Chronique ONU




DÉMOCRATIE ET ÉCONOMIE DE MARCHÉ
La transparence, la responsabilité et la participation sont essentielles
Par Juliana Ribeiro

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L'article
Avec l'aide du HCR et de ses organismes spécialisés, nombre de réfugiés peuvent obtenir des prêts pour démarrer de petites entreprises. Cette femme élève des porcs pour gagner sa vie. Photo HCR photo/L. Taylor
Le débat sur l'interaction entre l'économie de marché et la démocratie, et l'influence que la première exerce sur la seconde, ont fait apparition dans bon nombre de réunions internationales. C'est en effet un vaste sujet qui comprend les relations entre la bonne gouvernance, la gouvernance des entreprises et le processus d'une mondialisation équitable. Et, dans le cadre de ce débat, il faudrait examiner le rôle que les gouvernements, les entreprises, les organisations internationales et la société civile ont à jouer.

Même s'il n'y pas de corrélation prouvée entre démocratie et économie de marché, de nombreux économistes du développement considèrent que la transparence, la responsabilité et la participation dans la prise de décision politique auront un effet direct sur le développement d'un marché équitable. La prise de décision transparente et participative est également une contribution importante au climat d'investissement d'un pays.

Selon le sondage Executive Opinion Survey, réalisé auprès d'entreprises multinationales lors du Forum économique mondial en 2004, les diverses structures de la gouvernance, ainsi que la corruption et la bureaucratie, étaient considérées comme étant les plus contraignantes pour l'investissement. Il faut toutefois garder à l'esprit que la croissance économique n'est pas nécessairement liée à l'amélioration du niveau de vie. Selon Daniel Kaufmann, directeur de Global Gouvernance à la Banque mondiale, les réformes institutionnelles et économiques doivent être entreprises en promouvant des approches participatives.

Une bonne gouvernance peut jouer un rôle dans les décisions d'investissement prises par les entreprises mais, pour celles-ci, la disponibilité des ressources nationales stratégiques est ce qui importe le plus. Ceci dit, une politique transparente, participative et responsable peut être un avantage supplémentaire. Le secteur privé représente une force motrice puissante qui sous-tend la bonne gouvernance s'il prend au sérieux la gouvernance d'entreprise. Ce concept a pris de l'ampleur lorsque l'économie mondiale est devenue une économie de marché, au lieu d'être centralisée comme c'était le cas durant la guerre froide, et a été de plus en plus liée aux entreprises lorsque leurs organisateurs et les investisseurs ont vu le lien entre une gouvernance d'entreprise saine et la réduction des risques liés aux investissements. De plus, la crise asiatique, qui a eu lieu à la fin des années 1990 et touché de nombreux pays dans le monde, a souligné l'importance de renforcer la réforme de la gouvernance dans l'architecture financière mondiale. Et ce débat a été inscrit dans des limites légales, posant le défi de définir les pratiques jugées mauvaises.

Le problème de la corruption, par exemple, comporte des zones d'ombre. Selon M. Kaufmann, cela est dû au fait que le débat est centré sur les formes illégales de corruption dans le secteur public. Dans le Rapport 2004/2005 sur la concurrence mondiale de la Banque mondiale, il met en garde que « la réalité de la corruption est double : premièrement, elle implique le plus souvent un affrontement entre au moins deux parties, généralement le secteur privé et le secteur public; deuxièmement, dans les pays où les règles, les lois et les institutions ont été établies, du moins en partie, pour servir certains intérêts, certaines formes de corruption peuvent être légales ». Cette même étude montre que les entreprises implantées dans les pays en développement, souvent caractérisées par un environnement de bonne gouvernance, ont tendance à avoir recours à l'étranger à des formes de corruption telles que les pots-de-vin. Le contexte national institutionnel du pays d'accueil influence donc le niveau de gouvernance d'entreprise. En outre, de telles pratiques peuvent créer un cercle vicieux, entravant la gouvernance nationale.

