La revue des livres de la Chronique La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples
Un ordre du jour complet pour la dignité humaine et la démocratie durable en Afrique de Fatsah Ouguergouz Préface de Mary Robinson, ancienne haute commissionnaire aux droits de l'homme; avant-propos de Salim Ahmed Salim, ancien secrétaire général de l'Organisation de l'Unité africaine; et conclusion par Kamel Rezag-Bara, président de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples Martinus Nijhoff Publishers, 2003, 1 016 pages, ISBN 90-411-2061-0 Par Abdulqawi A. Yusuf
L'année 2004 peut assurément être considérée comme une nouvelle étape décisive dans la création d'un système régional africain pour la protection des droits de l'homme. Premièrement, le Protocole de 1988 à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples sur l'établissement d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples est entré en vigueur en janvier 2004. Deuxièmement, cet important organe judiciaire devrait être inauguré par les chefs d'État et de gouvernement de la nouvelle Unité africaine, lors du sommet de juillet 2004, à Addis-Abeba, en Éthiopie. Troisièmement, la Cour africaine est l'élément manquant d'un système régional efficace pour la protection des droits de l'homme, et sa création marque incontestablement le début d'une nouvelle ère dans la promotion de la souveraineté en Afrique. La création de cet organe, attendue depuis longtemps, témoigne de l'actualité et du caractère intemporel du livre de Fatash Ouguergouz.
Il est publié à un moment où les institutions continentales africaines ont acquis des bases juridiques plus solides, suite à l'adoption de l'Acte constitutif de l'Union africaine, qui a remplacé l'Organisation de l'Unité africaine (OUA), le 9 juillet 2002. Cet acte accorde à la protection des droits de l'homme, à la promotion de la souveraineté et à la bonne gouvernance une plus grande importance que la Charte constitutive de l'ex-OUA. Selon l'article 3, deux des objectifs de l'Union africaine visent à « promouvoir les principes et les institutions démocratiques, la participation populaire et la bonne gouvernance » et à « promouvoir et protéger les droits de l'homme et des peuples conformément à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et aux autres instruments pertinents relatifs aux droits de l'homme ».
Cette étude de grande envergure consiste en une analyse complète et détaillée des aspects normatifs et institutionnels du système africain des droits de l'homme. Il faut rappeler que ce système est fondé essentiellement sur la Charte africaine - qui a été adoptée le 27 juin 1980 et est entrée en vigueur le 21 octobre 1986 - avec l'ajout du Protocole mentionné ci-dessus. Plusieurs commentaires et études critiques concernant la Charte africaine ont été publiés mais une analyse juridique sérieuse et complète de son contenu fait défaut. Le mérite exceptionnel du travail de l'auteur est de présenter pour la première fois une étude complète et détaillée des aspects importants de la Charte africaine et de son Protocole, ainsi que les problèmes qui se posent ou qui risquent de se poser lors de la mise en ouvre. Cette étude révèle la véritable ampleur du système régional de la protection des droits de l'homme par un examen approfondi et méthodique des innovations réelles ou apparentes de ces deux instruments, auquel se livre un expert en droit international très expérimenté, dont l'analyse théorique est enrichie par une expérience professionnelle, en particulier aux Nations Unies et à la Cour international de justice où il a été Secrétaire de la Cour pendant les vingt dernières années.
Ce qui caractérise la Charte africaine, c'est qu'elle est un instrument original et innovant dans le domaine des droits de l'homme. Elle se distingue, en effet, des autres instruments juridiques régionaux et universels dans ce domaine, car elle reconnaît le « peuple » comme détenteur et bénéficiaire des droits dits de « troisième génération » ou « droits de solidarité » comme le droit au développement, à la paix et à un environnement satisfaisant. On y trouve exposés côte à côté aussi bien les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, que les droits individuels et collectifs ou les droits et les devoirs de l'individu.
Même s'il est vrai que ses auteurs ont tenté, semble-t-il, de prendre en compte certaines réalités spécifiques au continent africain, cela ne signifie pas qu'ils ont cédé au phénomène de « régionalisme » ou de « relativisme culturel ». M. Ouguergouz nous rappelle que dans cette Charte c'est, au contraire, la modernité et l'universalité qui l'emportent sur la tradition et le régionalisme, bien que ces derniers trouvent leur place dans son contenu normatif. Il démontre qu'elle est non seulement un instrument qui peut être lu d'une manière compatible avec les normes énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, mais qu'elle représente aussi une vraie « valeur ajoutée ». Comme l'a indiqué l'ancienne Haute Commissaire des droits de l'homme, Mary Robinson, dans la préface du livre : « L'auteur montre comment la Charte africaine a réussi à résoudre le grand dilemme d'être à la fois spécifique, universelle et efficace. »
L'auteur nous donne une idée de la manière dont les droits de l'homme et à la souveraineté peuvent être ancrés dans la culture africaine par le biais de la mise en ouvre de la Charte. Selon lui, il s'agit, en quelque sorte, d'un instrument d'avant-garde ou révolutionnaire fondé sur des valeurs culturelles juridiques existantes ou nouvelles, telles que « la solidarité » (entre les individus, par l'inscription dans la Charte des devoirs de chacun parallèlement à ses droits, entre les peuples, qu'ils forment des États ou non, ou bien entre les États parties à la Charte africaine et les États qui le ne sont pas, par l'énoncé des droits de troisième génération : le droit des peuples au développement, à la paix et à un environnement satisfaisant). Selon M. Ouguergouz, « la société et la communauté internationale sont, en quelque sorte, une chaîne où les maillons sont les individus ou les États; tôt ou tard, la faiblesse d'un seul maillon aura des répercussions sur toute la chaîne : l'injustice où qu'elle soit n'est-elle pas une menace à la justice où que ce soit ? L'objectif de la solidarité est de renforcer les "maillons faibles", pour que la chaîne soit plus solide et qu'elle dure plus longtemps ».
