Chronique ONU
Combattre le terrorisme tout en protégeant les droits de l'homme
Par Leslie Palti, pour la Chronique

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L'article
Les Nations Unies condamnent sans équivoque le terrorisme sous toutes ses formes comme une violation des droits de l'homme. Mais pour le combattre, il n'a pas été facile de mettre en place une approche fondée sur les droits. Le débat sur cette question doit trouver un équilibre entre la protection des droits de l'homme et la création de mesures efficaces de sécurité. Les mesures antiterroristes sont-elle pleinement compatibles avec le respect des libertés fondamentales ? Les États doivent-ils faire des compromis et violer le principe de l'état de droit afin de mieux protéger leur population de la menace du terrorisme ?

En novembre 2002, le Secrétaire général, Kofi Annan, a fait remarquer que les attaques terroristes du 11 septembre 2001 ont exacerbé le dilemme, « où l'accent a été mis, non sans raison, sur la prévention d'actes terroristes encore plus terribles, ce qui a renforcé les craintes concernant le prix que nous devons payer pour les droits et libertés que nous chérissons ». Il a ajouté que « nous faisons face à un dilemme dont il est pratiquement impossible de sortir et qui est lié à deux impératifs de la vie moderne, protéger les libertés civiques de nos citoyens tout en assurant la protection des citoyens face aux attaques terroristes qui ont des conséquences catastrophiques ». Il faut veiller à équilibrer les mesures antiterroristes et l'observation des normes des droits de l'homme, a-t-il dit, sinon le combat contre le terrorisme « irait à l'encontre du but recherché ».

Pour les Nations Unies, le respect des droits de l'homme demeure une partie intégrante de toute stratégie complète destinée à combattre le terrorisme. Les directives de l'ONU destinées à aider les États à trouver un équilibre entre les droits de l'homme et le combat contre le terrorisme ont été établies dans un nombre de résolutions adoptées par l'Assemblée générale, le Conseil de sécurité et la Commission des droits de l'homme. Ces résolutions soulignent que « lorsqu'ils prennent des mesures quelconques pour combattre le terrorisme, les États doivent veiller au respect de toutes les obligations qui leur incombent en vertu du droit international, les mesures adoptées devant être conformes au droit international ».

La Commission internationale des juristes (CIJ), notant que les mesures antiterroristes ne devraient pas « porter atteinte aux droits de l'homme que les États Membres ont eux-mêmes établis pendant cinquante ans au prix de tant d'efforts », a énuméré un nombre de droits fondamentaux qui ont été violés pour combattre le terrorisme: la prohibition de la torture, le droit à la vie, la protection contre la détention arbitraire, le droit à un procès équitable par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, la liberté d'association et d'expression et les droits d'asile et de non-discrimination.

La protection des libertés fondamentales tout en luttant contre le terrorisme n'est pas un problème nouveau. En 1997, la Sous-Commission de la promotion et la protection des droits de l'homme a recommandé la nomination d'un rapporteur spécial afin de réaliser une étude complète sur les droits de l'homme et le terrorisme. Le rapporteur spécial, Kalliopi Koufa, notant la nécessité de revoir ses travaux à la lumière des événements du 11 septembre, a soumis une série de rapports. Dans ses rapports présentés en juillet 2002, elle a revu les actions internationales menées contre le terrorisme, ainsi que les commentaires, les observations et les décisions adoptés par les organes et les mécanismes internationaux des droits de l'homme.

Avec la montée du terrorisme dans le monde, la question du terrorisme et des droits de l'homme est devenue plus urgente. Tout en reconnaissant l'importance de combattre le terrorisme, certains organes de l'ONU se sont inquiété des violations des droits de l'homme commises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. En juillet 2004, la CIJ a noté que « dans certains pays, la "guerre contre le terrorisme" a servi de prétexte pour justifier des violations de droits de l'homme commises depuis des années au nom de la sécurité nationale », entraînant une érosion inquiétante du droit humanitaire international et du droits des réfugiés, en particulier par le biais des « fonctions judiciaires de plus en plus à caractère militaire », transférant « d'importants pouvoirs de la police judiciaire aux forces armées sans aucun contrôle judiciaire ».

Le système de l'ONU a souligné que les normes des droits de l'homme devaient être rigoureusement respectées, même dans des circonstances exceptionnelles. Pour le Haut Commissariat aux droits de l'homme (HCR), le respect des droits de l'homme dans le contexte des mesures antiterroristes est une priorité. Il a exprimé « ses inquiétudes devant le nombre de plus en plus important de politiques, de lois et de pratiques adoptés par de nombreux pays sous couvert de lutte contre le terrorisme, ce qui a un effet négatif sur la jouissance de pratiquement tous les droits de l'homme ». À propos des dangers inhérents à l'usage du terme « terrorisme » sans discrimination, le HCR a souligné que, conformément au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, on ne peut déroger à certains droits même dans des situations exceptionnelles. Les menaces à la sécurité nationale peuvent, dans des conditions très spécifiques et exceptionnelles, entraîner l'imposition de l'état d'urgence en vertu duquel certains droits font l'objet d'une dérogation ou d'une suspension.

Le Résumé de la jurisprudence des organes internationaux et régionaux chargés de la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste, publié par le HCR en 2003, apporte plusieurs importantes contributions, clarifiant le concept de droits non dérogeables. Son objectif principal est d'établir un cadre qui permet de combattre le terrorisme sans porter atteinte aux libertés fondamentales et d'examiner les principes de nécessité et de proportionnalité essentiels aux mesures légitimes contre le terrorisme. En 2003, l'Assemblée générale a adopté sans vote la résolution 57/219, « Protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste », en vertu de laquelle le HCR est chargé d'évaluer les lois et les mesures antiterroristes concernant l'obligation de promouvoir et de protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales des États, y compris dans leur mise en ouvre des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.

