  • Les moteurs de recherche tels que Google ne permettent pas d'effectuer une recherche complète des nombreux sites d'ONG « de l'extérieur », parce que les pages ne comprennent pas beaucoup de texte ou sont « tramées ». Les pages tramées se téléchargent plus rapidement quand la largeur de bande est étroite, mais elles sont plus difficiles à trouver et à indexer.


  • La plupart des sites ne présentent que des informations de base - les déclarations de mission, l'historique de l'organisation, un résumé des projets en cours - et beaucoup n'incluent pas les contacts avec la presse. Peu présentent des liens aux autres organisations humanitaires travaillant dans le même domaine ou dans la même région géographique.


  • Les nouvelles technologies Internet telles que la vidéo en streaming et les blogs sont très peu utilisées.


  • Les technologies créées avant l'Internet, dont les groupes de discussion, LISTSERV et les groupes Usenet, sont peu utilisées.


  • Souvent il n'y a pas d'archives de communiqués de presse, de vidéo en ligne et d'images fixes que les journalistes pourraient utiliser dans leurs articles et de liens pour y accéder.


  • Les groupes envoient souvent leurs communiqués de presse par e-mail, mais établissent leurs listes de distribution de manière désordonnée, utilisant le fax et le courrier malgré les coûts et le risque d'erreurs dans la distribution. La messagerie électronique n'est pas assez utilisée, la liste d'adresses étant probablement insuffisamment développée.


  • Peu d'organisations humanitaires ont des sites Internet dotés de moteurs de recherche.


  • Parmi les groupes consultés, aucun n'avait mis en place une procédure formelle pour vérifier, de manière régulière, si leur site était sélectionné avec les versions internationales de Goggle, de Yahoo et des autres moteurs de recherche. Plusieurs présumaient que le personnel « technique » se chargeait de ces tâches.


  • Les journalistes interrogés ont dit ne pas avoir les ressources financières nécessaires pour couvrir les crises importantes. En fait, ils aimeraient qu'une organisation indépendante aide à payer la note. De leur côté, les ONG devraient étoffer leur site Internet et développer d'autres voies de communication pour que les journalistes présentent leurs articles qui doivent aussi être suffisamment intéressants pour être publiés.

    Au lieu de cela, les ONG humanitaires font souvent appel à des conseillers en relations publiques pour le marketing et la collecte de fonds. Mais ces organisations devraient être conscientes que toutes les stratégies ne conviennent pas toujours : par exemple, charger leurs directeurs exécutifs d'être les « porte-parole de l'industrie » qui seront cités par des journalistes dans l'espoir que l'article sera publié dans les magazines d'affaires et attirera une classe aisée de lecteurs et miser sur l'influence des célébrités. Certains directeurs sont des porte-parole efficaces et certaines ONG réalisent qu'un journal national ou une émission télévisée ne sont pas forcément les meilleurs supports de publicité. Une attachée de presse aux États-Unis explique pourquoi elle n'hésite pas à consacrer du temps aux journalistes faisant partie de petits réseaux médiatiques : « Les Coréens, les Indiens, les Pakistanais contribueront à la richesse future de ce pays. Nous misons sur les hommes d'affaires de ces communautés qui n'ont pas encore choisi l'organisation caritative à laquelle ils feront un don. Et je n'oublie pas non plus la presse hispanique ».

    Un autre exemple de synergie est de pouvoir utiliser une mission d'aide pour donner des conseils en matière de santé publique : « Nous travaillons en République dominicaine, où sur 16 femmes enceintes testées, 14 ont le sida. Dans six ans, elles seront très malades, mais personne ne le croit parce qu'elles semblent en bonne santé. Nous avons donc fait une émission sur le sida destinée à la communauté hispanique. La radio publique ne pouvait pas la diffuser, parce que le public était trop limité. Mais un réseau hispanique s'en est chargé. »

    Quelles que soient les activités des ONG, elles doivent correspondre à leurs points forts. Elles doivent se développer naturellement à partir du travail d'un groupe et des personnalités de ses dirigeants et de son personnel. Et, bien sûr, les relations avec la presse doivent être traitées de manière professionnelle si les ONG veulent se faire connaître, ce qui est crucial pour remplir leur mission.
    Biographie
    Steven Ross est professeur associé de Pratique professionnelle à l'École supérieure de journalisme de Columbia University. Il s'est rendu dans plus de 80 pays pour former des journalistes et des attachés de presse. Il est l'auteur de 18 livres, principalement sur l'environnement et la sécurité des produits. Le rapport complet du sondage, Toward New Understandings: Journalists & Humanitarian Relief Coverage, est disponible à www.fritzinstitute.org.
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