Chronique ONU

La peine de mort dans le monde : où en est-on ?
Bree Polk-Bauman, pour la Chronique

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L'article
Nombreuses sont les cultures dans le monde qui, à travers les âges, ont appliqué la peine de mort pour des crimes allant du vol au meurtre. Aujourd'hui, seulement 78 pays et territoires maintiennent la peine de mort.

Selon Amnesty International, en 2003, 28 de ces États ont exécuté 1 146 prisonniers et condamné à mort 2 756 personnes et ce chiffre est vraisemblablement très en deçà de la réalité.

La première tentative de la communauté internationale d'abolir la peine de mort, ou simplement d'en réduire le recours, remonte à 1948, avec l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Celle-ci définit les droits et la liberté des personnes, tandis que la Charte de l'ONU aborde les droits de l'homme seulement en termes généraux. Les Nations Unies ont été créées après la Deuxième Guerre mondiale pour préserver les générations futures du fléau de la guerre alors que la Déclaration universelle est plus précise, stipulant dans l'article 3 que « le droit à la vie est inhérent à la personne humaine ».

Une déclaration est un traité non contraignant, alors qu'une convention est un instrument légal. Depuis la ratification de la Déclaration en décembre 1948, 118 États Membres ont aboli la peine de mort, soit par la législation soit en pratique, encourageant les autres pays à faire de même. Peu après la ratification de la Déclaration des droits de l'homme, certains États ont craint que malgré sa force morale peu de pays ne respectent les points définis. C'est pour cette raison que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques a été adopté en 1966 et est entré en vigueur en 1976. À ce jour, 152 pays l'ont ratifié. Il encourage vivement les États Membres de l'ONU à abolir la peine de mort mais permet que la « sentence de mort ne soit prononcée que pour les crimes les plus graves » (article 6, section 2). Il a également créé un organe de surveillance - le Comité des droits de l'homme - comme mécanisme de surveillance de l'application du Pacte.

En 1989, l'Assemblée générale a adopté un deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, qui est entré en vigueur en 1991. Un grand nombre d'États parties étaient en effet convaincus que « l'abolition de la peine de mort contribue à promouvoir la dignité humaine et le développement progressif des droits de l'homme » (préambule). Il autorise les États parties à appliquer ce châtiment en temps de guerre s'ils ont formulé une réserve en ce sens (article 2, section 1) et demande aux États parties de soumettre des rapports au Comité des droits de l'homme sur « les mesures qu'ils auront adoptées pour donner effet au présent Protocole » (article 3). La peine de mort ne peut être prononcée pour une personne âgée de moins de 18 ans ayant commis un crime, appelé un délinquant mineur (article 37), en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant, qui est entrée en vigueur une année après son adoption en 1989. La Convention, ratifiée par 192 pays, est « l'instrument des droits de l'homme qui est le plus ratifié ». Deux pays ne l'ont cependant pas encore signée : la Somalie et les États-Unis.

Outre la Déclaration universelle, le Pacte international, le Deuxième Protocole facultatif et la Convention relative aux droits de l'enfant, cinquante résolutions ont été adoptées par l'Assemblée générale, le Conseil économique et social et la Commission des droits de l'homme pour abolir la peine de mort. Au sein de l'ONU, les États européens sont parmi ceux qui participent le plus activement à l'effort international visant à abolir la peine de mort. Le Parlement européen « considère [que] la peine de mort est une forme de châtiment inhumain et cruel et indigne des sociétés modernes ». La Convention européenne signée par 18 États et ratifiée par 24 autres, est entrée en vigueur en juillet 2003. C'est le premier traité international qui interdit la peine de mort dans toutes les circonstances. Par ailleurs, l'abolition de la peine de mort est une condition requise pour les pays qui veulent être membres de l'Union européenne.

Malgré les efforts internationaux, celle-ci est encore appliquée pour des crimes commis par des mineurs alors que la Convention relative aux droits de l'enfant interdit le recours à la peine de mort pour les mineurs. Depuis 1990, huit pays ont exécuté 36 mineurs ayant commis des crimes. La Chine, le Pakistan et le Yémen ont récemment porté à 18 ans l'âge où la peine de mort est applicable, et l'Iran est en passe de faire de même. En revanche, la République démocratique du Congo, le Nigeria, l'Arabie saoudite et les États-Unis n'ont toujours pas interdit cette pratique. Depuis 1990, plus de la moitié des exécutions de mineurs recensées (19 sur 36) ont eu lieu aux États-Unis. En juillet 2004, les anciens Présidents américain Jimmy Carter et russe Mikhaïl Gorbatchev, ainsi que plusieurs lauréats du prix Nobel de la paix, se sont mobilisés pour faire pression sur la Cour suprême des États-Unis à Washington pour mettre fin aux exécutions de mineurs.

La Commission des droits de l'homme de l'ONU a nommé un Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, dont le mandat consiste, entre autres, à examiner des cas indépendants de peine de mort dans le monde et à tenter de prévenir la survenue de nouveaux. Le Rapporteur actuellement en poste, Asma Jahangir, encourage vivement les organisations internationales et autres acteurs pertinents à soutenir les initiatives de sensibilisation aux mandats et aux programmes de l'ONU en matière de droits de l'homme. Elle a fait remarquer que « les droits de l'homme sont le mieux respectés dans une culture de démocratie, et qu'aucun processus démocratique n'est viable sans le soutien d'un système juridique et judiciaire indépendant ».
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