Les efforts du Conseil de sécurité visant à protéger les droits humains fondamentaux dans le cadre de la lutte contre le terrorisme sont guidés par la résolution 1456 (2003) du Conseil de sécurité qui prévoit que « lorsqu'ils prennent des mesures quelconques pour combattre le terrorisme, les États doivent veiller au respect de toutes les obligations qui leur incombent en vertu du droit international, les mesures adoptées devant être conformes au droit international, en particulier aux instruments relatifs aux droits de l'homme et aux réfugiés ainsi qu'au droit humanitaire ». Informant le Conseil le 8 janvier 2002, le Président du Comité contre le terrorisme (CCT) a déclaré que ce comité avait pour mandat de suivre l'application de la résolution 1373 (2001) (voir encadré). Le suivi d'autres conventions internationales, notamment relatives aux droits de l'homme, n'est donc pas de son ressort.

Le principal défi consiste à trouver un équilibre entre le suivi des actions contre le terrorisme et le respect des droits de l'homme. Dans la recommandation 16 du Rapport du groupe réflexion sur les implications du terrorisme pour les politiques de l'ONU, il est précisé que la sécurité ne saurait être assurée au détriment des droits de l'homme : « Un dialogue doit être maintenu entre le Haut Commissariat aux droits de l'homme et le Comité de lutte contre le terrorisme sur l'importance d'assurer le respect des droits de l'homme lors de la mise en ouvre de la législation, des politiques et des actions antiterroristes. » Alors que le Comité contre le terrorisme a accepté de recevoir des informations sur les questions relatives aux droits de l'homme, il n'a pas encore mis au point une approche systématique pour suivre l'application des mesures antiterroristes conformément aux normes des droits de l'homme. En octobre 2003, lors d'une conférence organisée par le CIJ, le Haut Commissaire adjoint aux droits de l'homme, Bertrand Ramcharan, a indiqué que le terrorisme devait être combattu dans le cadre de la loi et conformément au principe de proportionnalité ».

Le défi que pose la définition du terrorisme
La lutte contre le terrorisme est un problème auquel l'Assemblée générale s'est attaquée depuis des années. En 1963, les Nations Unies ont examiné la mise en place d'un cadre juridique pour éliminer le terrorisme international. Il existe actuellement douze conventions multilatérales majeures sur le terrorisme qui constituent l'élément principal du droit international. Or, malgré ce progrès, l'Assemblée a été confrontée à l'un des défis les plus difficiles, à savoir définir le terrorisme. Chacune des douze conventions repose sur une définition « opérationnelle », fondée sur des « activités terroristes » spécifiques. Des traités ont donc été créés pour aborder les questions telles que les bombardements, les enlèvements, la prise d'otages et le financement occulte des activités terroristes, mais aucune définition universelle n'a encore été adoptée.

Depuis 1996, la Sixième Commission juridique de l'Assemblée s'est attaquée à un projet de convention complète sur le terrorisme international, qui comprendra la définition du terrorisme. Les négociations sont dans l'impasse, les États n'ayant pas réussi à s'entendre sur la différence entre les mouvements de libération et les cellules terroristes. Donc, tant que ne sera pas résolu le dilemme « le terroriste pour les uns est le combattant pour la liberté pour les autres », le débat sur une définition universelle du terrorisme se poursuivra.

La lutte contre le terrorisme au Conseil de sécurité
Après les attaques terroriste du 11 septembre 2001, le Conseil de sécurité, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte de l'ONU, a adopté la résolution 1373 (2001), par laquelle il condamnait les actes de terrorisme et veillait à ce que toutes personnes qui participent au financement, à l'organisation et à la préparation de ces actes soient traduites en justice. Il a également déclaré que ces actes étaient des crimes graves dans la législation nationale et a demandé aux États membres de soumettre au Comité contre le terrorisme (CCT) un rapport indiquant leurs actions contre le terrorisme. Créé en 1999, ce comité est chargé de surveiller la mise en ouvre de la résolution 1373 et des douze conventions et de leurs protocoles liés au terrorisme adoptés par l'Assemblée générale. À la mi-2004, plus de 500 rapports avaient été soumis. Mais les experts du Comité ont fait valoir que les rapports nationaux des actions antiterroristes ne suffisaient pas, considérant que pour être efficace, une résolution internationale devait être appliquée. Le soutien à la résolution 1373 n'est cependant pas universel, 71 pays n'ayant toujours pas soumis leurs rapports dans les délais prévus.

Répondant à la nécessité d'une revitalisation du CCT, le 26 mars, le Conseil de sécurité à adopté la résolution 1535 (2004) qui met en place un nouveau dispositif ne modifiant pas le mandat du Comité mais améliorant sa capacité opérationnelle. Le CCT revitalisé est constitué d'une plénière composée de tous les membres du Conseil chargés d'examiner les décisions et les politiques stratégiques, et d'un Bureau composé du Président, des Vice-Présidents, d'un expert et d'un secrétariat.

Joël Sollier, expert, a expliqué que les changements structurels et opérationnels pouvaient être utiles, mais qu'« ils ne serviront à rien si la volonté politique demeure aussi faible ». Le système de vérification, a-t-il indiqué, était dans une impasse parce qu'il touchait à « un grand nombre de domaines politiques sensibles comme les systèmes monétaires, la police, l'immigration, le contrôle des armes et le blanchiment de l'argent, et que « les pays craignaient une évaluation du CCT ».
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