Chronique ONU
Un monde plus sûr : notre affaire à tous
Le Groupe de haut niveau propose une nouvelle conception de la sécurité collective
Par Horst Rutsch

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L'article
Le 2 décembre 2004, le Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement a rendu public son rapport, Un monde plus sûr : notre affaire à tous, qui propose une nouvelle conception de la sécurité collective en ce XXIe siècle.

« Le principal défi du XXIe siècle est de parvenir à une approche nouvelle et plus ambitieuse de la sécurité collective » - la sécurité est inséparable du développement économique et de la liberté - « et de toutes les responsabilités, tous les engagements, toutes les stratégies et toutes les institutions qui doivent entrer en jeu pour qu'un système de sécurité soit efficace et équitable ». Selon le Groupe, il faut « parvenir à une nouvelle entente entre des alliances en lambeaux, entre riches et pauvres et entre des peuples qu'éloignent la méfiance et un fossé culturel de plus en plus grandissant ». « Nous devons nous accorder sur un principe simple : nous sommes tous responsables de la sécurité des uns et des autres. Et cette entente s'appréciera à l'épreuve des faits ».

Le Secrétaire général Kofi Annan « a approuvé ces arguments de fond » et a accueilli avec satisfaction les 101 recommandations faites par le Groupe. Informant l'Assemblée générale le 8 décembre, il a déclaré qu'il « agirait rapidement » pour mettre en ouvre ces recommandations mais que les États Membres devraient faire de même et « faire de 2005 l'année du changement pour les Nations Unies ». Il avait créé le Groupe indépendant suite à sa déclaration devant l'Assemblée générale en septembre 2003, au cours de laquelle il avait prévenu la communauté internationale que les Nations Unies étaient à la croisée des chemins et faisaient face à un risque d'érosion de son rôle en tant qu'instrument universel unique destiné à aborder les défis mondiaux à moins que les États Membres ne s'entendent sur une réforme du système multilatéral de sécurité collective. M. Annan avait nommé 16 personnalités issues des quatre coins du monde et offrant une riche somme d'expériences et de compétences - politiques, militaires, diplomatiques, économiques et sociales - et avait confié la présidence du Groupe à l'ancien Premier ministre thaïlandais Anand Panyarachun, afin de proposer les politiques et les institutions nécessaires pour que les Nations Unies soient efficaces en ce XXIe siècle.

Le Groupe fait valoir que la prévention est au centre de la sécurité collective et souligne l'urgence de créer des politiques de prévention, estimant que le manque d'action face aux menaces latentes ou pour empêcher que les menaces actuelles se propagent risque d'avoir des conséquences « simplement trop graves ». La sécurité biologique doit être au « premier plan de la prévention » afin d'éradiquer et de faire reculer des pandémies comme le VIH/sida. Enfin, le Groupe souligne le rôle crucial du développement comme base indispensable à tout cadre de sécurité collective qui prend la prévention au sérieux. « Le développement renforce la sécurité de tous », conclut-il.

Le Groupe présente ce que pourrait être l'Organisation des Nations Unies au XXIe siècle et recommande des changements pour chacun de ses principaux organes, dont le Conseil de sécurité. Il identifie les nouvelles menaces qui « n'avaient pas pu être prévues lorsque les Nations Unies ont été fondées en 1945 » : la guerre et la violence au sein des États, y compris les guerres civiles, les violations des droits de l'homme et le génocide sur une grande échelle; la pauvreté, les maladies infectieuses et la dégradation de l'environnement, les armes nucléaires, radiologiques, chimiques et biologiques; le terrorisme et la criminalité organisée transnationale. Les menaces viennent à la fois des acteurs étatiques et non étatiques et visent les êtres humains ainsi que la sécurité de l'État.

Selon le Groupe, le processus de mondialisation a conduit à un monde où les « menaces sont liées entre elles et tous les pays vulnérables ». Étant donné que les menaces actuelles ne connaissent pas de frontières, elles nécessitent une action à tous les niveaux. La coopération est cruciale - aucun État, si puissant soit-il - n'est en mesure de se protéger seul; des politiques et des institutions mondiales sont donc nécessaires. Le système de l'ONU et les accords existants en matière de sécurité collective, note-t-il, « ont montré qu'elles peuvent être efficaces » : ces quinze dernières années, les négociations ont permis de mettre fin à un plus grand nombre de guerres civiles qu'au cours des 200 dernières années; le Traité de non-prolifération nucléaire a permis de limiter le nombre d'États dotés de l'arme nucléaire; l'Organisation mondiale de la santé a permis d'endiguer rapidement la propagation du SRAS avant qu'il n'y ait des milliers de morts. Le Groupe met cependant en garde qu'à moins que l'ONU ne soit renforcée pour répondre efficacement aux diverses menaces futures, ces accomplissements risquent d'être inversés.

Le Groupe souligne que la prévention doit être « la première ligne de défense » d'un système de sécurité collective qui adhère au développement d'une culture de la prévention. Lutter contre la pauvreté permettra non seulement de sauver des millions de vies mais aussi de donner aux États les moyens de combattre le terrorisme, la criminalité organisée et la prolifération des armes. Il note qu'il existe déjà un cadre international, établi dans la Déclaration du Millénaire et le Consensus de Monterrey, mais que la mise en ouvre des Objectifs du Millénaire pour le développement piétine; il est scandaleux que la communauté internationale ait réagi au VIH/sida avec autant de retard et si peu de ressources, indique le Groupe. Face à la détérioration du système de santé publique mondiale mal équipé pour faire face aux maladies infectieuses mortelles, le Groupe recommande une vaste campagne pour renforcer les services de santé publique dans les pays en développement, à la fois aux niveau local et national.