L'auteur ne néglige pas les lacunes et les défauts de la Charte, critiquant ce qu'il appelle sa « remarquable pauvreté technique ». Parmi les problèmes qui risquent d'empêcher sa mise en ouvre, il mentionne « la formulation imprécise des droits individuels, la reconnaissance emphatique des devoirs individuels, la généralité des clauses de limitation des droits et l'imprécision de la définition du concept de "peuples", l'absence d'une clause de dérogation aux droits garantis et la faiblesse relative du mécanisme de garantie ». Beaucoup dépend donc des travaux futurs de la Commission africaine et de la Cour africaine, dont la jurisprudence aura indéniablement une fonction d'intégration et d'interprétation qui pourra assurer une plus grande clarté et justiciabilité des droits et des devoirs énoncés dans la Charte.
Malgré son volume, le livre est accessible et évite l'écueil du jargon juridique, ce qui est souvent le cas dans ce genre de travaux d'experts en droit international. Sa lecture est donc recommandée non seulement pour l'originalité du point de vue de l'auteur sur la contribution du système régional africain au développement d'une législation internationale en matière de droits de l'homme mais aussi pour la clarté de l'analyse. En résumé, c'est un ouvrage destiné à tous ceux qui sont intéressés par les droits de l'homme ou qui travaillent à leur étude, à leur promotion ou à leur protection, qu'il s'agisse d'experts, d'avocats, de diplomates ou de responsables politiques. Même s'il est principalement consacré au système africain de protection des droits de l'homme, il fait également un tour d'horizon convaincant et stimulant du développement et de l'évolution de la législation internationale en matière de droits de l'homme. |
Abdulqawi A. Yusuf est directeur de l'Office des normes internationales et des affaires juridiques de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture et membre associé de l'Institut de droit international. Il est également le fondateur et le directeur général de l'Annuaire africain de droit international. |
Les chefs d'État africains ont convenu que l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) avait rempli ses objectifs. Après de longues discussions, les responsables de l'OUA ont décrété la Déclaration de Syrte de 1999, appelant à l'établissement de l'Union africaine (UA). Le Sommet de Lomé, en 2000, a adopté l'Acte constitutif de l'Union, et la feuille de route pour sa mise en ouvre a été établie au Sommet de Lusaka en 2001. L'Union a été officiellement lancée au Sommet de Durban de 2002, lors de la Première Assemblée des chefs d'État de l'UA.
Contrairement à l'OUA, qui était destinée, entre autres, à mettre fin au colonialisme et à l'apartheid en Afrique, l'UA a cherché à promouvoir la participation de celle-ci à la mondialisation. Les stratèges syndicalistes ont une vision d'une Afrique prospère et pacifique, représentant une force dynamique sur la scène internationale. Les objectifs de l'UA comprennent : l'accélération de l'intégration politique et socio-économique du continent; la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité; l'établissement des conditions nécessaires pour participer activement à l'économie mondiale et aux négociations internationales; l'avancement du développement de l'Afrique par la promotion de la recherche, en particulier dans les domaines des sciences et de la technologie; et la coopération avec les partenaires internationaux pour prévenir les maladies et promouvoir la santé.
Ce sont des tâches herculéennes pour l'Afrique, qui compte 832 millions d'habitants, soit 13 % de la population mondiale, mais où l'investissement étranger direct ne représente que 1 % et le commerce mondial 2 %. Sur les 50 pays les moins développés, plus de 30 se trouvent en Afrique. Pourtant, celle-ci détient 30 % des ressources minérales mondiales. Elle produit 40 % d'or et 60 % de cobalt et 20 % de ses terres sont couvertes, entre autres ressources naturelles, de forêts d'une grande biodiversité.
Selon le Président de la Commission de l'UA, Alpha Oumar Konare, « l'Afrique souhaitée par les fondateurs de l'UA est consciente de son potentiel et déterminée à les exploiter, en particulier en réunissant ses ressources; une Afrique consciente de ses faiblesses et déterminée à participer activement au commerce mondial; une Afrique qui ne peut se permettre d'attendre demain pour résoudre ses problèmes ». Par son plan stratégique, l'UA est déterminée à faire preuve de responsabilité et de transparence tout en transformant ses institutions, en conduisant le continent africain vers l'intégration politique, sociale et économique et en mettant en ouvre l'action sectorielle. Pour ce faire, trois documents vitaux ont été élaborés - Vision et Mission de l'Union africaine, Plan stratégique 2004-2207 et Budget-Programme de la Commission.
Dans son message prononcé le 25 mai 2004 pour célébrer la Journée de l'Unité africaine, le Président Joaquim Alberto Chissano a fait remarquer que l'Afrique a également pris l'engagement d'intégrer les femmes africaines à son développement et au sein de ses institutions. Fayth A. Ruffin
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