Comme pour la gouvernance d'entreprise, les mécanismes de la mondialisation sont aussi au centre du débat sur la bonne gouvernance. Amartya Sen, professeur titulaire de la chaire Lamont University à Harvard University et lauréat du prix Nobel d'économie en 1998, n'a cessé de dire que même si l'économie de marché n'est pas nécessairement une pratique à propager, la mondialisation des marchés seule n'est pas suffisante, les marchés faisant la sourde oreille aux appels des pauvres. Il faut opérer un changement pour que la mondialisation soit plus transparente, plus responsable et plus inclusive. Les modifications pourraient concerner les politiques mondiales, évaluer la pertinence des arrangements institutionnels mondiaux et des accords commerciaux, le transfert de la technologie, la distribution des ressources naturelles et la question de la dette accumulée. À cet égard, les organisations internationales ont un immense rôle à jouer.

Lors d'une présentation des recommandations préliminaires proposées par le projet du Millénaire pour la mise en ouvre des Objectifs du Millénaire pour le développement de l'ONU, l'économiste américain Jeffrey Sachs, qui a lancé l'initiative, a mis en garde que même si certains pays en développement « ont réussi le test » de bonne gouvernance, l'aide internationale était insuffisante. Selon lui, l'aide devrait être calculée en fonction des besoins des pays en développement et non sur les capacités des pays donateurs, ajoutant que le problème concernait non seulement les barrières commer-ciales mais le manque d'infrastructure dans les pays pauvres, ce qui a diminué leur compétitivité. Comme le suggérait M. Sen, des efforts centrés sur le microcrédit et l'éducation pourraient permettre de répondre à ces problèmes.

Le microcrédit et la microfinance ont été reconnus par la communauté internationale comme un moyen efficace pour sortir un grand nombre de personnes de la pauvreté. Mais il ne faut pas oublier que ces deux mécanismes donnent les meilleurs résultats dans certaines situations et devraient donc être proposés dans le cadre d'une stratégie et non être considérés comme une solution. Leur impact peut être mesuré à divers niveaux, tels que l'amélioration des revenus, l'infrastructure locale, l'emploi, les dépenses des ménages et le niveau de vulnérabilité aux crises économiques et sociales. En outre, le microcrédit et la micro-finance sont des mesures qui permettent d'instaurer la confiance et qui présentent des opportunités réelles pour les femmes, trop souvent laissées pour compte dans bon nombre de sociétés.

Selon le rapport du Secrétaire général de l'ONU, présenté en septembre 2004 à l'Assemblée générale, l'épargne des femmes par la microfinance constitue souvent un pouvoir économique important qui peut changer les attitudes et les pratiques, et contribue aussi à créer ou à relancer l'économie au niveau de la communauté, passant d'une économie de subsistance à une économie de marché. Enfin, le microcrédit et la microfinance favorisent les dépenses en éducation, le développement du capital humain, ce qui a également des conséquences sur la productivité des pays. C'est une dimension importante qui contribue non seulement au climat d'investissement d'un pays mais également à la formation d'une société civile responsable. D'ailleurs, selon M. Sen et James D. Wolfensohn, président de la Banque mondiale, les débats publics peuvent jouer un rôle important pour instaurer les valeurs démocratiques. « À cet égard, l'ouverture associée à la démocratie fait partie de la solution face au déficit des valeurs qui constitue un obstacle à l'efficacité des marchés », a commenté M. Sen, soulignant qu'il était important que les relations entre les nations soient perçues de la même façon que les relations entre les citoyens.

L'inégalité dans le monde n'est pas seulement une question de gouvernance mondiale mais aussi une question qui relève du débat public, et c'est là où la société civile intervient. Elle peut en effet promouvoir la participation et faire pression sur les gouvernements pour que le processus de prise de décision soit plus responsable et plus transparent.
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