Il est nécessaire de renforcer les moyens dont dispose l'ONU en matière de diplomatie préventive et de médiation. Le Groupe considère que la communauté internationale doit tirer parti de l'acquis des organisations régionales et rechercher ensemble de nouveaux moyens de réglementer la gestion des ressources naturelles, qui est souvent source de conflit. Il précise le rôle des sanctions comme « un outil vital bien qu'imparfait » dans la prévention. Empêcher la propagation et l'usage des armes nucléaires, biologiques et chimiques est « essentielle » pour créer un monde plus sûr. Le Groupe a proposé des recommandations pour la création de mesures d'incitation visant à ce que les États renoncent au développement d'un arsenal nucléaire, associées à un nouvel arrangement par lequel l'Agence internationale de l'énergie atomique serait habilitée à servir de garant pour la fourniture des matières fissiles, aux taux du marché, à des utilisateurs du nucléaire à des fins civiles.

Notant que le terrorisme international constitue une menace pour tous les États et le système de l'ONU, le Groupe a exhorté les Nations Unies, sous le leadership du Secrétaire général, à mettre en place une stratégie antiterroriste comprenant des mesures coercitives, lorsque cela est nécessaire, mais respectant les droits de l'homme et l'état de droit. Il fournit une définition claire du terrorisme et demande à l'Assemblée générale de se mettre d'accord sur une convention complète sur le terrorisme. La propagation de la criminalité organisée transnationale augmente le risque de toutes les autres menaces, indique le Groupe, recommandant le renforcement des cadres internationaux en matière de réglementation et la mise en place de capacités pour combattre la corruption et le trafic d'êtres humains, afin d'empêcher que les réseaux de criminalité organisée aident les terroristes à transférer des fonds et à déplacer du matériel d'un pays à l'autre.

Le Groupe considère également les situations où la prévention ayant échoué, il faudra répondre aux menaces militairement, et approuve la nouvelle norme d'une responsabilité universelle visant à protéger les civils de la violence sur une grande échelle. Il recommande une série de directives, à la fois en termes de légalité et de légitimité, préconisant le recours à la force en dernier ressort, fondées sur le cadre de la Charte de l'ONU et sous l'autorité du Conseil de sécurité. Il exhorte également le Conseil à jouer un plus grand rôle dans la prévention. Le recours à la force implique un engagement international à reconstruire les sociétés détruites.

Le Groupe note que le déploiement de capacités militaires s'est révélé être un outil important dans le maintien de la paix, en particulier après un conflit, mais indique que pour mener à bien les mandats des opérations de maintien de la paix en cours, il faudra pratiquement doubler le nombre de casques bleus dans le monde. Il serait nécessaire qu'un plus grand nombre d'États fournissent des contingents à l'ONU et assurent leur déploiement et autres capacités stratégiques afin de contribuer aux opérations de maintien de la paix. Il constate aussi que souvent les Nations Unies n'ont pas accordé l'attention et les ressources nécessaires pour consolider la paix après un conflit, ce qui « devrait être un rôle fondamental de l'Organisation ». Il indique une série de conditions essentielles pour la consolidation de la paix et demande la création d'institutions publiques pour restaurer la primauté de droit.

Pour que l'Organisation mondiale réponde à ces défis, les institutions actuelles de l'Organisation doivent être plus efficaces. Le Groupe recommande de revitaliser l'Assemblée générale et le Conseil économique et social et de rétablir la crédibilité de la Commission des droits de l'homme. Il établit également les principes d'une réforme du Conseil de sécurité, augmentant sa crédibilité et son efficacité en modifiant sa composition pour qu'il reflète mieux les réalités du monde actuel. Il fournit deux modèles - l'un impliquant l'ajout de nouveaux membres sans droit de veto, l'autre des sièges d'une durée de quatre ans renouvelables - mais met en garde que la réforme doit être examinée en 2020.

De nouvelles institutions sont également nécessaires pour répondre à la nature changeante des défis, estime le Groupe. Il recommande la création d'une commission de consolidation de la paix comme nouveau mécanisme au sein de l'ONU. Collaborant étroitement avec les organisations régionales et les institutions financières internationales, la commission pourrait combler un manque crucial en s'occupant des pays sortant d'un conflit. Il recommande également la création, en dehors de l'ONU, d'un forum où les chefs des vingt plus grandes économies développées et en développement participeraient à la gestion cohérente des politiques monétaires, financières, commerciales et de développement internationales. Il établit une série de principes qui régirait un partenariat plus structuré entre les organisations régionales et les Nations Unies.

Pour être plus efficace, le Secrétaire général devrait disposer d'une plus grande latitude à la tête du Secrétariat qui aurait une plus grande compétence professionnelle. Il aurait également besoin d'être davantage soutenu dans son rôle de médiateur et disposer de plus de moyens pour mettre en place des stratégies efficaces en matière de consolidation de la paix. La création d'un poste de Secrétaire général adjoint chargé de la paix et de la sécurité lui donnerait les moyens d'assurer la supervision des domaines sociaux, économiques et de développement de l'ONU ainsi que de ses activités dans les domaines de la paix et de la sécurité, explique le Groupe.

Le rapport du Groupe de personnalités de haut niveau marque le début d'un vaste processus d'examen en 2005 qui se terminera avec le suivi de la Déclaration du Millénaire, cinq ans après, qui aura lieu lors de la soixantième session de l'Assemblée générale. Le rapport final du projet du Millénaire sera rendu public le 17 janvier 2005 et le Secrétaire général publiera en mars son examen de suivi de la mise en ouvre de la Déclaration qui fournira aux États Membres une base de discussion à l'Assemblée et aux chefs d'État lors du Sommet. Le rapport complet du Groupe de haut niveau se trouve à (http://www.un.org/secureworld).
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