Chronique ONU

« L'ONU est importante, mais elle devrait faire plus »
Une conversation avec des journalistes du Bangladesh
Par Hasan Ferdous

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L'article
Avant de commencer, je dois faire un aveu. C'est à moi que revient l'idée d'avoir choisi un restaurant branché, même un peu cher, situé au centre de Manhattan. Il était à quelques minutes du siège de l'ONU, mais plus important il se targue d'avoir comme gourou culinaire, Madhur Jeffrey, une actrice et une experte culinaire de première classe, qui fut également guide de l'ONU. J'allais rencontrer quatre anciens amis et tenais à bien faire les choses. Les quatre journalistes, de la presse bangladaise, étaient à New York dans le cadre d'un voyage organisé par le Service d'information des États-Unis. Les élections américaines allaient avoir lieu dans quelques jours, et l'USIS avait invité des journalistes pour qu'ils constatent de première main comment se déroulait la campagne électorale dans ce pays.

Je voulais connaître leurs points de vue sur les Nations Unies. Tous les quatre étaient unanimes : l'organisation mondiale est très importante, mais elle n'est plus maître de ses décisions. Quelques pays, en particulier les superpuissances, mènent la barque. Les nations qui ne sont pas d'accord avec les grandes lignes de l'Organisation sont écartées. Abed Khan, rédacteur de Bhorer Kagaj, a présenté un point de vue qui reflétait celui de ses amis : « Quand on voit l'ONU s'incliner devant les souhaits d'une ou de deux grandes puissances, cela nous déplaît. Nous avons tant investi dans cette Organisation et son avenir. Et elle n'est même plus capable de refléter nos espoirs ou de défendre nos droits. Elle parle de grands idéaux mais fait peu pour les respecter ».

Sanaullah, rédacteur en chef de Prothom-Alo, a enchaîné : « Le rôle de l'ONU devrait être d'unir les nations, pas de les diviser. » Avec un petit sourire narquois qui en disait long, il a ajouté : « Regardez comment l'ONU est dominée par une superpuissance. Si sa survie est liée au bon vouloir d'un État Membre, cela n'est pas de bon augure pour cette organisation qui se veut universelle. » Martiur Rahman Chowdhury, rédacteur de Manav Janin, a renchéri. « On peut critiquer l'ONU pour ses échecs, mais il faut aussi reconnaître ses succès. » L'ONU jouit d'une grande popularité au Bangladesh, a-t-il dit, et son rôle est important dans tous les domaines, des activités de développement aux campagnes d'alphabétisation en passant par la vaccination des enfants.

Kazi Nabil Ahmed, rédacteur exécutif de Ajker Kagaj et le plus jeune du groupe, a enchaîné dans la même veine : « Au Bangladesh, nous accordons une grande importance au rôle des Nations Unies, en particulier à ses institutions spécialisées et à ses programmes, tels que le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, le Programme de l'ONU pour le développement et l'Organisation mondiale de la santé. Ce sont des partenaires de développement du Bangladesh, et le progrès du pays est lié à eux de manière indélébile », a-t-il indiqué. Il a également attiré l'attention sur un autre aspect des relations entre l'ONU et le Bangladesh. « Nous aidons l'ONU à maintenir la paix dans de nombreux points chauds dans le monde », a-t-il ajouté, fier et aussi plein d'espoir en faisant allusion au rôle croissant que son pays joue dans les missions de maintien de la paix de l'ONU. Depuis sa participation au Groupe d'observateurs militaires en Iran/Irak en 1988, le Bangladesh a envoyé des contingents dans 31 missions, dont 16 en cours.

A. Khan, qui était silencieux, s'est animé. « L'un des domaines où l'ONU pourrait faire plus est l'environnement. Le réchauffement de la planète est une réalité, a-t-il affirmé, et si les scientifiques ont raison, un tiers du Bangladesh pourrait disparaître sous les eaux au cours des trente prochaines années. « Or, que fait l'ONU pour arrêter cette catastrophe ? » Certes, il y a eu un traité, et c'est une bonne chose, mais ce qui importe le plus, c'est qu'il soit appliqué au niveau mondial, a-t-il ajouté.

La conversation s'est ensuite engagée sur la nouvelle initiative de sensibilisation lancée par le Département de l'information de l'ONU - la série de séminaires intitulée « Désapprendre l'intolérance ». Le premier séminaire, qui a eu lieu en juin 2004, a été consacré à l'antisémitisme, et a connu un important succès. Le second a porté sur l'islamophobie. Le Bangladesh, un pays à dominante musulmane, a trouvé l'initiative pertinente. A. Khan a acquiescé : « L'intolérance, c'est un problème que nous connaissons. La violence visant les minorités religieuses n'est pas nouvelle. Il y a tant de choses à faire dans ce domaine : éduquer les gens, les unir et briser les murs qui nous séparent. » Il a salué le rôle de l'ONU dans sa contribution à promouvoir le dialogue entre les civilisations. « Au départ, l'intolérance semble limitée à un pays ou à une région, mais elle peut s'étendre rapidement à d'autres pays et devenir même un phénomène mondial. Regarde ce qui s'est passé en Afghanistan », a-t-il dit, laissant entendre que l'ONU devrait faire plus pour que les organisations de la société civile demeurent vigilantes face aux violations comme celles commises par les talibans.

Sanaullah, concentré sur une aile de poulet, a soulevé un point : « Le dialogue est important, mais il est tout aussi important de comprendre les causes sous-jacentes de ce qu'on appelle la colère islamique. » Il a rapidement dressé une liste : la pauvreté, le sous-développement, l'expansion néocoloniale, l'autoritarisme, l'analphabétisation et l'absence des droits de l'homme. « Bien sûr, les musulmans doivent également réaliser ce qui les conduit à cet état de désespoir : ce n'est pas seulement l'Occident mais aussi l'échec de leur propre leadership politique. » M. Chowdhury a acquiescé. « Je pense que l'ONU peut faire beaucoup plus dans ce domaine », a-t-il jugé. « Il y a tant de sectarisme, tant d'incompréhensions, et pourtant si peu d'efforts pour réduire les différences. »
Biographie
Hasan Ferdous, originaire du Bangladesh, travaille au Département de l'information des Nations Unies.
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